31 janvier 2009

Angels in America (Mike Nichols, 2004)


Angels in America, un téléfilm de 6 heures réalisé par Mike Nichols, a raflé en 2004 le record de 11 trophées à la cérémonie des Emmy Awards (record précédemment détenu par Racines en 1977 avec 9 trophées). Etait-ce vraiment mérité ?

Ce téléfilm HBO d'un budget colossal de 60 millions de $, tiré de la pièce de théâtre homonyme de Tony Kushner (qui avait reçu le Prix Pulitzer et le principal Tony Award en 1993), raconte les conséquences personnelles et collectives du SIDA dans le parcours de plusieurs américain(e)s de la seconde moitié des années 1980. C'est aussi et surtout un manifeste politique gay et une oeuvre américaine archétypique (faite par et pour les américains).

Le téléfilm (mais compte-tenu de son budget, de son ambition, de ses acteurs et de son réalisateur, on peut le considérer comme un film à part entière) est constitué de deux parties de 3 heures chacune : "Le Millénaire Approche" et "Perestroïka". Le casting, étincelant, est mené par Al Pacino (over the top en avocat à succès homophobe qui se meurt du SIDA), Meryl Streep (trois rôles à elle-seule, dont ceux de la mère mormonne d'un gay mal dans sa peau et... d'un rabbin), Emma Thompson (trois rôles, dont celui d'un Ange hystérique). Streep et Pacino ont remporté un Emmy. Deux révélations : Patrick Wilson (un mormon dans le placard) et Jeffrey Wright (un infirmier flamboyant). Le réalisateur Mike Nichols (Qui a Peur de Virginia Woolf, Catch-22, Le Lauréat) a aussi reçu un Emmy.

Angels in America (Emmy du meilleur Téléfilm), dont le scénario a été écrit par Tony Kushner lui-même (un Emmy aussi), mélange tous les genres : c'est un drame, un mélodrame, un film fantastique, un pamphlet politique, un manifeste social, sexuel, culturel et religieux, une fable, un conte de fées (ou de sorcières)... La dizaine de personnages principaux (des gays principalement et quelques femmes périphériques) se croisent, se perdent, se recroisent, vivent, meurent ou survivent. Au début, les méandres du film peuvent faire craindre un fourre-tout de la pire espèce. Il faut avouer que c'est un peu ça. La structure du scénario, tiré d'une pièce très bavarde, est d'une impressionnante complexité : la fin du film essaye de raccorder ensemble toutes les pièces du puzzle sans y parvenir complètement. Beaucoup d'effets spéciaux (plus ou moins réussis) et de très nombreux clins d'oeil à l'histoire du cinéma (notamment les "women's pictures" de Davis et Crawford et au Musical) en font une expérience visuelle assez étonnante. Hommage probable à la France, les références à Jean Cocteau sont très présentes.

Evidemment, Angels in America sera loin de plaire à tout le monde, notamment en France où ce genre de méli-mélo n'a jamais été apprécié (on pourra aussi lui reprocher sa démesure baroque, l'utilisation abusive de la musique, les métamorphoses de Meryl Streep, l'outrance d'Emma Thompson en Ange...). Il y a aussi un écueil, assassin : le texte foisonnant qui devient vite épuisant et qui tient assez souvent l'émotion du sujet à distance. La toute dernière scène, elle, est vraiment bouleversante, mais comment pourrait-il en être autrement ?

Malgré ses quelques défauts, il faut saluer le projet fou d'Angels in America. Produite par la chaîne HBO (Six Feet Under, Les Sopranos, Sex & the City...), voilà une oeuvre télévisuelle audacieuse dans son thème et sa forme qui n'a rien à envier aux films à thèse du grand écran. Une fresque puissante, baroque et littéraire qui part de l'histoire de quelques individus pour dresser un portrait de la résilience de l'Humanité.

2 commentaires:

  1. Bonjour, je n'ai pas vu le film (téléfilm), mais j'ai eu l'occasion de voir l'adaptation théâtrale en banlieue parisienne, il y a une dizaine d'année : c'était absolument sensationnel. Le texte est intelligent et dans l'air du temps. Il n'y a pas d'équivalent français pour trouver un texte de cette force.

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  2. Merci pour votre commentaire. Vous avez donc vu la pièce originale puisque c'est une pièce de théâtre dont il s'agit à l'origine. J'imagine bien en effet que le texte si foisonnant est idéalement adapté à la scène. A l'écran, le texte conjugué à l'image peut devenir un peu étouffant. J'aurais beaucoup aimé voir Angels in America au théâtre.

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