18 août 2010

Prodigal sons (Kimberly Reed, 2008)


Je ne sais pas si vous avez entendu parler de ce documentaire : Prodigal sons. C’est dans l’excellent blog américain "Jew Eat Yet" ? que je l’avais vu mentionné il y a près de deux ans déjà et depuis, j’avais essayé de le dénicher sans succès. Un triomphe dans la plupart des festivals dans lesquels il est passé (quelques critiques assassines aussi, ça va toujours avec), un site web dédié (http://www.prodigalsonsfilm.com/), l’énergie de sa communicante réalisatrice et un buzz continuel dans le webspace du cinéma alternatif m’avaient vraiment aiguisé l’intérêt. Sorti en DVD aux Etats-Unis fin juillet dernier, j’ai enfin pu le voir et l’expérience a répondu à mes attentes. Et au-delà.

Prodigal sons est un documentaire de 86 minutes sur un sujet des plus banals qui soit quand on a une caméra à la main et une occasion de se retrouver en famille : le portrait de cette famille justement, avec ce que cela peut présager d’originalités mais aussi, en même temps, de lieux communs. Toutes les familles ont des polichinelles dans le placard.

Le film de Kimberly Reed, tout en restant dans les codes structurels bien calibrés du reportage familial, les fait pourtant exploser par les invraisemblables (et pourtant vraies) personnalités et identités des quelques personnages auquel il s’attache et par ses brusques changements de cap. Comme l’a remarqué très justement la critique de "Time Out New York", Prodigal sons est un film doté de twists outranciers dignes d’un mélodrame d’Almodovar. Seulement Almodovar est dans la fiction, Reed dans la réalité. Et en voyant le film, on doit presque se pincer pour y croire.

Attention, les paragraphes ci-dessous déflorent les révélations de Prodigal sons. Il n’est tout simplement pas possible de parler du film sans les évoquer. Pour celles et ceux (et les autres) qui souhaitent garder intact la stupeur de la découverte, commandez et regardez le film d’abord. Vous reviendrez à cet article par la suite. Vous aurez été prévenus.

La réalisatrice Kimberly Reed (née en 1967)

En 2008, la réalisatrice américaine Kimberly Reed retourne pour la première fois depuis dix ans dans la ville où elle a grandi, Helena (dans le Montana), pour participer à la réunion des vingt ans des anciens élèves de sa High School et pour rendre visite à sa mère. Elle a demandé à ses deux frères d’y être aussi en leur annonçant qu’elle envisageait de réaliser un film à l’occasion de leurs retrouvailles. Dans la voiture qui s’approche d’Helena, Kimberly semble quelque peu angoissée à l’idée de ce qui l’attend.

D’abord parce que ses anciens amis de collège ne connaissent pas du tout Kimberly Reed : ils n’ont que le souvenir de Paul McKerrow, le quaterback star de l’équipe de football américain de leur lycée au milieu des années 80. Ils ont bien sûr entendu parler de sa « transition » mais ont du mal à imaginer leur ex-athlète au féminin. Car Kimberly Reed est transsexuelle : Paul McKerrow a quitté le Montana après la fin de ses études secondaires pour effectuer sa transition et commencer sa nouvelle vie à San Francisco, puis à New York où elle réside et travaille depuis plus de dix ans. Malgré ses craintes, la réunion des anciens élèves se passe parfaitement bien et Kimberly répond aux questions des uns et des autres qui semblent sincèrement heureux de la retrouver sous sa nouvelle identité. Son meilleur ami de l’époque se rappelle avec humour leurs sorties entre potes et son ancienne girlfriend la regarde avec tendresse, seulement interloquée que Kimberly soit venue à la réunion accompagnée de sa partenaire, Claire : elle lui demande (question légitime et abyssale) pourquoi elle est devenue femme si c’est pour être lesbienne ?

Kimberly revient sur le terrain de foot de son lycée et nous pose la question terrible : peut-on revenir vers ce (ceux) qu'on a quitté(s) ?

Kimberly est aussi angoissée, parce qu’elle va retrouver Marc, son frère aîné, et que leurs relations n’ont jamais été très bonnes. Marc est le premier enfant de la famille, un enfant adopté. Kimberly (Paul à l’époque) est née juste un an après l’arrivée de Marc et celui-ci a toujours considéré son cadet comme un rival pour l’amour de leurs parents : leurs relations de jeunesse en ont toujours pâti. Et surtout, à 21 ans, Marc a été victime d’un grave accident de voiture dont les séquelles ont nécessité une chirurgie au cerveau : souffrant d’instabilité psychique, il est proie à de brusques accès de violence et de pertes de mémoire qui sont partiellement traités par une impressionnante pharmacopée. Kimberly appréhende leurs retrouvailles qui, en effet, vont se révéler conflictuelles puisque Marc se plaît à revivre mentalement son passé « normal » d’avant son accident alors que Kimberly, elle, ne veut plus entendre parler de cette époque où elle se sentait mal dans son corps de garçon. Leur frère cadet, Todd, né un an après Paul (Kimberly) et qui est aussi aux retrouvailles, reste à distance des tensions entre son frère et sa sœur : il a choisi depuis longtemps de vivre son homosexualité tranquille à San Diego. Trois autres femmes sont présentes dans le film : la mère, l’amie de Kimberly et la femme de Marc. Elles sont les témoins actifs des événements qui vont se précipiter.


Kim (Paul) à gauche, Marc à droite et leurs parents à la fin des Sixties


Les scènes familiales se suivent, ponctuées par des crises de violence physique et verbale, des excuses et des pleurs. Des péripéties amplifiées par un stupéfiant coup de théâtre. Marc veut savoir depuis des années qui sont ses parents biologiques et Kimberly l’aide dans ses recherches, espérant que le fait de connaître la réponse lui procurera un peu de sérénité. La surprise est totale lorsque la famille apprend que Marc est en fait le petit-fils... d’Orson Welles et de Rita Hayworth (le fils de leur fille Rebecca). Ce même Marc qui avait été adopté, bébé, par les McKerrow après que sa mère Rebecca Welles l'ait abandonné. Kimberly décide alors de contacter Oja Kodar, la dernière compagne et la muse d’Orson Welles, qui vit maintenant en Croatie où elle les invite à venir la rencontrer. La rencontre est chaleureuse et émouvante (Oja Kodar pleure d’émotion en donnant à Marc des vêtements et souvenirs de son grand-père) et un réalisateur qui est sur place pour faire un documentaire sur Welles en profite pour interviewer Marc, le petit-fils tout juste retrouvé du génial cinéaste. Mais Marc blesse (inconsciemment ?) sa soeur en montrant à Oja et au réalisateur plein de photos de son enfance où apparaît partout Kimberly sous l’identité qu’elle veut effacer : Paul. Le retour aux Etats-Unis se fait dans la rancœur entre le frère et la sœur.

Orson Welles, Rita Hayworth et leur fille Rebecca en 1944
Marc est le fils de Rebecca


La seconde partie du documentaire s’attache plus au personnage de Marc, éclairé par son identité biologique nouvellement retrouvée. L’émotion et le stress de l’épisode croatien a provoqué chez lui une aggravation de son état psychique et les actes de violence se multiplient, jusqu’à une tentative d’étranglement de son frère Todd et une menace au couteau contre toute la famille rassemblée lors du réveillon de Noël. La police, appelée par sa mère, le fait mettre en prison où Kimberly va le visiter. Quelque temps plus tard, il est placé sous soins psychiatriques en maison de repos. Kimberly a décidé de prolonger son séjour dans le Montana et à chacune de ses visites à son frère, la caméra tourne et le film se construit. Dans les dernières scènes, lorsque Kimberly repart pour New-York, on comprend que l’avenir n’est pas bien engagé pour Marc et que l’hôpital psychiatrique risque de devenir sa résidence permanente. Les retrouvailles familiales prévues ont donc eu lieu mais la famille, au lieu d’être réunie, s’en est retrouvée irrémédiablement fracturée.

Marc, sa mère adoptive et sa soeur Kimberly

Voilà en quelques paragraphes le sujet de Prodigal sons, un documentaire qui réserve un nombre étonnant de surprises, de scènes et des thèmes d’une force peu commune. J’ai été complètement captivé par l’histoire (comment ne pas l'être ?) et bouleversé par la puissance des émotions qui s’en dégagent ainsi que par les personnalités de ses principaux protagonistes. Kimberly Reed, en prenant sa caméra pour aller filmer sa ville d’enfance et sa famille, a pris un sacré risque. Et c’est ce qui ajoute à la richesse et à la tension de ce documentaire hors-norme. Mais c’est aussi quelque chose qui me gêne, non pas dans la forme du film, mais dans son éthique.

En allant confronter son frère Marc et en lui faisant subir le stress d’un tournage (sans compter celui de la révélation de son illustre lignée), Kimberly joue avec le feu. Marc est malade psychiatriquement et le spectateur est témoin d’une bataille féroce basée sur la frustration et dont tous les participants n’ont pas les mêmes cartes en main. Les coups de théâtre successifs viennent pour la plupart des réactions de Marc aux événements qui lui arrivent et aux vieilles rancunes familiales, compliquées par son état instable. La maladie de Marc, si elle est bien le moteur du film, fait considérer celui-ci sous un angle déstabilisant pour le spectateur. Car il peut faire soupçonner Kimberly Reed de manipulation de Marc à des fins sensationelles. Et c’est ce qui me pose problème. C’est Kimberly qui savoure aujourd’hui, après les douleurs d’hier, le triomphe de son film dans les festivals où il est projeté. C’est elle qui est invitée par Oprah Winfrey pour en parler dans son émission en étant vue par des dizaines de millions de spectateurs dans le monde. Kimberly Reed a rencontré le succès avec Prodigal sons et s’est construite son identité de documentariste à succès grâce à son film stupéfiant. Par lui, elle s’assure sa carrière, sa sécurité et son identité tout en ayant tué une bonne fois pour toutes Paul McKerrow, le séduisant quaterback qu’elle était dans sa vie d’avant.


Mais Marc ? Il est mort le 18 juin 2010, un peu moins de deux ans après la première présentation du film au festival de Telluride, après une détérioration rapide de son état. Dans une scène très forte du film (et qui prend rétrospectivement une force supplémentaire), il accuse sa sœur de vouloir qu’il meure pour qu’elle n’ait plus, à chaque fois qu’elle le voit, à devoir affronter son propre passé. L’ombre tragique de Marc plane donc sur Prodigal sons pour qui le découvre aujourd’hui. Et on ne peut s’empêcher d’avoir un pincement au coeur quand on pense à la responsabilité de la cinéaste face à la détresse sur laquelle elle a braqué ses lumières. Marc et Kimberly ont passé une bonne partie de leur vie à s’affronter. Mais qui a eu le dernier mot ?

Kimberly aide Marc à mettre le gilet de son grand-père, Orson Welles
avec lequel il partage une ressemblance frappante

Prodigal sons est un film important, l'un des documentaires les plus extraordinaires - au sens propre du terme - de ces dernières années. Un film d'une profondeur vertigineuse qui s’imprime de façon durable dans la tête de ses spectateurs (en tous cas, il s’est imprimé dans la mienne). Le transsexualisme n’en est pas le sujet, pas plus que le retour, la famille, la folie, l’amour, la haine, Orson Welles ou Rita Hayworth. Tous ces thèmes sont présents dans le film. Mais l'oeil du cyclone de Prodigal sons est peut-être le cinéma lui-même, son pouvoir de fascination, de construction et de destruction. Et au-delà, celui de la responsabilité de l’artiste quand il travaille sur le vivant. Au risque d'obliger ses sujets à regarder le Soleil en face.




Le DVD de Prodigal sons est édité par First Run Features (USA) en Z0. Format 16/9. Pas de sous-titres.

15 août 2010

Heroes of mine : Karen


Karen Black (n. 1939)

Elle, je la regarderais dans n'importe quel navet (et Dieu sait si elle en a fait !). Une carrière aux choix originaux qui dure depuis 45 ans et qui continue à un rythme effréné dans le ciné, la télé, le théâtre, la radio... "Easy Rider" (1969) et "Five Easy Pieces" (1970) en ont tôt fait une figure du cinéma indépendant américain et elle y est formidable mais je l'aime aussi dans "Airport 75" (1974), "Nashville" (1975) ou plus récemment "House of 1000 Corpses" (2003) où elle incarne une plantureuse mamie psychopathe.

Elle n'est jamais aussi bonne que quand elle est en situation de péril (et c'est encore mieux quand elle est en situation de péril ridicule), comme dans l'épisode de "Trilogy of Terror" (1975) où elle est attaquée par une poupée vaudoue meurtrière : sa coquetterie dans le regard rend ses expressions d'effroi absolument irrésistibles.

Américaine à 100% (c'est une fille de l'Illinois) dans son look et ses attitudes et dotée d'une présence inouïe à chacune de ses apparitions à l'écran, Karen Black est un genre à elle toute seule et j'aime ça. Y a-t-il seulement une autre actrice qui louche aussi sexy ?

dans "Five Easy Pieces (1970)

dans "House of 1000 Corpses" (2003)

8 août 2010

Bronze stars in L.A.


Hollywood a la mémoire courte quand il s'agit d'honorer celles et ceux qui ont fait son succès et sa fortune. On pourrait croire qu'en naviguant dans la cité du cinéma qu'est Los Angeles, on aurait des chances de tomber de temps en temps, à une intersection de boulevards ou dans un parc public, sur une statue d'un acteur, réalisateur ou producteur ayant participé à la fabrication du mythe. Je ne parle pas des produits marketing que sont les empreintes de mains et de pieds du Grauman's Chinese Theater ni des étoiles de trottoir du Hollywood Boulevard mais bien des statues, seuls monuments urbains vénérables du culte de la personnalité. On pourrait croire...

Et pourtant. Actuellement, il n'y a à Los Angeles qu'une poignée de ces monuments commémoratifs. En me promenant, j'en ai rencontré trois sur mon chemin (Dean dans un site très connu et visité, les deux Valentino par hasard). En faisant une petite recherche, j'ai pu découvrir qu'il y en avait quelques autres éparpillés ici et là dans les tentacules de la ville. Voilà ceux que j'ai pu retrouver.

Les deux statues de Rudolph Valentino au DeLongpre Park

Rudolph Valentino (1895-1926) est un cas puisqu'il a non pas une mais deux statues à sa mémoire. Et, bizarrement, toutes les deux au même endroit : dans le petit DeLongpre Park, repaire assez mal famé des homeless people et drifters à quelques blocs du piège à touristes qu'est devenu Hollywood Boulevard autour du Grauman's Chinese. Un parc qui est donc, par état de fait, le principal lieu d'hommage à Valentino à Hollywood.

La première statue a été offerte à la communauté d'Hollywood en 1930 grâce aux dons des fans éplorés collectés par l'actrice Dolores del Rio, quatre ans après la mort prématurée et traumatisante de l'acteur. C'est un monument à la mémoire de Valentino et non un portrait de lui. Titrée "Inspiration", l'oeuvre symbolise le génie de l'inspiration en position de plongée et au visage dirigé vers les cieux, prêt à faire le grand saut dans l'Olympe des superstars. Réalisée par le sculpteur Roger Noble Burnham dans un style très Art Déco, la statue à la base inscrite est dans à son emplacement depuis 80 ans. Elle fut en son temps la toute première statue commémorant un acteur placée dans la ville. Récemment restaurée après plusieurs décennies d'incurie et de dégradations, elle a retrouvé tout son lustre et son charme de la fin des Twenties.



La seconde statue de DeLongre Park est une tête de bronze, le portrait de Valentino commandé par un de ses fans au sculpteur contemporain Richard H. Ellis et placé là sur un piédestal en 1979, à quelques mètres de la première. C'est à ce jour l'un des deux seuls portraits de tête sculptés d'un acteur qu'on peut trouver en plein-air sur l'ensemble du territoire de Los Angeles (avec celui de Dean ci-dessous). Le visage m'a semblé plus ressemblant de profil que de face mais l'oeuvre est, dans son genre très codifié, assez réussie. En lui prêtant le temps d'une photo mes lunettes de soleil et ma casquette, je me suis rendu compte que Rudolph Valentino aurait encore pas mal de charme et d'attitude aujourd'hui, 84 ans après sa disparition.






La statue de James Dean devant le Griffith Observatory


Dominant tout Los Angeles, le Griffith Observatory offre des vues fabuleuses sur la ville au coucher du soleil. C'est bien sûr là qu'a été tournée (entre autres) en 1954 une scène célèbre de "Rebel without a cause / La fureur de vivre" de Nicholas Ray avec James Dean, Natalie Wood et Sal Mineo. L'administration du Griffith Observatory Park a donc décidé en 1988 de placer devant l'entrée du bâtiment un portrait de Dean en mémoire de l'acteur et du film.

Ce buste de James Dean (1931-1955) est la copie en bronze d'un portrait que Dean lui-même avait commandé au sculpteur Kenneth Kendall en 1955, quelques semaines avant sa mort, et qu'il n'avait donc jamais vu achevé. Le buste original ornait la tombe de l'acteur à Fairmount, Indiana, mais il a été volé il y a longtemps et n'a jamais refait surface.

Ce portrait du Griffith Observatory est celui placé le plus en altitude de tout Los Angeles, on peut donc dire que James Dean, domine encore, à sa façon, la ville des anges. Les touristes et promeneurs ne s'y trompent pas, qui se font photographier à ses côtés, avec en fond, au loin sur les collines, les neuf lettres du "Hollywood Sign".



La statue de Myrna Loy à l'entrée de la Venice High School


Celle-là est plus étonnante. En 1921, Myrna Williams (la future Myrna Loy) était une lycéenne de 16 ans à la Venice High School. Le sculpteur Harry Winebrenner, qui y avait fait une partie de ses classes et y enseignait les beaux-arts, voulait offrir à l'établissement une oeuvre originale pour inspirer les élèves à l'étude. La jeune Myrna fut choisie par l'artiste pour poser pour la figure sommitale du groupe sculpté "Inspiration", allégorie très années 20 de l'éducation intellectuelle (une jeune fille lisant) et physique (un jeune athlète). Myrna, elle, était l'allégorie de l'Inspiration qui surplombait le groupe.

Le groupe d'origine en béton, inauguré en 1922 et très dégradé par les années, fut retiré en 2000. En avril 2010, une nouvelle statue en bronze de Myrna (par le sculpteur Ernest Shelton), d'un lyrisme flamboyant, fut dévoilée. Payée par une association de riches anciens élèves, elle trône maintenant à l'entrée de Venice High, même si la plupart des élèves n'ont sans doute jamais entendu parler de Myrna Loy (1905-1993), star des années 1930-1940.

Cette statue a donc une histoire originale puisqu'à ses débuts, il s'agit d'une oeuvre allégorique utilisant une jeune étudiante encore inconnue comme modèle et qu'aujourd'hui, c'est une statue qui rend volontairement hommage à la plus célèbre ancienne de l'école. Au fait, si vous passez par là, vous reconnaîtrez peut-être le bâtiment : c'est la Venice High School qui a servi pour le tournage de "Grease" (on peut d'ailleurs apercevoir dans le film la première statue de Myrna Williams/Loy).

Myrna Loy aujourd'hui (ci-dessus) et hier (ci-dessous)



Les deux statues de John Wayne à Beverly Hills et à l'Orange County Airport

John Wayne (1907-1979) a lui aussi, comme Valentino, droit à deux statues à Los Angeles. La première fut commandée puis inaugurée en 1979, juste après la mort de l'acteur, devant le building de la Great Western Bank à Beverly Hills, à l'angle de Wilshire Boulevard et de Hamilton Drive. Wayne avait été dans ses vieux jours un visage de la banque pour des campagnes publicitaires et les dirigeants avaient voulu lui rendre hommage avec une statue immortalisant le grand homme. C'est une statue monumentale de John Wayne à cheval, dans une pose archétypique des innombrables westerns qui ont fait sa gloire. Il faut savoir que c'est John Wayne (en observant son visage) quand on se promène dans le coin car ce ne sont pas les statues d'hommes à cheval qui manquent dans les villes de l'Ouest américain et on peut donc passer devant sans remarquer le célèbre modèle.


Pour la petite histoire, la Great Western Bank a vendu son bâtiment depuis et en 1984, celui-ci est devenu la propriété et le siège social des Entreprises Larry Flynt (le roi historique de la pornographie commerciale américaine). John Wayne, qui était un républicain conservateur convaincu, n'aurait sans doute pas du tout apprécié la situation. On peut penser que la présence de la statue de Wayne devant l'immeuble qui abrite son empire doit en revanche bien amuser ce provocateur de Flynt. D'ailleurs, le très conservateur Orange County (conté de Los Angeles où habitait Wayne) fait des pieds et des mains depuis des années pour récupérer la statue et mettre fin à cet affront moral fait à John Wayne.

Orange County possède pourtant déjà sa propre statue de John Wayne : il s'agit de celle qui a été placée en 1982 devant l'entrée de l'aéroport du conté, l'ex-Orange County Airport qui fut rebaptisé John Wayne Airport en 1974, du vivant de la star, son citoyen le plus illustre. La sculpture, par Robert Summers, est un portrait en pied saisissant de réalisme du Duke dans une de ses iconiques tenues d'écran, prêt à dégainer. Dans son genre, c'est une sorte de chef-d'oeuvre.



Lucille Ball devant l'Academy of Television Arts & Science

En 1990, le sculpteur Ernest Shelton (celui-là même qui a fait la nouvelle statue de Myrna Loy de la Venice High), reçut la commande d'une statue d'une des personnalités préférées des spectateurs/téléspectateurs américains : Lucille Ball (1911-1989). La statue devait décorer la place d'entrée du nouveau bâtiment de l'Academie de la Télévision sur Lankershim Boulevard. Elle y fut installée en 1991 et commémore, dans une pose extrêmement maniérée, l'une des premières actrices à avoir fait avec succès le crossover entre le monde du cinéma et celui de la télévision dans l'histoire d'Hollywood.



Et voilà, pour le moment je crois que c'est tout : seulement 7 statues de 5 personnalités du cinéma ornent aujourd'hui les espaces urbains, rues ou parcs de Los Angeles. Soit 3 acteurs (Valentino, Dean, Wayne) et 2 actrices (Loy, Ball). Il y en a sans aucun doute d'autres dans des bâtiments mais il sont plus difficilement accessibles au public. Il semble cependant qu'Hollywood commence à comprendre le patrimoine dont il est le dépositaire. D'autres projets sont en cours et dans les années qui viennent, peut-être que les statues de professionnels de l'Age d'Or du cinéma américain pousseront dans la ville comme les anges peints sur les murs des églises italiennes. Que sera, sera...

PS : Notre lectrice Valentine Deluxe nous apprend (cf. commentaires) qu'un autre monument dédié à des actrices existe aussi à Los Angeles, à l'angle des boulevards Hollywood et La Brea. J'ajoute donc le petit paragraphe suivant.

Mae West, Dolores del Rio, Dorothy Dandridge, Anna Mae Wong et Marilyn Monroe à l'angle Hollywood / La Brea

Réalisé par Catherine Hardwicke (design) et Karl West (sculptures), ce kiosque qui marque le début du célèbre "Hollywood Walk of Fame" (les étoiles des stars sur les trottoirs) a été installé là en 1993. Quatre actrices aux quatre vents (la blanche, la rouge, la noire, la jaune) mais toutes argentées, soutiennent une sorte de dais d'entrée au Walk of Fame. Une toute petite Marilyn Monroe surmonte le tout, dans sa pose "jupe en l'air". Le monument, kitsch en diable, mais dans le mauvais sens du terme, a été qualifié d'exemple de "bad art" par la presse locale à l'époque de son inauguration. Et toc !

3 août 2010

Films vus par moi(s), août 2010


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

La naissance, la vie et la mort du Christ (Alice Guy, 1906) **
Une superproduction en 35 minutes par la pionnière française du cinéma composée de 25 tableaux vivants avec une figuration et des décors imposants, une bonne dose de naïveté et sans doute l'impression, pour le public d'alors, de voir comme s'animer des tableaux sulpiciens. Historiquement, c'est passionnant. DVD

The miracle woman (Frank Capra, 1931) ***
Stanwyck, au début de sa carrière, étincelle (sa première scène est époustouflante) dans cette histoire d'une évangéliste manipulée qui découvre l'amour et entre en repentance. Le scénario réserve de belles idées (l'aveugle ventriloque) et la réalisation assurée de Capra fait le reste. Un excellent film. DVD

Chris & Don (Guido Santi & Tina Mascara, 2007) ***
L'écrivain Christopher Isherwood a rencontré le teenager Don Bachardy sur la plage de Santa Monica en 1953. Ils avaient trente ans de différence. Ils ont vécu ensemble jusqu'à la mort d'Isherwood en 1986. Le documentaire, centré sur le témoignage de Don, raconte leur étonnante histoire d'amour. DVD

Le sauveur (Michel Mardore, 1970) **
Les yeux reptiliens de Buchholz sont parfaits pour évoquer l'irruption du Démon dans la campagne française ensoleillé de 1943. Une fable cruelle (mais un peu trop influencée par le Nouveau Roman) sur la destruction de l'innocence. La nature est splendidement filmée et la jeune Catala est une révélation. DVD

Napoléon (Abel Gance, 1927) ***
Dans sa restauration de 5h15 par Brownlow et avec le score de Davis, "Napoléon" est bien le monument qu'on dit : une suite ininterrompue de morceaux de bravoure d'un souffle épique et d'une virtuosité technique époustouflants avec, en plus, une bonne dose d'humour. Sublime. VHS

Psycho / Psychose (Alfred Hitchcock, 1960) ***
Il n'y a que la scène des explications du psychiatre à la fin qui pourrait jeter une toute petite ombre sur la perfection thématique et formelle de ce chef-d'oeuvre indémodable, un concentré de cinéma. A chaque révision, je redécouvre une merveille : cette fois-ci, le jeu génial de Perkins. DVD

The last of the Mohicans / Le dernier des Mohicans (George B. Seitz, 1936) **
Le début semble figé et les paysages californiens ne ressemblent en rien à ceux des Grands Lacs mais dès que l'action s'engage (avec la musique de "King Kong"), le film décolle splendidement. Scott est un très bon Hawkeye mais c'est Barnes, dans le rôle d'Alice, qui domine l'ensemble. VHS

Shutter Island (Martin Scorsese, 2010) 0
Un navet, un beau, un gros de la part de Scorsese qui commence à les entasser. Des effets de mise en scène indignes, des acteurs outranciers, quelques CGI criards et une histoire interminable sur la folie qui ne tient que par son twist final puis fait pschitt. J'en ai vu au moins 1h en accéléré. DVD

The day of the Triffids / La révolte des Triffides (Steve Sekely, 1963) **
Des plantes extraterrestres croissent, bougent et tuent : une adaptation anglaise bien ficelée du roman de Wyndham qui offre des ressemblances avec "The war of the worlds" et "The birds". Malgré les limites visibles du budget, plusieurs scènes réussissent à distiller un climat d'angoisse. VHS

Wassup rockers (Larry Clark, 2005) **
Si la première partie est bien un film typique de Clark avec ce regard intime et distant à la fois sur les rituels d'ados (ici, des skateurs latinos de L.A.), la seconde change d'esprit en panachant comédie et drame lors de leur périple à Beverly Hills. Un film plus léger que les autres du réalisateur. DVD

Prodigal sons (Kimberly Reed, 2008) ***
Tour à tour intriguant, touchant, drôle, stupéfiant, violent, tragique et un peu roublard, ce documentaire sur une transexuelle (la réalisatrice) qui revient dans sa famille après 10 ans d'absence réserve (vraiment) d'incroyables coups de théâtre. Un film dérangeant d'une rare complexité éthique. DVD

Chang (Merian C. Cooper & Ernest B. Schoedsack, 1927) ***
Un film d'aventures muet dans la jungle du Siam par les futurs créateurs de King Kong. C'est excitant et amusant, notamment grâce à une science du montage qui rythme l'histoire (une famille aux prises avec les bêtes sauvages) sans aucun temps mort. Une formidable découverte. DVD

Terminator Salvation / Terminator Renaissance (McG, 2009) 0
Des explosions, encore des explosions, toujours des explosions. Une suite hyperactive et archiassomante des "Terminator" d'antan. Bale fait le minimum syndical, les autres ce qu'ils peuvent. Un film CGI aussi oubliable que le pseudo à la noix de son réalisateur énervé. Badaboum ! DVD

Elizabeth : The Golden Age / Elizabeth : L'Age d'Or (Shekhar Kapur, 2007) *
Le premier volet ("Elizabeth", 1998) était plus original que cette suite aux airs de coproduction internationale trop léchée. Même l'incomparable Blanchett ne semble pas trop croire à son Elizabeth I actualisée et l'Armada digitale peine à convaincre. Mais bon, on ne s'ennuie pas. DVD

That Hamilton woman / Lady Hamilton (Alexander Korda, 1941) ***
Le film préféré de Churchill est un exemple magnifique de fusion romantisme/histoire/propagande (avec une symétrie Napoléon/Hitler). Du couple Leigh/Olivier, c'est elle qui étincelle, par sa beauté bien sûr, mais aussi par son jeu. Une oeuvre fascinante aux résonances multiples. DVD

S.O.B. (Blake Edwards, 1981) **
Un portrait au vitriol et un poil amer des gens d'Hollywood par une équipe qui fait partie du sérail. Comme tout film d'Edwards, c'est parfois très drôle, parfois très lourd et parfois très plat. Holden, Winters, Preston sont épatants et Andrews y montre ses seins. Iconoclaste, vraiment. DVD

A single man (Tom Ford, 2009) **
L'affèterie des choix formels de Ford (on peut parler d'une œuvre maniérée) m'a empêché d'entrer à fond dans l'histoire de ce prof gay de 1962, dans le deuil de son ami. Pourtant, même avec cette mise à distance esthétique, l'universalité du propos réussit à provoquer une subtile émotion. DVD

The importance of being earnest / L'importance d'être constant (Anthony Asquith, 1952) **
La plus célèbre pièce de Wilde est transposée à l'écran comme il le faut, dans un sommet d'esprit british. Les acteurs sont excellents, les accents impayables et le Technicolor superbe mais peut-être faut-il être british soi-même pour apprécier le texte et le film à leur maximum. DVD

Julie & Julia (Nora Ephron, 2009) **
Malgré le déséquilibre entre les scènes des années 1950 (Julia), très bonnes, et celles des années 2000 (Julie), moyennes, on se laisse prendre à ce petit film sans prétention qui sert sur un plateau d'argent un nouveau rôle de composition à Streep. Le film tient exclusivement par elle. DVD