8 août 2010

Bronze stars in L.A.


Hollywood a la mémoire courte quand il s'agit d'honorer celles et ceux qui ont fait son succès et sa fortune. On pourrait croire qu'en naviguant dans la cité du cinéma qu'est Los Angeles, on aurait des chances de tomber de temps en temps, à une intersection de boulevards ou dans un parc public, sur une statue d'un acteur, réalisateur ou producteur ayant participé à la fabrication du mythe. Je ne parle pas des produits marketing que sont les empreintes de mains et de pieds du Grauman's Chinese Theater ni des étoiles de trottoir du Hollywood Boulevard mais bien des statues, seuls monuments urbains vénérables du culte de la personnalité. On pourrait croire...

Et pourtant. Actuellement, il n'y a à Los Angeles qu'une poignée de ces monuments commémoratifs. En me promenant, j'en ai rencontré trois sur mon chemin (Dean dans un site très connu et visité, les deux Valentino par hasard). En faisant une petite recherche, j'ai pu découvrir qu'il y en avait quelques autres éparpillés ici et là dans les tentacules de la ville. Voilà ceux que j'ai pu retrouver.

Les deux statues de Rudolph Valentino au DeLongpre Park

Rudolph Valentino (1895-1926) est un cas puisqu'il a non pas une mais deux statues à sa mémoire. Et, bizarrement, toutes les deux au même endroit : dans le petit DeLongpre Park, repaire assez mal famé des homeless people et drifters à quelques blocs du piège à touristes qu'est devenu Hollywood Boulevard autour du Grauman's Chinese. Un parc qui est donc, par état de fait, le principal lieu d'hommage à Valentino à Hollywood.

La première statue a été offerte à la communauté d'Hollywood en 1930 grâce aux dons des fans éplorés collectés par l'actrice Dolores del Rio, quatre ans après la mort prématurée et traumatisante de l'acteur. C'est un monument à la mémoire de Valentino et non un portrait de lui. Titrée "Inspiration", l'oeuvre symbolise le génie de l'inspiration en position de plongée et au visage dirigé vers les cieux, prêt à faire le grand saut dans l'Olympe des superstars. Réalisée par le sculpteur Roger Noble Burnham dans un style très Art Déco, la statue à la base inscrite est dans à son emplacement depuis 80 ans. Elle fut en son temps la toute première statue commémorant un acteur placée dans la ville. Récemment restaurée après plusieurs décennies d'incurie et de dégradations, elle a retrouvé tout son lustre et son charme de la fin des Twenties.



La seconde statue de DeLongre Park est une tête de bronze, le portrait de Valentino commandé par un de ses fans au sculpteur contemporain Richard H. Ellis et placé là sur un piédestal en 1979, à quelques mètres de la première. C'est à ce jour l'un des deux seuls portraits de tête sculptés d'un acteur qu'on peut trouver en plein-air sur l'ensemble du territoire de Los Angeles (avec celui de Dean ci-dessous). Le visage m'a semblé plus ressemblant de profil que de face mais l'oeuvre est, dans son genre très codifié, assez réussie. En lui prêtant le temps d'une photo mes lunettes de soleil et ma casquette, je me suis rendu compte que Rudolph Valentino aurait encore pas mal de charme et d'attitude aujourd'hui, 84 ans après sa disparition.






La statue de James Dean devant le Griffith Observatory


Dominant tout Los Angeles, le Griffith Observatory offre des vues fabuleuses sur la ville au coucher du soleil. C'est bien sûr là qu'a été tournée (entre autres) en 1954 une scène célèbre de "Rebel without a cause / La fureur de vivre" de Nicholas Ray avec James Dean, Natalie Wood et Sal Mineo. L'administration du Griffith Observatory Park a donc décidé en 1988 de placer devant l'entrée du bâtiment un portrait de Dean en mémoire de l'acteur et du film.

Ce buste de James Dean (1931-1955) est la copie en bronze d'un portrait que Dean lui-même avait commandé au sculpteur Kenneth Kendall en 1955, quelques semaines avant sa mort, et qu'il n'avait donc jamais vu achevé. Le buste original ornait la tombe de l'acteur à Fairmount, Indiana, mais il a été volé il y a longtemps et n'a jamais refait surface.

Ce portrait du Griffith Observatory est celui placé le plus en altitude de tout Los Angeles, on peut donc dire que James Dean, domine encore, à sa façon, la ville des anges. Les touristes et promeneurs ne s'y trompent pas, qui se font photographier à ses côtés, avec en fond, au loin sur les collines, les neuf lettres du "Hollywood Sign".



La statue de Myrna Loy à l'entrée de la Venice High School


Celle-là est plus étonnante. En 1921, Myrna Williams (la future Myrna Loy) était une lycéenne de 16 ans à la Venice High School. Le sculpteur Harry Winebrenner, qui y avait fait une partie de ses classes et y enseignait les beaux-arts, voulait offrir à l'établissement une oeuvre originale pour inspirer les élèves à l'étude. La jeune Myrna fut choisie par l'artiste pour poser pour la figure sommitale du groupe sculpté "Inspiration", allégorie très années 20 de l'éducation intellectuelle (une jeune fille lisant) et physique (un jeune athlète). Myrna, elle, était l'allégorie de l'Inspiration qui surplombait le groupe.

Le groupe d'origine en béton, inauguré en 1922 et très dégradé par les années, fut retiré en 2000. En avril 2010, une nouvelle statue en bronze de Myrna (par le sculpteur Ernest Shelton), d'un lyrisme flamboyant, fut dévoilée. Payée par une association de riches anciens élèves, elle trône maintenant à l'entrée de Venice High, même si la plupart des élèves n'ont sans doute jamais entendu parler de Myrna Loy (1905-1993), star des années 1930-1940.

Cette statue a donc une histoire originale puisqu'à ses débuts, il s'agit d'une oeuvre allégorique utilisant une jeune étudiante encore inconnue comme modèle et qu'aujourd'hui, c'est une statue qui rend volontairement hommage à la plus célèbre ancienne de l'école. Au fait, si vous passez par là, vous reconnaîtrez peut-être le bâtiment : c'est la Venice High School qui a servi pour le tournage de "Grease" (on peut d'ailleurs apercevoir dans le film la première statue de Myrna Williams/Loy).

Myrna Loy aujourd'hui (ci-dessus) et hier (ci-dessous)



Les deux statues de John Wayne à Beverly Hills et à l'Orange County Airport

John Wayne (1907-1979) a lui aussi, comme Valentino, droit à deux statues à Los Angeles. La première fut commandée puis inaugurée en 1979, juste après la mort de l'acteur, devant le building de la Great Western Bank à Beverly Hills, à l'angle de Wilshire Boulevard et de Hamilton Drive. Wayne avait été dans ses vieux jours un visage de la banque pour des campagnes publicitaires et les dirigeants avaient voulu lui rendre hommage avec une statue immortalisant le grand homme. C'est une statue monumentale de John Wayne à cheval, dans une pose archétypique des innombrables westerns qui ont fait sa gloire. Il faut savoir que c'est John Wayne (en observant son visage) quand on se promène dans le coin car ce ne sont pas les statues d'hommes à cheval qui manquent dans les villes de l'Ouest américain et on peut donc passer devant sans remarquer le célèbre modèle.


Pour la petite histoire, la Great Western Bank a vendu son bâtiment depuis et en 1984, celui-ci est devenu la propriété et le siège social des Entreprises Larry Flynt (le roi historique de la pornographie commerciale américaine). John Wayne, qui était un républicain conservateur convaincu, n'aurait sans doute pas du tout apprécié la situation. On peut penser que la présence de la statue de Wayne devant l'immeuble qui abrite son empire doit en revanche bien amuser ce provocateur de Flynt. D'ailleurs, le très conservateur Orange County (conté de Los Angeles où habitait Wayne) fait des pieds et des mains depuis des années pour récupérer la statue et mettre fin à cet affront moral fait à John Wayne.

Orange County possède pourtant déjà sa propre statue de John Wayne : il s'agit de celle qui a été placée en 1982 devant l'entrée de l'aéroport du conté, l'ex-Orange County Airport qui fut rebaptisé John Wayne Airport en 1974, du vivant de la star, son citoyen le plus illustre. La sculpture, par Robert Summers, est un portrait en pied saisissant de réalisme du Duke dans une de ses iconiques tenues d'écran, prêt à dégainer. Dans son genre, c'est une sorte de chef-d'oeuvre.



Lucille Ball devant l'Academy of Television Arts & Science

En 1990, le sculpteur Ernest Shelton (celui-là même qui a fait la nouvelle statue de Myrna Loy de la Venice High), reçut la commande d'une statue d'une des personnalités préférées des spectateurs/téléspectateurs américains : Lucille Ball (1911-1989). La statue devait décorer la place d'entrée du nouveau bâtiment de l'Academie de la Télévision sur Lankershim Boulevard. Elle y fut installée en 1991 et commémore, dans une pose extrêmement maniérée, l'une des premières actrices à avoir fait avec succès le crossover entre le monde du cinéma et celui de la télévision dans l'histoire d'Hollywood.



Et voilà, pour le moment je crois que c'est tout : seulement 7 statues de 5 personnalités du cinéma ornent aujourd'hui les espaces urbains, rues ou parcs de Los Angeles. Soit 3 acteurs (Valentino, Dean, Wayne) et 2 actrices (Loy, Ball). Il y en a sans aucun doute d'autres dans des bâtiments mais il sont plus difficilement accessibles au public. Il semble cependant qu'Hollywood commence à comprendre le patrimoine dont il est le dépositaire. D'autres projets sont en cours et dans les années qui viennent, peut-être que les statues de professionnels de l'Age d'Or du cinéma américain pousseront dans la ville comme les anges peints sur les murs des églises italiennes. Que sera, sera...

PS : Notre lectrice Valentine Deluxe nous apprend (cf. commentaires) qu'un autre monument dédié à des actrices existe aussi à Los Angeles, à l'angle des boulevards Hollywood et La Brea. J'ajoute donc le petit paragraphe suivant.

Mae West, Dolores del Rio, Dorothy Dandridge, Anna Mae Wong et Marilyn Monroe à l'angle Hollywood / La Brea

Réalisé par Catherine Hardwicke (design) et Karl West (sculptures), ce kiosque qui marque le début du célèbre "Hollywood Walk of Fame" (les étoiles des stars sur les trottoirs) a été installé là en 1993. Quatre actrices aux quatre vents (la blanche, la rouge, la noire, la jaune) mais toutes argentées, soutiennent une sorte de dais d'entrée au Walk of Fame. Une toute petite Marilyn Monroe surmonte le tout, dans sa pose "jupe en l'air". Le monument, kitsch en diable, mais dans le mauvais sens du terme, a été qualifié d'exemple de "bad art" par la presse locale à l'époque de son inauguration. Et toc !

4 commentaires:

  1. Merci pour ce témoignage passionnant. J'avoue que je ne m'étais jamais posé la question du nombre de statues de stars à Hollywood. Je croyais naïvement qu'elles pullulaient... 7 seulement dans des lieux publics, c'est étonnant !... Celles de Valentino sont superbes. Comment as-tu photographié son visage levé vers le ciel ?... Es-tu grimpé dans un arbre ?...

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  2. Merci bbjane ! Et oui, il n'y a bien actuellement que 7 statues des stars à Los Angeles (autrement plus vaste que le seul Hollywood), c'est une misère. Pour la photo du visage de Rudolph levé vers le ciel, j'ai juste tendu les bras : la statue avec son socle doit faire 2m de haut environ, il n'y a avait donc pas besoin d'escabeau. Bien à toi.

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  3. ...tiens tiens, je me rappelle avoir vu un reportage sur une espèce de pavillon soutenu par des cariatides en métal argenté à l'effigie de Mae West, Anna Mae Wong, Dolores Del Rio et Dorothy Dandridge? (excuse tarabiscotée et politiquement correct pour n'offenser aucune ethnie!) ...que sont elles devenue?

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  4. Damn! Eh bien, je suis passé complètement à côté de ce monument-là. Je viens de faire une recherche web et en effet, tu parles du "Hollywood La Brea Gateway" (par Catherine Hardwicke et Karl West, 1993), surnommé "The Four Ladies" qui ouvre le Hollywood Walk of Fame. Un monument de kitsch-toc qui n'a pas l'air de faire l'unanimité dans le voisinage. La structure est couronnée par une petite statuette de Marilyn la jupe en l'air. Bien à toi et merci pour ta vigilance. TP

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