18 décembre 2011

Films vus par moi(s) : décembre 2011


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Monsieur Verdoux (Charles Chaplin, 1947) ***
Landru inspira à Chaplin son film le plus cynique, où l'humour le cède sans cesse à la noirceur pour dénoncer la tolérance vis-à-vis du crime institutionnel par rapport au crime individuel. Mais derrière le pamphlet, l'émotion n'est pas absente, comme dans cette scène magnifique de la rencontre avec "la fille sous la pluie". DVD Z1

The music lovers / La symphonie pathétique (Ken Russell, 1970) ***
Une divagation baroque et hystérique autour de la vie et de l'oeuvre de Tchaikovsky (un excellent Chamberlain), tiraillé entre son homosexualité torturée et sa dépendance aux femmes, muses et mécènes. C'est du Russell pur jus : les puristes de la biographie seront révoltés, les autres pourront admirer le panache. DVD Z2 UK  

La première étoile (Lucien Jean-Baptiste, 2009) * 
Les clichés du racisme ordinaire et la caricature sociale abondent dans cette comédie poussive sur une famille antillaise qui part en vacances au ski. Le gag des noirs sur la neige fait long-feu mais la sincérité des trois jeunes acteurs et quelques passages assez drôles font que le film se laisse voir pour s'oublier aussitôt vu. DVD Z2 Fr 

Running on empty / A bout de course (Sidney Lumet, 1988) ***
Recherché par le FBI, un couple d'ex-terroristes vit une vie de mensonge et de déracinements avec ses deux fils, compromettant l'avenir de ceux-ci. River Phoenix est inoubliable dans cette chronique familiale teintée d'Americana sur la responsabilité parentale et le poids des actes passés dotée d'un admirable scénario et de la réalisation limpide de Lumet. DVD Z2 UK

The railway children (Lionel Jeffries, 1970) **
Un film pour enfants au charme fou sur trois jeunes anglais de 1905 qui partent 
s'installer avec leur mère dans un  village rural traversé par un chemin de fer. Il ne se passe pas grand chose, tout est dans l'atmosphère, les petites touches humanistes et la présence lumineuse d'Agutter dans le rôle de la grande soeur. Avec un formidable générique de fin. DVD Z2 UK

Scrooge / A Christmas carol / Conte de Noël (Brian Desmond Hurst, 1951) ***
L'esprit de Dickens est superbement préservé dans ce conte moral sur un vieux capitaliste visité par des fantômes qui lui montrent ses égarements misanthropes. Alastair Sim est un Scrooge parfait, sombre et torturé (comme le film tout entier) avant de découvrir son humanité. Un classique britannique qui garde une résonnance toute contemporaine. DVD Z2 UK 

No reservations / Le goût de la vie (Scott Hicks, 2007) 0
Zeta-Jones et Eckhart sont deux chefs-cuisiniers d'un restaurant branché de Manhattan. Elle le bat froid, pensant qu'il essaie de lui piquer sa place. Tout se terminera bien, avec sa nièce à elle (Breslin), récemment orpheline, calée entre les deux. Du cinéma industriel anodin et prévisible comme tout, truffé de bons sentiments démagogiques : aucun intérêt. DVD Z2 UK 

Safe in Hell /  La fille de l'Enfer (William A. Wellman, 1931) ***
La descente aux Enfers, du bordel à la potence, d'une jeune femme victime des circonstances et de l'ignominie des hommes. Un mélodrame Pre-Code cruel (et paradoxalement non sans humour), plein de situations risquées, de personnages crapuleux et de la moiteur des Caraïbes, porté par la splendide interprétation de la méconnue Mackaill. DVD Warner Archive

30 novembre 2011

Passages : Ken Russell


Ken Russell. 

Love. 
The Music Lovers. 
The Devils.
Savage Messiah. 
Mahler. 
Tommy. 
Valentino. 
Altered States.
 Gothic. 
Need to say more?


Ken Russell (1927-2011)

12 novembre 2011

Heroes of mine : Coral

Coral Browne (1913-1991)

C'est dans l'alcool et la prédation sexuelle qu'elle se révèle : comment oublier Coral Browne dans "Dr. Crippen" (Robert Lynn, 1963) où elle noie sa frustration de n'être pas assez honorée par son mari dans le bourbon et l'abus de gigolos et dans "The killing of Sister George" (Robert Aldrich, 1966) où elle incarne une productrice de télé lesbienne et arachnide ?

Pompette dans "Dr. Crippen"

Elle est née australienne, à Melbourne, mais a fait la plus grande partie de sa carrière sur les planches, au cinéma et à la télé, en Angleterre et aux USA. Sa bouche qui panachait aristocratie et vulgarité (cristallisées dans sa lèvre supérieure fine et sa lèvre inférieure charnue) était redoutée pour ses sorties outrancières et son sens de l'humour ravageur. C'est elle qui pouvait dire lors d'un dîner en parlant de deux collègues comédiens mariés : "Je n'ai jamais compris ce que Godfrey Tearle avait bien pu trouver à Jill Bennett avant de l'avoir vue manger un épi de maïs".

Manipulatrice dans "The killing of Sister George"

Chaque fois que son nom est au générique d'un film, je me fais une joie. Elle fait partie des ces acteurs de seconde célébrité qui vous dévorent une scène en laissant leurs partenaires sur le carreau. Et qui, c'est un plus, portent très bien le chapeau. Ses apparitions à l'écran furent trop rares à mon goût, c'est pourquoi je chéris, en plus des deux films précités, "Auntie Mame" (Morton DaCosta, 1958), "The roman spring of Mrs Stone" (José Quintero, 1961) et "Theater of blood" (Douglas Hickox, 1973). C'est au cours du tournage de ce dernier film qu'elle a d'ailleurs rencontré Vincent Price, qui l'épousa.

Vincent & Coral

Coral Browne était l'une des plus hautes dignitaires du Camp. A Lady with a thing.

2 novembre 2011

Films vus par moi(s) : novembre 2011


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

The reef (Andrew Traucki, 2010) **
On ne fait pas plus codifié et prévisible qu'un film de naufragés en pleine-mer avec un requin : celui-ci, australien, n'échappe pas à la règle (comme le très bon "Open water") mais, plutôt bien réalisé, réaliste et sans esbrouffe, il se laisse regarder un samedi soir. Et puis les images du requin sont vraies, pas en CGI. DVD Z2 Fr

Romolo e Remo / Romulus et Remus / Duel of the Titans (Sergio Corbucci, 1961) **
Un peplum tout en retenue sur la naissance de Rome qui emprunte au western, notamment dans le périple des pionniers Romains poursuivis par les Sabins. Les deux hommes forts les plus archétypiques du genre (Reeves en Romulus et Scott en Remus) partagent l'affiche pour la seule fois de leur carrière. Rien que pour ça... DVD Z2 Allem

Providence (Alain Resnais, 1977) ***
La torpeur confuse qui frappe le spectateur de ce Resnais anglophone répond à celle accablant le vieil écrivain malade (Gielgud) dont les membres de la famille (Bogarde, Burstyn, Warner, Stritch) deviennent dans sa fièvre les personnages d'un roman surréaliste. Un film complexe avec une splendide partition de Rozsa et une fin magnifique. DVD Z2 UK

The killer inside me (Michael Winterbottom, 2010) **
Froid et distancié (y compris dans deux scènes d'extrême brutalité envers deux femmes), ce portrait d'un "boy next door" sociopathe (C. Affleck) dans le Texas de 1958 ne pose aucune question et ne propose aucune réponse : adapté d'un roman pulp de Thompson, le film retranscrit le nihilisme de l'auteur, un point c'est tout. DVD Z2 UK

Le mariage de Chiffon (Claude Autant-Lara, 1942) ***
En 1904, la jeune Chiffon (Joyeux, merveilleuse) cherche à échapper à la vie bourgeoise à laquelle la destine sa mère. Indépendante et moderne, elle se plaît en la compagnie d'anticonformistes de son entourage. La sensibilité de l'écriture, de la réalisation et l'amour porté à (presque) tous les personnages font du film l'un des plus beaux Autant-Lara. DVD Gaumont Z2

Athena (Richard Thorpe, 1954) **
Un musical MGM original et sympathique comme tout sur un potentiel Congressman (Purdom) qui tombe amoureux d'une des sept soeurs aux noms de déesses grecques d'une famille accro à la culture physique et au végétarisme. Powell, Reynolds, Damone poussent la chanson et Reeves les haltères au concours de Mr. Univers. Warner Archive DVD

The wicked Lady / Le masque aux yeux verts (Leslie Arliss, 1945) ***
Quel plaisir que de découvrir cette amorale Barbara, une aristocrate britannique des années 1680 qui ment, cocufie, se travestit, vole, trompe, trahit et tue sans hésitation par goût inné de la transgression. Lockwood ne s'économise pas en outrances et les réparties sexuelles fusent avec son amant criminel (Mason). Culotté et virevoltant. DVD Z2 UK

Sto dney do prikaza / 100 days before the command (Hussein Erkenov, 1990) *
Un film cryptique tourné avec l'aide de l'Armée Rouge dans les dernières semaines de l'URSS puis interdit de sortie à cause de son antimilitarisme et de son homérotisme. Ca évoque le quotidien de cadets dans une caserne, sous l'oeil d'un Ange de la Mort : c'est beau mais je n'ai rien compris. On pense évidemment à Sokurov. DVD Z2 UK

Beginners (Mike Mills, 2010) **
La mort de ses parents permet de commencer à vivre : c'est le message désabusé de ce film américain au ton très européen qui suit la tristesse d'un trentenaire (McGregor, excellent) dévoué à son père gay et mourant (Plummer) et incertain de son attirance naissante pour une française de L.A. (Laurent). Pas convaincant, mais étonnant. DVD Z2 Fr

Dr. Crippen (Robert Lynn, 1963) ***
Cet excellent true-crime britannique, une solide reconstitution de l'affaire Crippen (un docteur accusé en 1910 à Londres d'avoir assassiné et démembré sa femme, une virago nymphomane), fait s'affronter deux comédiens géniaux : Pleasence et Browne et réserve la surprise de travestir Eggar en garçon pour quelques scènes. DVD Z2 UK

Young Bess / La reine vierge (George Sidney, 1953) 0
Malgré le casting (Simmons, Granger, Kerr, Laughton, Byron) et le Technicolor, on s'ennuie ferme avec cette évocation de la jeunesse d'Elizabeth I, sapée par un scénario languissant et la réalisation inhabituellement fade et statique de Sidney. Un film historique tombé dans l'oubli qui ne mérite pas de réhabilitation. Warner Archive DVD

L'enfance-nue (Maurice Pialat, 1968) ***
En laissant leur espace d'expression à ses acteurs non professionnels, Pialat transforme, dans son premier film, l'histoire d'un garçon turbulent de dix ans placé en famille d'accueil dans le Nord en un hommage à la noblesse des petites gens. Dur et très touchant à la fois, c'est aussi une admirable étude sur les énergies et  meurtrissures de l'enfance. DVD Z2 UK

29 octobre 2011

"Marilyn and I" au Bon Marché

Le projet photographique de Yury Toroptosv, "Marilyn and I" est exposé à Paris, au Bon Marché Rive Gauche du 29 octobre 2011 au 07 janvier 2012.

Marie-France pose chez elle avec la robe de Marilyn

Cinquante portraits d'admirateurs de Marilyn Monroe, posant chez eux, sur leur lieu de travail ou dans leur environnement urbain, sont exposés et dressent un kaléidoscope des attachements affectifs qui lient encore aujourd'hui l'actrice à ses fans. Anonymes et personnalités se sont prêtées au jeu de la rencontre avec une trace tangible de l'existence passée de Marilyn, une robe d'été vichy des années 50 provenant de sa garde-robe personnelle et aujourd'hui en mains privées.

Une salle de l'exposition "Marilyn and I" au Bon Marché

La robe de Marilyn, montée sur un buste-couture, est elle-même présentée au coeur de l'exposition, au milieu des photos qui témoignent de ses voyages entre l'Europe et les Etats-Unis, de Paris à Los Angeles, lors de la réalisation du projet photographique de Yury Toroptsov.

Si vous habitez ou êtes à passage à Paris, allez donc faire un tour au Bon Marché pour découvrir cette exposition intrigante, sincèrement touchante et d'une puissante solidité artistique. Vous aurez au passage l'occasion de m'y voir, en photo, puisque j'ai participé au projet et que mon portrait figure parmi les autres, dans une pose dans laquelle je n'aurais jamais imaginé être un jour vu en public.


Le livre "Marilyn and I" (Verlhac Editions, 2011), qui présente le projet dans son intégralité (avec plus de textes, de témoignages écrits des modèles ayant posé que dans l'exposition et plusieurs portraits supplémentaires) et qui est aussi la catalogue de l'exposition, est disponible à la vente sur place et dans les bonnes librairies. Catherine Deneuve, qui habite non loin du Bon Marché et dont l'attachement à Marilyn est bien connu, est la marraine du projet photographique.

Le photographe, Yury Toroptsov

"Marilyn and I" par Yury Toroptsov, exposition au Bon Marché Rive Gauche (24 rue de Sèvres, 75007 Paris) du 29 octobre 2011 au 07 janvier 2012 dans La Galerie, niveau -1.

22 octobre 2011

Metropolis by Moroder. 1984.

Enfin ! La version Moroder 1984 de "Metropolis" (Fritz Lang, 1927) débarque le 15 novembre 2011 en DVD et Blu-ray après un long Purgatoire. C'est l'un des plus grands souvenirs de cinéma de mes Eighties, quand je l'avais découvert au Bretagne de Montparnasse et que j'avais acheté illico le 33 tours à la Fnac de la rue de Rennes en sortant de la salle de ciné. Le disque a tourné sur ma platine je ne sais combien de temps, une éternité.

Revoir les inoubliables images du film mises en musique sur la splendeur lyrique du "Love Kills" de Freddie Mercury (ici en remix) continue à me donner, vingt-sept ans plus tard, le même frisson. Ecoutez-voir.

15 octobre 2011

Heroes of mine : Gordon

Gordon Scott (1926-2007)

Dans la classe des surhommes de salles obscures, Gordon Scott n'avait pas pour lui la primeur mythique de Johnny Weissmuller ni le port altier de Steve Reeves mais il avait le privilège de garder sous les projecteurs une simplicité virile désarmante qui lui donnait l'air d'être comme un mécanicien ou un chauffeur de bus qui se serait trompé de porte et serait entré par hasard sur le plateau (en fait, il avait été remarqué par un agent de Hollywood quand il était maître-nageur à Vegas).


C'est en cela qu'il est mon Tarzan préféré. Contemporain, éduqué, cool et naturel comme aucun autre dans les cinq films qu'il a tournés pour Hollywood entre 1955 et 1960 (dont l'un des meilleurs : "Tarzan's greatest adventure" / "La plus grande aventure de Tarzan" de John Guillermin, 1959) qui actualisaient le héros de Burroughs sur fond de vrais paysages africains et en couleurs.


Ce n'est pas tant son jeu nuancé (car Gordon Scott fut sans doute l'acteur qui joua le mieux Tarzan) que sa présence réelle et sympathique qui lui assurèrent ensuite, comme tant d'autres bodybuilders de l'époque, une carrière décente à Cinecittà, dans des péplums - dont l'inoubliable "Romolo e Remo" / "Le duels des Titans" de Sergio Corbucci, 1962 avec (quelle paire !) Steve Reeves - et des westerns de série B.

Gordon Scott et Steve Reeves sur le plateau du "Duel des Titans"

Marié trois fois (dont une avec Vera Miles), il aurait eu cinq enfants - d'aucuns disent un seul, une fille - et sans doute quelques autres naturels ici et là. Puis en 1968, la quarantaine arrivée, il coupa les ponts avec sa tribu, laissa tomber le pagne et la toge et gagna modestement sa vie comme escort pour dames seules tout en faisant de régulières apparitions dans des conventions Tarzan ou Sword & Sandal. Gordon Scott a passé les trente dernières années de sa vie à droite et à gauche (surtout du côté de Baltimore), sans un rond ni domicile fixe mais s'installant pour quelques semaines ou quelques années chez des fans masculins qui lui offraient l'hospitalité, le gîte et le couvert, en échange de son sourire et de la réalisation inespérée d'un fantasme : avoir sous son toit et pour soi Tarzan, Goliath et Hercule en un seul homme.

1 octobre 2011

Films vus par moi(s) : octobre 2011


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

The mercenaries / Dark of the Sun / Le dernier train du Katanga (Jack Cardiff, 1968) ***
Des mercenaires vont récupérer des diamants et des colons belges au coeur du Congo livré aux rebelles. Superbement photographié en Jamaïque et en Metrocolor par Cardiff, un film d'aventures ultra-violent (il fit de l'effet à sa sortie) et ouvertement raciste avec un Rod Taylor excellent en dur-à-cuire. On frise l'exploitation sans y tomber. DVD Warner Archive

One false move / Un faux mouvement (Carl Franklin, 1992) ***
Commençant comme un thriller saignant, ce film au scénario admirable dévie vers le drame humain, celui de plusieurs personnages (dont un flic blanc d'une petite ville d'Arkansas et une criminelle noire en fuite) pris au piège de leurs parcours personnels. On pense au meilleur des Coen, par le point de vue rural et l'inéluctabilité des destins. DVD Z2 UK

Cane toads : the conquest (Mark Lewis, 2010) **
Les 102 crapauds géants introduits dans le Queensland australien en 1932 ont produit des millions de descendants qui envahissent depuis le reste du pays, entraînant une impossible guerre des nerfs entre eux et les humains qui les pourchassent. Un documentaire plein d'humour au style proche de celui d'Herzog. Froggy Flix

Sex and the silver screen (Frank Martin, 1996) *
Un documentaire américain en 6 épisodes de 55' qui ambitionne de raconter les rapports difficiles entre sexe et censure au cinéma du "Kiss" d'Edison à "Basic Instinct". Le résultat est assez superficiel mais permet de voir de nombreux extraits de films autrefois sulfureux, liés entre eux par la narration de la caution scientifique, Raquel Welch. DVD Z2 UK

Island of lost souls / L'île du Dr. Moreau (Erle C. Kenton, 1932) ***
L'un des moins connus et pourtant l'un des plus grands "horror films" des Thirties, cette adaptation que Wells a vu et détesté transcrit génialement l'atmosphère et les formes du cauchemar en ouvrant sur des transgressions intemporelles : vivisection, miscégénation et zoophilie. Comment oublier Laughton et son fouet et Lota la femme-panthère ? DVD Z1

Stake land (Jim Mickle, 2010) **
"Le pays des épieux", traduction du titre original, évoque bien l'esprit du film, un road-movie apocalyptique proche de "The road" qui mène ses quelques personnages sur des territoires dévastés peuplés de zombies-vampires. L'ambiance sinistre, l'utilisation du paysage et la trame initiatique (celle du jeune héros) en font une réussite du genre. DVD Z1

The colossus of New York / Le colosse de New York (Eugène Lourié, 1958) *
Un chercheur brillant meurt par accident : son père greffe son cerveau sur un grand robot pour lui permettre de continuer ses recherches. Cette variation sur "Frankenstein" est un petit film fauché mais qui bénéficie d'une très belle photo N&B et d'un réel sentiment de tristesse, cristallisé dans le visage aux traits douloureux du colosse. DVD Z1

Les gens du voyage (Jacques Feyder, 1938) **
Une sorte de soap-opera sur une demi-douzaine de personnages d'un cirque ambulant qui gravitent autour d'une dompteuse quadragénaire. Il y a de l'humour, de l'absurde, du drame et d'intéressants décors dans lesquels évolue un formidable casting (dont Rosay, impériale). Pas un chef-d'oeuvre mais une curiosité qui réserve plus d'une surprise. TV

The artist (Michel Hazanavicius, 2011) **
L'impression de déjà vu, le scénario qui patine un peu vers le milieu et l'utilisation gratuite de la musique d'Herrmann pour "Vertigo" dans une scène cruciale n'empêchent pas d'admirer l'audace d'avoir conçu aujourd'hui un film pareil : muet, en N&B et généreusement cinéphile. Dujardin est excellent, Béjo aussi et le chien Uggy encore meilleur. Cinéma

The lost continent / Le peuple des abîmes (Michael Carreras, 1968) *
Un Hammer sans queue ni tête dans lequel les passagers d'un cargo (dont Knef, plus perdue que les autres) se retrouvent au milieu d'un océan d'algues tueuses, de méchants mollusques géants et d'Espagnols tout droit descendus de l'Inquisition. C'est complètement idiot mais avec un charme désuet qui annihile toute résistance. DVD Z2 UK

Midnight in Paris / Minuit à Paris (Woody Allen, 2011) 0
J'aurais voulu aimer ce film parce que les voyages dans le Temps m'enchantent mais le scénario indigent, le pénible pastiche d'Allen acteur par Wilson et la laborieuse répétition des rencontres du héros avec des artistes célèbres m'ont vite énervé : si Isadora Duncan était apparue, je crois que je me serais mis à tout casser. DVD Z2 Fr

Pony soldier / La dernière flèche (Joseph M. Newman, 1952) *
Un officier de la Police Montée canadienne (Power, fatigué) convainc à lui seul un millier d'indiens de retourner dans leur réserve. Ce petit film de série B exploite son Technicolor et ses paysages pour paraître plus riche mais l'ennui s'installe vite par manque d'action et par quelques facilités démagogiques (comme le jeune orphelin indien). DVD Z2 Fr

127 hours / 127 heures (Danny Boyle, 2010) *
Une histoire de triomphe sur soi et les circonstances comme le cinéma américain les aime : ici, un grimpeur au bras coincé par un rocher dans un canyon. La caméra colle de près le visage de Franco (très bon) mais la linéarité du sujet impose des effets de mise en scène clinquants et distrayants. Le début promettait mieux. DVD Z2 Fr

State fair (Walter Lang, 1945) **
Il ne se passe pas grand chose dans ce musical mineur de Rodgers & Hammerstein écrit spécifiquement pour l'écran mais la nostalgique insouciance de l'ensemble, le Technicolor Kalmus et au moins un morceau très entraînant ("It's a grand night for singing") en font un gentil spectacle autour d'une fête foraine agricole en Iowa. DVD Z2 UK

The prowler / Le rôdeur (Joseph Losey, 1951) ***
Plus drame psycho-sentimental que Film Noir, ce Losey américain écrit par Trumbo se joue des interdits de la censure de l'époque en sexualisant ses deux principaux personnages (un flic dévoyé et une épouse insatisfaite) et en refusant de juger leurs actes, légitimés par les frustrations et l'Amour Fou. C'est d'une intrigante audace. DVD Z2 Fr

The tree of life (Terrence Malick, 2011) 0
En se contemplant dire des choses profondes avec une pompe et une auto-importance embarrassantes, le film tombe dans le ridicule. Pitt et surtout le gamin qui joue son fils le plus âgé sont excellents mais malheureusement engloutis par les excès maniériés du réalisateur. Une histoire universelle réduite à un attérant pensum. DVD Z2 Fr

Drive (Nicolas Windin Refn, 2011) **
Le style est la substance de ce film qui écrase son histoire (très maigre, à vrai dire) à force de citations et d'effets visuels et sonores. Mais le casting parfait, l'assurance du réalisateur et le sens du montage arrivent à en faire avaler la roublardise. Un exercice de style brillant qui, avec un scénario, aurait été un excellent film. Cinéma

Prima della Rivoluzione / Avant la Révolution (Bernardo Bertolucci, 1964) ***
Bertolucci avait 22 ans quand il écrivit et réalisa ce film désabusé sur un jeune bourgeois attiré par le Marxisme qui a une liaison avec sa tante et voit la norme sociale le rattraper. Politique et romantique à la fois, référente à Rossellini, Antonioni et Godard, c'est l'oeuvre personnelle d'un jeune réalisateur rageur, cinéphile et surdoué. DVD Z2 UK

Kongo (William J. Cowen, 1932) ***
La même année que "Freaks", la MGM produisit un autre pré-Code hors-norme avec cette délirante histoire de dépravation dans la jungle africaine dont les personnages blancs sont handicapés, alcooliques, drogués, prostitués et les noirs des débiles accros au sucre et au Vaudou. Hollywood classique a-t-il jamais fait plus tordu ? Warner Archive DVD

Il terrore dei Barbari / La terreur des Barbares (Carlo Campogalliani, 1959) *
Les hordes lombardes déferlent en fourrure sur l'Italie et un Goliath les repousse avec un grotesque masque de félin. On est loin des classiques de Francisci/Bava mais ce peplum se laisse regarder un dimanche pluvieux, surtout quand Reeves (quel type !) est à l'écran et qu'Alonso (quelle pépée !) est son exotique partenaire. DVD Z1

Adam est... Eve (René Gaveau, 1954) **
Une comédie franchouillarde à calembours sur un soldat (Charlie) qui s'enfuit la veille de son mariage pour revenir Femme (Charlotte) après un passage sous le bistouri. C'est lourdingue comme tout mais culotté comme tout aussi pour l'époque, avec un jeune Carmet qui en fait des tonnes dans le rôle du copain du transsexuel. La Caverne des Introuvables

Buried (Rodrigo Cortés, 2010) 0
Un américain se réveille dans un cercueil on ne sait où en Irak. Il a été kidnappé, enterré et garde le contact avec l'extérieur avec son portable. Le concept ("un film dans un cercueil avec un Blackberry") ne tient pas ses promesses par ses multiples invraisemblances et l'étrange manque d'empathie pour le seul personnage. Essayé et raté. DVD Z2 UK

Too late for tears / La tigresse (Byron Haskin, 1949) **
Ce petit budget de film noir est un vehicle pour Lizabeth Scott, qui est de presque toutes les scènes dans le rôle d'une garce des garces qui a mis la main sur un magot de cash qu'elle ne veut pas lâcher. La réalisation est très plate mais le scénario, l'amoralité du personnage et le magnétisme de l'actrice en compensent les limites. DVD Z1

Stardust / Stardust, le mystère de l'Etoile (Matthew Vaughn, 2007) *
Dans le genre de l'heroic-fantasy (ou du conte de fées) ironique, sans doute que le film est bien mais pour ma part, je viens de comprendre que j'ai passé l'âge. Il y a des idées, c'est énergique et le casting est sympathique (sauf Danes, une sous-Paltrow, en princesse sans aucun charisme) mais voilà, je me suis pas mal ennuyé. DVD Z2 UK

The raid / Le raid (Hugo Fregonese, 1954) ***
Quelques Sudistes échappés de prison se fondent dans un village du Vermont pour le saccager. La tension dramatique et psychologique de ce western discret et très anticonventionnel est digne d'un thriller. Heflin, tout en retenue, est comme d'habitude excellent, aidé par un formidable scénario et une réalisation sans fioritures. DVD Z2 Fr

Victory / Victoire (Maurice Tourneur, 1919) **
Dans une île des Caraïbes, des événements obligent un jeune homme qui a fait voeu de ne s'attacher à rien ni personne à revenir à la réalité. La complexité psychologique des personnages et le jeu des acteurs (Holt, Chaney, Beery) donnent à ce film muet au fort pictorialisme de Tourneur père une sourde et assez intéressante perversité. DVD Z1

Out of Africa (Sydney Pollack, 1985) 0
Oui, il y a Streep (qui prend un accent crispant) et les magnifiques paysages du Kenya mais que ce film ampoulé est languissant et rasoir ! Les personnages passent leur temps dans une sorte de mélancolie affectée et l'absence de péripéties dramatiques empêche toute envolée dynamique. Redford, lui, est fade comme jamais. DVD Z2 FR

25 septembre 2011

Les Cosaques du Kouban (Ivan Pyryev, 1949)


Il y a quelques années, en découvrant le passionnant documentaire « East Side Story » (Dana Ranga, 1997 / disponible en DVD Z1) sur l'histoire du Musical communiste, j’avais été très enthousiasmé et intrigué par l’extrait d’un film dont je n’avais jamais entendu parler : « Kuban Cossacks ». Après l’avoir cherché en vain pendant longtemps, j’ai enfin pu le voir en intégralité sur le site cinema.mosfilm.ru, la caverne d’Oleg Baba entièrement consacrée au cinéma russe et soviétique. Depuis, "Les Cosaques du Kouban" est sans doute l’un des films que j’ai le plus vus et revus, en entier ou par séquences. Un film qui compte.


"Les Cosaques du Kouban" ("Kubanskie Kazaki" en son titre original / "Kuban Cossaks") est l’un des grands exemples du Musical soviétique, un genre très populaire dans la Russie d’alors. Réalisé en 1948 et sorti en 1949 dans les salles d’URSS, le film raconte en près de deux heures l’histoire simple de deux responsables de kolkhozes (les fermes collectives soviétiques) concurrents qui se retrouvent à l’occasion d’une fête foraine agricole et sont tiraillés entre leurs tensions professionnelles dûes à la "saine compétition soviétique socialiste" et leur attirance sentimentale mutuelle. Gravitent autour d’eux plusieurs personnages de l’un ou de l’autre des kolkhozes qui eux aussi, vont connaître le tumulte et l’épiphanie. Une sorte de « State Fair » de derrière le rideau de fer.


Le film a été réalisé par Ivan Pyryev (1901-1968), l’un des figures les plus influentes du cinéma soviétique. Récompensé par six Prix Staline entre 1941 et 1951 et directeur des studios Mosfilm de 1954 à 1957, Pyryev avait connu le succès avec deux autres Musicals avant celui-ci : « La porchère et le berger » (1941) et « La balade de Sibérie » (1947) mais c’est avec « Les Cosaques du Kouban », entrepris dans la foulée du précédent, qu’il allait savourer le triomphe à l’échelle soviétique : plus de 40 milions de spectateurs. Son chef-d’œuvre devait venir quelques années plus tard avec un film à la plastique extraordinaire : « L’idiot » d'après Dostoievsky (1958).

Ivan Pyryev (1901-1968)

En découvrant et en revoyant « Les Cosaques du Kouban », on prend la mesure du talent de Pyryev, qui réussit à transformer une bluette sentimentale en un morceau de cinéma d’un rare lyrisme, porté c’est vrai par la splendide partition composée pour le film par Isaak Dunaevskii à partir de mélodies traditionnelles et des modèles de l'opérette. La prouesse est d’autant remarquable qu’un Musical agricole n’est pas sur le papier le sujet le plus gracieux qu'on puisse imaginer : les moissonneuses-batteuses n’ont a priori pas la légèreté de la danseuse-étoile Maya Plisetskaya. Et pourtant !


« Les Cosaques du Kouban » commence par une longue séquence musicale montrant les travaux des champs dans un kolkhoze. Après quelques plans des espaces infinis des blés sous l’immensité du ciel bleu et les paysans qui travaillent en rythme, une moissonneuse-batteuse fait son entrée sur l’écran par la gauche. La musique s’exalte, les chœurs s’élèvent et on est parti pour plus de cinq minutes hypnotiques qui propulsent d'emblée le film vers les sommets du genre musical. Cette séquence introductive (c’est celle qui figure – fragmentaire - dans le documentaire « East Side Story ») qui nous présente tous les personnages principaux de l’histoire ne sera dépassée dans le film que par la sublime séquence finale qu'elle préfigure en miroir.


Cette première séquence devrait être étudiée dans toutes les écoles de cinéma au même titre que la scène des escaliers d’Odessa d’Eisenstein : ici, l’art de la composition des plans (qui utilisent sans compter le fameux « rythme ternaire » cher au cinéma soviétique) et du montage portent l’accord entre image et musique à un stupéfiant niveau de perfection. On retrouve le même dynamisme de l’écriture cinématographique à la fin du film, avec le ballet des machines dans les champs et les ouvrières chantantes.


Bien sûr, tout cela est au service d’une propagande outrancière qui fait l’apologie du travail communautaire et de l’égalité hommes-femmes dans les tâches au service de la collectivité. « Les Cosaques du Kouban » est un film pour la distraction du peuple qui pimente (au piment rouge, cela va sans dire) chaque scène de références appuyées à la nécessité de l’effort collectif dans ces temps de reconstruction de l’après-guerre. Staline lui-même fut un fervent admirateur du film (c'est lui qui lui trouva son titre) qui proposait une vision lyrique et idéalisée du monde agricole et du territoire soviétique (ici, la région du Kouban, une steppe à blé au Sud de l’URSS irriguée par le fleuve du même nom et bordée en partie par la Mer Noire). Il faut dire au passage que Staline était un cinéphile vorace qui dans les dernières années de sa vie se faisait projeter toutes sortes de films internationaux dans les salles privées qu'il avait aménagées dans ses diverses résidences et dont la collection personnelle des bobines de Goebbels lui avait rapportée de Berlin par l'Armée Rouge en 1945 (le genre préféré de Staline était d'ailleurs la comédie musicale agricole, dont "Volga-Volga" de 1938 et ces "Cosaques du Kouban"). Mais plus tard, le film fut banni (Khrouchtchev l'attaqua violemment lors d'un congrès du parti en 1956) et mis au placard parce qu’il dépeignait une fantaisie qui ne collait plus avec la volonté de plus grande transparence du nouveau régime : on se rappelait alors qu'au moment de la sortie du film, l'URSS était au bord de la famine malgré la profusion alimentaire montrée à l'écran. Le Purgatoire dura jusqu’à sa restauration par Mosfilm en 1968 (sous Brezhnev), qui lui restitua ses couleurs tout en lui retirant quelques passages et répliques d’obédience un peu trop stalinienne. Aujourd’hui, le film est régulièrement rediffusé sur Perviy Kanal et Rossija 1, les deux principales chaînes de TV russes ainsi que sur le câble : il est toujours très regardé par les russes de toutes générations qui y trouvent le charme nostalgique d’un temps révolu, une captation précise de ce qu'on appelle "l'âme russe" et surtout des chansons qui sont devenues des classiques immortels de la culture populaire.



Les scènes-clés du film sont principalement musicales, comme l’introduction et la fin, mais elles s’organisent autour du cœur du film, la longue séquence de la fête foraine qui commence avec un discours à la tribune du leader du parti local (qui ressemble, et ce n'est pas fortuit, à Staline) et se poursuit dans les allées de la fête et dans une salle de spectacle où sont présentées plusieurs animations musicales sous les applaudissements des spectateurs et les banderoles dédiées à la gloire des ouvriers des champs. Si la fête foraine elle-même peut sembler un peu trop luxueuse, la merveilleuse séquence du théâtre est une évocation très juste des spectacles organisés dans les Maisons de la Culture soviétiques pour les populations provinciales à la fin de la saison agricole. Chœurs féminins chantant des chansons mélancoliques, Cosaques effectuant leurs acrobatiques danses folkloriques, grands-mères espiègles entonnant en duo des couplets humoristiques (des "tchastouchki"), hommes forts faisant des démonstrations de levage de poids… enchantent le public qui communie laïquement dans une célébration de l’âme russe.



La place primordiale de la femme dans le modèle soviétique est très bien évoquée dans le film qui met donc en scène Galina, l’énergique responsable d’un des deux kolkhozes, qui passe une grande partie de l’histoire à affronter Gordey, son homologue de l’autre ferme et son soupirant de longue date. Galina est une veuve de « la Grande Guerre Patriotique » (la Seconde Guerre Mondiale) qui conduit avec fermeté le tracteur et ses troupes et qui défie Gordey (un ex-militaire que la guerre a fortement marqué) dans une course de carrioles qu’elle perd volontairement afin de laisser lui laisser l’honneur de la victoire. Dans un autre registre, la jeune Dasha affronte son oncle et les dignitaires pour pouvoir vivre son amour avec un jeune homme du kolkhoze concurrent. Bien sûr, l’amour triomphera. Les femmes sont donc la colonne vertébrale de ce film qui place les hommes dans une très étonnante position d’infériorité à laquelle le cinéma occidental n’a pas du tout habitué ses spectateurs. C’est l’un des multiples attraits du film.


« Les Cosaques du Kouban » fourmille par ailleurs de moments cinématographiques étonnants, notamment dans son utilisation (on pourrait dire recyclage) de modèles visuels préexistants : en plus des multiples compositions ternaires héritées d’Eisenstein et utilisées de façon subtile et discrète, on peut découvrir des références vraisemblables, et alors très surprenantes, à plusieurs films hollywoodiens auxquels Pyryev, de par sa place dans l’industrie du cinéma soviétique, avait de toute évidence accès. Ainsi, une grande scène de bal dans une maison communautaire renvoie directement à la célèbre scène de bal d’ "Autant en emporte le Vent" (le décor, la chorégraphie, le placement de la caméra, le travelling sur les danseurs puis le retour sur le héros au buffet sont saisissants de ressemblance avec un même plan qui se termine sur Clark Gable dans "Gone with the Wind") et la séquence de la course de carrioles n’est pas sans faire penser à celle de "Ben-Hur" (dans sa version de 1925 puisque celle de 1959 n’existait pas encore). Quand Moscou rencontrait Hollywood ?



Quant aux acteurs, s’ils sont inconnus de la plupart des cinéphiles de l’Ouest, ils sont de grands noms du cinéma soviétique. Marina Ladynina (1908-2003), dans le rôle de Galina, fut l’une des principales égéries du cinéma stalinien et une habituée des réceptions du Kremlin. Elle était aussi, à l’époque du film, l’épouse du réalisateur et l’interprète récurrente de ses films. Sa carrière s’arrêta net avec la mort de Staline en 1953. Sergei Lukyanov (1910-1965), dans le rôle de Gordey, incarna souvent l’archétype de l'homme soviétique viril et assuré avant son décès prématuré. Et comment oublier le lumineux visage de Klara Luchko (1925-2005), qui devint une superstar à vingt-quatre ans du jour au lendemain avec le triomphe du film à sa sortie en 1949. Quand elle est à l’écran, le spectateur ne peut pas ne pas la regarder tant son charisme et sa photogénie sont admirables. L’actrice est encore aujourd’hui - comme elle l'a été autrefois - la grande révélation du film.



Il faut aussi mentionner la couleur du film (qui fut le cinquième film soviétique à être tourné en couleurs) dont le procédé Magicolor accentue les teintes primaires, notamment le rouge, en donnant aux images une identité très « conte illustré » qui s’accorde parfaitement avec le genre du Musical. La scène de la fête foraine est en ce sens, une véritable gourmandise chromatique.


Et puis il y a cette fabuleuse séquence musicale finale au cours de laquelle, après que Gordey ait rejoint à bride abattue Galina dans un chemin communal, celle-ci l’emmène avec elle dans sa carriole vers un futur qu’on imagine heureux. Quelques secondes plus tard, ils arrivent en voiture dans un champ où ils retrouvent tous les personnages du film et des dizaines de figurants et se lancent en chœur dans une chanson toute à la gloire de la terre russe, des ouvriers et ouvrières agricoles et du monde soviétique qui « sera là jusqu'à la fin des Temps ». On retrouve alors les moissonneuses-batteuses, les paysannes sur les machines dont le vent s’engouffre dans les jupes et le ciel immense. La musique et le chant atteignent un sommet de lyrisme dont je connais très peu d’exemples dans le Musical, qu’il soit d’ici ou d’ailleurs. Le film se termine sur tous les acteurs qui marchent en chantant vers la caméra alors que celle-ci s’éloigne dans un long travelling arrière, découvrant un drapeau rouge flottant au vent et la ronde des machines agricoles. Et quand tous les acteurs disent au revoir aux spectateurs en leur faisant des grands signes de la main sur les derniers accords de la partition, on ne peut s’empêcher de sentir un frisson nous parcourir l’échine. On en viendrait presque à rêver de se retrouver dans les steppes du Kouban en 1949, au temps merveilleux du Petit Père des Peuples.



« Les Cosaques du Kouban », cette oeuvre formidable qui se prête à d'innombrables niveaux de lecture, est assurément un film-somme du cinéma soviétique. C'est aussi - et encore aujourd'hui - l'un des films les plus controversés de ce cinéma : les historiens du cinéma russes continuent à se déchirer sur son degré de génie ou d'irresponsabilité. Au-delà de ces querelles, "Les Cosaques du Kouban" est surtout un chef-d’œuvre du genre Musical tout court. Son inaccessibilité dans l'Ouest pendant des décennies est aujourd’hui révolue grâce à Mosfilm et à son site web incontournable (vous pouvez le voir ici gratuitement avec sous-titres anglais) ou sur YouTube. N'oubliez pas de monter le volume pour vous immerger dans la splendide partition de Dunaevskii. "Les Cosaques du Kuban", que je rêve de voir un jour sur grand écran, est entré d’un coup dans mon Panthéon du genre. Ce qui n’est pas peu dire.

1 septembre 2011

Films vus par moi(s) : septembre 2011


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

L'affaire des poisons (Henri Decoin, 1955) **
L'affrontement entre Darrieux (La Montespan), Romance (La Voisin) et Meurisse (l'abbé sataniste) autour de poudres blanches et de messes noires sous Louis XIV est le grand atout de ce bon film historique, étonnamment misanthrope, qui prend son histoire au sérieux en s'opposant diamétralement aux potacheries contemporaines de Guitry. DVD Z2 Fr

La tête d'un homme (Julien Duvivier, 1933) ***
Un assassin (Inkijinoff, halluciné) fait suspecter à sa place un pauvre type et sème la destruction sur son passage. D'après Simenon, un Maigret (Baur) très inspiré où tout est affaire de mise-en-scène et d'expérimentations formelles. Presque abstrait dans son synthétisme et sa direction d'acteurs, c'est un des chefs-d'oeuvre de Duvivier. Oldcinépasssion

Chats perchés (Chris Marker, 2004) *
La quête poétique des "Mr Chat" souriants qui ornent les murs de Paris cède malheureusement vite la place à un essai vidéo sur la société française post 11 Septembre. L'Irak, Chirac-Le Pen, les sans-papiers, le Tibet, le foulard musulman, les intermittents, Marie Trintignant... se bousculent confusément et à gauche toute. Mouais. DVD Z2 Fr

Ohm Krüger / Le Président Krüger (Hans Steinhoff, 1941) ***
Le cinéma a rarement été aussi cynique et hypocrite qu'avec ce film nazi de propagande anti-britannique sur le héros vaincu de la Guerre des Boers qui dénonce les mêmes exactions (par les Anglais dans le Transvaal de 1900) que celles que les Nazis faisaient subir à leurs victimes en 1941. Jannings est excellent, le film passionnant. DVD Z1

Goya - oder der arge Weg der Erkenntnis / Goya (Konrad Wolf, 1971) ***
Une splendide superproduction RDA/URSS (en couleur et 70mm à l'origine) sur le peintre espagnol orientée, socialisme oblige, sur ses démêlés avec l'Inquisition catholique (et la duchesse d'Albe). Malgré une fin un peu expédiée, ce film rare est, autant qu'un hommage à Goya, "homme des Lumières", un ambitieux moment du cinéma de l'Est. DVD Z1

Rabbit hole (John Cameron Mitchell, 2010) ***
Sur un sujet miné (la désagrégation d'un couple après la mort accidentelle de leur enfant), un film qui réussit à évoquer par petites touches la confusion des émotions traversées. Kidman y retrouve enfin un rôle à sa mesure face à Eckhart. Grave mais lumineux, une admirable étude des étapes du deuil et de la continuation. DVD Z2 UK

Céline (Jean-Claude Brisseau, 1992) ***
En osant l'irruption du métaphysique dans un univers proche de Rohmer, Brisseau offre un film inclassable sur les pouvoirs de l'Amour, du Don et de la fusion avec la Nature. Dit comme cela, ça peut sembler béatifiant mais la sobre assurance de la réalisation et des deux actrices (Heredia, Pasco) en font une oeuvre profonde et magnifique. DVD Z2 Fr

Apache drums / Quand les tambours s'arrêteront (Hugo Fregonese, 1951) ***
L'intelligence du scénario, la réalisation et la direction artistique élèvent ce modeste mais très original western de série B vers les sommets du genre et lui fait mériter son statut (au moins en France) de film-culte. La profondeur des personnages, le crescendo du suspense et le travail sur la lumière/couleur ne cessent de réserver des surprises. DVD Z2 Fr

The Goddess / La Déesse (John Cromwell, 1958) 0
Sans doute audacieux à sa sortie, ce film sur le parcours d'une star hollywoodienne de son enfance à sa chute souffre du scénario ampoulé de Chayefsky qui se concentre exclusivement sur la névrose du personnage et du surjeu théâtral de Stanley, trop peu crédible pour le rôle. Les parallèles avec le destin de Monroe, eux, sont troublants. DVD Z1

Fantômas contre Fantômas (Robert Vernay, 1949) ***
Un étrange et fascinant hybride de thriller, de comédie et de fantastique où Fantômas lâche des zombies assassins dans le Paris de l'après-guerre. La fluidité de la réalisation, les contrastes de ton (du très sombre à l'hilarant, comme la course derrière le corbillard) et la morbidité font de ce film rare une sorte de petit chef-d'oeuvre. La Caverne des Introuvables

Lola rennt / Cours, Lola, cours (Tom Tykwer, 1998) **
Un pur exercice de style porté par l'énergie de sa jeune actrice (Potente), une bande-son dynamique et des effets scénaristiques et visuels à la fois intrigants et roublards. On a parfois l'impression que le film veut nous dire quelque chose puis on se rend compte qu'il se regarde juste le nombril. Pourtant, c'est pas mal du tout. DVD Z2 UK

Young at heart / Un amour pas comme les autres (Gordon Douglas, 1954) 0
Il m'a été impossible d'entrer dans ce film où trois soeurs à marier (dont Day et Malone) vivent sous le toit familial comme des post-ados alors qu'elles semblent dépasser la trentaine, où un musicien inexplicablement dépressif (Sinatra) traîne une unique expression et où l'histoire ne décolle pas jusqu'à la fin, stupéfiante de ridicule. DVD Z2 UK

Le dîner de cons (Francis Veber, 1998) ***
Après plus d'une décennie de retard, j'ai enfin vu le plus grand succès en salles françaises de 1998, après "Titanic". L'excellence de la mécanique comique du scénario, l'économie de moyens et le jeu épatant de Villeret (et de Prévost dans un rôle secondaire) en font une réussite de la comédie de situation. C'est drôle, concis et futé. DVD Z2 Fr

Strapped (Joseph Graham, 2010) *
Un jeune prostitué rencontre dans un immeuble une série de clients qui dresse un portrait kaléidoscopique du désir gay. L'intéressant travail sur la photo maquille le mini-budget, l'acteur principal (Bonenfant) a du charme et la scène avec l'activiste vieillissant est bonne mais dommage que le scénario enfile tant de clichés. DVD Z1

Dikie lebedi / Les cygnes sauvages (Vera & Mikhail Tsekhanovsky, 1962) ***
D'après un conte d'Andersen, ce classique du film d'animation soviétique dégage un charme fou par son graphisme à la fois fluide et synthétique qui fusionne le style des années Cinquante à l'illustration russe. Dès les premières images, on se laisse emporter par l'inventivité des créateurs, très inspirés par le format large utilisé. La Caverne des Introuvables

Love has many faces / L'amour a plusieurs visages (Alexander Singer, 1965) *
A Acapulco, les gigolos lutinent les femmes mûres et Turner change de tenue à chaque scène de plage ou de party dans cet inepte et poussif mélotrash qui offre quand même quelques pépites dans les dialogues, des bosses révélatrices dans le maillot du macho de service et le style inimitable de l'art déco Sixties. DVD Warner Archive

Letters to Juliet / Lettres à Juliette (Gary et Winick, 2010) 0
Une comédie romantique cucul et prévisible comme tout qui gâche honteusement le talent de ses acteurs (notamment Seyfried et Redgrave), sans doute appâtés par quelques semaines de tournage en Toscane. Un scénario paresseux, une réalisation inexistante, une Italie de carte postale : on soupire en attendant la fin attendue. DVD Z2 UK

Cave of forgotten dreams / La grotte des rêves perdus (Werner Herzog, 2010) ***
Grâce à la 3D, Herzog nous fait virtuellement entrer dans la grotte Chauvet, découverte en Ardèche en 1994. Ses extraordinaires peintures rupestres, datées de plus de 30.000 ans et que nous n'aurons jamais l'occasion de voir en vrai, s'y révèlent dans tout leur génie. Une plongée magique dans les abîmes de l'art et du temps. Ciné 3D

8 août 2011

Heroes of mine : Brad


Brad Davis (1949-1991)

Tout le monde se souvient de lui dans "Midnight Express" (Alan Parker, 1978), le film qui lança sa carrière, d'autres se le rappellent aussi dans "Querelle" (R.W. Fassbinder, 1982), celui qui la ruina. Ces deux films, le premier grand public, l'autre d'art et d'essai, sont les points forts d'un parcours cahotique et coupé court à 41 ans.

Sa vie ne fut pas de toute tranquilité, entre la violence de ses parents pendant son enfance en Floride, son addiction à l'alcool et à la drogue, ses innombrables nuits blanches sur les trottoirs et dans les boîtes de Manhattan des Seventies, sa bisexualité hésitante et l'épreuve de devoir cacher son Sida aux studios pour lesquels il travaillait dans les dernières années. Sa veuve Susan a raconté tout cela dans son livre "After midnight : the life and death of Brad Davis" (1997), une éprouvante descente dans l'Underground américain des années 70 et 80.


Aujourd'hui, vingt ans plus tard, il reste de Brad Davis ses quelques films - dont le meilleur est le téléfilm "Sybil" (Daniel Petrie, 1976) avec Sally Field où il joue un jeune homme qui se prend d'amitié pour une femme atteinte de trouble de la personnalité multiple - qui ne lui assureront pas l'immortalité cinématographique (encore que "Midnight Express", malgré ses défauts, ait des chances de rester dans les mémoires encore un bon bout de temps), et un fidèle cercle de fans qui ont une tendresse durable pour les personnages qu'il a incarnés et, à travers ces personnages, pour un type vraiment sexy et troublant. Un acteur à la présence toujours magnétique, sans doute dûe à sa façon étonnament féline de bouger à l'écran et à son visage d'éternel adolescent aux yeux tristes.


J'ai commencé ma collection de vieux magazines "Interview" (enfin, faut pas exagérer, je n'en ai que trois : celui avec lui en couverture, un autre avec Sissy Spacek et le troisième avec Sylvester Stallone) par le numéro d'octobre 1979 où il est en cover avec son portrait revu par le talentueux Richard Bernstein. Brad et Sissy sont depuis années encadrés dans leurs "Interview" côte à côte sur les murs de mon salon. Ils sont nés tous les deux la même année et si Brad Davis n'est plus qu'on lointain fantôme, Sissy Spacek, elle, continue à me réjouir par ses régulières apparitions sur un écran de ciné ou de télé.



Brad Davis dans l'article du magazine Interview, octobre 1979

1 août 2011

Films vus par moi(s) : août 2011


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Captain America: The First Avenger (Joe Johnston, 2011) *
J'aurais aimé le film s'il s'était arrêté quand Steve Rogers devient Captain America : la première partie avec son gringalet et son look Forties est très chouette. Le reste m'a ennuyé (sauf la séquence musicale) car faire un serial de 1941 en 2011 nécessite recul et humour. Ici, tout est trop sage et respectueux. Et franchement barbant. Ciné plein-air

Case départ (Fabrice Eboué, Thomas Ngijol & Lionel Steketee, 2011) 0
Deux demi-frères (un noir, un métis) d'aujourd'hui sont propulsés par un sort dans une plantation antillaise à esclaves en 1780. L'histoire avait du potentiel mais cette comédie est d'une bêtise et d'une vulgarité insondables. Qu'ils se soient mis à trois pour pondre une telle nullité ne laisse aucun espoir sur leurs talents individuels. Ciné plein-air

The fruit machine (Philip Saville, 1988) **
Malgré une fin vraiment décevante, ce téléfilm anglais sur deux ados gays (l'un gigolo, l'autre cinéphile) qui fuient à Brighton pour échapper à un tueur est très sympathique avec son look Eighties, sa bande son Stock-Aitken-Waterman, le charme de ses deux interprètes et le profil des personnages qu'ils croisent. Un petit film drôle et touchant. DVD Z2 UK

Falling down / Chute libre (Joel Schumacher, 1992) **
Un type anonyme pète les plombs face aux emmerdements quotidiens de la vie urbaine à Los Angeles et se lance dans un périple de violence rageuse et désabusée. Le scénario évite le piège du film réactionnaire en nous rappelant par petites touches que ça pourrait arriver à n'importe qui. Douglas est excellent dans un rôle difficile. DVD Z2 UK

The four feathers / Les quatre plumes blanches (Zoltan Korda, 1939) **
Si l'exaltation de la fierté, du courage et de la noblesse britanniques semble bien désuète plus de 70 ans après la sortie du film et si la représentation des rebelles soudanais est d'un racisme impérial, cet archétype du film d'aventures coloniales en Technicolor, tourné en grande partie au Soudan, reste un bon témoignage de son époque. DVD Z2 UK

Breaking bad, Season 3 (Vince Gilligan, 2010) ***
Les confrontations à deux ou plusieurs personnages se multiplient dans cette 3e saison qui privilégie la tension psychologique sur l'action. Celle-ci fait néanmoins irruption dans quelques scènes d'une efficacité implacable. Une série brillante qui continue à prouver qu'elle est le mètre-étalon actuel de l'écriture scénaristique TV. DVD Z1

Srpski film / A serbian film (Srdjan Spasojevic, 2010) 0
L'alibi de la métaphore sur "le viol de la Serbie au cours des vingt dernières années" est peut-être valide, mais j'ai surtout vu un torture-porn putassier qui enfonçe les tabous, du viol de bébé au viol de cadavre avec tout le reste entre les deux. C'est bien réalisé mais moralement indéfendable malgré ce qu'en dit le réalisateur. DVD Z2 UK (version censurée de 4 minutes)

Never let me go / Auprès de moi toujours (Mark Romanek, 2010) ***
Une histoire vraiment originale (dans le genre rare de la "retro-science-fiction"), dont il vaut mieux ne rien savoir avant de voir le film, ouvre sur une intelligente fable sur le temps de la vie. Mulligan, Garfield et Knightley sont bouleversants et la discrétion de la réalisation est parfaitement adaptée à ce sujet littéraire d'une terrible tristesse. DVD Z2 Fr

Io sono l'amore / Amore (Luca Guadagnino, 2009) **
Swinton est magnétique comme toujours dans ce film sur une femme de la haute-bourgeoisie milanaise étrangère en sa propre famille et qui s'éveille au désir pour un ami de son fils. Cette intrigue assez simple est rehaussée par une mise en images très recherchée dont l'artificialité peut rebuter. Mais la séquence finale est formidable. DVD Z2 Fr

Melancholia (Lars von Trier, 2011) ***
Les multiples interprétations possibles, l'étonnant décalage entre l'acte I et II, l'interprétation de Dunst (et surtout de Gainsbourg), l'inventivité visuelle de certaines compositions et la force émotionnelle qui monte jusqu'à l'inoubliable scène finale : tout cela fait de ce film Symboliste (au sens du mouvement artistique du XIXe s.) un nouveau sommet pour von Trier. Le cinéma mérite des films comme celui-là. Ciné

Rise of the Planet of the Apes / La Planète des Singes : Les origines (Rupert Wyatt, 2011) ***
L'intelligence du scénario qui va de l'intime au spectaculaire, la qualité de la réalisation et les CGI qui atteignent ici un nouveau palier d'excellence font de ce prequel un exemple de blockbuster réussi. Quelques facilités (le méchant gardien, la fille potiche) sont regrettables mais s'effacent derrière l'admirable tenue de l'ensemble. Ciné

Dark days (Marc Singer, 2000) *
Le réalisateur a passé deux ans avec une dizaine de SDF qui vivaient à Manhattan dans l'obscurité des tunnels sous Penn Station. Son film montre comment ils avaient réussi à reconstruire un semblant de société dans cet environnement effroyable. Mais le fait que ceux-là s'en soient sortis affaiblit quelque peu le propos. Et les autres ? DVD Z2 UK

Robin Hood / Robin des Bois (Ridley Scott, 2010) 0
La photo est belle. C'est la seule chose à tirer de ce monument d'ennui qui raconte, avec ses choix ratés de scénario et de réalisation ce qui n'intéresse personne : Robin des Bois d'avant le maquis. Scott s'y cite lui-même avec le plus grand sérieux, comme dans la scène du débarquement en CGI, qui atteint un sommet de ridicule. DVD Z2 Fr

The man in the Moon / Un été en Louisiane (Robert Mulligan, 1991) **
L'une de ces chroniques adolescentes douces-amères dont Mulligan a fait son lit : dans la Louisiane de 1957, deux soeurs tombent sous le charme d'un voisin quand la tragédie frappe. L'atmosphère d'été dans la campagne est un régal, les émotions sincères et Whiterspoon (dans son premier rôle) une révélation. Un film beau et poignant. DVD Z2 UK

Crack in the World / Quand la Terre s'entrouvrira (Andrew Marton, 1965) *
Un savant fait exploser une bombe H dans un forage pour essayer de remonter du plasma comme nouvelle énergie. Des fissures en chaîne s'ensuivent qui menacent de détruire la planète. Entre aventures et "science scare", ce film-catastrophe est typique de son époque mais manque d'ampleur pour être un classique du genre. Warner Archive DVD

Orphan / Esther (Jaume Collet-Serra, 2009) ***
Dans la classe des thrillers sur les enfants maléfiques, celui-ci tient le haut du pavé parce qu'il ose une subversivité dans laquelle aucun des autres ne s'était encore engagé, que la réalisation est très efficace, que les acteurs, adultes et surtout enfants, sont excellents et que l'histoire outrancière réserve un twist à ma connaissance inédit. DVD Z2 UK

Ceux qui restent (Anne Le Ny, 2007) *
Le type de film français dont le cinéma français a le secret, sur la rencontre dans les couloirs d'un hopital de deux personnages (Devos et Lindon) dont les conjoints se meurent d'un cancer. Les deux acteurs sont très bons et le quotidien aussi vrai qu'il peut l'être mais on a l'impression d'avoir déjà vu cela ou dans son genre bien des fois. DVD Z2 Fr

The Duchess / La Duchesse (Saul Dibb, 2008) *
Knightley incarne splendidement Georgiana, la Duchesse de Devonshire (1757-1806) dans ce film en costumes qui exploite au maximum les nombreux parallèles avec sa descendante Lady Diana Spencer. Dommage que la réalisation soit si plate et que l'émotion soit tenue à distance au profit d'une narration bien trop appliquée. DVD Z2 UK

On borrowed time / L'étrange sursis (Harold S. Bucquet, 1939) **
Pour gagner du temps et régler l'avenir de son petit-fils orphelin dont il s'occupe, un vieil homme (Lionel Barrymore) piège dans un arbre La Mort alias Mr Brink (Hardwicke), venue le chercher. Si le film rappelle trop son origine théâtrale, sa morbidité est très étonnante pour Hollywood. La fin ne peut que faire monter les larmes aux yeux. Warner Archive DVD

The Eagle / L'Aigle de la Neuvième Légion (Kevin Macdonald, 2011) **
L'ambiguité de la relation entre les deux jeunes hommes (un militaire romain et un esclave picte) bravant les tribus d'Ecosse en l'an 140 permet une intéressante lecture queer de cet epic intimiste. De plus, les paysages sont splendides, Tatum et Bell (lui surtout) convaincants et c'est si bon de voir un film historique sans presque aucun CGI ! DVD Z2 UK

Yves Saint Laurent-Pierre Bergé : l'amour fou (Pierre Thoretton, 2011) 0
Un documentaire poussif et confus qui ne traite pas franchement le sujet annoncé dans son titre mais qui s'attarde plutôt sur la dispersion de la collection Saint Laurent-Bergé au Grand-Palais en 2009. Bergé dit des choses intimes et pertinentes et certaines archives sont rares mais tout cela est bien mal servi par une réalisation incompétente. DVD Z2 FR

19 juillet 2011

Permanent Berliners


Comment passer à Berlin (enfin, comment pouvais-je passer à Berlin ?) sans aller quelques instants sur la tombe de l'une de ses plus célèbres enfants ? Aujourd'hui, j'ai pris l'U-Bahn U9 jusqu'à la station "Bundesplatz" (à quelques stations au sud de "Zoologischer Garten") pour me rendre au petit cimetière du quartier de Schöneberg qui abrite depuis 1992 la dernière demeure de Marlene Dietrich.

Le plan affiché à l'entrée indique l'emplacement des tombes des personnalités et j'ai pu trouver la sienne sans difficulté dans l'enclos verdoyant. J'ai également découvert sur ce plan que la mère de Marlene, Josephine von Losch (1875-1945) est aussi enterrée dans ce cimetière, ce qui explique sans doute pourquoi Marlene a choisi ce lieu pour elle-même (mais la mère et la fille ne partagent pas la même tombe, assez éloignées l'une de l'autre sur le site), hormis le fait qu'elle était aussi née dans le quartier de Schöneberg. Histoire de finalement boucler la boucle d'une vie de constante expatriée.


Sur la stèle de granit qui identifie l'emplacement sont gravés les mots tirés du sonnet "Abschied vom Leben" ("Adieu à la vie") du jeune poète et soldat Theodor Körner (1791-1813), "Hier steh ich an der Marken meiner Tage" dont le sens - assez cryptique - est "Me voilà à la frontière de mes jours" (mais dont Maria Riva, la fille de Marlene a révélé qu'ils signifiaient pour sa mère quelque chose comme "Je repose ici comme preuve de mon existence" - sic - mais Maria Riva n'a-t-elle pas l'habitude de dire n'importe quoi ?). A propos, voici ci-dessous un portrait de ce fringant Theodor dont j'ignorais tout jusqu'à la rédaction de ce billet.


Et sous ces quelques mots, simplement "Marlene 1901-1992". Marie Magdalene Dietrich dort de son dernier sommeil sous le prénom de scène qu'elle s'était - génialement - elle-même créé. Seule reste la caresse, le coup de cravache est superflu.

Si vous passez par là, regardez à côté : la troisième tombe sur la gauche de Marlene est celle du photographe Helmut Newton (1920-2004) qui a voulu que son épouse dépose ses cendres près de la sépulture de l'une des femmes les plus photographiées du XXe siècle et dont il était obsédé. Cet homme à femmes a donc pu approcher dans une dernière pirouette la star qu'il n'aura jamais réussi à photographier malgré son insistance (le seul et célèbre portrait qu'il fit de Marlene a été - par dépit ? - celle d'une poupée Marlene, lors d'une séance photo à Hollywood en 1983).


Voilà, j'ai donc rendu mon hommage à la plus célèbre citoyenne d'honneur de Berlin. Quatre autres visiteurs sont passés aussi pendant que j'y étais. Pour le reste, ce n'était que vent dans les arbres et gazouillements d'oiseaux dans ce petit coin de verdure de Schöneberg. Tant que je suis en ville, j'avais aussi envie d'aller payer mon tribut à Murnau et à Hildegard Knef mais j'ai vu que leurs adresses permanentes sont un peu éloignées de mes quartiers. Alors bon...

Marlene Dietrich par Helmut Newton, 1983

Nastassja Kinski, James Toback et la poupée Marlene par Helmut Newton, 1983