8 mai 2011

Heroes of mine : Louise


C'est grâce à la sublime adaptation de "Madame de..." par Ophuls que je me suis un jour intéressé à Louise de Vilmorin (1902-1969), qui est vite devenue, par son excentricité, son aventureuse histoire personnelle, sa beauté et son charme irrésistibles, l'une des personnalités du siècle dernier pour lesquelles j'ai le plus de tendresse. Son talent d'écrivain, dans la nouvelle, la poésie ou les jeux de mots, je ne peux pas en juger, n'ayant lu que "Madame de..." justement, dont j'ai en tous cas un excellent souvenir.

Pendant une décennie (du début des années 50 à celui des années 60), celle qui fut l'épouse d'un héritier américain (avec qui elle vécut à Las Vegas dans les années 20), d'un comte hongrois qui l'installa dans un château des Carpathes dans les années 30 et la compagne ou maîtresse de grands noms du siècle, de Saint-Exupery à Malraux, qui lui ferma les yeux (elle se surnommait elle-même "Marilyn Malraux"), en passant par Welles et Duff et Diana Cooper (l'ambassadeur britannique en France et sa femme), reçevait le Tout-Paris - et même le Monde entier quand il était de passage - dans sa propriété de Verrières-le-Buisson autour d'un pot-au-feu du dimanche soir.


Louise de Vilmorin fut la représentante archétypique d'une certaine idée - la plus sympathique - de la "vieille France", bourgeoise et distinguée, éduquée et spirituelle. Ses rares interviews enregistrées sont des bijoux d'esprit et de légéreté. Il faut la voir et l'écouter donner son avis sur la littérature, l'amour, le bonheur et tant d'autres petites choses. Son choix de vocabulaire et son utilisation de métaphores, ses modulations de voix et sa façon d'infléchir la fin d'un mot dans une délicieuse tonalité teintée de snobisme (elle qui n'était pas snob pour un sou) font qu'on a envie de s'asseoir à côté d'elle en lui demandant de nous raconter quelque chose, n'importe quoi, autour d'une tasse de thé. Je l'aurais écoutée parler pendant des heures.

Sa devise était "Au secours !". Une femme merveilleuse, je vous dis.

Louise de Vilmorin vers 1930 : une jeune femme qui fit tourner bien des têtes

Le 7 mars 1964, la TSR (Télévision suisse romande) diffusait une récente interview de Louise de Vilmorin réalisé dans son manoir de Verrières. L'émission de 15 minutes est visible sur leur site internet. C'est, avec la courte et très amusante interview qui figure sur le DVD Criterion de "Madame de...", l'un des rares témoignages subsistants de son charme irrésistible. Je ne m'en lasse pas. Ecoutez-la répondre aux questions - souvent assez stupides ("Vous n'aimez pas ce qui est profond ?") - de son interlocuteur, laissez-vous porter par ses intonations et la gestuelle de ses mains.

Et on comprend à la vision de ce document qu'il y a, dans "Madame de...", beaucoup, mais beaucoup, de Louise de...

Vous pouvez y accéder en cliquant ici. (Louise de Vilmorin commence à parler à partir de 3'10)

8 commentaires:

  1. Merci Tom pour ce lien, 15mn délicieuses qui nous a permis de savoir à qui Sylvie Joly avait volé le phrasé de ses grandes bourgeoises névrosées.
    Vous aviez disparu, c'est finalement normal : depuis le temps nous n'étions même pas inscrit à Sniff & Puff.
    Shame shame shame.

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  2. Plaisir rare d'une époque a tout jamais révolue. Par son charme, son élégance, son humour, sa fantaisie, son côté farfelu finalement très maitrisé, ses paradoxes en fait plus profonds qu'il n'y paraît, ses fausses pudeurs de femme qui sait qu'elle est adorée et adorable, ses talents (même si elle ne semble pas s'en reconnaître beaucoup), font de Louise de Vilmorin le plus parfait exemple de ce qu'une éducation grand bourgeoise pouvait produire au début du siècle dernier. Certes l'argent aidait beaucoup à cette éducation. Mais pourrait-on faire aussi bien aujourd'hui?
    J'ai le souvenir d'une émission réunissant Louise de Vilmorin et Jean Cocteau, c'était à qui serait le plus brillant!! Cette archive doit dormir dans les armoires de l'INA. C'était une époque où l'ORTF adorait ces portraits-souvenirs, ces discussions au coin du feu J'imagine une rencontre avec Jean d'Ormesson. Mais ne rêvons pas. Le moule de ces montres sacrés est cassé!
    Et comment résister à une femme qui affirme:''Il est absolument inutile de s'ennuyer''... magnifique devise!
    Et pour terminer, je trouve Louise de... Absolument, terriblement, définitivement, adorablement française...
    TP cela a été un plaisir de te lire et de découvrir cette vidéo.

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  3. Soyons, je n'avais pas pensé à Sylvie Joly mais maintenant que tu l'as dit...

    Charlus, oui, ce passage "il est absolument inutile de s'ennuyer..." est une merveille. Toute la fantaisie et la perspicacité de Louise de Vilmorin y sont portées au sommet. Il faudrait retrouver ce dialogue de Vilmorin-Cocteau dont tu parles, ce devait être un feu d'artifice.

    Je suis ravi que ces quelques minutes d'un autre temps vous aient plu.

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  4. Je suis fascinée depuis longtemps par cette femme. Je dévore tout ce qui la concerne et ne peux m'empêcher, lorsque je vais sur les quais, à Paris (je suis Québécoise), d'entrer chez le grainetier, seulement parce que je suis certaine qu'elle y est souvent allée.


    Djo

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  5. J'ai moi-même eu envie d'aller voir le domaine de Verrières mais je crains que des grands murs ne cachent la maison. Une personnalité fascinante, en effet.

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  6. Il reste la forêt de Verrieres! Qui est bien ou mal fréquentée!! C'est selon!!!

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  7. J'ai tout de suite pensé aux "Catherine" de Sylvie Jolie, le charme et l'intelligence en plus.
    On retrouve un peu les mêmes intonations chez sa sœur quand elle présente ses recettes de cuisine dans "Dim, Dam, Dom".
    Ah le son d'une belle voix, bien posée, sur la base d'une bonne éducation! Je pense à Delphine Seyrig interviewée dans "Cinéma, cinéma" ou Caroline Sihol (dans un genre moins "prestigieux") parlant de sa famille.

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  8. Sa définition du sac à main (qu'elle abhorrait): "un estomac au bras"! Génial!

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