30 décembre 2012

Der Hamburger Helot

A la Kunsthalle de Hambourg, une statue académique des années 1890 qui m'était inconnue, habituellement remisée aux réserves, est en ce moment exposée à l'occasion d'une intéressante présentation thématique des collections de sculpture.


"Der Helot" (L'Hilote) de Wilhelm Kumm, daté de 1891, représente un esclave agricole grec des environs de Sparte.

Derrière le sujet antiquisant, c'est le jeune modèle anonyme qui a posé pour le sculpteur que le visiteur ne peut s'empêcher de voir. Son beau visage pensif aux traits intemporels (il pourrait être d'hier, d'aujourd'hui ou de demain) donne à la statue une fascinante présence. Compte-tenu du nombre de photos qui en sont prises par les visiteurs, on comprend qu'il ne laisse personne de marbre. Jugez-en vous même par ces images que j'ai capturées de lui après avoir passé pas mal de temps, moi aussi, à le regarder.


Et pour rester à la Hamburger Kunsthalle, je ne peux résister à inclure ci-dessous ce plan rapproché d'un des mes tableaux préférés, l'admirable "Voyageur contemplant une mer de nuages" de Caspar David Friedrich (1817) que je n'avais vu jusqu'à aujourd'hui que par reproduction interposée. L'original mérite le voyage comme dirait un guide populaire. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant tout à l'heure que l'habit du voyageur des montagnes, que j'avais toujours cru de flanelle ou de coton noir, est en réalité de velours vert. L'oeuvre en est encore plus classe.


2 décembre 2012

Films vus par moi(s) : décembre 2012


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Life of Pi / L'odyssée de Pi (Ang Lee, 2012) ***
Il faudra que je le revoie parce que l'agencement et la signification de la dernière partie du film par rapport à ce qui a précédé m'en a fait sortir. Pour le reste, ce conte métaphorique aux péripéties et aux images inoubliables (l'utilisation de la 3D fixe la barre très haut) m'a enchanté, ému et rappelé la magie des possibles qu'offre le cinéma. Comme cela fait du bien de voir quelque chose de différent, vraiment. Ciné 3D

Johnny Guitar / Johny Guitare (Nicholas Ray, 1954) ***
Une première partie en intérieur, une seconde en plein-air, des couleurs éclatantes (vert, noir, blanc, rouge, jaune), un personnage féminin qui en harcèle un autre, une horde de villageois en costume de deuil et une partition lyrique : "Johnny Guitar" est un mélo-western qui ne ressemble à aucun autre. Joan Crawford y est magnétique, Mercedes McCambridge infernale et Sterling Hayden stoïque comme un roc. BR US

Pierrot le Fou (Jean-Luc Godard, 1965) ***
L'exaltante inventitité créative du film, sa beauté plastique, son insolent dynamitage des genres cinématographiques (auxquels il rend par ailleurs hommage), son humour, sa poésie tragique et ses tentations politiques forment l'essence du meilleur Godard. Le charme et l'énergie vitale d'Anna Karina et de Jean-Paul Belmondo font le reste. Un film qui a su capter sur le vif l'esprit des Sixties. BR Fr

Breaking bad / saison 4 (Vince Gilligan, 2011) ***
Le manque d'enjeu et d'action du début de cette saison m'avaient refroidi : j'avais laissé tomber au bout de 4 épisodes. Des mois plus tard, j'ai tenté la suite et petit à petit, la sauce a repris. Les derniers épisodes comptent parmi ce que j'ai pu voir de plus tendu, de mieux écrit, joué et réalisé à la télé. Avec un final qui vous tire le tapis sous les pieds et son travelling démoniaque sur un banal pot de muguet. DVD Z1 

J. Edgar (Clint Eastwood, 2011) ***
L'ennuyeuse première demi-heure passée, le film décolle quand il se met à suggérer le portrait intime de J.E. Hoover, le directeur controversé du FBI, à travers une affaire célèbre (l'enlèvement Lindbergh) mais surtout dans ses relations fusionnelles avec sa mère, sa secrétaire et son collaborateur-compagnon d'une vie, Clide Tolson. Si la forme est terriblement académique, le propos est inédit et passionnant. BR Fr

Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot, 2012) **
Je me suis un peu ennuyé. On voudrait en voir plus sur la Cour qui se délite à Versailles entre le 14 et le 17 juillet 1789 mais le point de vue unique à partir de la lectrice de Marie-Antoinette empêche d'ouvrir le cadre. C'est un parti-pris, respecté à la lettre. On n'a donc qu'une vision partielle du cataclysme. Les acteurs sont tout juste OK, la photographie magnifique et un plan-séquence dans un couloir du château magistral. BR Fr

Le petit Prince a dit (Christine Pascal, 1992) **
La sensibilité de Christine Pascale imprègne ce film triste mais pas larmoyant sur les liens d'une petite fille de dix ans condamnée par une tumeur au cerveau avec ses deux parents séparés. Richard Berry et Anémone sont parfaits et la jeune Marie Kleiber bouleversante. Les paysages verdoyants de la Suisse apportent une note élégiaque avec laquelle la mort s'approche en douceur, trop peut-être. DVD Z2 Fr

Rosemary's baby (Roman Polanski, 1968) ***
La paranoïa qui contaminera le cinéma des Seventies et les blockbusters sataniques du genre "The exorcist" trouvent une de leurs origines dans ce thriller psychologique inaltérable à la réalisation qui fait tous les bons choix et au casting étincelant (Mia Farrow, Ruth Gordon, Sidney Blackmer et, en retrait, John Cassavetes). Quelle composition des plans et utilisation de la couleur ! Quel humour pervers ! BR US

The taking of Pelham One Two Three / Les pirates du métro (Joseph Sargent, 1974) ***
Quatre types déguisés en beaufs immobilisent dans un tunnel une rame du métro de Manhattan pour obtenir une rançon. Ce sujet, simple comme tout, a pourtant donné un des thriilers les plus excitants des 70's. Il faut dire qu'il y a Robert Shaw et Martin Balsam en pirates et Walter Matthau en chef de la sécurité. Il y a aussi un melting pot d'otages, de l'humour et des dialogues bourrés de mots à quatre lettres. BR US

The night of the hunter / La nuit du chasseur (Charles Laughton, 1955) ***
L'amour du cinéma, du théâtre, de la peinture, de la littérature illumine chaque scène de ce chef-d'oeuvre qui convoque les grandes obsessions américaines (argent, sexe, religion, violence) dans un conte noir et expressionniste aux innombrables références mais à l'atmosphère incomparable. Un des plus beaux films sur l'enfance, qui réveille chez chaque spectateur des sentiments profondément enfouis. BR US

De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012) *
A l'image de son titre qui prend la pose, ce "mélo trash" comme le définit Audiard a trop de préciosités formelles et d'impasses scénaristiques pour ne pas être soupçonné de roublardise. Les acteurs sont uniformément excellents pour des personnages uniformément monolithiques. La photographie est intéressante, nettement inspirée par la photo contemporaine. Je me suis demandé ce que von Trier en aurait fait. BR Fr

Damsels in distress (Whit Stillman, 2011) **
La lenteur de la mise en place, le jeu désincarné des jeunes actrices, l'artificialité des dialogues et l'évident petit budget commencent par inquiéter et puis soudain, le charme opère et la seconde partie du film sert de révélateur à la première. Une subtile tendresse se dégage alors pour ces personnages qui se cherchent eux-mêmes. Un ton original pour un film de campus vraiment atypique. BR US

Vesyolyye rebyata / Les joyeux garçons (Grigori Alexandrov, 1934) ***
Cette première comédie musicale soviétique, farce burlesque sur un berger pris par erreur pour un chef d'orchestre, fait preuve d'une imagination absurde débridée typique de son temps. Les animaux de la ferme qui ravagent la soirée bourgeoise et les chansons populaires sur la scène du Bolchoï font une amusante propagande. Le premier plan-séquence musical et le long travelling sur une plage sont exceptionnels. DVD Z2 Fr

Klute (Alan J. Pakula, 1971) **
Le rapprochement affectif de la call-girl (Jane Fonda) et du détective (Donald Sutherland) est autrement plus intéressant que leur banale enquête dans un New York dont la poisse obscure imprègne tout. Le rythme lent, les longs temps de pause et l'abondance des dialogues (formidables séquences de Fonda chez la psy) font du film un archétype du cinéma de son époque, le début des 70's. DVD Z1 US

Pet Sematary / Simetierre (Mary Lambert, 1989) ***
Stephen King a adapté lui-même son inquiétant roman pour ce film qui atteint des sommets de morbidité et fonctionne parfaitement, dans le genre, vingt-cinq ans après sa sortie. Le fantastique du vieux cimetière indien qui ramène les morts à la vie (animaux, enfants et adultes), jette un regard sensible sur le travail du deuil. La direction artistique et la réalisation sont excellentes. BR US

The impostor / L'imposteur (Julien Duvivier, 1943) *
Gabin retrouvait Duvivier à Hollywood avec ce drame sur fond de Forces Françaises Libres au Congo qui fait partie de l'effort de guerre du cinéma US. Le tout artificiel (matte paintings, back projections et jungle de studio à gogo) a son charme et Gabin, blond-cendré ondulant, s'essaye à l'anglais sans conviction. Un film curieux et intéressant quand on le replace dans son contexte historique. DVD Z2 Fr

W.E. (Madonna, 2011) *
L'histoire de Wallis Simpson et d'Edouard VIII entre 1930 et 1970 aurait suffi, pourquoi s'être encombré de celle d'un couple new-yorkais des années 1990 en narration parallèle ? Le tout est très beau, très fabriqué et sans presqu'aucune émotion alors qu'il y avait de quoi faire un grand film d'amour. C'est l'obsession de contrôle de Madonna qui est en cause : à repousser l'affectif, elle ne créé qu'une froide machinerie. BR Fr