24 décembre 2013

Love is blue

Au détour d'un épisode de la saison 6 de Mad Men, une musique sur un générique de fin qui fait soudain ressurgir un flot de souvenirs d'enfance. Je ne l'avais pas entendue depuis des lustres et pourtant c'est comme hier. Je suis avec mon grand-père sur la plage de Fort Pierce en Floride et on regarde avec la foule une lumière qui monte dans le bleu du ciel. C'était Apollo 13 qui décollait, le 11 avril 1970. Cette musique devait jouer quelque part sur une radio. Un son de mes Seventies.

Paul Mauriat. Love is blue, 1968.

14 décembre 2013

Films vus par moi(s) : décembre 2013


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

This is 40 / 40 ans mode d'emploi (Judd Apatow, 2012) *
A Los Angeles, les scènes de la vie d'un couple de jeunes quadragénaires. Les enfants, les parents, le désir, le travail, les finances : tout y passe. Un Apatow moyen et décousu qui égrène des séquences aux flêches amusantes et d'autres qui tombent à plat, les deux essentiellement basées sur le cul. Paul Rudd est très bon comme d'habitude mais le jeu uniforme de Leslie Mann, médiocre actrice, plombe tout le film. Assez amateur, en fait. BR Fr

Mad Men. Saison 6 (Matthew Weiner, AMC, 2013) **
** seulement parce que le rythme du délitement de Don Draper et ses effets sur les autres personnages donnent parfois l'impression d'un scénario qui se met à tourner en rond. Mad Men reste néanmoins une série géniale : les personnages justement ont ces fêlures touchantes, les acteurs et le style sont brillants et chaque épisode réserve des fulgurances émotionnelles ou de mise en scène qui balayent les réticences possibles. BR UK

Beasts of the Southern wild / Les bêtes du Sud sauvage (Behn Zeitlin, 2012) 0
La poétisation de la misère est toujours difficle à avaler. On est servi avec ce film sur une gamine noire du bayou de Louisiane qui traverse les épreuves commises par les hommes et la Nature grâce à sa résilience innocemment imaginative. La petite actrice de 6 ans est formidable mais la réalisation pleine de maniérismes satisfaits et l'onirisme de pacotille m'ont fait fuir. J'ai tenu sur la première moitié puis parcouru le reste en fast forward. BR Fr  

Brideshead revisited / Retour à Brideshead (Julian Jarrold, 2008) **
Une adaptation esthétiquement très soignée du roman d'Evelyn Waugh sur les liens complexes qui unissent, de 1923 à 1943, un étudiant anglais, un camarade aristocrate excentrique rencontré à Oxford et la soeur de celui-ci. Les choix du scénario transforment en profondeur l'histoire originale, affirmant l'aspect homosexuel et lançant la charge contre le catholicisme. Or, Vaugh a écrit un livre sur la Grâce. C'est vraiment un intrigant contresens. BR UK 

Quelques heures de printemps (Stéphane Brizé, 2012) ***
La violence affective entre parents et enfants (ici une mère et son fils quadragénaire) et le suicide assisté sont deux sujets piégés : le réalisateur réussit à en extraire une très touchante histoire humaine, toujours rigoureusement juste et digne. Il y est aidé par deux formidables acteurs : Hélène Vincent et Vincent Lindon (et Emmanuelle Seigner dans un petit rôle). Un film épuré qui distille sa froideur puis qui soudain bouleverse. BR Fr

They were expendable / Les sacrifiés (John Ford, 1945) *
Bien sûr, l'hommage (presqu'en temps réel) aux Marines promis à la défaite contre les Japonais dans les Philippines était admirable mais il y a si peu de conflit (au sens scénaristique) dans ce film trop long que l'ennui poli s'installe rapidement pour ne relâcher que dans la dernière demi-heure, assez émouvante. Ford a voulu faire un film "comme c'était", le résultat, hybride de fiction et de documentaire, ne m'a pas vraiment convaincu. DVD Z1 US 

Predator (John Mc Tiernan, 1987) **
Je ne l'avais pas revu depuis sa sortie ciné celui-là. Ca reste un très bon film d'action et de suspense, qui ne crie pas trop son origine Eighties et qui est transcendé par une mise en scène nerveuse et une composition des plans dans la jungle parfois magnifique (notamment pendant le duel final). Schwarzenegger est parfait dans son rôle archétypal. Un bémol quand même : le rire du Predator lors d'une scène cruciale, choix imbécile. BR Fr

Un condamné à mort s'est échappé (Robert Bresson, 1956) ***
La rigueur obsessionelle de Bresson fait des merveilles avec ce sujet d'un résistant préparant son évasion d'une prison lyonnaise en 1943. La précision austère de la mise en scène basée sur la répétition décalée des actions et le jeu atonal et pourtant fiévreux des acteurs en font une oeuvre d'un sentiment quasi mystique. Le travail sur les sons et bruitages est remarquable et la fin est une épiphanie qui donne tout son sens à ce qui a précédé. BR Fr

Kaboom (Gregg Araki, 2010) 0
Le début de ce film sur les aventures d'un étudiant bisexuel de l'Université de San Diego qui a d'étranges hallucinations promet un moment léger et décomplexé, plein de jeunes actrices et acteurs dénudés et d'effets et de couleurs pop. La fin, autour d'une secte apocalyptique, plonge dans le grand n'importe quoi et ruine le tout par son injustifiable je m'en foutisme. Allez, disons que la première heure se laisse voir. DVD Z2 Fr

Fin / The end (Jorge Torregrossa, 2012) **
Quelques amis jeunes quadras se retrouvent pour un week-end dans un chalet forestier et découvrent que tout le monde autour d'eux a disparu. Une fable métaphorique sur quelques questions existentielles majeures. Si tout ne fonctionne pas, on ne peut nier l'originalité du point de vue et la Sierra est magnifiquement filmée. Un film espagnol qui n'atteint pas toutes ses ambitions (la fin est bâclée) mais qui propose d'intrigantes visions. BR Fr  

Les misérables (Raymond Bernard, 1933) ***
Chaque scène de cette adaptation fleuve en trois parties (près de 5h en tout) du roman de Hugo semble être issue d'un recueil de gravures du XIXe siècle, dynamisées par d'étonnantes compositions obliques et d'éclairages quasi expressionnistes : c'est un triomphe visuel. Le casting incarne à la lettre ses personnages mythiques, Harry Baur en tête évidemment, avec son Jean Valjean tellurique et bouleversant. Un monument inaltérable. BR Fr

1 décembre 2013

Gance. Brownlow. Davis. Napoléon.

Royal Festival Hall, London. November 30, 2013. Unforgettable.


1 novembre 2013

Films vus pas moi(s) : novembre 2013


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Napoléon (Abel Gance, 1927) ***
Voir et redécouvrir à Londres le Napoléon d'Abel Gance dans sa dernière version restaurée par Kevin Brownlow avec l'accompagnement musical de Carl Davis dirigeant en personne le Philharmonia Orchestra au Royal Festival Hall restera l'une des plus fortes expériences de ma vie cinéphile. 5h30 d'émotion et d'émerveillement devant ce spectacle total dont le souffle visionnaire et dynamique emporte tout sur son passage. Ciné Concert 

Les risques du métier (André Cayatte, 1967) *
Un film de l'ex-avocat Cayatte, c'est à dire une histoire à faire réfléchir et une mise en scène absente. Ici, l'enquête sur un instituteur de village (Jacques Brel, piètre acteur) accusé d'attouchements sur ses élèves. Le thème est bien sur toujours d'actualité mais comme la démonstration est lourde. Et les gamines qui répondent à toutes les questions par "Oui, Monsieur", "Non, Monsieur" sont d'un monde disparu. Démodé, oui c'est ça. BR Fr 

House of wax / L'homme au masque de cire (André de Toth, 1953) ***
Un film formidablement attrayant grâce à son histoire macabre, ses décors inquiétants (les rues embrumées, le dioramas de cire), ses couleurs de livre illustré et son utilisation de la 3D qui explore la profondeur de champ de façon magistrale et sans trop de show off. La scène de l'incendie dans le musée de cire reste un grand moment du cinéma d'atmosphère et Vincent Price compose son sculpteur fou avec sa classe habituelle. BR 3D Allem. 

Downton Abbey, saison 4 (Julian Fellowes, 2013) ***
Je suivrais sans fin les histoires croisées des maîtres et des servants de Downton en 1922, rien que pour les acteurs, tous aussi impeccables les uns que les autres. Dans cette saison, il y a bien quelques faiblesses (notamment les interminables conséquences d'un viol) mais les rebonds mélodramatiques qui amusent et émeuvent font qu'on en veut encore et encore et encore… Le télé british a de beaux jours devant elle. BR UK

Cruising / La chasse (William Friedkin, 1980) *
La plongée en apnée d'un flic hétéro taciturne dans la scène nocturne SM gay de Manhattan à la recherche d'un tueur. La splendide photo des clubs et des parcs la nuit esthétise le voyeurisme glauque et tente d'édulcorer le propos subtilement réactionnaire. Al Pacino semble perdu (ce qui bénéficie à son personnage) dans un rôle complexe. Un film qui dégage, pour de multiples raisons, un pernicieux sentiment de malaise. DVD Z1 US   

3 days of the condor / Les trois jours du condor (Sydney Pollack, 1975) *
Un bon (au sens de représentation, pas de qualité) exemple du cinéma du complot qui fleurit à d'Hollywood dans les Seventies. Le spectateur est artificiellement gardé dans la confusion jusqu'à la toute fin et suit la course de Robert Redford (pas terrible) dans New York avec un intérêt qui s'émousse au fil du film. Faye Dunaway est bien mais dans un rôle purement décoratif. Un thriller de son temps plus intéressant que réussi. BR Fr

Bel Ami (Declan Donnellan & Nick Omerod, 2012) 0
Des actrices (Thurman, Scott Thomas, Ricci) en costume qui évoluent dans des décors comme des period rooms et aucun souffle qui ne circule entre les scènes de dialogues qui condensent l'histoire de l'arriviste Georges Duroy montant les échelons et ses maîtresses. Une adaptation fade et figée du roman de Maupassant où Robert Pattinson essaye d'échapper à son rôle de vampire de "Twilight" en en incarnant un autre. BR Fr

Mud (Jeff Nichols, 2012) *
2h15 pour raconter une histoire aussi languissante, non. Je me suis ennuyé du début à la fin malgré les compositions bien cadrées de l'ample horizon du Mississippi, l'excellente performance de Matthew McConaughey et des deux adolescents et mon amour pour le genre du "coming of age movie". La faute à la lourdeur répétitive de l'écriture, au symbolisme et références empesés et, le pire, à l'académisme de la réalisation. BR Fr

Le joli mai (Chris Marker & Pierre Lhomme, 1962) **
L'intérêt et l'émotion de voir des parisiens de 1962 parler en N&B de leurs vies, de leurs colères et de leurs bonheurs, du mauvais temps, des grèves et de l'Algérie portent ce film document. On se rend compte, à 50 ans de distance, que les choses ont tellement et si peu changé. Son éclat et sa réalisation sont cependant moindres que ceux du formidable  "Chronique d'un été" (Rouch & Morin, 1961), au propos très proche. DVD Z2 Fr

Quatermass and the pit / Les monstres de l'espace (Roy Ward Baker, 1967) *
En son temps, ce film de science-fiction britannique a du faire son effet, le thème d'une descendance martienne et maléfique de l'Humanité était alors inédit. Vu aujourd'hui, les modèles en plastique et les effets spéciaux ont pris un coup de vieux et le scénario manque de solidité. Mais les idées sont toujours là, le travail sur la couleur intéressant et la séquence (et l'apparition) finale a su garder toute sa force expressive. BR UK

Before midnight (Richard Linklater, 2013) **
Le romantisme de "Before sunrise" et la vitalité de "Before sunset" font place dans ce 3e opus de la trilogie de Linklater à une amertume un peu fabriquée. Autant les promenades bavardes à deux des 2 premiers me touchaient, autant ici les scènes liées aux amis et aux enfants m'ont fait décrocher. La fin maladroite et le jeu inégal de Julie Delpy m'ont aussi gêné. Le tiers faible d'un projet que je continue néanmoins à adorer. BR Fr

Lady Paname (Henri Jeanson, 1950) **
Après une formidable première moitié qui semble développer les scènes de music-hall de "Quai des Orfèvres" et exploite au mieux l'abattage éhonté de Suzy Delair, ce backstage parigot perd de ses étincelles et termine banalement en comédie sentimentale. Mais on prend du plaisir à voir les acteurs faire leur numéro : Jouvet, Souplex, Marken... sur des dialogues qui crépitent de savoir-faire. Pour le début, qui promettait plus que le tout. DVD Z2 Fr

Avec le sourire (Maurice Tourneur, 1936) **
Un arriviste sans scrupule et sa compagne écrasent sur leur chemin vers le haut ceux qui servent leurs desseins. Une comédie bien ancrée dans son temps qui utilise à merveille la personnalité, la bagou (et le sourire) de Maurice Chevalier pour raconter son histoire d'une cynique amoralité. Une mise en scène plus inventive aurait propulsé le film au sommet. Le numéro de Chevalier "Le chapeau de Zozo" est resté dans les annales. DVD Z2 Fr

L'inconnu du lac (Alain Guiraudie, 2013) ***
Avec trois fois rien qui disent l'essentiel (un lac, une plage, un bois, quelques hommes, quelques voitures, le soleil, le vent et l'ombre), un film entre Eros et Thanatos qui questionne et chorégraphie les prises de risque du désir gay. On ne sait quoi admirer le plus du scénario implacable, de la précision de la mise en scène, de l'excellence des acteurs ou de la lumière, qui irradie l'écran jusqu'à l'abîme insondable de la dernière scène. DVD Z2 Fr 

Los amantes passajeros / Les amants passagers (Pedro Almodovar, 2013) *
Un Almodovar mineur, en sorte d'épure camp de sa première période, d'où une seule splendide idée de mise en scène jaillit : celle du crash entendu depuis les halls déserts de l'aéroport. Le reste est terriblement théâtral (café-théâtral même), bavard et gratuitement coloré. Si le casting est formidable et si on rit pas mal de l'outrance bon enfant, il ne reste au final pas grand chose de plus que le goût d'un exercice assez vain. BR Fr

Crimes of passion / Les jours et les nuits de China Blue (Ken Russell, 1984) **
Le jeu et les dialogues fiévreux et extravertis de Kathleen Turner (dans le rôle d'une graphiste frigide le jour qui se transforme en pute la nuit) et d'Anthony Perkins (dans celui d'un révérend obsédé par elle, le péché et le sexe) sont à eux seuls une bonne raison de voir le film. L'étude sur la frustration sexuelle est ce qu'elle est : overt the top, du pur Russell. Un déballage de fantasmes et de tirs contre le puritanisme américain. DVD Z2 UK 

Hellzapoppin' (H.C. Potter, 1941) **
Le burlesque absurde de cette comédie musicale loufoque a pas mal vieilli mais certains gags restent hilarants, notamment dans la dernière partie, et l'insolente liberté en n'importe quoi de l'écriture et des effets visuels en fait un moment unique du cinéma hollywoodien de l'Age d'Or. Martha Raye surjoue comme jamais (c'est son job) et son numéro "Watch the birdie" est d'un dynamisme contagieux. Délirant et sympa comme tout. DVD Z2 UK 

Gravity (Alfonso Cuaron, 2013) ***
Un chef-d'oeuvre. Sous ses habits de survival dans l'espace, un spectacle total, visuellement inédit (l'utilisation de la 3D est extraordinaire) qui révèle peu à peu sa véritable identité : un conte existentiel sur le deuil et la résilience qui atteint des profondeurs bouleversantes. Il y a longtemps que je n'avais pas été remué (au sans propre et figuré) comme ça par un film. Le cinéma au sommet, dans ce qu'il a de meilleur et d'essentiel. Ciné 3D

Nightbreed / Cabal (Clive Barker, 1990) **
La découverte d'une communauté de monstres humains vivant cachée sous un cimetière abandonné provoque son implosion. Le scénario défaillant (peu aidé, il est vrai, par un remontage studio qui ajoute à la confusion) n'empêche pas le film de conserver un intérêt certain, grâce à sa galerie de créatures, à ses décors morbido-gothiques et à sa vision d'ensemble réellement originale. Bancal mais néanmoins fascinant. DVD Z1 US 

The hunt for Red October / A la poursuite d'Octobre Rouge (John McTiernan, 1990) *
D'après Tom Clancy, un (le ?) dernier film de propagande pro-US de la Guerre Froide, sur un sous-marin soviétique traqué dans l'Atlantique à la fois par les américains et les russes. Avec son action plutôt limitée, ses dialogues à rallonge et une scène invraisemblable de traversée d'un canyon abyssal, c'est une déception. En revanche, en tant que document sur la rhétorique hollywoodienne, c'est plutôt intéressant. DVD Z2 UK

Blancanieves (Pablo Berger, 2012) ***
Cette Blanche-Neige transposée dans l'Andalousie des années 1920 avec son château, sa marâtre, ses nains et sa pomme est un formidable hommage à l'art narratif et visuel du cinéma muet, magnifié par une photo N&B splendide, le flamenco, la corrida et la beauté de sa jeune actrice (Macarena Garcia, une révélation). L'auteur a transmuté avec succès le conte germanique en un autre où souffle l'âme hispanique. BR Fr

5 octobre 2013

Films vus par moi(s) : octobre 2013


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Star Trek into darkness (J.J. Abrams, 2013) 0
A la toute fin du film (il y a un très beau générique final), la capitaine Kirk décide de relancer l'Enterprise pour une mission d'exploration interstellaire de cinq ans. Si seulement il l'avait fait au début. Au lieu de nous faire voyager dans le cosmos, on prend ici 2h15 de bavardage, de baston, de caméos et de scénario débile (comment faire redémarrer un réacteur nucléaire en tapant dessus) jusqu'à l'endormissement. Absolument nul. BR Fr 3D

Stoker (Park Chan-wook, 2013) 0
Croulant sous ses effets de mise en scène et de montage tape à l'oeil et gratuits, cette histoire de psychose familiale autour d'une veuve (Nicole Kidman), de sa fille adolescente et d'un oncle inquiétant joue à la fois sur les codes usés du thriller et du film de fantômes sans convaincre un instant (mis à part dans une scène de séduction au piano qui doit tout au score de Philip Glass). Pour faire bref, un film roublard, insignifiant et narcissique. BR Fr

Tabu : a story of the South Seas / Tabou (F.W. Murnau, 1931) ***
Le dernier film de Murnau, tourné dans les merveilleux décors naturels de Polynésie, n'atteint pas le niveau d'intensité de ses plus grands chefs-d'oeuvre mais raconte son histoire d'amants maudits avec une simplicité fluide qui colle parfaitement au sujet. Une ode à la beauté des corps peu vêtus de ses jeunes acteurs non professionnels et une lamentation sur l'innocence perdue qui a aussi de l'universalité d'un mythe antique. BR UK

Jud Süss / Le juif Süss (Veit Harlan, 1940) **
Comment noter ce film, la fiction de propagande antisémite la plus célèbre et la plus vile du Troisième Reich ? En en évaluant la fin et les moyens. Et là, il faut dire que le film répondait à son cahier des charges : l'histoire de ce juif des années 1730 qui s'insinue dans les affaires du Würtemberg est, par son scénario et sa mise en scène, un fascinant modèle de manipulation du spectateur. Un film d'autant plus terrible que c'est un bon film. DVD Z1 US

American gigolo (Paul Schrader, 1980) **
A Los Angeles, un gigolo de luxe pour femmes est soupçonné d'avoir commis un meurtre. L'esprit et le look (immonde) du tournant des Eighties sont le principal intérêt de ce film daté mais fascinant dont on regrette que le scénario n'ait pas été un peu plus tonique et subversif. Richard Gere est parfait dans sa séduisante vulgarité et c'est toujours un plaisir de retrouver Lauren Hutton à l'écran. La B.O. de Giorgio Moroder ajoute à l'ambiance. BR Fr  

Deliverance / Délivrance (John Boorman, 1972) *
La descente d'une rivière en canoe par quatre amis tourne au cauchemar après une rencontre avec des autochtones demeurés. Si en 1972, la violence et le nihilisme du film durent faire l'effet d'un coup de tonnerre, le temps n'a pas été clément avec Délivrance, trop revu, trop copié. Son message, de plus, n'est pas clair, on peut même se demander s'il y en a un. La scène du banjo, elle, tient toujours formidablement bien la route. BR US

The perks of being a wallflower / Le monde de Charlie (Stephen Chbosky, 2012) ***
En 1990, un ado introverti et perturbé se fait deux bons amis dans son lycée et apprend la confiance en lui. Un "coming of age movie" sensible et intelligent qui n'évite pas quelques clichés mais qui dégage une sincérité touchante et bénéficie d'un très bon casting. Le genre de film qui ne révolutionne pas le cinéma mais qui résonne forcément chez certains de ses spectateurs et qui peut les aider à grandir. Ce n'est pas rien. BR UK 

The General / Le mécano de la Général (Buster Keaton, 1926) ***
La précision du scénario et de la mise en scène et la beauté de la photo (qui fait ressembler le film à des photos de Matthew Brady animées) sont exaltantes. Ajoutez la tendresse qu'on ressent pour ses deux personnages (Buster Keaton en mécano et Marion Mack en amoureuse intrépide) et la géniale subtilité des situations humoristiques : cette comédie d'action muettte indémodable est un de ces films qui exhude la perfection. BR US 

The idolmaker (Taylor Hackford, 1980) *
En 1959, doutant de pouvoir devenir chanteur pop, un type se lance dans la fabrique de deux teen-idols pour midinettes. Inspiré par la vie de l'agent de Frankie Avalon et de Fabian, un film visuellement réussi (la recréation de l'époque est efficace) mais qui souffre de la faiblesse des chansons et du manque de charisme (volontaire ?) de ses interprètes, à part Ray Sharkey dans le rôle principal. Il y avait de quoi faire bien mieux. BR US 

Yossi (Eytan Fox, 2012) **
Dix ans après, Yossi, devenu chirurgien à Tel-Aviv, se perd dans sa solitude. Un follow-up à "Yossi & Jagger" qui traite d'un sujet rarement abordé dans le cinéma à thématique gay : la dépression et la détresse affective. Si le jeune et beau deus ex-machina qui apparaît à la fin du film semble une clause bien conventionnelle, on sent pourtant une sincérité attachante dans cette histoire d'un difficile retour à la vie. DVD Z2 Fr

Yossi & Jagger (Eytan Fox, 2002) 0
Deux soldats israéliens (l'un, Yossi, est aussi introverti que l'autre, Jagger, est extraverti) vivent un amour secret dans leur poste à la frontière du Liban. Le budget minuscule de ce moyen-métrage (65') tourné en vidéo et doté d'un score électronique lui donne une esthétique de porno qui le dessert violemment. Il y a un beau film social et romantique sans doute caché derrière mais en l'état, sa faiblesse technique est rédhibitoire. DVD Z2 Fr

L'assassin habite... au 21 (Henri-Georges Clouzot, 1942) ***
Cette comédie policière, le premier film de Clouzot, est un régal de dialogues dits par une brochette de comédiens irrésistibles (Fresnay, Tissier, Larquey, Roquevert, on ne peut pas tous les citer) doublé d'une mise en scène efficace et inventive. L'abattage de Suzy Delair emporte tout et si l'histoire, un peu légère, n'a pas grande importance, la connivence créée avec le spectateur est telle qu'on en ressort rassasié et ravi. BR Fr

Christiane F. - Wir Kinder von Bahnhof Zoo / Moi, Christiane F. 13 ans, droguée, prostituée... (Uli Edel, 1981) ***
Plus des trente ans après sa sortie, l'adaptation du livre sensation sur le quotidien d'une ado toxico berlinoise n'a rien perdu de sa force. La réalisation, qui évoque une fusion fiction-reportage, transcrit l'enfer de la déchéance dans la drogue comme aucun film ne l'avait fait avant. La présence de la jeune Natja Brunckhorst (et de son partenaire, Thomas Haustein) donne corps à un récit que la musique de Bowie transcende. DVD Z2 UK 

Fantastic voyage / Le voyage fantastique (Richard Fleischer, 1966) **
Un sujet génial, inoubliable : quelques scientifiques miniaturisés sont injectés avec une soucoupe dans le corps d'un savant comateux. Plus que l'action, présente mais parcimonieuse, ce sont les décors (et le son) qui volent le vedette à tout le reste. Multicolores et psychédéliques, les intérieurs de l'aorte, du coeur, des poumons et de l'oreille interne marquent un sommet du design hollywoodien. Un regret : on en voudrait encore plus. BR US

12 septembre 2013

Cléo et Angèle


Une Cléo inquiète écoute les conseils pleins de bon sens et les avis superstitieux de sa dame de compagnie Angèle dans un café de la rue de Rivoli. L'emploi frénétique de locutions et de proverbes populaires dans la conversation de cette dernière est l'un des grands plaisirs que procure le magnifique et touchant "Cléo de 5 à 7" d'Agnès Varda, 1962. Avec deux actrices qui ont illuminé chaque film où elles ont fait une apparition.

Dominique Davray (la brune) et Corinne Marchand (la blonde) dans "Cléo de 5 à 7". Forever.

6 septembre 2013

Films vus pas moi(s) : septembre 2013


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Women in love / Love (Ken Russell, 1969) ***
Une libre adaptation du roman de D.H. Lawrence qui fusionne l'énergie déséspérée des Twenties (l'époque où l'histoire se passe) à l'élan vitaliste des Sixties (l'époque où le film a été fait). Plus que des femmes dont le titre parle, c'est des deux hommes (Oliver Reed et Alan Bates, magnifiques) dont Russell dresse les portraits intimes, dans une série de scènes d'une sensualité baroque, dont évidemment, celle de la lutte nue au coin du feu. DVD Z2 UK 

Homeland, saison 2 (Showtime, 2012) ***
Chacun des 12 épisodes de ce feuilleton sur le jeu du chat et de la souris entre des agents de la CIA et un groupuscule d'Al-Qaïda sur le sol US dégage un suspense et des coups de théâtre terrassants. Il y a du mélo aussi et le tout se panache parfaitement. L'écriture, la réalisation et le casting (Claire Danes, habitée par son personnage) atteignent une intensité qui ne faiblit pas sur la durée. Addictif est le mot qui convient. BR Fr

A tale of two cities / Le marquis de Saint-Evremond (Jack Conway, 1935) *
Ronald Colman est excellent, avec son jeu tout en retenue, dans le rôle d'un avocat anglais alcoolique qui se sacrifie par amour sous la Révolution Française. Mais la mise en scène, à part dans les séquences de foule à La Bastille et à La Concorde (dirigées par Val Lewton et Maurice Tourneur), manque cruellement de dynamisme et c'est mollement qu'on suit l'histoire. C'est dommage. Avec une séquence finale qui elle, est magnifique,  DVD Z1 US

Otto; or, Up with dead people / Otto (Bruce LaBruce, 2008) 0
A Berlin, un jeune zombie gay taciturne est repéré par une réalisatrice lesbienne qui lui donne un rôle dans un film politico-sexuel. J'ai parfois pensé au John Waters des années 70 pour l'esprit mais la comparaison fait mal. Le genre de film entre le culte et l'expérimental qui ne passe plus aujourd'hui. Sur 90', j'en ai vu 60 en acceléré. Mais avec un tube indie super sur le générique final : "Everyone's dead" par The Homophones. BR Fr

Last night (Don McKellar, 1998) *
Un film de fin du Monde canadien à petit budget qui se concentre (sans aucun SFX) sur les dernières heures de quelques personnages à Toronto. Certaines situations sont convenues, le calme de chacun est peu crédible et certains acteurs laissent à désirer mais quand apparaissent les vrais pros (Geneviève Bujold, David Cronenberg et Sandra Oh, qui porte le film), l'émotion point. Une Apocalypse aux antipodes de celles d'Emmerich. DVD Z2 UK

The American (Anton Corbijn, 2010) 0
Passée la surprise d'un meurtre inattendu tout au début, c'est l'ennui, insurmontable, qui s'installe jusqu'à la fin. Même George Clooney, qui a produit le film, ne semble pas s'intéresser à cette histoire truffée de clichés (de la pute jeune et jolie aux airs d'opéra en passant par la procession mariale et le papillon blanc) sur un tueur à gages en mission dans les Abruzzes. Le film tente la mélancolie existentialiste et se vautre, bien. BR Fr 

Les maudits (René Clément, 1947) **
En 1945, pendant la chute du Reich, un petit groupe de nazis et de collaborateurs embarque sur un sous-marin allemand à destination de l'Argentine. Un très bon huis clos psychologique qui dessine en métaphore une carte des protagonistes européens de la Seconde Guerre Mondiale. La voix off freine le dynamisme de la mise en scène (pleine d'excellentes idées) mais le film propose un regard passionnant sur l'Histoire récente. Br Fr 

Behind the candelabra / Ma vie avec Liberace (Steven Soderbergh, 2013) ***
Intrépides, Michael Douglas et Matt Damon (et Rob Lowe dans un second rôle fabuleux) vont sur un territoire où peu (pas) d'acteurs de leur stature se sont aventurés. Débutant comme une comédie et virant à l'horror, cette histoire d'amour cruelle entre la vieille tante pianiste et son avant-dernier compagnon réussit brillament à évoquer un monde irrespirable comme un parloir funéraire de Las Vegas. Magistral et étrangement déstabilisant. BR US

Animal kingdom (David Michod, 2009) ***
La tension de ce film d'une sauvagerie sourde sur une fratrie de criminels de la banlieue de Melbourne vous aggripe dès la première scène pour ne vous relâcher qu'au générique final. Les éclairs de violence qui le parsèment sont moins terribles que la psychologie effrayante de la grand-mère qui gère ses rejetons d'une main de fer. Un bijou noir impressionnant, à la réalisation implacable et au casting uniformément excellent. BR Fr 

L'ennemi intime (Florent-Emilio Siri, 2007) **
En 1959, un jeune lieutenant idéaliste (Benoît Magimel) fait l'expérience de la guerre à la tête d'une petite section dans les montagnes de Kabylie. Malgré des effets stylistiques un peu tape à l'oeil et un scénario parfois naïf dans l'appui de sa démonstration, un captivant film, part guerre (d'Algérie) et part drame psychologique dans des décors naturels magnifiquement photographiés. Un vrai morceau de bravoure : la scène de napalm. BR Fr

Quantum of solace (Marc Forster, 2008) *
Un James Bond qui se regarde sans ennui vraiment mais sans intérêt non plus. Deux histoires de vengeance personnelles croisées (Bond et la Bond girl ont chacun des choses à régler) sur fond de contrôle de l'eau en Bolivie. Les scènes d'action abusent d'un montage frénétique et Mathieu Amalric fait un vilain bien insipide. Comme tout le film, d'ailleurs : insipide. Il faudra attendre "Skyfall", le suivant, pour retrouver les sommets. BR Fr 

Les tontons flingueurs (Georges Lautner, 1963) 0
Cruel manque de rythme, réalisation assez médiocre, dialogues d'Audiard tout juste passables avec quelques sourires sur un boulevard d'ennui et une brochette de bons acteurs mal dirigés ou pire (comme la fille qui joue la jeune "nièce", exécrable) : la réputation de cette comédie proclamée "culte" m'a laissé pantois. Un abîme la sépare de l'étincelante réussite de "Le cave se rebiffe", deux ans auparavant. Une énorme déception. BR Fr

West of Memphis (Amy Berg, 2012) ***
Complémentaire à la puissante trilogie "Paradise lost" (Berlinger & Sinofsky, 1996-2000-2011), ce nouveau documentaire de 2h30 oriente son regard sur les défaillances de l'enquête et de la justice, le long combat des activistes et pointe du doigt le probable coupable d'un triple meurtre d'enfants de 1993 pour lesquels trois jeunes hommes innocents ont passé 18 ans en prison. Une histoire terrible, qui bouleverse et enrage à la fois. BR US

Crazy, stupid, love. (Glenn Ficarra & John Requa, 2011) *
Un jeune séducteur prend sous son aile un quadragénaire cocu pour l'aider à retrouver son estime de soi. Un comédie romantique qui démarre très bien en mordant mais qui prend soudain la voie d'un écoeurant sirop conservateur tout à la gloire des félicités du mariage. De la propagande grotesque. Le casting, formidable, a fait que j'ai tenu jusqu'au bout : Steve Carell, Julianne Moore, Ryan Gosling, Emma Stone, Marisa Tomei... BR Fr 

La resa dei conti / Colorado (Sergio Sollima, 1967) **
Un chasseur de primes (Lee Van Cleef) joue au chat et à la souris avec un mexicain accusé de viol (Tomas Milian) entre un Colorado et un Mexique filmés en Espagne. Un western italien au scénario malin et aux personnages peu orthodoxes dont l'atout principal est le lyrisme des compositions, magistralement picturales et un superbe score de Morricone. J'ai juste du mal avec les westerns où tout le monde parle italien. BR Fr  

9 août 2013

1 août 2013

Films vus par moi(s) : août 2013


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

The lone ranger (Gore Verbinski, 2013) 0
Quand on se fait chier au bout de 30' d'un film qui dure 2h30, c'est que quelque chose cloche. Ici, c'est le rythme, le film étant une succession de scènes disjointes dont certaines étirées ad nauseam, et la mise en scène, qui utilise tous les clichés des blockbuster formatés. Le casting (Armie Hammer, Johnny Depp...) fait ce qu'il peut avec ce qu'on lui donne. Il y a de bien beaux paysages de l'Ouest, quel dommage de les avoir autant gâchés. Ciné plein air

Elysium (Neill Blomkamp, 2013) 0
Une excellente idée de départ (au XXIIe s., la Terre devenue un bidonville, les riches vivent dans une station orbitale de luxe) qui aurait pu donner un film de SF politique et intelligent est ruinée par un scénario stupide et incohérent qui se fixe sur l'action et la bagarre entre le héros (Matt Damon) et un méchant ridicule. Ajoutez une gamine leucémique à sauver... Le genre de blockbuster qui montre ce qui déconne à Hollywood. Ciné plein air

The messenger (Oren Moverman, 2009) **
Un jeune vétéran blessé et un officier fort en gueule sont chargés d'annoncer la mort de soldats tués en Irak à leurs proches. Un film retenu et digne (le sujet se prêtait à l'excès mélodramatique) sur les conséquences distantes de la guerre chez les civils et sur la résilience. Ben Foster, Woody Harrelson et Samantha Morton donnent une poignante réalité à leurs personnages meurtris. Quelques longueurs mais un beau film. BR Fr

From Paris with love (Pierre Morel, 2010) 0
Produit par Luc Besson (produit Besson, plutôt), un film d'action au scénario débile où un employé de l'ambassade US à Paris (Jonathan Rhys Meyers, qui devrait se reposer) accompagne en mission un expert anti-terroriste dur à cuire (John Travolta, qui cachetonne en cabotinant à la cool). On reprend les ficelles de l'excellent "Taken" (Morel, 2008), ici en flinguant du Chinois et du Pakis mais la sauce a tourné. Con et complètement inutile. BR Fr

Gattaca / Bienvenue à Gattaca (Andrew Niccol, 1997) ***
Porté par la partition mélancolique de Michael Nyman, un intelligent film de science-fiction (au sens propre du terme) sur la tentative d'un jeune homme normal d'accéder à une mission réservée aux specimens humains génétiquement parfaits. Le thème du dépassement de soi croise celui de l'eugénisme et derrière le futurisme aseptisé pointe une humanité bouleversante. Avec Ethan Hawke, Jude Law et Uma Thurman, excellents. BR Fr 

Caravaggio (Derek Jarman, 1986) ***
Si on ne la prend pas comme un biopic mais comme un film d'art "à la Jarman", cette pièce autour de la vie et de la peinture de Caravage, avec ses stylisations formelles, ses obsessions homoérotiques, ses anachronismes irrévérents, se révèle une oeuvre puissante. Ce n'est pas tant l'histoire de l'artiste mais l'essence de son existence que le réalisateur évoque, aidé par un casting brillant (Nigel Terry, Sean Bean, Tilda Swinton) DVD Z2 Fr

Bab El Oued City (Merzak Allouache, 1994) ***
En 1989 à Alger, un jeune homme qui a cassé un haut-parleur qui diffusait des messages fondamentalistes est poursuivi par un groupe de barbus. Un film tourné dans l'urgence et la clandestinité (ce qui le rend d'autant plus admirable) sur la diffusion de l'islamisme dans le quotidien de quelques habitants du quartier de Bab El Oued. La fiction y sert la dénonciation d'un monde en mutation. Une oeuvre visionnaire et désabusée. DVD Z2 Fr

L'été en pente douce (Gérard Krawczyk, 1987) 0
Surtout connu comme le film qui devait lancer Pauline Lafont (avant sa mort accidentelle en 1988), un mélodrame moîtement franchouillard au goût de navet où tout sonne faux : les situations, l'inexistence de la mise en scène, le surjouage embarrassant des acteurs en roue libre (Bacri est carrément nul). Le casting était pourtant prometteur (Villeret, Marchand, Bouise...). Mais Pauline Lafont donc, radieuse, perdue et court vêtue. DVD Z2 Fr

Apocalypse. La 2ème Guerre Mondiale (Isabelle Clarke & Daniel Costelle, 2009) *
Je suis embêté avec cette série documentaire en 6 parties : bien sûr, le sujet est essentiel et les images d'archives captivantes mais le recadrage des documents en format large, le montage surdynamique, le martelage des basses pour dramatiser et la narration parfois mélodramatique m'ont un peu fait penser à une "WW2 pour les Nuls". Quant au choix de tout coloriser sauf les images de la Shoah, il récuse le concept même du projet. BR Fr 

Le beau Serge (Claude Chabrol, 1959) ***
Un citadin (Jean-Claude Brialy) revient dans son patelin de la Creuse et y retrouve un ami d'adolescence (Gérard Blain, le beau Serge), tombé dans l'alcoolisme. Les thèmes du contraste social (les codes de la campagne vs. ceux la ville), de l'attirance homosexuelle et du sacrifice se croisent en une trame audacieuse. Un film subtil et cruel (c'est le premier de Chabrol) parfaitement maîtrisé. Bernadette Lafont irradie en nympho villageoise. BR Fr

Pickpocket (Robert Bresson, 1959) **
L'austérité radicale des éléments cinématographiques (dont le jeu atone des "modèles" comme les appelait Bresson et la rigueur de la narration et des compositions) confère à ce film sur un pickpocket philosophe une exigence peu amène. Pourtant, l'érotisation suggérée, la brillante scène chorégraphiée du vol dans la train et la beauté botticellienne du visage de Marika Green réussissent à fasciner malgré la mise à distance. DVD Z2 Fr 

The silent enemy (H.P. Carver, 1930) **
Unique projet de son réalisateur, une fiction muette à forte connotation ethnographique autour de la quête de nourriture d'une tribu d'indiens d'avant l'homme blanc dans l'hiver canadien. L'action et le conflit (entre un jeune chef et un chamane) structurent une histoire simple mais solide qui veut donner à voir la société indienne d'avant la conquête. La beauté des images, très pictorialistes, apporte au film une tonalité élégiaque. DVD Z1 US

Plein Soleil (René Clément, 1960) ***
L'éclat quasi abstrait des couleurs primaires du décor et l'insolente beauté physique des trois personnages principaux jurent magistralement avec la noirceur des crimes de Tom Ripley sous le soleil de l'été italien. Ce jeu entre la surface et la profondeur est l'un des thèmes de ce thriller psychologique qui révéla et déifia Alain Delon dans un rôle au magnétisme subversif. Un maillon faible : Marie Laforêt, jolis yeux mais insipide. BR Fr

Family plot / Complot de famille (Alfred Hitchcock, 1976) **
Le 53e et dernier film d'Hitchcock, secondaire mais suprêmement sympathique, est une comédie criminelle sur deux couples qui jouent au chat et à la souris autour d'un héritier disparu. Le plaisir à voir le film est surtout dû aux touches hitchcockiennes malicieuses, auto-référentielles, qui parsèment le scénario, les dialogues et la mise en scène. Et pour les acteurs qui s'amusent. Une oeuvre de fin de carrière comme un clin d'oeil. BR US

Bullfighter and the Lady / La dame et le toréador (Budd Boetticher, 1951) ***
Au Mexique, un américain (Robert Stack teint en blond, ce qui ne lui va pas mal) apprend l'art de toréer auprès d'un célèbre matador. En partie autobiographique, un grand film méconnu de Boetticher tourné en paysages et décors naturels (dont la Plaza de toros de Mexico) et mis en scène avec un exaltant dynamisme. Les péripéties sentimentales sont traitées de façon aussi adultes que celles de corrida. Une révélation. BR US (version restaurée de 124') 

Das letze Schweigen / Il était une fois un meurtre / The silence (Baran Bo Odar, 2010) ***
Oubliez le titre français imbécile, ce thriller psychologique autour du meurtre identique de deux adolescentes dans un village allemand à 23 ans de distance est une étude réussie, formidablement interprétée, sur le deuil et la culpabilité. De façon surprenante, on connait le coupable dès le début et la noirceur des situations est contrebalancée par la lumière radieuse de la photo. Mais avec une fin, film allemand oblige, glaçante. BR US

The naked kiss / Police spéciale (Samuel Fuller, 1964) ***
Une call-girl débarque dans une petite ville pour se refaire une virginité et en découvre des secrets inavoués. Un surprenant hybride de film noir et de women's picture, passant du réalisme à l'onirisme,  qui lève de multiples tabous en une succession de morceaux de bravoure de mise en scène. Constance Towers, dans le rôle principal, crève l'écran par sa classe décalée. Un chef-d'oeuvre pulp d'une originalité inaltérable. BR US

The piano / La leçon de piano (Jane Campion, 1993) **
L'interprétation exceptionnelle de Holly Hunter et de la petite Anna Paquin (dans le rôle d'une mère muette et pianiste et de sa fille plongées dans la forêt néo-zélandaise vers 1860) mérite tous les honneurs, qu'elles ont d'ailleurs eus. Elle parfait une réalisation inspirée qui laisse suggérer la violence sensuelle des sentiments des personnages. Peu de films ont tenté d'explorer le mécanisme du désir féminin et l'ont réussi comme celui-ci. BR Fr

Le samouraï (Jean-Pierre Melville, 1967) ***
Austère et minimaliste : ce film du dernier Melville est un obsédant exercice de style formel sur la solitude d'un tueur à gages (Alain Delon, mutique et impénétrable) pourchassé par les flics et son client. L'hiver de ses sentiments est exprimé, de façon magistrale, par l'isolation des corps et l'irréalisme glacial des décors monochromes. Le réalisateur y réinvente le thriller comme une oeuvre d'art à la lisière de l'abstraction. BR Fr

The Master (Paul Thomas Anderson, 2012) **
Le thème "sectaire/scientologique" (que je croyais être le sujet principal du film) m'a semblé être, en fin de compte, un "red herring" : cette histoire n'est-elle pas plutôt celle de l'attirance d'un notable marginal pour une racaille avec son jeu de séduction, manipulation et déception ? Si c'est le cas , le film est passionnant malgré ses longueurs rébarbatives et le jeu chargé à outrance de Joaquin Phoenix et de Philip Seymour Hoffman. BR Fr

Viaggio in Italia / Voyage en Italie (Roberto Rossellini, 1954) ***
Ingrid Bergman et George Sanders, venus à Naples vendre la villa d'un oncle décédé, remettent leur couple en question à l'ombre du Vésuve. L'histoire, d'une simplicité universelle, traite les thèmes essentiels : la fragilité des sentiments, la Nature et la Culture, le vertige du Temps, le sacré et le profane... Rarement ces choses ont été dites à l'écran avec autant d'évidence. Un film magnifique en forme de nouvelle existentielle. DVD Z2 Fr

26 juillet 2013

Bye bye Bernadette


Bernadette Lafont (1938-2013)

Elle était toujours bien dans ses films, Bernadette Lafont, même lorsque les autres autour d'elle n'étaient pas à la hauteur. Elle avait réussi à se construire l'image d'une égérie du Nouveau Cinéma français des Années 60-70 et à se rendre durablement populaire dans des films plus convenus, de son insolente vitalité de jeunesse à ses années de grand-mère. Elle avait été mariée à Gérard Blain de 1957 à 1959, ça force le respect. Quand on la voyait dans des interviews TV, elle dégageait une personnalité sincèrement sympathique, elle devait l'être. J'ai l'impression qu'elle a toujours été là avec ses yeux pétillants et sa voix gouailleusement sexy si particulière. Aujourd'hui, elle est partie (à 74 ans, c'est trop tôt) et ça fait un peu, beaucoup, bizarre.


Il paraît que son film préféré de sa prolifique carrière était "Les bonnes femmes" de Claude Chabrol, 1960. Je crois que moi aussi, celui-là je l'adore. Bernadette Lafont, Pascale Audran, Clotilde Joano : tout est dit.


3 juillet 2013

Films vus par moi(s) : juillet 2013


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Runaway train / A bout de course (Andrei Konchalovsky, 1985) **
En Alaska, deux criminels (un sociopathe et un simple d'esprit) échappés d'une prison montent sur un train de fret fou dont le conducteur est mort d'une crise cardiaque. Un film d'action bourrin très Eighties (c'est une production Golan-Globus) surclassé par une réalisation dynamique, le jeu halluciné de Jon Voight et d'Eric Roberts (tous deux formidables) et un sous-texte existentiel assez subtil. Adapté d'un script de Kurosawa (sic). BR UK 

Lincoln (Steven Spielberg, 2012) **
Superbement écrit et réalisé mais d'une austérité non événementielle qui peut rebuter, ce long film d'histoire et de dialogue qui se concentre sur les semaines de 1865 ayant mené au vote de l'amendement abolissant l'esclavage est un chapitre de plus dans le corpus "National Heritage" de Spielberg historiographe. Daniel Day-Lewis, Sally Field (qu'on retrouve avec grand plaisir) et Tommy Lee Jones sont, inutile de le dire, excellents. BR Fr

Manhattan (Woody Allen, 1979) **
Ca faisait des lustres que je ne l'avais pas revu. La photo N&B, la musique de Gershwin, la composition des vues de Manhattan sont splendides et les acteurs disent leurs textes intarissables à la perfection mais le personnage antipathiquement narcissique incarné par Woody Allen n'offre plus, 35 ans plus tard, l'impact de l'inédit. C'est le seul reproche que je je ferais à cette comédie mélancolique sur l'insatisfaction amoureuse des quadragénaires. BF Fr  

The paperboy (Lee Daniels, 2012) ***
Ceux qui comme moi raffolent des mélotrashs ne peuvent qu'être emballés par ce thriller sordide qui se désintéresse de son intrigue pour scruter les outrances de ses personnages, une bande de raclures comme on voit peu. Un casting parfait (Nicole Kidman - géniale - , Matthew McConaughey, John Cusack et même Zac Efron) se donne à fond dans le décor de la Floride de 1969. Un film camp, sexy, inquiétant et cruellement drôle. BR Fr

Il momento della verità / Le moment de la vérité (Francesco Rosi, 1965) ***
La carrière fulgurante d'un jeune espagnol devenu matador par appât du gain. Tourné dans un style à l'immédiateté quasi documentaire, un film tragique et brûlant comme le sable des arènes qui nous plonge au coeur de l'univers de la corrida avec des acteurs qui jouent leur propres rôles (Miguelin est le héros) et des toros qui crachent leur sang. L'antidote à "Arènes sanglantes" (que j'aime aussi) et le meilleur film sur le sujet. BR US

Niagara (Henry Hathaway, 1953) **
C'est évidemment la présence magnétique de Marilyn Monroe, ajustée dans des tenues toutes plus suggestives les unes que les autres et ne lésinant pas sur les poses lascives, l'éclatant Technicolor et le décor des chutes qui élévent ce très banal thriller adultère en un inoubliable moment de cinéma. Si la répétition du morceau "Kiss" tape un peu sur les nerfs, Jean Peters réussit à exister face à Monroe, ce qui n'est pas rien. BR US 

Les mistons (François Truffaut, 1958) *
La chouette liberté de ce court-métarge de 17' lui donne un charme qui fonctionne toujours même si le texte de Maurice Pons est tout juste passable et que la technique laisse à désirer (les dialogues sont souvent inaudibles). Mais l'histoire de ce couple harcelé par des gamins, vue aujourd'hui, vaut  surtout pour des raisons sentimentales : les débuts de Truffaut derrière la caméra et ceux de Bernadette Lafont devant. DVD Z1 US

Le silence de la mer (Jean-Pierre Melville, 1948) ***
Admirablement mise en scène par Melville débutant, une adaptation du texte de Vercors (1942) qui réussit la prouesse d'être à la fois une oeuvre cinématographique fascinante (les cadrages, la photo, la voix off, les monologues) et un bouleversant témoignage sur les conflits humains individuels provoqués par l'Occupation, envisagée du côté français et du côté allemand. Souvent négligé, c'est un des grands films de l'après-guerre. BR Fr

Solomon Kane (Michael J. Bassett, 2009) 0
Un film de dark fantasy sur la campagne anglaise des années 1600 en proie aux exactions d'un démon et de ses sbires. Un héros tourmenté à cape et chapeau noirs se lance dans le combat. L'histoire sans enjeu, l'accumulation de clichés, la paresse du scénario et une fin expédiée pimentent au navet cette boursouflure qui prétend à plus qu'elle n'est. L'univers visuel est pas mal mais c'est loin de suffire et on s'ennuie ferme. BR Fr

Populaire (Régis Roinsard, 2012) *
Un film complètement anachronique, sans une once de cynisme, de second degré ou de recherche post-moderne, sur une secrétaire de 1958 poussée par son patron à s'inscrire à des concours de dactylo. C'est coloré et sympa comme tout mais l'écriture manque du mordant ou de la folie qui eussent été nécessaires. Refaire un film de 1958 (il y en a plein des comme ça à l'époque) en 2012 a-t-il un véritable intérêt ? Pas convaincu. BR Fr

Kongen av Bastoy / Les révoltés de l'île du diable (Marius Holst, 2010) *
C'est le "The Magdalene sisters" norvégien. En 1910, dans une maison de redressement pour garçons isolée sur une île, le quotidien de brimades et d'abus de pouvoir mène les jeunes détenus à la révolte. Tiré d'une histoire vraie (c'est ce qu'on nous dit), le film est austèrement esthétique - la neige, la mer, les arbres - et sans surprise mais tient par un bon casting et la fin est puissante. Enfin, on a l'impression d'avoir déjà vu tout cela bien des fois. BR Fr

La grande bellezza (Paolo Sorrentino, 2013) *
J'aurais mis *** si l'héritage fellinien (La dolce vita, 8 1/2, Roma...) n'était pas aussi roublard. L'histoire de ce type mondain entre deux âges qui réalise la futilité de sa vie a été dit de façon insurpassable il y a 50 ans, pourquoi le redire si ce n'est pour filer la roue ? Et la pauvreté de cette conclusion, Mamma mia ! Reste la beauté des images, de Rome et des scènes de danse, d'un exaltant dynamisme. Ciné plein-air (et à Rome, ce qui fait une différence)

Nuovomondo / Golden door (Emanuele Crialese, 2006) ***
Du départ de la ferme à l'arrivée à Ellis Island, le rude voyage d'une famille paysanne sicilienne (et d'une jeune femme anglaise : Charlotte Gainsbourg) candidate à l'émigration aux Etats-Unis dans les annnées 1910. Le petit budget est surmonté par une mise en scène intimiste mais inventive, pleine de scènes surprenantes à la forte connotation réaliste poétique. Un traitement original pour un film qui réussit à émouvoir. BR Fr

Seeking a friend for the end of the World / Jusqu'à ce que la fin du Monde nous sépare (Lorene Scafaria, 2012) 0
C'est un peu le ""Melancholia" de von Trier à l'américaine, sans le génie. Voisins anonymes, Steve Carell (très bon) et Keira Knightley (exaspérante de maniérismes) prennent ensemble la route et apprennent à se connaître alors qu'un astéroïde fonce vers la Terre pour la détruire. C'est un vrai sujet de cinéma mais le rythme anémié, la réalisation insipide et les dialogues uniformément plats empêchent l'histoire et le film de décoller. BR Fr

Les beaux gosses (Riad Sattouf, 2009) 0
Je me suis carrément emmmerdé devant ce film dont je n'attendais pas grand chose mais dont le succès public et critique de l'époque m'intriguait. Une succession de petites scènes monocordes sur le mal-être d'ados ingrats fixés sur les filles dans un bahut de Rennes. A trop vouloir la comédie distancée et cool, tout tombe à plat, notamment l'émotion, étonnamment absente. J'ai vu la dernière demi-heure en accéléré donc 0. BR Fr