27 janvier 2013

Heroes of mine : Paula

 Paula Prentiss (née en 1938)

Paula Prentiss, cette formidable actrice, n'a pas eu (ou voulu) la carrière qu'elle aurait pu faire : une poignée de rôles seulement au cinéma entre 1960 et 1975, quelques rôles à la télé, un peu de théâtre. 


Et pourtant, elle crève l'écran chaque fois qu'elle apparaît et sa présence dans un film est l'assurance de scènes mémorables. "Where the boys are", "Man's favorite sport", "The Stepford wives", "The parallax view" sont en eux-mêmes de très bons films mais elle leur donne, par sa présence naturelle, son charme énergique, son physique d'all american girl sportive et smart et sa voix chaude aux intonations chantantes un surplus d'âme.

dans "The Stepford wives" (Bryan Forbes, 1975)

Et quand il le faut, son instinct de la comédie fait des merveilles. Paula Prentiss fait partie de ces quelques discrètes actrices américaines (avec Karen Black et Lesley Ann Warren) qui ont marqué de leur forte personnalité et de leur physique atypique le cinéma des Seventies, trop largement dévolu aux hommes.

Au fait : aux dernières nouvelles, elle va bien.

Paula Prentiss en 2011

17 janvier 2013

The Paradise Lost Trilogy (Joe Berlinger & Bruce Sinofsky, 1996-2012)



En 1993, trois garçons de huit ans furent retrouvés morts au bord d’un ruisseau d’un petit bois de West Memphis, Arkansas. Quelques jours plus tard, trois adolescents du coin furent arrêtés, soupçonnés d’être les meurtriers. En 1994, ils furent jugés et condamnés : deux à la prison à vie, le troisième, considéré comme le chef de bande, à la peine de mort.


En 2011, après avoir passé plus de dix-huit ans en prison, les trois condamnés furent libérés après une réouverture de l’enquête et la divulgation de nouveaux éléments (dont des tests ADN et d'autres expertises de médecins légistes) dûes en grande partie à la longue mobilisation de groupes d’activistes et de personnalités et à la réalisation pour HBO de deux documentaires sur l’affaire par Joe Berlinger et Bruce Sinofsky : « Paradise Lost : The Child Murders at Robin Hood Hills » (1996) et « Paradise Lost 2 : Revelations » (2000). Libérés mais pas innocentés (alors que les indices semblent montrer leur innocence) puisqu’ils ont seulement pu sortir de prison après avoir reconnu devant le juge leur culpabilité dans les meurtres tout en niant leur implication dans ceux-ci (exploitant une spécificité du système judiciaire US connue sous le nom de « Alford Plea »).

Au moment de la réouverture de l’enquête, Berlinger et Sinofsky étaient en train de tourner la troisième partie de leur documentaire fleuve : « Paradise Lost 3 : Purgatory » qui est sortie sur HBO en janvier 2012, quelques mois après la libération des trois prisonniers. En orientant les regards vers le coupable probable, un proche d'une des victimes et lui-même témoin au cours des trois films...


Jessie Misskelley (né en 1975) - Damien Echols (né en 1974) - Jason Baldwin (né en 1977)

Les documentaires « Paradise Lost » forment une trilogie unique dans l’histoire du documentaire judiciaire : le spectateur y suit non seulement une enquête criminelle d’une extrême complexité sur une durée de quinze ans mais assiste aux coups de théâtre qui la jalonnent (eux-mêmes provoqués pour la plupart par l’effet de ces films sur le public, les activistes et les médias). Témoins, policiers, magistrats, journalistes, personnalités et anonymes ainsi que les familles et proches directement concernés des trois victimes et des trois détenus témoignent et évoluent dans le temps dans leur rapport personnel et collectif à l’affaire. Et plus puissants que tous ces témoignages, il y a les nombreux moments passés en prison avec les condamnés, entrés en cellule aux environ de 18 ans et qui n’en sont sortis, transformés en profondeur, qu’à l’approche de la quarantaine.


Le film montre entre autres les rouages du système judiciaire américain avec ses particularités effarantes, la toute-puissance des juges et des experts, l’effet de meute de l’opinion publique (qui fut persuadée pendant longtemps de la culpabilité des trois adolescents sur la seule base qu’ils s’habillaient en noir et écoutaient Metallica, donc étaient Satanistes et que l'arrogant détachement de Damien Echols lors de son arrestation lui était insupportable), le lobbying des associations et des groupes activistes sur Internet, les dysfonctionnements de la police, l’atmosphère étouffante de la société de la banlieue déshéritée de West Memphis et les capacités de survie et de résilience de certains individus dans les pires conditions physiques et psychologiques.

L’affaire des WM3 (« West Memphis Three »), acronyme sous lequel ceux qui l’ont suivi depuis toutes ces années la connaissent, est une histoire criminelle passionnante mais aussi une aventure humaine extraordinaire qui nous interroge sur les notions universelles du Bien et du Mal, de la Vérité et de l’Erreur, de l’Individu et de la Collectivité. C’est aussi une histoire d’amitié chaotique entre trois jeunes hommes pris au piège d’une machine infernale et une histoire d’amour entre l’un d’entre eux (Damien Echols) et de la femme qu’il épousa depuis le Couloir de la Mort, quelques années après qu’elle ait vu le premier documentaire de 1996 et soit entrée en correspondance avec le condamné.


Au-delà de l’histoire et de l’aventure, la trilogie « Paradise Lost » interroge aussi (et ce n’est pas l’aspect le moins dérangeant de l’expérience) le spectateur sur les risques d’orientation faussée de sa propre opinion, comme par exemple avec ce personnage secondaire des films dont le comportement étrange, dans les épisodes 1 et 2, nous le font soupçonner d’être le véritable coupable avant qu’il effectue un revirement dans l’épisode 3 qui nous le fait alors considérer d’une toute autre façon.


L’affaire des West Memphis Three a mobilisé pendant de longues années de très nombreux anonymes et un certain nombre de personnalités dont Johnny Depp, Marilyn Manson, Natalie Maines (des Dixie Chicks), Eddie Veder (de Pearl Jam) et les membres de Metallica (qui ont donné gracieusement des titres pour la B.O. des documentaires), Peter Jackson et Fran Welsh (qui ont produit un autre documentaire sur l’affaire : « West of Memphis » de Amy Berg, 2012)… Atom Egoyan vient de tourner un film sur l’affaire avec Colin Firth et Reese Whiterspoon : « Devil’s Knot », qui sortira en 2013.


La trilogie « Paradise Lost » est un monument du genre documentaire, par la magnitude de la durée qu’il couvre (plus de quinze ans) et par les questionnements qu’il soulève sur des thèmes universels qui entrent forcément en résonance avec chacun de ses spectateurs. C'est aussi une oeuvre engagée comme rarement un documentaire peut l'être dans une histoire criminelle puisque les films ne l'ont pas seulement documentée mais aussi orientée jusqu'à provoquer le dénouement de l'affaire (tout au moins pour ce qui est des trois ex-condamnés puisque le véritable coupable des crimes de 1993 court toujours).


Après avoir vu les trois films (en DVD Z1 US), j’ai voulu en savoir plus sur cette histoire hors-norme et j’ai appris que le charismatique Damien Nichols, le « chef de groupe » et seul condamné à mort des trois garçons, avait publié un livre sur sa vie jusqu’à son arrestation et son expérience de dix-huit ans dans les prisons d’Arkansas et dans le Couloir de la Mort à partir des journaux qu’il écrivait en cellule. Sous le titre extraordinaire et pourtant évident de « Life after Death », le livre est sorti chez Blue Rider Press en 2012. C’est un document terrible et bouleversant. Un splendide travail d’écriture. Un des plus grands livres que j’ai lus, de récente mémoire.

4 janvier 2013

Films vus par moi(s) : janvier 2013



*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Paperman (John Kahrs, 2012) ***
Un employé de bureau essaye d'attirer avec des avions de papier l'attention d'une jeune femme croisée sur un quai de métro. Un formidable court métrage (6'30) d'animation des studios Disney avec une nouvelle technique qui fusionne dessin et image de synthèse. L'animation est extraordinaire, l'histoire simple et touchante et le noir et blanc lui donne une intemporalité qui le rapproche de "Lonesome" (Paul Fejos, 1928). YouTube

The river / Le fleuve (Jean Renoir, 1951) *
La mièvrerie de la première partie du film qui s'attarde sur le quotidien insouciant de cette famille anglaise installée sur les bords du Gange m'a tapé sur les nerfs. La voix off qui décrit l'image aussi. Puis, le drame arrive et ca devient plus solide mais c'est un peu tard. Je reconnais que la mise en scène est remarquable, le Technicolor splendide et le propos sensible mais... Et quand on est allergique à la musique traditionnelle indienne... BR Fr

The duellists / Les duellistes (Ridley Scott, 1977) ***
Le premier film de Scott survalue son modeste budget par la beauté de sa photographie (ces paysages de Dordogne !), de ses costumes et de ses compositions marquées par la peinture du XVIIIe s. Intimiste dans sa forme comme dans sa narration, il est porté par le jeu intériorisé de Keith Carradine et enfiévré d'Harvey Keitel (les motivations peu claires de la haine de son personnage sont le seul point faible du scénario). BR US

Angst / Schizophrenia (Gerald Kargl, 1983) ***
Un psychopathe juste sorti de prison commet un triple meurtre gratuit dans une maison des environs de Vienne. Plus qu'un film de serial killer, un fascinant exercice de style où la caméra et les corps actifs et inertes sont soumis à une chorégraphie qui m'a fait penser à du Pina Bausch sous acide. Avec une géniale utilisation de la voix off du tueur qui nous fait entrer dans sa psyché. L'acteur (Erwin Leder), habité par son rôle, est terrifiant. BR Fr

Thor (Kenneth Brannagh, 2011) *
Un dieu nordique en guerre interfamiliale et galactique fait des va-et-vient entre sa planète et le Nouveau-Mexique pour récupérer son marteau magique et son trône. Une adaptation de Marcel au kitsch généreusement assumé qui s'amuse à donner à ses enfantillages des accents presque shakespeariens. Ca se regarde sans déplaisir mais s'oublie aussi vite que l'éclair, comme la plupart des films de super-héros. BR FR

The Puppetoon movie (George Pal & Arnold Leibovit, 1987) **
Une compilation de 11 courts-métrages d'animation en stop motion (les "Puppetoons") produits et réalisés par George Pal dans les années 30 et 40. Leur inventivité technique et leur sens de la poésie continuent à charmer et l'omniprésence de la musique (du jazz surtout) à leur donner un vigoureux dynamisme. "Tulips shall grow" (1942), jolie métaphore sur l'invasion de la Hollande, est un mini-classique. DVD Z1 US 

Les revenants (Fabrice Gobert pour Canal+, 2012) *
Près d'un barrage en Savoie, des morts reviennent chez eux et perturbent les vies de leurs proches. Une série française ambitieuse (inspirée par le bon film homonyme de R. Campillo de 2003) qui repose sur une idée passionnante et dont les premiers épisodes promettent. Puis ça se met à tourner en rond avec une languissante monotonie et des choix scénaristiques médiocres (le serial killer). Original mais poliment chiant. DVD Z2 Fr

Going down in La La Land (Casper Andreas, 2011) *
Une entrée de plus dans le genre du film où un jeune adulte arrive à Hollywood pour y percer à l'écran et se retrouve à vendre son corps. Ici, le personnage est gay et atterrit dans l'industrie du porno et de l'escort gays. Ca mélange comédie, drame et romance et n'a pas grand intérêt si ce n'est de porter un regard sans doute assez juste sur la faune et les règles du showbizz à L.A. et de bien évoquer l'atmosphère de la ville. DVD Z2 Allem.

Sucker Punch (Zack Snyder, 2011) **
Je ne sais pas vraiment ce que j'ai vu (un clip étiré sur 100' ? un jeu vidéo ? un musical dégénéré ? un caprice d'ego ?) et à aucun moment  - sauf dans l'ouverture et la toute fin, très réussies - je ne me suis investi dans l'histoire de ces quatre filles turbulentes mais l'outrance visuelle, l'avalanche de références filmiques (notamment "Showgirls") et sonores et la confusion assumée de l'ensemble m'ont finalement assez séduit. BR Fr

The queen of Versailles (Lauren Greenfield, 2012) ***
David Siegel, roi mondial de la propriété en time-share et parvenu modèle, se construit en Floride la plus grande demeure privée des USA quand la crise de 2008 frappe et efface sa fortune. Sa femme Jackie et ses huit enfants doivent revoir leur train de vie à la baisse du jour au lendemain. Un documentaire aux accents de fable et de soap-opera, à la fois drôle, vulgaire et tragique, sur les aléas du rêve américain. BR US

Triangle (Christopher Smith, 2009) **
Une balade en mer entre amis est ruinée par une tempête, un naufrage et se poursuit par la montée à bord d'un paquebot désert où une des naufragées se retrouve prise dans une série de boucles temporelles. Le scénario outrageusement alambiqué commence par intriguer, puis finit par lasser. Mais l'atmosphère à bord du vaisseau fantôme est pas mal du tout et dans un thriller fantastique, c'est ce qui compte. BR UK

Shadow of a doubt / L'ombre d'un doute (Alfred Hitchcock, 1943) ***
La naïveté et la perversité se répondent mutuellement dans cette chronique familiale baignée d'Americana où une jeune fille mürit brutalement à l'ombre d'un oncle adoré mais sociopathe. Les mouvements de caméra, comme une écriture, évoquent les émotions contrastées des personnages près desquels le Mal rode sans qu'ils s'en doutent. Teresa Wright et Joseph Cotten mènent un casting parfait (notamment la gamine). BR US

Stukas (Karl Ritter, 1941) *
Tout à la gloire des pilotes des Stukas de la Luftwaffe, un film de propagande nazi qui mêle studio, images d'archives et modèles réduits pour raconter le quotidien d'une escadrille pendant la Bataille de France en 1940. La musique et le mélodrame ne manquent pas, comme dans cette scène où un aviateur blessé entre en dépression avant de retrouver la pêche pendant un concert de Wagner à Bayreuth. DVD Z1 US

Moonrise kingdom (Wes Anderson, 2012) 0
L'histoire de ces deux gamins précoces et inadaptés (l'une dans sa famille, l'autre dans son camp scout) qui s'échappent  dans la Nature le temps d'une courte fugue est sensible mais l'insupportable chichitterie de la réalisation, autocontemplative et pleine des tics de l'auteur, écrase - et c'est rageant - tout le film de son affectation. Mais il y a la beauté des paysages maritimes de la côte Est des US : c'est au moins ça. BR Fr

Red state (Kevin Smith, 2011) ***
Un thriller qui débute comme un teenage movie pour obliquer vers des territoires plus sombres autour des sectes chrétiennes extrémistes, du port d'armes et de l'homophobie. La violence du propos est doublée de celle des images et si la toute fin est décevante (les éléments d'une autre, géniale, sont lâchés en route), l'originalité de l'ensemble reste captivante. Mention spéciale à quelques formidables numéros d'acteurs. BR UK

Skoonheid / Beauty (Oliver Hermanus, 2011) **
En Afrique du Sud, lors de mariage de sa fille un Afrikaner quadragénaire revoit le fils d'amis et en tombe fou de désir. L'homosexualité refoulée, le fossé des générations (plus le racisme en sous-texte) sont montrés avec une grande force suggestive dans ce film à l'atmosphère étouffante où l'isolement affectif fait des ravages. Introverti et peu loquace, à l'image de son personnage joué à la perfection par Deon Lotz. DVD Z2 Allem.

Les Misérables (Richard Boleslawski, 1935) 0
Il y a de tout un peu dans cette adaptation poussive : des galères aux égoûts, les grandes scènes du roman y sont mais diminuées à leur moindre intérêt par une mise en scène inexistante. March est un Valjean très correct et Laughton en Javert avait du potentiel mais l'incompétence du réalisateur les perd en ignorant le souffle épique que l'histoire nécessite. Un an plus tôt, Raymond Bernard en avait fait, lui, un chef-d'oeuvre. DVD Z1 US

Fantastic Mr. Fox (Wes Anderson, 2009) *
L'animation en stop-motion est formidable, les décors aussi et les personnages animaux ont chacun leur sympathique personnalité mais l'histoire n'a pas assez d'enjeux ni de profondeur pour maintenir l'intérêt sur la durée du film. Le phrasé très rapide et cool des dialogues qui crépitent m'a tapé sur le système. La prouesse technique est remarquable mais il aurait fallu quelque chose en plus pour que je sois emballé. BR Fr

A lonely place to die / Poursuite mortelle (Julian Gibley, 2011) **
Un thriller d'aventures assez prenant sur des alpinistes dans les Highlands qui trouvent une gamine croate sequestrée et sont poursuivis par ses ravisseurs. Les paysages naturels d'Ecosse sont splendides, les acteurs bons et les scènes de suspense bien conduites (pour ce genre de film très codifié). Il y a bien des clichés et des comportements improbables mais l'ensemble maintient une belle tension et c'est l'essentiel. BR UK

Hans Westmar (Franz Wenzler, 1933) **
A Berlin en 1929, un étudiant s'enrôle dans la S.A. pour lutter contre les étrangers, les juifs et les communistes qui veulent mettre la main sur la ville. L'histoire fortement réécrite du jeune martyr nazi Horst Wessel offre au cinéma du Troisième Reich le sujet d'un de ses premiers films de propagande enragée, dont il est un véritable archétype. Un document passionnant sur le cinéma comme outil politique. DVD Z1 US

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