1 février 2015

Films vus par moi(s) : février 2015


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

All that jazz / Que le spectacle commence ! (Bob Fosse, 1979) ***
Un chorégraphe de Broadway (Roy Scheider dans son meilleur rôle) mène de front les répétitions d'un show et le quotidien avec sa famille et sa maîtresse jusqu'à l'accident cardiaque. Le film fusionne habilement réalisme et symbolisme et, au-delà de l'autobiographie à peine déguisée de Fosse, parle de façon dynamique et lucide du parcours d'une âme et d'une vie. Et de showbusiness. Un musical existentiel qui reste unique en son genre. BR US

My darling Clementine / La poursuite infernale (John Ford, 1946) **
Avec Ford, l'histoire qui mène au duel d'OK Corral est prétexte à poser un oeil mélancolique sur le temps qui passe, la société qui évolue et les destinées individuelles. Henry Fonda, Victor Mature, Walter Brennan et Cathy Downs sont parfaits dans leurs jeux sobres et chaque plan est une merveille en N&B. Trop peut-être : malgré des moments sublimes, le film manque d'une certaine émotion et l'ennui pointe au bout de l'admiration. BR Fr

Gone girl (David Fincher, 2014) **
Un thriller hitchcockien pour notre époque, plein de faux-semblants et de manipulations, autour de la disparition d'une jeune femme (Rosamund Pike) et des soupçons qui se portent sur son époux (Ben Affleck, excellent). Le film joue à la fois sur l'étude d'une psychopathie, du couple et (c'est le plus intéressant) du cirque des médias contemporains autour des faits divers. Trop fabriqué pour être un grand film mais un divertissement efficace. BR Fr

Le mani sulla citta' / Main basse sur la ville (Francesco Rosi, 1963) **
A Naples, l'effondrement d'un immeuble vétuste révèle les collusions entre un entrepreneur immobilier sans scrupule et la municipalité. Un réquisitoire aussi violent que désabusé sur l'amoralité de la chose publique dans le contexte de la course au profit et au pouvoir. Le film, loquace et direct dans ses attaques, ménage de splendides moments de mise en scène (l'affairiste - Rod Steiger - seul dans son bureau la nuit). De la politique et du cinéma. BR UK

Pride (Matthew Warchus, 2014) **
Ce feel good movie britannique historique et militant panache avec succès le collectif (la grève des mineurs de 1984 et l'aide improbable qu'un comité gallois reçoit d'un petit groupe londonien de gays et lesbiennes) et l'individuel (l'évolution des personnes impliquées). Le message, l'humour et l'émotion sont parfaitement dosés, sur un schéma bien rodé (de "The Full Monty" à "Billy Elliot") et portés par un excellent casting. Belle histoire, beau film. BR Fr 

Arjun, the warrior prince / Arjun, le prince guerrier (Arnab Chaudhuri, 2012) ***
Ce film d'animation indien coproduit par Disney n'est pas sorti en salles en Occident. C'est dommage. Malgré sa fin abrupte, il fait découvrir l'histoire des débuts d'Arjuna (un héros du Mahabharata) en lutte de pouvoir avec ses cousins sans céder aux concessions attendues de la culture Disney et son animation (basée sur de spectaculaires effets de profondeur) est magnifique. Un film d'esprit classique dans la lignée du "Prince d'Egypte", en hindi. BR Fr 

The virgin soldiers (John Dexter, 1969) *
Le quotidien d'une garnison de jeunes soldats britanniques en Malaysie dans les Fifties, entre vie militaire et sociale à la caserne jusqu'au premier usage des armes lors d'une attaque de rebelles. Un film de passage, avec l'apprentissage sexuel, le contact avec le danger et la mort, la perte de l'insouciance. Une sorte de précurseur très anglais de "Mash" (Altman, 1970) en moins pamphlétaire. Pas mal mais on a l'impression de déjà vu. DVD Z2 UK  

Le sourire (Serge Bourguignon, 1960) **
Palme d'Or du court-métrage à Cannes en 1960, un petit film d'à peine 25' sur un petit novice bouddhiste qui suit un vieux moine sur une chemin de terre jusqu'au temple doré. Sur le trajet, le gamin s'émerveille d'un insecte, d'une plante, d'une jeune fille... Tout cela est bien anodin mais charmant avec de belles compositions d'images en couleurs de la campagne birmane et une douceur sereine qui convient parfaitement à son sujet universel. BR Fr

Twentynine Palms (Bruno Dumont, 2003) 0
Un américain et sa copine russe parcourent le désert californien de Joshua Tree, baisent, se disputent, se retrouvent... Influencé par Antonioni mais boursouflé sur toute la ligne, une sorte de road movie existentiel, absurde et trash, culminant dans deux séquences de violence extrême assez gratuites. Les deux personnages n'inspirent aucune sympathie, le film non plus. Seuls intérêts : les paysages et le point de vue féroce sur la masculinité. BR Fr

The stoning of Soraya M. / La lapidation de Soraya M. (Cyrus Nowrasteh, 2008) **
L'histoire vraie - d'après le livre "La femme lapidée" (1990) du journaliste Freidoune Sahebjam - du martyre en Iran en 1986 d'une jeune femme faussement accusée d'adultère par son mari et condamnée à mort par les hommes de son village. Un film à message, de réalisation conventionnelle, mais qui résonne encore plus fort, trente ans après les faits qu'il décrit. La longue séquence de la lapidation est d'une sauvagerie tétanisante. BR Fr 

Senso (Luchino Visconti, 1954) ***
En 1866, une comtesse vénitienne (Alida Valli) s'éprend d'un jeune officier autrichien (Farley Granger) et y perd sa dignité et son honneur. Un mélodrame sur fond de guerre d'indépendance où la passion charnelle d'un côté et la cupidité de l'autre poussent les situations des deux personnages jusqu'à des paroxysmes opératiques. Le film tout entier semble d'ailleurs un essai sur les codes de l'opéra italien du XIXe et c'est passionnant. BR Fr

Turist / Snow therapy / Force majeure (Ruben Ostlund, 2014) ***
La tension psychologique de ce drame familial atteint des sommets. En vacances de ski aux Arcs, une famille suédoise échappe à une avalanche mais le comportement individualiste du père provoque une crise de confiance conjugale. La mise en scène assurée épouse la dynamique du conflit sur un décor de neige ponctué de détonations. Un film métaphorique sur le paterfamilias d'une intelligence et d'un humour enthousiasmants. BR US  

The Grand Budapest Hotel (Wes Anderson, 2014) *
Bien mieux que les autres insupportables fabrications du réalisateur mais tout de même encombré par le maniérisme narcissique de la mise en scène, avec tous ces travellings horizontaux et verticaux, l'artifice du jeu des acteurs, la voix off à débit rapide... Le thème intéressant du film sur la fin de la vieille Europe est en dilué jusqu'à la gratuité. L'univers clinquant de Wes Anderson n'est vraiment pas pour moi. Très chouette casting par contre. BR Fr    

Love is strange (Ira Sachs, 2014) ***
Après quatre décennies de vie commune, un couple gay est séparé pour un problème de logement. Un formidable petit film intimiste sur l'amour conjugal face à la fuite du temps. John Lithgow et Alfred Molina sont parfaits dans les rôles de ces deux hommes vieillissants dont le quotidien est soudainement remis en question. Sans aucun cliché mais avec une vérité et une tendresse bouleversantes. La scène finale, inattendue, est une merveille de grâce. BR US

Detective Dee : le mystère de la flamme fantôme (Tsui Hark, 2010) 0
Je n'ai aucune patience pour les films d'action fantastique chinois mais je crois que j'avais entendu du bien de celui-ci. Je n'ai pas tenu plus d'une heure. Le kitsch sans charme, le jeu et le débit outrancier des acteurs, les combats virevoltants, les bruitages à chaque mouvement de textile, les SFX globalement médiocres et l'infantilisme général (sous alibi de légende médiévale) : beurk ! Vraiment trop con et vraiment trop moche. BR Fr

Sils Maria (Olivier Assayas, 2014) ***
Un film formidable qui creuse ses multiples thèmes (l'insécurité des acteurs, la rupture générationelle, la dépendance émotionnelle, la célébrité à l'âge de l'information immédiate...) autour de la confrontation entre une actrice quadragénaire et sa jeune assistante (Juliette Binoche et Kristen Stewart, excellentes). Leur drame intimiste se déroule, et c'est une splendide idée, sur le fond des paysages grandioses et inaltérables des Alpes suisses. BR Fr

Paulette (Jérôme Enrico, 2013) *
Dans une cité près de Paris, une mémé acariâtre et ses trois copines dealent du hash à la barbe des caïds. Une comédie de situation toute basée sur un ressort unique : les vieilles vs. les racailles. On rit quelquefois du vocabulaire fleuri de Paulette (Bernadette Lafont en grande forme dans son avant-dernier rôle) et les bon sentiments ratissent large. Du cinéma populaire de tradition qui se regarde sans ennui avant de se faire oublier. BR Fr 

Heartless (Philip Ridley, 2009) *
Dans la banlieue de Londres, un jeune homme complexé par une tâche de vin sur son visage voit des sortes de démons. Un film fantastique nocturne qui commence bien, semblant aller vers une métaphore intéressante du recrutement sectaire ou terroriste, puis qui se perd dans des images et des virages narratifs et symboliques n'allant nulle part. Seul le scénariste réalisateur (un artiste polyvalent) doit savoir ce qu'il voulait dire, et encore... BR Fr

A farewell to arms / L'adieu aux armes (Frank Borzage, 1932) ***
Le roman d'Hemingway est transformé par la mise en scène de Borzage en l'un des plus purs joyaux du mélodrame. L'amour sentimental, physique et sacré entre un lieutenant (Gary Cooper) et une infirmière (Helen Hayes) en Italie de 1916 à 1918, traverse les épreuves provoquées par des forces externes (guerre, convenance, jalousie des amis) jusqu'à l'épiphanie bouleversante de la dernière séquence aux accords de Wagner. BR UK

9 commentaires:

  1. Je vous trouve trés sévère avec Detective Dee mais Sils Maria est effectivement magnifique et une grande réussite d'Assayas. Alex

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    1. Je n'ai trouvé aucun intérêt à Detective Dee, peut-être que je ne suis plus du tout dans la cible.

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  2. Bonjour Tom,
    Je me souviens avoir vu Twenty Nine Palms à sa sortie en salles, dans une salle....vide, ou presque.

    Étrange sensation : un coté ultra intimiste qui jurait avec l'immensité des décors et en même temps une impression d'étouffement vu le contexte et la noirceur du film.

    Je n'en ai quasiment plus aucun souvenir (ce qui n'est généralement pas bon signe), sauf d'une photo superbe et d'un côté pris sur le vif, radical et violent pour la description du couple.

    Ca n'est vraiment pas le meilleur Dumont même s'il expérimente à sa manière et se gaufre -ou réussi c'est selon- ce que peu de cinéastes osent faire. Ce qui ne veut pas dire que ce soit forcément bon.

    Je n'aime pas du tout non plus le cinéma d'Anderson sauf son Rushmore, de loin son meilleur.

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    1. J'aime beaucoup le cinéma de Dumont et j'étais curieux de Twentynine Palms mais de tous ses films, celui-là m'a paru beaucoup trop long, creux et complaisant pour ce qu'il voulait dire. Le reste de son travail est par ailleurs admirable, alors...

      Je n'ai pas vu Rushmore d'Anderson, je m'arrête là, son maniérisme me tape sur le système, ce n'est pas la peine.

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    2. Peut-être que Rushmore aurait pu te plaire davantage. Il y a déjà la figure de Bill Murray et la présence tout en charme de Olivia Williams.
      C'est le seul film du cinéaste que j'ai aimé en intégralité.
      Le reste de sa filmographie me passe au dessus de la tête

      Et sinon je viens de voir le Hercule de Brett Ratner qui est une horreur et m'a mis en colère après la visionnage en BR. Quelle purge !

      Le film fait réévaluer Pompéi malgré ses défauts tant il paraît spectaculaire et ludique en comparaison. Brett Ratner a donc tout raté ou presque de ce qu'il a fait depuis une quinzaine d'années.

      C'est n'est plus êtes un yes-man à ce niveau, c'est juste faire du ciné médiocre.

      D'autant que la HD (dont je n'aime pas le rendu) se fait de plus en plus présente à Hollywood au détriment de la pellicule argentique.



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    3. De toutes façons, Hercule sans Steve Reeves...

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  3. Bonjour,

    Évidemment content pour Pride. Film que j'ai mis en film du mois (je le savais au moment où je le visionnais en Blu-ray sachant que Février fut un mois très faible en terme de découvertes, même si le remake de The Thing est vraiment pas mal du tout).

    Sinon tu as attisé ma curiosité avec Arjun, les films d'animation indiens sont rares à parvenir jusqu'à chez nous (il y a eu des productions du Nord et du Sud dernièrement, notamment Roadside Roméo chez Yash Raj ou encore avec Rajinikanth en vedette avec Kochadaiiyaan)

    J'ai vu que La Passion de Van Gogh de Minnelli était sorti en Blu-ray. J'ai très envie de le voir, même si son prix est rédhibitoire.

    @+

    :- )

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    1. Je ne mettrais pas Pride en film du mois même si je l'ai beaucoup aimé parce qu'avant même de le découvrir, je savais exactement ce que j'allais voir. Je retiens entre autres la splendide scène des femmes qui se mettent à chanter dans salle des fêtes.

      Je n'avais jamais vu d'animation indienne mais oui, Arjun est excellent (et sans doute plus "international" que les productions purement locales, Disney oblige). Une très belle découverte pour ma part avec un twist dans le seconde partie du film qui est assez hallucinant.

      Van Gogh par Minnelli : oui, mais... J'ai du mal avec le cinéma de Minnelli, trop fabriqué dans les images et les sentiments. C'est un beau livre d'iamges justement mais assez désincarné. Celui de Pialat est mille fois au-dessus.

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    2. Bonjour Tom,

      Je ne connaissais pas Bread and Roses avant d'avoir vu le film. Au moment où le personnage de Mark finit son discours en disant qu'il créera l'évènement et la révolution à Londres à son retour et que cette jeune femme entame l'air, le film nous transporte dans une autre dimension car c'est le moment clé durant lequel ouvriers et gays/lesbiennes ne font plus qu'un. Et même au-delà.

      Quoiqu'il en soit, Pride est un film essentiel, notamment pour ce qu'il dit de l'engagement et encore plus par rapport à ce que nous avons nous même vécu il y a de cela seulement deux ans avec les Manifs pour tous en France.

      Je reverrai le Pialat pour l'occasion pas revu depuis au moins quinze ans.

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