2 octobre 2016

Films vus par moi(s) : octobre 2016


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Ce sentiment de l'été (Mikhaël Hers, 2015) ***
La vie chamboulée des proches d'une jeune femme morte brutalement, notamment son ami et sa soeur. Par petites touches impressionnistes baignées du soleil d'été, ce film de sentiments rentrés montre avec justesse et pudeur le long chemin du recommencement après le deuil. Berlin, Paris, Annecy et New York sont le décor de l'errance affective des personnages, superbement joués par Anders Danielsen Lie et surtout Judith Chemla. DVD Z2 Fr

No man's woman (Franklin Adreon, 1955) *
Cupide, séductrice et manipulatrice, Carolyn Grant s'est aliéné tout son entourage. Lorsqu'elle est assassinée, ses proches se retrouvent suspects. Une petite série B de 70' dont la première partie est illuminée par la présence de la très crawfordienne Marie Windsor dans le rôle d'une salope de première. Dès qu'elle a quitté l'écran, le film s'éteint aussi dans un whodunit digne d'une série policière lambda. Alors juste pour Marie Windsor. BR US

Queen of Earth (Alex Ross Perry, 2015) ***
Une jeune femme plaquée par son copain vient se reposer au vert chez sa meilleure amie. Mais leur amitié se lézarde et tourne à la défiance. Il y a du Bergman et du Polanski dans le fond et la forme de ce huis clos concentré sur les visages d'Elizabeth Moss et de Katherine Waterston (toutes deux exceptionnelles) et sur une nature impassible. Un film d'une tension psychologique à la limite de la folie de la première à la dernière image. BR UK.   

Les jeux de l'amour et de la guerre / The americanization of Emily (Arthur Hiller, 1964) **
En 1944, un officier US planqué dans un bureau de la Navy à Londres se retrouve malgré lui en première ligne du Débarquement. Une charge féroce qui étrille la hiérarchie et la propagande militaires et énonce des vérités cinglantes sur la gloire de la guerre et de ses victimes. James Garner, Julie Andrews, James Coburn et le vieux Melvyn Douglas se donnent la réplique sur une ton de comédie qui ne cache pas son désabusement. Corrosif. DVD Z1 US

Score (Radley Metzger, 1973) ***
Sur la côte yougoslave, un couple libertin américain invite deux jeunes mariés et parie qu'avant minuit, elle se sera tapée la fille et lui le garçon. Ils gagnent leur pari. Une comédie érotique des débuts du porno chic (il y a quelques images hard) qui encapsule à merveille la liberté sexuelle - ici, bisexuelle - du début des 70's. Les quatre acteurs sont sympathiques et sexy et le réalisateur à l'oeil pour la composition. Un chef-d'oeuvre du genre. BR US 

Conjuring 2 : le cas Enfield / The conjuring 2 (James Wan, 2016) **
En 1977, les autorités du paranormal Ed et Lorraine Warren enquêtent à Londres sur la possession d'une maison décrépite habitée par une mère et ses enfants. Moins tendu que le premier (formidable) opus de 2013, ce film de maison hantée reste un modèle d'utilisation du décor, du cadre et du son pour distiller l'angoisse. L'idée force de la franchise étant de jouer le classicisme non ironique avec de bons acteurs (notamment Vera Farmiga). BR Deut 

Baiser mortel / A kiss before dying (Gerd Oswald, 1956) *
A Tucson, un étudiant calculateur (Robert Wagner, correct) se débarrasse de sa copine tombée enceinte en manipulant les indices. Le Technicolor, le Cinémascope (utilisé avec trop d'application) et le look Fifties archétypique sont les atouts de ce film aux situations assez audacieuses pour l'époque. Mais la platitude de la réalisation a raison du potentiel et empêche l'histoire de décoller. Jeffrey Hunter et Marie Astor illuminent leurs petits rôles. BR US

Swiss army man (Daniels, 2016) **
Paul Dano est un naufragé suicidaire qui découvre un noyé et s'en fait un compagnon de fuite. J'ai vu peu de films aussi barrés que celui-là, dont on ne sait si c'est une lourde farce potache  ou - plus vraisemblablement - une métaphore sur la détresse affective et la schizophrénie. Les flatulences du cadavre (Daniel Radcliffe, dans un rôle inédit) ponctuent le récit traversé d'idées et d'images à la fois dégueulasses, cocasses et touchantes. BR US

Maya (Raymond Bernard, 1949) **
Dans le quartier rouge d'un port du Sud de la France, une prostituée fait face à ses espérances. Une oeuvre étonnante et anachronique, comme sortie du Réalisme Poétique des Années 30 (on pense à "Pépé le Moko"), pimentée d'un soupçon de glamour, de camp et de mysticisme hindou. Viviane Romance, qui l'a produit et le tenait pour son meilleur film, est splendidement photographiée, plus star que star. Fréhel y apparaît dans son dernier rôle. DVD Z2 Fr

Les patates (Claude Autant-Lara, 1969) 0
Sous l'Occupation, un brave villageois des Ardennes récupère et plante des pommes de terre pour nourrir sa famille. L'histoire, dont Autant-Lara aurait peut-être pu tirer une version rurale de "La traversée de Paris", est plombée par une mise en scène paresseuse et surtout, par le jeu insupportable du piètre Pierre Perret, tout en grimaces et gesticulations. Quelques dialogues de Jean Aurenche n'évitent pas ce naufrage d'une bonne idée. DVD Z2 Fr

La vallée des poupées / Valley of the dolls (Mark Robson, 1967) *
Le parcours de trois jeunes femmes dans le showbusiness de Broadway et d'Hollywood. Le best seller trash de Jacqueline Susann est condensé sur 2h en une suite de péripéties mélodramatiques à la dynamique mal cousue. Si Barbara Parkins et Sharon Tate s'en sortent plutôt bien, Patty Duke et Susan Hayward sont franchement mauvaises. La valeur camp et SIxties du film lui donne un certain cachet mais pour quelques éclats de rires, on s'ennuie. BR US

Comanche Station (Budd Boetticher, 1960) ***
Le dernier des sept westerns de Boetticher avec Randolph Scott reprend en les épurant leurs spécificités : unité d'action, de temps et de lieu ; nombre réduit de personnages ; paysages rocheux d'Alabama Hills ; plans longs et travellings discrets ; force rentrée des sentiments... L'histoire de cette femme délivrée des Indiens et ramenée à son mari, sans aucune scorie de scénario, en devient une sorte de pièce classique. Intemporel. BR Deut 

Quand on a 17 ans (André Téchiné, 2016) **
L'animosité entre deux élèves de Terminale évolue lorsque l'un doit venir habiter chez l'autre. Vingt-deux ans après "Les roseaux sauvages", Téchiné observe la dynamique hésitante des sentiments entre deux garçons, cette fois sous le regard de la mère (Sandrine Kiberlain) de l'un. Des éléments mélodramatiques n'empêchent pas le film d'être toujours juste et sensible, porté par un excellent trio d'acteurs et les rudes paysages des Pyrénées. DVD Z2 Fr

La traversée de Paris (Claude Autant-Lara, 1956) ***
Danger et débrouille, veulerie et courage : le périple à pied de Bourvil et de Jean Gabin (quels acteurs !), transportant des valises de cochon du Jardin des Plantes à Montmartre une nuit sous l'Occupation est une tragi-comédie qui force avec une clairvoyance de pamphlet les traits d'une époque. Dans un décor expressionniste et une lumière de Film Noir, les dialogues affutés d'Aurenche et de Bost résonnent d'humour et de férocité. Du grand cinéma. BR Fr

Elle (Paul Verhoeven, 2016) ***
Tout le monde cache des névroses abyssales et des pulsions de déni dans ce film autour des relations corrompues d'une femme victime d'un viol et d'un lourd passé. Le scénario comme la mise en scène panachent tension et ironie, physicalité et psychanalyse dans une trame narrative sans cesse surprenante et aux pistes de significations inépuisables. Isabelle Huppert joue l'intelligence, l'abandon et la folie comme elle seule peut le faire. BR Fr  

Tab Hunter confidential (Jeffrey Schwarz, 2015) **
La vie et la carrière de l'une des idoles hollywoodiennes des Fifties, principalement racontées par Tab Hunter lui-même (84 ans au moment du tournage). Il s'y révèle un type très sympathique et lucide sur son parcours privé (son homosexualité fut cachée par la Warner) et professionnel, qui ne s'éleva jamais au-delà de celui d'un vrai beau gosse. Un documentaire solide qui évite tout sensationnalisme en laissant parler son charismatique sujet. DVD Z0 US

Black mirror - Christmas Special (Charlie Brooker, 2014) *
Deux hommes reclus dans un chalet sous la neige se racontent un épisode de leur vie d'avant. L'histoire du premier (autour du contrôle à distance) est prometteuse et dans la lignée de toute la série mais celle du second n'offre que peu d'intérêt et sur 70', l'ensemble souffre d'un rythme disjoint et d'un scénario alambiqué dont la résolution peine à convaincre. Ce "White Christmas" est le plus faible chapitre d'une série par ailleurs passionnante. DVD Z2 UK 

Black mirror - Saison 2 (Charlie Brooker, 2013) ***
Une application permet à une jeune veuve d'avoir l'illusion de converser avec son mari mort ; une jeune femme subit des violences que les passants filment avec leurs portables ; un personnage TV virtuel et son animateur influencent une élection politique : l'excellente série britannique continue à dresser le constat glaçant de la prise de pouvoir des objets connectés et des médias dans ces 3 épisodes qu'on ne peut plus qualifier de SF. DVD Z2 UK

Microbe et Gasoil (Michel Gondry, 2015) **
Deux élèves peu intégrés dans leur classe d'un collège de Versailles se lient d'amitié et décident de prendre la route de l'été à bord d'un véhicule qu'ils ont construit. Un coming of age/road movie frais et sympathique comme tout sur deux jeunes esprits indépendants et créatifs qui découvrent l'autonomie et l'aventure. Les situations et les dialogues, bien portés par Ange Dargent et le très cool Théophile Baquet, font souvent sourire tout en touchant juste. BR Fr 

Freaks (Tod Browning, 1932) ***
Dans un cirque itinérant, une belle acrobate séduit un nain par cupidité. Ce film d'une heure, l'un des plus subversifs jamais produits, panache miraculeusement tendresse et cruauté, humour et effroi et, par la grâce de son scénario, de sa mise en scène et de ses acteurs, authentiques handicapés, repousse toute tentation voyeuriste pour raconter une fable profondément humaine. "Gooble-gobble, one of us" : juste inoubliable. DVD Z0 US

Dans l'ombre de San Francisco / Woman on the run (Norman Foster, 1950) ***
Accompagnée d'un journaliste, une femme recherche son mari, témoin de meurtre en fuite. Un Film Noir sec et dynamique porté par Ann Sheridan, dont le flegme et la voix rauque font merveille, comme les dialogues désabusés et le décor du San Francisco de la fin des Forties, exploré sous toutes ses coutures. Sur 78', il n'y aucun temps mort et derrière la quête se dessine le touchant portrait d'un couple distant en voie de reformation. BR UK

Le lac aux chimères / Immensee (Veit Harlan, 1943) **
Grand succès en salles sous le Troisième Reich, cet über mélodrame sacrificiel sur une jeune femme partagée entre deux hommes n'assène pas de propagande mais raconte son histoire romantique ("un chant populaire allemand") sur un ton sobre et mesuré, sauf dans quelques scènes de concert et de récital. Christina Söderbaum et Carl Raddatz forment un couple aryen idéal et les bords du lac sont d'un magnifique Agfacolor. BR Deut 

The end (Guillaume Nicloux, 2016) *
Un homme parti chasser en forêt perd son chien, son fusil et son chemin puis fait deux étranges rencontres.Transposition d'un rêve fait par le réalisateur (c'est lui qui le dit), un film d'idées, de symboles et d'allégories qui oscille entre profondeur et ridicule sans vraiment fonctionner ni échouer. Gérard Depardieu, titan à la dérive, endosse son personnage avec la force attendue et la forêt de Fontainebleau est photogénique. Drôle de film. BR Fr

11 commentaires:

  1. Woman On the Run est ,en effet, un film noir de série B trés inventif et d'un intérêt toujours soutenu. Une vraie découverte.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et l'histoire du sauvetage inespéré de ce film réputé perdu et de sa restauration est vraiment étonnante. Un vraie découverte, c'est le bon terme.

      Supprimer
  2. "Freaks" inoubliable c'est le moins qu'on puisse dire, en plus il parait qu'il a été amputé, édulcoré et remonté notamment la fin , à l'origine le film durait 90 minutes !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, la perte du montage original de Browning est désolante mais Freaks resserré sur 60' réussit quand même (et ça prouve le génie visionnaire du réalisateur) à rester un diamant noir de l'Horror des Thirties.

      Supprimer
  3. Bonjour, vous trouverez un dossier trés complet sur le film ici : http://www.cineligue-npdc.org/cineligue/15/2009_2010/freaks/freakslivretenseignant.pdf

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour ce lien. Un dossier pédagogique remarquable.

      Supprimer
  4. ok merci Alex6, moi qui me demandais ce qui avait été coupé, je pensais la fin plus terrifiante (punition de Cleopatte et Hercule)

    RépondreSupprimer
  5. pour le DVD Tab Hunter confidential, il est assez succint, le livre raconte sa vie bien plus en détail, également pudiquement et le livre dit clairement que lui et Anthony Perkins étaient fous l'un de l'autre et de nombreux points importants pour le comprendre

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui j'ai lu l'autobiographie de Tab Hunter qui a le temps d'approfondir ses propos et le contexte de sa carrière. Un très bon bouquin dans ce genre souvent très codifié

      Supprimer
  6. Bonjour Tom,

    Merci pour ton avis concernant le film "Score" de Radley Metzger. J'ai découvert il y a plus de dix ans ce cinéaste avec le film "The opening of Misty Beethoven" en DVD avec une copie loin d'être parfaite et pourtant le film a imprégné ma rétine.

    J'aime absolument tout ce qu'à fait le cinéaste (toujours vivant, il a 87 ans, New Yorkais de naissance et toujours de résidence) depuis ses débuts jusqu'à la fin des années 80.

    "The Opening of Misty Beethoven" se déroule au début à Paris dans un cinéma porno d'époque comme il n'en existe plus malheureusement. Le cinéaste est amateur de la culture et de la langue française, il avait d'ailleurs adopté le pseudo de Henry Paris en son honneur.

    Le film m'a permis de découvrir l'actrice Constance Money et de revoir ce bon vieux Jamie Gillis (mort depuis quelques années, mais légende aux Etats-Unis et en Europe, un des acteurs les plus populaires du genre) qui est un acteur capable aussi bien de jouer dans le porno comme dans le traditionnel (dans quelques films "bi" aussi), acteur qui joua du Shakespeare à ses débuts et ça se ressent dans ses futures interprétations, dans les 70's notamment avec un étonnant ton de jeu.

    Pour moi la sainte trilogie de Metzger c'est entre 1976 et 1977, avec à la suite, "The Private Afternoons of Pamela Mann" puis "The Opening of Misty Beethoven" et enfin "Barbara Broadcast". J'ai revu très récemment Barbara en ligne, copie restaurée d'après le Blu-ray que j'ai envie d'acquérir, et le film est toujours aussi stupéfiant : écriture, dialogue, mise en scène, lumière, composition musicale, direction d'acteurs : c'est absolument remarquable, drôle, sexy et osé (des dialogues désopilants).

    Tu as parfaitement raison : Metzger est un esthète. On le remarque dès "Therese et Isabelle", "Camille 2000", puis "The Lickerish Quartet" jusqu'à ses films des années 80. Il a toujours soigné sa lumière, ses compositions de plans, si bien qu'on pourrait dire que ses films sont d'authentiques films traditionnels avec des scènes porno qui sont intégrées logiquement et toujours pour servir l'histoire.

    Il a à mon sens magistralement participé à élever le genre du porno vers des sommets artistiques durant les années 73-80 et il a largement influencé un cinéaste comme Andrew Blake que j'adore aussi et qui lui doit beaucoup (sens du détail, composition des plans, recherche de l'esthétisme). Blake est plus axé sur le fétichisme lesbien depuis la fin des années 90 (il ne tourne plus que des vignettes dans ce genre avec des ébats saphiques) Metzgler étant plus intéressé par la diversité sexuelle : la bisexualité, l'homosexualité ( il avait même pris un acteur porno gay pour lui faire tourner une scène de "pegging" avec Constance Money dans "The Opening" etc.

    Bref (désolé pour ce message un peu long, mais dès qu'on parle de Metzger.... :- )

    mais ça me semble important de découvrir et redécouvrir ce cinéaste majeur.

    Merci à toi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Jordan, merci pour ton commentaire.
      J'ai vu Misty Beethoven il y a longtemps et je me souviens que son statut de classique du X pré-industriel, avec The Green Door et Deep Throat, était justifié.
      Pour Metzger, c'est un post sur un blog US qui m'a donné envie de le voir et ça a été une belle découverte. Histoire, acteurs, mise en scène et humour, j'ai trouvé que le tout était, dans le genre, parfaitement réussi et sexy. Je connaissais le réalisateur de nom mais n'avais jamais rien vu de lui. Après avoir vu Score, j'ai commandé dans la foulée The Liquerish Quartet et Camille 2000 (sortis en BR chez Arrow) qui ont l'air très chouettes aussi. J'en reparlerais quand je les aurais vus.
      Bien à toi

      Supprimer