1 janvier 2018

Films vus par moi(s) : janvier 2018


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

I am not a witch (Rungano Nyoni, 2017) **
En Zambie, une fillette accusée de sorcellerie est mise dans un camp de travail pour sorcières. La fillette, c'est la femme africaine et l'Afrique toute entière soumise à la tradition constrictive, au patriarcat et à l'obscurantisme dans cette fable dont les éléments de comédie et d'absurde maquillent la violence de la charge. La petite Margaret Mulubwa est bouleversante en gamine piégée dans un monde qui la dépasse et menace de la détruire. BR UK

Brothers of the night / Brüder der Nacht (Patric Chiha, 2016) *
A Vienne, des jeunes bulgares se retrouvent la nuit dans un bar-billard. Ils parlent de leurs activités de prostitution homosexuelle et de leurs femmes et enfants restés au pays. Un documentaire original où les escorts jouent leur propre rôle sur des dialogues mi-écrits, mi-improvisés. Mais l'atmosphère repiquée au "Querelle" de Fassbinder théâtralise tout en affaiblissant la portée du propos et fait s'interroger sur l'esthétisation du sordide. BR US 

Ebirah contre Godzilla / Gojira, Ebira, Mojura : Nankai no daiketto / Godzilla vs. the Sea Monster (Jun Fukuda, 1966) **
Piégés sur une île du Pacifique où des militaires fabriquent l'arme atomique, quelques naufragés et des locaux réduits en esclavage cherchent à fuir, menacés par des montres titanesques en caoutchouc qui s'affrontent (en plus du saurien, un homard et une mite géants). La franchise Godzilla tourne au clin d'oeil et à l'humour dans ce pur film Pop Sixties qui pioche joyeusement dans les cultures japonaise et américaine. Décérébré mais fun. BR US  

Wonder Woman (Patty Jenkins, 2017) **
Une Amazone de la Grèce antique se retrouve propulsée sur un front franco-allemand de la Première Guerre Mondiale. Dommage que la dernière demi-heure ressasse les combats pyrotechniques de la litanie des films de super-héros parce que le reste est exaltant (l'introduction mythologique, le mur temporel, les tranchées...) et avant tout, le féministe triomphant de l'univers atypique de cette super-héroïne que Gal Gadot incarne superbement. BR FR

Procès de singe / Inherit the wind (Stanley Kramer, 1960) *
En 1925 dans une petite ville du Tennessee, le procès de Créationnistes contre un jeune professeur qui enseigne le Darwinisme à ses élèves. D'après un classique de l'histoire judiciaire, un film-dossier typique de Stanley Kramer avec toute sa hauteur de vue, ses épuisants dialogues et sa mise en scène académique. Mais le sujet est plus que jamais d'actualité et Spencer Tracy est formidable en avocat libéral face au fondamentalisme. BR US 

Le jardin d'Allah / The garden of Allah (Richard Boleslawski, 1936) **
Une héritière partie méditer au Sahara y rencontre et épouse un homme inquiet (Charles Boyer) sans savoir qu'il est un moine échappé de la Trappe. Ce scénario d'un ridicule enfiévré qui panache lyrisme, bondieuserie et désert n'est que prétexte à déifier Marlene Dietrich dans son premier film en Technicolor. Elle y est sublimement photographiée dans des tenues couture qui changent à chaque scène. Un mélodrame kitsch des plus extravagants. BR US

La clé de verre / The glass key (Stuart Heisler, 1942) *
La mort d'un homme révèle les liens troubles entre un politique en campagne et le crime organisé. D'après Hammett, un Film Noir à la structure, à l'atmosphère et aux personnages typiques du genre mais qui souffre d'une mise en scène paresseuse (à part une brutale séquence de coups) et de dialogues excessifs. Brian Donlevy, Alan Ladd et Veronica Lake (au jeu éteint mais d'autant plus fascinant) retiennent l'intérêt par leur seul charisme. BR UK

Borrowed time (Andrew Coats & Lou Hamou-Ladhj, 2015) ***
Revenu sur le site d'un drame de sa jeunesse, un vieux sheriff est écrasé par la mémoire et la culpabilité. Ecrit et réalisé par deux animateurs de Pixar, ce court métrage réussit en 6' à faire passer de puissantes émotions entre tension et accablement. Le résultat est spectaculaire, l'accompagnement musical parfait et le thème de l'indicible douleur traité de façon adulte, sans facilité ni prêchi-prêcha. L'art de l'animation parvenu à ses sommets. WEB

Chez nous (Lucas Belvaux, 2017) 0
Dans une petite ville du Pas-de-Calais, une infirmière est choisie par un parti nationaliste pour le représenter aux élections municipales. Cet essai sur le coup d'Hénin-Beaumont aurait pu faire un intéressant pamphlet sur le FN et la France d'en-bas. Mais les clichés les plus éculés qui soutiennent cette charge pataude, les acteurs qui n'y croient pas (Catherine Jacob est ridicule en erzatz de Marine Le Pen) et la réalisation plate méritent un bon 0. BR FR

Loving (Jeff Nichols, 2016) **
Entre 1958 et 1967, le parcours douloureux de Mildred et Richard Loving, couple mixte de Virginie dont le mariage est déclaré illégal avant d'être reconnu devant la Cour Suprême. D'une affaire ayant secoué la Constitution américaine, Nichols tire un film lent et anti-mélodramatique où la passivité des époux (Ruth Negga et Joel Edgerton, parfaits) est sublimée par leur imperturbable dignité. Un étonnant exercice en colère retenue. BR FR

Tumak, fils de la jungle / One Million B.C. (Hal Roach & Hal Roach Jr., 1940) 0
Il y a 1 million d'années (puisqu'ils le disent), un homme des cavernes ingénu se révèle une âme de chef. Une histoire de Préhistoire débile comme pas permis où la mise en scène statique est parfois compensée par de beaux décors de grotte et de jungle, le charme des back projections de lézards en dinosaures et l'accumulation d'anachronismes. Victor Mature y commençait sa carrière. Le remake avec Raquel Welch est plus fun. BR US

Le scorpion rouge / Red scorpion (Joseph Zito, 1988) 0
Un soldat soviétique est envoyé en Afrique pour mater une rébellion locale. Bourrin pur jus d'époque, un de ces films qui peuvent se regarder par nostalgie ou cynisme. Ca tire et ça explose partout, sauf dans une séquence (la meilleure) où le colosse slave blessé est sauvé par un petit bushman. Dolph Lundgren a du mal à jouer mais tombe bien la chemise : ça tombe bien, c'est pour ça que j'ai regardé. Des moments drôles aussi, forcément. BR UK

Cargaison 200 / Cargo 200 / Grouz 200 (Aleksey Balabanov, 2007) **
En 1984 près de Leningrad, une adolescente subit un calvaire. Parsemé d'humour absurde et de scènes insoutenables, un brûlot qui dénonce par métaphore l'écroulement politique, économique, social et moral de la Russie soviétique. Le scénario est éloquent, les acteurs excellents et la mise en scène évite la gratuité du torture porn. Le film fit scandale à sa sortie en Russie, sa puissance dérangeante reste intacte aujourd'hui. Radical. DVD Z1 US

Le dahlia bleu / The blue dahlia (George Marshall, 1946) **
A Los Angeles, un marin démobilisé est soupçonné d'avoir tué sa femme infidèle. Si la mise en scène de ce Film Noir archétypique est plutôt morne, le scénario de Chandler offre d'intéressantes interactions entre les personnages, des dialogues désabusés et un regard acéré sur le difficile retour à la société après la guerre. L'alchimie entre Alan Ladd et Veronica Lake (deux stars pas assez commémorées) dynamise tout le film. BR UK 

Certaines femmes / Certain women (Kelly Reichardt, 2016) **
Dans le Montana, quelques moments du quotidien de trois femmes comme les autres. Adaptations de nouvelles, ces trois histoires (une avocate, une bobo et une palefrenière prises au piège de leur routine) s'écoulent avec une lenteur mélancolique qui s'accorde avec le décor des plaines sous la neige. La force et la beauté du film se révèlent si on se prête à son rythme austère. Avec Laura Dern, Michelle Williams, Lily Gladstone et Kristen Stewart. BR UK

Trois valses (Ludwig Berger, 1938) **
En 1867, 1900 et 1939, les péripéties amoureuses des rejetons successifs de deux familles qui se recroisent sans cesse. Yvonne Printemps et Pierre Fresnay, couple d'écran et de ville, s'amusent à traverser les époques dans ce film opérette à la structure ingénieuse. Les morceaux chantés par une Printemps survoltée, la mise en scène qui pioche dans Mamoulian et le Musical allemand des 30's et l'humour grivois font qu'on se laisse entraîner. DVD-R  

La planète des vampires / Terrore nello spazio (Mario Bava, 1965) *
Les membres d'équipage d'un vaisseau spatial venu au secours d'un autre sur une planète inconnue sont possédés mentalement par une force extraterrestre. Un film - dont des éléments annoncent "Alien" - qui serait un navet oublié sans les hallucinantes lumières colorées de Bava, ses décors rétro-futuristes et ses combinaisons en cuir noir et jaune qui apportent une touche furieusement Pop Sixties à l'ensemble. A part ça, on s'ennuie ferme. BR US

A quiet passion (Terence Davies, 2016) **
Evocation de la vie de la poétesse américaine Emily Dickinson (1830-1886), interprétée par Cynthia Nixon aux antipodes de "Sex and the City". D'une austérité qui touche au maniérisme, le film se confine aux murs de la maison des parents. Il porte un regard incisif sur la culture puritaine de l'époque et la personnalité intransigeante de l'écrivain recluse et révoltée dont les mots sublimes parsèment les séquences. C'est magnifique mais peu aimable. BR UK

Point break (Kathryn Bigelow, 1991) **
A Los Angeles, une jeune recrue du FBI infiltre un groupe de surfeurs suspecté de braquer des banques. La testostérone déborde dans ce film infatigable qui panache habilement suspense, sport et action. Le dynamisme de la mise en scène (notamment une incroyable poursuite à pied) compense l'exécrable jeu de plusieurs acteurs, dont Keanu Reeves. Patrick Swayze crée un intéressant personnage de surfeur anarchiste. Et ces masques ! BR UK

Je t'attendrai / Le déserteur (Léonide Moguy, 1939) *
En 1918, un soldat à l'arrêt avec son train près de son village déserte une heure pour aller voir ses parents et sa petite amie. Le déroulement en temps réel, la photo très belle, les bruits du canon sur la bande son et la présence de la tragique Corinne Luchaire n'empêchent la pesanteur du film, freiné par une histoire languide et le jeu malhabile de Jean-Pierre Aumont. Berthe Bovy, dans le rôle de la mère possessive, tire le tout vers le high camp. BR FR

Seat in shadow (Henry Coombes, 2016) **
A Glasgow, un jeune gay mal dans sa peau est envoyé par sa grand-mère chez un vieux psy, gay aussi et aux méthodes peu orthodoxes. Ce petit budget de l'artiste et thérapeute Henry Coombes mêle film narratif et film d'art. Tout ne fonctionne pas mais les idées sont surprenantes et drôles et les séquences d'analyse excellentes, portées par le jeu désinhibé de David Sillars. Une bizarrerie de niche formatée pour les festivals d'avant-garde. DVD Z2 UK

La Belle et la Bête / Beauty and the Beast (Bill Condon, 2017) *
En France au 18e s., une jeune villageoise apprend à aimer un monstre. Cet auto-remake Disney de leur beau dessin animé de 1991 n'apporte rien (mais rapporte beaucoup) et est plombé par la fadeur habituelle d'Emma Watson, le trop plein de CGI (dont la Bête) et l'aspect mécanique du scénario et de la mise en scène. Mais le décor ultra-baroque, l'assistant gay et l'esprit conte de fées sont chouettes. Les enfants adorent et c'est tant mieux. BR FR  

Big little lies (Jean-Marc Vallée, HBO, 2017) ***
A Monterey, un incident entre enfants de primaire entraîne un conflit entre parents. Un formidable Women's Picture contemporain qui aborde franchement des thèmes que Mildred Pierce ou Peyton Place ne pouvaient que suggérer. Le scénario, la mise en scène et l'interprétation (Reese Witherspoon, Nicole Kidman, Laura Dern...) sont admirables. Une miniserie qui fusionne génialement drame, humour, suspense et activisme féministe. BR UK