20 novembre 2010

Heroes of mine : Murray

Reverend Runt dans "Barry Lyndon" (1975)

Son étrange physique pointu, sa tête en triangle, ses yeux en amande et son nez à piquer les gaufrettes sont reconnaissables entre mille. Son apparence était toute désignée pour lui faire jouer les salauds perfides ou les victimes. Pourtant, tous ses rôles offrent à ses personnages une volonté dure comme fer, une force qui sort d'on ne sait où et une belle dose de résilience : elles en font la plupart du temps des antihéros qui triomphent en joker des obstacles placés sur leur route.

Geoffrey Ingham dans "Un goût de miel" (1961)

Murray Melvin (né en 1932) a reçu le Prix d'Interprétation à Cannes en 1962 pour son rôle d'un jeune homosexuel anglais qui se prend d'amitié pour une fille-mère ouvrière dans le formidable A taste of honey / Un goût de miel de Tony Richardson. Ken Russell ne s'y est pas trompé et a fait de lui un de ses acteurs fétiches, lui autorisant un jeu de toutes les outrances (qui l'a vu les narines frémissantes d'hystérie en Father Mignon, l'apothéose de sa carrière, dans The Devils / Les Diables, ne peut pas l'oublier). Stanley Kubrick, lui aussi, lui a fait porter la robe ecclésiastique - celle qui lui va le mieux, assurément - dans Barry Lyndon.

Father Mignon dans "Les Diables" (1971)

Le cinéma n'a malheureusement pas su l'exploiter à sa pleine mesure et c'est sur la scène et à la télé que Murray Melvin a été le plus visible au long d'une carrière de déjà cinquante ans, plutôt dans des seconds rôles dont il ne fait qu'une bouchée de ses lèvres pincées. Son inquiétant personnage dans quelques épisodes de la série Torchwood de la BBC l'a fait découvrir à la jeune génération (qui d'ailleurs s'en fout).

Murray Melvin est l'un des acteurs les plus excentriques et fascinants du cinéma britannique (et qui plus est, doté d'un sens de l'humour camp ravageur dans ses interviews) : ses apparitions inattendues au détour d'un film me ravissent comme peu d'autres (l'autre jour, par exemple, dans Alfie de Lewis Gilbert). Il est l'essence même de la "Cult Movie Star" et figure à sa place tout en haut de ma liste personnelle. En écrivant ces lignes, j'ai presque envie de lui envoyer une photo de lui pour qu'il me la dédicace. C'est dire si je l'aime.

Bilis Manger dans "Torchwood" (2007)

5 novembre 2010

Films vus par moi(s), novembre 2010


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Hunted / Rapt (Charles Chrichton, 1952) **
La belle photographie N&B héroïse le décor de l'Angleterre de l'après-guerre (ruines et logements poulaires londoniens, villes industrielles provinciales, campagne et côte écossaises) dans ce film désespéré mais jamais mièvre sur un meurtrier (Bogarde) accompagné d'un jeune enfant fugueur pourchassés à travers le pays. DVD

Fellini-Satyricon (Federico Fellini, 1969) ***
L'impact visuel de l'errance fellinienne est imparable : revoyant le film après plus de vingt ans, ses images, enfouies dans ma mémoire, ont ressurgi, intactes. Et la vision désabusée sur la chute prévisible de la Révolution Sexuelle des Sixties autant que celle de la Rome antique est plus fascinante aujourd'hui qu'hier. Une oeuvre sans pareille. DVD

A cry in the dark / Un cri dans la nuit (Fred Schepisi, 1988) *
Une adventiste est accusée d'avoir tué son bébé qui, selon elle, a été enlevé par un chien sauvage à Ayers Rock. Un fait-divers réel, un procès fleuve et une personnalité qui défrayèrent la chronique australienne dans les années 80 : le film raconte tout cela, comme dans un téléfilm. Streep, une fois de plus, porte tout sur ses épaules. DVD

L'ennemi naturel (Pierre Erwan Guillaume, 2004) *
En enquête près de Plouescat, un jeune lieutenant marié (Lespert) est attiré par le macho (Recoing) qu'il soupçonne du meurtre de son fils et perd les pédales de sa propre identité. Les maladresses des choix de réalisation (plans inutilement longs, inserts de fantasmes, artifices de la photo...) ruinent le sujet, pourtant original. C'est dommage. DVD

Toy story 3 (Lee Unkrich, 2010) **
Les jouets d'Andy reprennent du service et si la technique est brillante, le scénario malin et le rythme endiablé, le sentiment de redite m'a empêché d'être enthousiasmé comme j'aurais aimé. C'est juste cet effet de répétition qui m'a un peu gêné parce qu'évidemment, cela reste le haut du panier de l'animation contemporaine. Je sais. DVD

Breaking bad, Saison 1 (AMC, 2008) ***
Un prof de chimie cancéreux, sa femme enceinte et leur fils ado handicapé léger ne sont pas des héros communs pour une série TV. Le prof (Cranston, excellent) se lance dans le trafic de drogue pour payer sa chimio et assurer l'avenir de sa famille : à la fois tragique, comique et touchant, chaque scénario est une merveille d'écriture. DVD.

Rakkauden risti / The cross of love / La croix de l'amour (Teuvo Tulio, 1946) **
Une innocente fille de phare est emmenée à la ville par un beau-parleur qui la jette sur le trottoir une fois déflorée. Comme dans les autres films de Tulio, le mélo ne rend que son jus, écrasé par le style inimitable fait de gros plans, de bouts de ficelle, de sensualité débridée et de symbolisme à la truelle (la pécheresse crucifiée). DVD

The human centipede (Tom Six, 2009) ***
Fusion dérangée de comédie (un peu) et d'horreur (beaucoup), ce film hollandais qui raconte le calvaire de trois touristes enlevés par un chirurgien dément qui les coud par la bouche et l'anus pour en faire un mille-pattes humain réussit à repousser les limites de l'inconfort. Le style est clinique, l'acteur halluciné et le spectateur, lui, sonné. DVD

Northwest Passage / Le Grand Passage (King Vidor, 1940) **
L'imposante présence de Tracy, les paysages, les scènes de la traversée du marais et des rapides et le Technicolor donnent à cette odyssée de Rangers dans l'Amérique coloniale un air de livre d'aventures illustré. La longue séquence centrale de la destruction du village indien en fait, elle, un classique aux frontières du western. DVD

Mad Men, Saison 4 (AMC, 2010) ***
Toujours aussi excitante, ma série TV préférée s'ouvre cette saison à plus de péripéties tout en évoquant avec finesse l'évolution sociale, économique et culturelle du milieu des Sixties. Le casting est toujours aussi étincelant, comme la réalisation et si la clôture de l'épisode final est plus faible que les autres, peu importe. Mad Men est génial. Streaming

Levoton veri / Restless blood / Amour défendu (Teuvo Tulio, 1946) ***
Dans cet invraisemblable mélo finlandais, une bourgeoise aveugle retrouve la vue sans le dire à son mari qui la cocufie chez eux avec sa soeur. La mise en scène quasi post-moderne et le jeu outrancier de l'actrice Linnanheimo font du film une expérience saisissante. Le cinéma hystérique de Tulio atteint ici les sommets du camp. DVD

Life during wartime (Todd Solondz, 2009) **
Reprenant les personnages de son formidable "Happiness" (1998), mais avec des acteurs différents, Solondz dresse le portrait d'une famille aux prises avec ses fantômes. En une succession de conversations à la fois très dérangeantes et très drôles, il tisse une comédie sombre sur la souffrance des uns par les actes des autres. DVD

Splice (Vincenzo Natali, 2009) *
Un couple de chercheurs créé un hybride en fusionnant des ADN humains et animaux, pour leur malheur. Natali n'est pas Cronenberg : son idée de départ, intrigante, est ruinée par la stupide dernière demi-heure d'action obligée. Il y avait de quoi faire bien mieux mais la créature adulte, jouée par une actrice, vaut le coup d'oeil. DVD

Yoyo (Pierre Etaix, 1965) **
L'esprit absurde et poétique du cirque traverse ce joli film d'un somptueux noir et blanc où Etaix joue un père et son fils qui font la navette entre le château et la roulotte. Les gags se succèdent par petites touches, légers comme des bulles de savon. Seul le thème musical, suremployé, est assez énervant mais c'est peu de chose. DVD

The loss of a teardrop diamond (Jodie Markell, 2008) *
Sur un (faible) scénario inédit de Tennessee Williams, un mélo sudiste anachronique avec une héritière névrosée éperdue d'un bogosse sur fond de bal des débutantes. La réalisatrice s'est crue investie d'une mission de résurrection et a accouché d'un festival de camp involontaire : outrance, surjouage et accents hilarants à gogo. DVD

Black death (Christopher Smith, 2010) *
L'Angleterre en 1348 : des soldats chrétiens rejoignent un village épargné par la peste pour comprendre pourquoi. Un film dans l'esprit Hammer mais saigné de sa poésie, de son humour british et de ses pépées. Mais avec du gore en plus et Van Houten qui semble sortie d'un autre film. Un sujet intéressant mais un traitement décevant. DVD

Wise blood / Le Malin (John Huston, 1979) **
Dourif est ébouriffant dans le rôle d'un petit prédicateur paumé mais le film, qui oscille entre farce et pamphlet, se perd dans un propos assez confus qui tient le spectateur à distance malgré la galerie d'excentriques et d'excentricités. Très littéraire et d'une ambiance en demi-teinte, c'est l'un des films les plus énigmatiques de Huston. DVD

Frightmare (Pete Walker, 1974) **
Une superbe photo et la présence d'une fascinante actrice (Keith) dans le rôle de la vieille psychopathe (tueuse et cannibale) sont deux atouts majeurs de ce thriller d'horreur qui s'engage contre les dérives de la psychiatrie libérale. C'est gore, sans excès, et sacrément efficace. Un film rare, culte depuis longtemps en Angleterre. DVD

Zombieland / Bienvenue à Zombieland (Ruben Fleischer, 2009) **
On rit de bon coeur avec cette comédie horrifique, road-movie sans queue ni tête dans une Amérique livrée à des zombies véloces. Le scénario n'a aucune importance : seul l'amusement potache compte, porté par des acteurs tous excellents, un rythme effréné et l'un des meilleurs caméos du cinéma récent. Vraiment sympathique. DVD

The New World / Le Nouveau Monde (Terrence Malick, 2005) *
Le sujet, la reconstitution historique, le casting, la photo, le supplément d'âme : tout aurait dû faire de ce film un chef-d'oeuvre. Mais Malick a fait la bêtise de faire faire la gueule à ses personnages du début à la fin et d'exprimer leurs tergiversations existentielles par d'insupportables voix-off chuchotantes. Le film ne s'en remet pas. DVD

12 octobre 2010

Show boating


La très attendue reprise actuelle de Show Boat au Théâtre du Châtelet à Paris m'a permis de découvrir "live" ce musical qui a marqué d'une pierre noire l'histoire de Broadway et du genre tout entier. Lors de sa première au Ziegfeld Theatre le 27 décembre 1927, Show Boat révolutionnait la comédie musicale en proposant une histoire de quatre couples se déroulant sur quarante ans, des morceaux musicaux véritablement intégrés à la narration, une dénonciation audacieuse de la ségrégation et la présence simultanée sur scène d'interprètes blancs et noirs. Jerome Kern (à la musique) et Oscar Hammerstein II (au livret et aux lyrics) n'avaient eu qu'une année pour adapter à la scène le roman à succès d'Edna Ferber, paru en 1926. Ils accouchèrent d'un chef-d'oeuvre dont les airs ont traversé les décennies pour devenir des standards du musical américain : "Cotton Blossom", "Make believe", "You are love", "Bill" sont reconnaissables dès leurs premières notes. "Can't help lovin' dat man" et "Ol' man river" (la version de Judy Garland est époustouflante) sont, quant à eux, des mètres-étalons du genre.

La production du Châtelet, venue d'Afrique du Sud (elle a été montée pour la première fois par le Cape Town Opera en 2005), reprend la version de la reprise de Broadway de 1946. Car Show Boat a connu une histoire aussi tumultueuse que celle de ses personnages : la production originale de 1927 durant près de 4h15, les reprises suivantes ont été fortement raccourcies, un certain nombre de morceaux modifiés (notamment dans leurs paroles au contenu trop racial) ou simplement supprimés. La version de 1946 - et donc celle du Châtelet - trouve un équilibre satisfaisant entre celle de 1927 et celles, beaucoup plus courtes, qui ont juste suivi. Je reprocherais quand même à la production du Châtelet une mise en scène un peu vieillotte et quelques voix "moyennes". C'est seulement en 1988 qu'EMI a ressorti en CD le musical tel qu'il avait été conçu à l'origine par Kern et Hammerstein (c'est aujourd'hui la version de référence, dirigée par John McGlinn).


Show Boat est un splendide musical qui jette le pont entre plusieurs types de spectacles, du vaudeville de la fin du XIXe siècle à la comédie musicale classique. Il contient des réminiscences de l'opérette viennoise, du blues, du gospel, du jazz, de la chanson populaire et du grand opéra. C'est une tragédie parsemée de mélodrame et de comédie. Il forme les racines de tout ce qui suivra à Broadway et dans le West End. En 1927, Kern et Hammerstein (et Ziegfeld) savaient qu'ils avaient de l'or entre les doigts et qu'on se souviendrait longtemps de leur création. Ils avaient raison : leur Show Boat est insubmersible.

Show Boat a été adapté trois fois au cinéma : en 1929 (Harry Polard / Universal), 1936 (James Whale / Universal) et 1951 (George Sidney / MGM). Je n'ai pas vu la version de 1929, je n'aime pas la version de 1951, beaucoup trop molle dans ses orchestrations et faible dans son casting, mais je considère la version de 1936 comme une réussite totale et l'un des meilleurs musicals des Thirties, qui n'en est pas avare. C'est d'ailleurs incompréhensible qu'elle soit encore inédite en DVD (mais on peut la voir sur YouTube).

Alors, juste pour le plaisir, voici ci-dessous l'exaltant morceau "Can't help lovin' dat man" du Cape Town Opera (Châtelet).



Et sur YouTube, allez voir le même morceau dans le film de James Whale (ici : http://www.youtube.com/watch?v=r5WEQ8j1Me0). Deux exemples qui montrent à quel point un musical scénique, entre les mains d'un réalisateur inspiré, peut devenir un sublime morceau de cinéma (le cake-walk d'Irene Dunne, qui semble improvisé, est à mon avis l'un des moments les plus enthousiasmants de toute l'histoire du musical). Il faut dire que le Show Boat de Whale avait un casting à se damner : dans une même scène, on a Irene Dunne, Helen Morgan, Hattie McDaniel et Paul Robeson. Est-il nécessaire d'en dire plus ?

2 octobre 2010

Films vus par moi(s), octobre 2010


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Garden of Evil / Le jardin du Diable (Henry Hathaway, 1954) **
Le Cinemascope, le Technicolor et les étonnants paysages mexicains ravissent l'oeil et servent beaucoup ce film westernisant sur cinq aventuriers qui affrontent une Nature hostile peuplée d'ombres et eux-mêmes. Si Cooper et Widmark sont excellents, Hayward (qui surjoue comme toujours), l'est moins. Un film atypique aux splendides images. DVD

Kids (Larry Clark, 1995) **
C'est à la fois fasciné et dépité qu'on regarde ce film sur un groupe d'ados désoeuvrés de Manhattan dont l'été se résume à sexe, drogue, alcool et skate. Sevigny incarne le personnage dont la triste histoire sert de trame narrative à l'ensemble mais le ton reste néanmoins documentaire et donc particulièrement dérangeant. DVD

Okuribito / Departures (Yojiro Takita, 2008) **
Drôle de genre que ce film dont on ne sait pas bien s'il s'agit d'une comédie, d'un mélodrame ou d'une arnaque. Un jeune homme prépare les morts avant leur crémation et ouvre les yeux sur l'humanité des vivants. La beauté des images et l'originalité du sujet l'emportent sur les facilités de la musique et des touches poétisantes. DVD

La poison (Sacha Guitry, 1951) ***
Guitry règle ses comptes avec la Justice et l'opinion publique dans un des chefs-d'oeuvre dont il avait le secret. Un scénario anticonventionnel au possible, des dialogues étincelants et le jeu génial de Simon ne cessent d'enthousiasmer, même après plusieurs visions. Et ce générique en forme d'hommage à l'équipe du film ! DVD

Love actually (Richard Curtis, 2003) 0
Une douzaine de personnages en quête d'amour, une B.O. truffée de morceaux de tubes, des bons sentiments à la pelle (on doit osciller sans cesse entre rires et larmes) et un manque de sincérité total : Curtis fait son cinéma habituel et la fabrication montre toutes ses coutures. Le beau personnage incarné par Thompson surnage. DVD

The statue / Le plaisir des dames (Rodney Amateau, 1970) **
Un prix Nobel dont la statue officielle (un nu héroïque) a été sculptée par son épouse n'y reconnaît pas son sexe et, jaloux, cherche avec l'aide de la CIA celui qui a servi de modèle. Une comédie graveleuse où Niven cachetonne en regardant ce qu'il y a dans les slips des copains. L'idiotie de l'ensemble, j'avoue, est assez réjouissante. DVD

Hausu / House (Nobuhiko Obayashi, 1977) *
Un délire visuel pop-kitsch-anime autour de sept collégiennes japonaises en visite chez l'inquiétante tante d'une d'entre elles dont la maison de campagne est cannibale. C'est plein d'idées et d'amusants effets et décors mais cela ressemble à une vidéo sous acide étirée sur 85 minutes. J'ai été un peu intrigué au début puis très vite saoûlé. DVD

The boy in the striped pyjamas / Le garçon au pyjama rayé (Mark Herman, 2008) 0
Tout est trop faux et trop propre dans la réalisation de ce film manipulateur sur l'amitié improbable entre le jeune fils du directeur d'un camp de concentration nazi et un jeune prisonnier juif, séparés par les barbelés. Mais ce sont surtout les dernières scènes, abusant de suspense, qui sont d'une incroyable maladresse. DVD

Signore & signori / Ces messieurs dames (Pietro Germi, 1966) ***
Germi porte l'estocade à la bourgeoise nord-italienne (celle de Trévise en l'occurence) avec cette comédie au vitriol et en trois actes, Palme d'Or conspuée de Cannes 1966. Adultère, prostitution, lettres anonymes, corruption, amoralité... s'enfilent comme des perles par la grâce d'un scénario au cynisme stupéfiant. Du cinéma carnassier. DVD

Matinee / Panic sur Florida Beach (Joe Dante, 1993) **
Un film sur un homme-fourmi ("Mant!") arrive dans un petit ciné de Floride sur fond de crise des missiles de Cuba : cet hommage drôle, sincère et très bien vu (on croirait souvent voir un film de 1963) aux navets de SF des années 60 et à leurs producteurs fous de gimmicks dégage un charme irrésistible. Goodman y est formidable. DVD

Alfie (Lewis Gilbert, 1965) **
A Londres au milieu des Sixties, un trentenaire égocentrique séduit et abandonne plusieurs femmes avant d'en payer les conséquences. Le film commence comme une comédie épicée puis s'oriente vers le drame avec assurance. Et ça marche. Caine est splendide (surtout quand il prend à partie le spectateur) et Winters "steals the show". DVD

The social network (David Fincher, 2010) ***
L'efficacité du scénario, l'excellent casting et la réalisation magistrale font de ce film sur les débuts de Facebook un futur classique. Fincher transforme un sujet à priori peu cinématographique en un thriller psychologique haletant et nous met sous les yeux la mutation en cours de la société dans laquelle nous vivons. Brillant. Ciné

But I'm a cheerleader (Jamie Babbit, 1999) *
Comme pour "Saved!", c'est le genre de petit film qui milite avec humour et clichés contre l'intolérance et pour le droit à la différence. Ici, une jeune lesbienne est placée par ses parents dans une centre de réhabilitation : "Le droit chemin". Ca parle sans doute à certains ados (et c'est tant mieux) mais c'est loin d'être du John Waters. DVD

Le sang à la tête (Gilles Grangier, 1956) **
Gabin, fidèle à lui-même dans un rôle atypique, est un riche self-made man cocu et raillé par ses voisins de La Rochelle dans cette adaptation de Simenon superbement dialoguée par Audiard qui tape à la fois sur la bourgeoisie, la populace et la valetaille de province. C'est du cinéma de papa, bien sûr, mais qu'est ce que c'est bien ! DVD

Tout ce qui brille (Géraldine Nakache & Hervé Mimran, 2010) ***
Ce petit film, sans doute basé sur un vécu personnel de sa scénariste/réalisatrice/actrice, dresse un portrait sensible de l'amitié entre deux filles de banlieue qui rêvent d'une autre vie. Porté par la vitalité de ses deux interprètes principales, c'est fin, drôle et touchant. Une très bonne surprise dont le succès public est justifié. DVD

Saved! (Brian Dannelly, 2004) *
L'originalité de ce high-school movie est d'être situé dans un collège chrétien intégriste. Les élèves minoritaires (une jeune fille enceinte, un gay, une juive, un paralysé - on entrevoit même un nain -) s'y serrent les coudes pour affronter la majorité des Born Again. Cela reste au final une comédie prévisible sur l'altérité et la tolérance. DVD

The bad lieutenant: Port of call - New Orleans (Werner Herzog, 2009) **
Un faux remake tragi-comique du film de Ferrera réalisé par Herzog entre deux documentaires. Cage y est au sommet en flic drogué et sans ethique (mais avec un coeur d'artichaut) et le décor de La Nouvelle Orléans post-Katrina, alligators et iguanes compris, convient à merveille aux personnages abîmés dans leurs corps et âmes. DVD

Lourdes (Jessica Hausner, 2009) ***
Subtilement ironique mais jamais moqueur, ce beau film sur un groupe de pèlerins de Lourdes confronté à une guérison - celle de Testud, excellente - est très théâtralisé (la réalisatrice a été assistante de Haneke), visuellement splendide et assez énigmatique dans son message. Chaque spectateur en aura sa propre interprétation. DVD

19 septembre 2010

Douglas & Joan

Douglas Fairbanks Jr. et sa femme Joan Crawford
sur la plage de Santa Monica en 1929
(Nicholas Murray)

Son visage à elle irradié de soleil, son visage à lui baigné de l'ombre d'une inquiétude ambigüe. Et le détail de leurs mains qui se touchent sur le sable du Pacifique. J'adore cette photo.

7 septembre 2010

Heroes of mine : Jon-Erik


Jon-Erik Hexum : je ne pense pas que grand monde se souvienne (mais il a tout de même quelques fans irréductibles - dont moi - et quelques sites web dédiés ici ou là) de ce mannequin-acteur au nom de héros de série TV des années 80 (ça tombe bien car c'en était un). Sa chute brutale fit en son temps plus de bruit que son ascension rapide au soleil d'Hollywood.

De temps en temps, je repense à Jon-Erik et par conséquent, à ce jour d'octobre 1984 où, en jouant par désoeuvrement avec un pistolet-accessoire sur le plateau de la série de CBS Cover Up, il s'est accidentellement tiré une balle à blanc dans la tête en mettant un point final à une carrière prometteuse qui venait de commencer. Il allait avoir 27 ans. Je me rappelle qu'à l'époque, je me faisais de l'argent de poche (pas mal d'ailleurs !) en donnant des cours particuliers à deux gosses plutôt sympas d'une riche famille d'expats japonais près du Parc Monceau et la gamine, qui devait avoir treize-quatorze ans, avait acheté dans sa détresse le "Ciné-Revue" qui faisait un papier de plusieurs pages sur l'événement en racontant notamment en détail comment les yeux bleus et le coeur de Jon-Erik avaient été transplantés sur des patients en attente. Nous avions dévoré le magazine sur le temps d'étude en nous lamentant sur la cruauté des Dieux. Une fausse rumeur avait même circulé quelque temps après comme quoi le coeur de notre (anti-)héros avait été donné à un type qui avait été plus tard condamné pour assassinat et exécuté sur une chaise au Texas : un scénario digne d'un John Waters de la grande époque !.


De Jon-Erik, qui tombait facilement la chemise dans tous ses rôles pour le bonheur des dames, je n'ai pas vu grand chose (mais il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent de toutes façons) à part le très campy The making of a male model (1983), son magnus opus, le téléfilm qui l'avait lancé et où il partageait la vedette avec Joan Collins et Kevin McCarthy. Il y incarne un cowboy innocent et sexy du Nevada découvert par un agent (Collins) qui l'emmène à New-York pour le mettre dans son lit et le lancer dans le mannequinat. Le genre de film qui se bonifie avec l'âge (on peut le trouver sur YouTube) et dont on dit qu'on n'en fait plus des comme ça. Enfin, un téléfilm et deux séries, ça ne fait pas vraiment une carrière. Jon-Eric Hexum n'aura donc eu qu'un destin.


Alors, que reste-t-il de Jon-Erik Hexum, vingt-six ans plus tard ? Une poignée d'extraits TV et quelques interviews de lui sur YouTube (il n'avait pas l'air con) plus deux yeux et un coeur qui doivent encore bien se balader quelque part, aux Etats-Unis ou ailleurs. Et il y a aussi les photos bien sûr, celles d'un beau garçon américain d'origine norvégienne qui semble y incarner dans son assurance naïve un peu de la fragile invincibilité des Eighties. Je les aime bien ces photos de Jon-Erik (qui me rappelle tant Bruno S., mais ça c'est une autre histoire). J'espère que vous les aimerez aussi.

Jon-Erik Hexum (1957-1984)

3 septembre 2010

Miss Thompson vs. Miss Hepburn


Emma Thompson, 51 ans, est actuellement en train d’écrire une nouvelle version de My Fair Lady dont Carey Mulligan (An Education) sera l’interprète principale avec le personnage d’Eliza Doolittle, un rôle qui fit la gloire d’Audrey Hepburn dans le film de George Cukor en 1964.

Cela ne mériterait pas une brève sur ce blog… mais il y a plus et c’est pour ça que j’en parle. Car Miss Thompson n’aime pas beaucoup Miss Hepburn et (fait assez rare dans un milieu professionnel qui se plaît à entretenir l’illusion d’une cohésion collégiale), elle l’a fait savoir dans une interview au "Hollywood Reporter" et à "Daily Variety" à l’occasion de la pose de son étoile sur le Hollywood Walk of Fame, le 6 août 2010. Elle n’aime pas non plus la version de My Fair Lady par Cukor et se rapprochera dans son scénario de l’original de l’histoire : la pièce « Pygmalion » de George Bernard Shaw.

Emma Thompson a donc déclaré dans un anglais ô combien insulaire (je ne traduis ci-dessous que l'idée des propos de Miss Thompson, pas leurs intraduisibles nuances) à propos d’Audrey Hepburn en général et de My Fair Lady en particulier :

“I'm not hugely fond of the film. I find Audrey Hepburn fantastically twee.” (Je ne suis pas une fanatique du film. Je trouve qu’Audrey Hepburn est incroyablement “twee”).

Quand "The Hollywood Reporter" lui a demandé ce que “twee” signifiait, Thompson a répondu : “Twee is whimsy without wit. It is mimsy-mumsy sweetness without any kind of bite. And that's not for me”. (“Twee”, c’est l’excentricité sans l’esprit. C’est le cucul sans le mordant. Et ça ne m'intéresse pas).

Puis elle a repris sur Audrey : “She can't sing and she can't really act, I'm afraid. I'm sure she was a delightful woman - and perhaps if I had known her I would have enjoyed her acting more, but I don't and I didn't, so that's all there is to it really.” (Je suis désolée mais elle ne sait pas chanter et elle ne sait pas vraiment jouer. Je suis sure que c’était une femme délicieuse, et peut-être que si je l’avais connue j’aurais mieux apprécié son jeu, mais je ne l’ai pas connue et je ne l’apprécie pas. C’est comme ça.)

Quant à My Fair Lady : “The film? I find it chocolate-boxy, clunky and deeply theatrical. I don't think that it's a film. It's the theatre piece put onto film. It was Cecil Beaton's designs and Rex Harrison that gave it its extraordinary quality.” (Le film ? Je trouve que c’est une boîte de chocolat, mal foutu et très théâtral. Ce n’est pas vraiment un film. C’est du théâtre filmé. C’est seulement la direction artistique de Cecil Beaton et Rex Harrison qui lui donnent son extraordinaire apparence.)

Avant de porter l’estocade : “I don't do Audrey Hepburn. I think that she's a guy thing. I'm sure she was this charming lady, but I didn't think she was a very good actress. It's high time that the extraordinary role of Eliza was reinterpreted because it's a very fantastic part for a woman.” (Je n’accroche pas à Audrey Hepburn. Je crois qu’elle est un truc de mec. Je suis certaine que c'était une dame charmante mais je ne pense pas qu’elle ait été une très bonne actrice. Il est grand temps que le splendide personnage d’Eliza Doolittle soit réinterprété parce que c’est un rôle fantastique pour une actrice.)

Les légions de fans d’Audrey Hepburn, évidemment, sont grimpés aux rideaux et ont voué Miss Thompson aux gémonies. Moi pas parce que je pense exactement comme elle, d’Audrey Hepburn en général et de My Fair Lady en particulier.


Audrey Hepburn, habillée pour l'hiver