1 août 2012

Passages : Gore Vidal

Gore Vidal est mort hier, mardi 31 juillet 2012, à 86 ans, dans sa maison de Hollywood Hills.


Ecrivain, scénariste, chroniqueur, amis des célébrités, démocrate, gay et activiste, il avait tant de cordes à son arc qu'on ne savait pas très bien ce qu'il faisait, finalement. Un peu comme Truman Capote, qu'il aimait autant qu'il détestait. Mais il a beaucoup écrit, remarquablement bien, notamment un livre que j'adore "Myra Breckinridge" (1968), sur un transexuel ambitieux qui dynamite le mythe du mâle américain.


A propos de flèches, il n'en était pas avare, comme cette réponse à une question d'interview :
Journaliste : "Quels sont pour vous les mots les plus tristes de la langue anglaise ?"
Vidal : "Il y en a trois : Joyce. Carol. Oates."
Je vénère J.C. Oates mais le trait d'esprit est irrésistible.


Gore Vidal (1925-2012)

2 juillet 2012

Films vus par moi(s) : juillet 2012


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Lorna Doone (Maurice Tourneur, 1922) *
D'un mélo victorien 
désuet à succès, Tourneur réalise un mélo muet désuet sur une histoire d'amour rurale entre une colombe de l'aristocratie britannique enlevée par des hors-la-loi et d'un jeune paysan courageux. La Californie passe pour le Devon du XVIIe siècle et le sirop est sans surprise mais certains plans, avec leur lumière typique de Tourneur père, sont splendides. DVD Z1 US

Making the Boys
(Crayton Robey, 2010) **
En 1968, la pièce "The boys in the band" de Mart Crowley, sur la soirée d'anniversaire d'un gay trentenaire avec ses amis à Manhattan, fut un tournant majeur dans la représentation des gays. Cet intéressant documentaire, centré sur l'auteur, raconte sa production, son adaptation au cinéma par Friedkin en 1970, les controverses qu'ils engendrèrent et le destin de ses acteurs. DVD Z1 US

Katyn
(Andrzej Wajda, 2007) *
En avril et mai 1940, l'URSS exécuta plus de 20.000 polonais (officiers, intellectuels, ingénieurs) dans la forêt de Katyn et accusa l'Allemagne du crime. Autour de cette complexe affaire, Wajda fait un film documenté mais dont le scénario perd le spectateur par ses différents points de vue et allers-retours temporels. Du cinéma historique narratif qui est surtout un acte d'exorcisme. BR UK

Nuit et brouillard
(Alain Resnais, 1955) ***
En 30 minutes sur lesquelles le temps n'a pas eu de prise, Resnais, aidé par le texte inoubliable de Jean Cayrol dit par Michel Bouquet et l'entêtante musique de Hanns Eisler, évoquait il y a presque soixante ans l'horreur impensable des camps d'extermination nazis. Depuis, on a vu bien d'autres images mais les forces conjuguées de ce documentaire continuent à estomaquer. DVD Z2 Fr

Zazie dans le métro (Louis Malle, 1960) ***
Le formidable travail sur la couleur (William Klein a été consultant), la promenade dans le Paris de 1959 et les joyeux gros mots dits par l'espiègle Catherine Demongeot dans le rôle de Zazie m'ont fait adorer ce film qui réussit à sa façon à transcrire en images l'esprit anarchique et absurde du roman de Queneau. La scène finale dans le restaurant est un peu longue mais bon... BR US

Contracorriente (Javier Fuentes-Leon, 2009) 0

Dans un village maritime du Pérou, un pêcheur dont la femme va accoucher vit une histoire d'amour secrète avec un séduisant citadin. Un twist énorme, qui prétend à la poésie (romantique et fantastique), précipite le film dans un ridicule dont il ne se relève pas. Ce qui aurait pu faire un court-métrage correct est délayé dans une bouillie imbuvable qui pleurniche à tout va. BR Fr

Gow, the headhunter / Cannibal Island (Captain E.A. Salisbury, 1931) **
Schoedsack et Cooper (les futurs réalisateurs de "King Kong") furent en 1920-1923 les cameramen de ce documentaire sur les indigènes de Polynésie et Mélanésie sur lequel fut ajouté en 1931 un commentaire d'une rare condescendance (du genre "l'homme blanc vs. les créatures") qui le fit plonger dans l'Exploitation. Les images sont aussi belles que le texte est outrancier. BR US


Les petits mouchoirs (Guillaume Canet, 2010) 0

J'ai vite regardé en accéléré cet interminable film-à-la-mode sur une dizaine de trentenaires (et un quadra) qui vont passer l'été au Cap-Ferret pendant qu'un de leurs copains est cloué à l'hôpital. Les grands secrets et les petites mesquineries font surface tandis que le film s'enfonce dans les lieux communs. C'est du sous-Sautet pour bobos 2010. Insupportable. DVD Z2 Fr

Ice age : continental drift / L'âge de glace 4 : la dérive des continents (Steve Martino & Mike Thurmeier, 2012) *
L'animation est vraiment chouette (la séquence de la rupture des plaques est spectaculaire), les décors aussi et le rythme est trépidant mais quel dommage que le scénario soit d'une telle indigence. Pour les enfants, le spectacle assurera le succès mais les adultes, le film vu, l'oublieront aussitôt car il n'est rien de plus qu'une succession de scènes. Ciné 3D

Un chapeau de paille d'Italie (René Clair, 1927) ***

La fluidité du scénario adapté de la pièce de Labiche avec ses enchaînements de péripéties, le rythme de la réalisation et l'énergie des acteurs font de cette comédie de situation muette un classique durable. L'impression (voulue) de voir un film fait dans les années 1910 - par le travail sur les décors et costumes - lui apporte une dose de malice supplémentaire. DVD Z1 US

We need to talk about Kevin (Lynne Ramsay, 2011) ***

Une mère revoit en flashbacks le rapport difficile qu'elle a eu avec son fils psychotique depuis sa petite enfance jusqu'à l'irréparable qu'il vient de commettre. Le tension psychologique et la dureté émotionnelle de ce film en font une expérience brutale. Tilda Swinton est époustouflante et la réalisation d'une assurance sans faille. Le genre de film qui secoue sans lâcher. BR UK 

Immortals / Les Immortels
(Tarsem Singh, 2011) 0
Un désastre. La lutte de Thésée, des Dieux et des Titans avec des acteurs ridicules (sauf Henry Cavill en Thésée, un bogosse qui devrait aller loin) pris au piège de décors démesurés en CGI et d'un scénario au bavardage assommant rythmé par des éclairs de violence fabriquée. Ca n'a même pas le charme du kitsch, c'est pompeux et ringard. Et le pire c'est que ça se prend au sérieux. BR UK

We were here
(David Weissman, 2011) ***
A partir de cinq témoignages bouleversants, un documentaire sur l'impact de l'arrivée et de la propagation du Sida dans la communauté gay de San Francisco à partir de 1981. Les images d'archives expriment la stupeur et le désarroi avant que la réponse collective s'engage. Cela semble une page d'histoire lointaine, ça ne l'est pas. La nouvelle génération devrait voir ce film. DVD Z2 UK   

The Lady
(Luc Besson, 2011) **
Au niveau cinématographique, c'est d'un académisme sans intérêt (enfin presque : la scène où elle traverse la haie de soldats est bien fichue) mais en tant que sujet, c'est une histoire forte qui ne peut laisser insensible. Michelle Yeoh est parfaite dans le rôle d'Aung San Suu Kyi, David Thelwis aussi dans celui de son mari. Le cinéma, c'est aussi parfois juste ça : une histoire. BR UK

Revolution
(Hugh Hudson, 1985-2009) *
Echec mémorable, c'est l'archétype du "grand film malade". En voulant raconter de façon intimiste et réaliste (du point de vue d'un père et de son fils) la Guerre d'Indépendance américaine, Hudson se perd dans un script flasque avec des acteurs affublés d'accents embarrassants (et la voix off du Director's Cut de 2009 chuchotant des fadaises). Mais les images sont magnifiques. BR UK

Les cousins (Claude Chabrol, 1959) 0
OK, "Les cousins" a sans doute été un jalon vers la Nouvelle Vague (et encore), mais le personnage hystérique joué par Brialy, l'artificialité des scènes d'ensemble (notamment la scène de la party étudiante) et des situations font que ce film démodé n'est plus, aujourd'hui, supportable. J'ai d'ailleurs fast-fowardé la seconde moitié. Il reste Gérard Blain, excellent comme toujours. BR US
  
The best years of our lives / Les plus belles années de notre vie (William Wyler, 1946) ***
Malgré des longueurs au milieu avec les déboires sentimentaux des personnages, ce film, par la modernité du jeu de ses formidables acteurs, la rigueur de sa réalisation et la clairvoyance de son scénario sur la difficile réinsertion familiale et sociale de trois soldats US en 1945, évite le piège du mélodrame et impose son message. Remarquable de lucidité et de dignité. DVD Z1 US

2 juin 2012

Films vus par moi(s) : juin 2012


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

The grey / Le territoire des loups (Joe Carnahan, 2012) **
En Alaska, sept hommes rescapés d'un crash aérien se retrouvent pourchassés par une meute de (très) gros loups. Porté par la présence assurée de Liam Neeson, un survival énergique bien ficelé mais dont l'ambition symbolique et métaphysique (l'Homme face à sa mort) pète plus haut que son cul. C'est quand même, dans le genre, un bon cru. BR Fr

Une partie de campagne (Jean Renoir, 1936) ***
La puissance sensuelle de ce moyen métrage, ode au désir et à la puissance vitale de la Nature, n'a pas d'égale. La composition des images, l'hommage impressionniste, les comédiens et les raccourcis atteignent la perfection, miraculeusement surhaussée par la musique de Kosma. Mon film préféré de tout le cinéma français, malgré la concurrence. DVD Z2 Fr

Clash of the Titans / Le choc des Titans (Louis Leterrier, 2010) 0
Un scénario bavard et poussif, un acteur principal (Sam Worthington en Persée) sans aucun charisme et une réalisation tape à l'oeil incompétente plagiée sur Peter Jackson : ce lointain remake est une purge qui met toute la gomme pour la séquence finale du réveil du Kraken, qui aurait pu être mille fois mieux. Un ratage mais je n'en attendais pas plus. DVD Z2 Fr

Bridesmaids / Mes meilleures amies (Paul Feig, 2011) ***
Une production Apatow, donc une comédie à la fois scatologique et romantique, souvent hilarante et juste, sur l'amitié à l'épreuve des engagements. Ici, une trentenaire seule et cynique face au proche mariage de sa meilleure amie. La recette est irrésistible. Une scène d'anthologie : l'effet d'une intoxication alimentaire collective dans une boutique de robes de mariée. BR Fr

Michael (Markus Schleinzer, 2011) ***
Par petites touches dénuées de sensationnalisme mais froides et cliniques comme dans un Haneke (dont le réalisateur a été un collaborateur), le quotidien banal et terrible d'un pédophile trentenaire et du garçon de dix ans qu'il tient enfermé dans la cave de son pavillon de banlieue. Un film dérangeant qui rappelle que le cinéma autrichien est un genre à lui seul. BR UK

Man from Earth (Richard Schenkman, 2007) **
Une demi-douzaine d'amis professeurs se retrouvent pour le départ d'un autre, qui leur annonce qu'il est un homme de 14.000 ans sur lequel le Temps n'a pas prise. Sur cette idée très originale, le film est un dialogue à plusieurs voix sur les grands questionnements de l'Humanité. Le look téléfilm et les acteurs médiocres n'empêchent pas d'écouter avec intérêt ce qui est dit. DVD Z2 UK

West Side Story (Robert Wise, 1961) ***
Cinquante ans après sa sortie, West Side Story réussit à rester novateur, pas tant par l'histoire inspirée de Roméo et Juliette mais par les exceptionnelles chorégraphies de Jerome Robbins, la musique indémodable de Leonard Bernstein et l'utilisation de la couleur et de la Super-Panavision. Les racailles semblent bien inoffensives mais le film est un spectacle total. BR Fr

Cabeza de Vaca (Nicolas Echevarria, 1990) ***
Entre 1528 et 1536, un conquistador naufragé en Floride traverse le continent américain tout en se découvrant un pouvoir chamanique auprès des tribus indiennes qu'il croise. D'après une histoire vraie, une immersion mi-rêve mi-documentaire dans un autre espace-temps, rarement capturé au cinéma. Un film fascinant, totalement original. DVD Z2 Fr

No man of her own / Chaînes du destin (Mitchell Leisen, 1950) **
Une fille-mère se retrouve avec l'identité d'une morte dont elle rencontre la riche belle-famille qui l'accueille à bras ouverts avant qu'un maître-chanteur n'apparaisse. Un mélo noir comme l'époque en a produit à la chaîne. Les acteurs sont bons (Stanwyck l'est, évidemment) et la Paramount a du savoir-faire : ça se regarde donc avec plaisir. DVD Z1 US

Roman Polanski: wanted and desired (Marina Zenovich, 2008) **
Le documentaire qui a relancé, plus de trente ans après les faits, les démêlés de Polanski avec la justice américaine et les médias internationaux. Le détournement de mineure de 1977 et le zoo judiciaire qui a suivi sont racontés par des images d'archives et des témoignages contemporains. Comme un Polanski, mais là c'est pour de vrai. DVD Z2 Fr

Patton (Franklin J. Schaffner, 1970) **
Moins film de guerre qu'étude de personnalité, ce film (un peu trop long) au 7 oscars réussit à être à la fois une fresque épique et un portrait intimiste. George C. Scott incarne - formidablement - le Général Patton comme un homme de la Renaissance, érudit, mystique et imprévisible, qui se réalise dans l'action de la Seconde Guerre Mondiale. BR Fr

Shame (Steve McQueen, 2011) *
Michael Fassbender se donne à fond, âme et corps, dans le rôle d'un sex-addict qui vit et travaille à New York dans un état de solitude affective totale. Sa performance est impressionnante mais le film, une fois vu, parait manquer de signification. L'histoire avec sa soeur (Carey Mulligan) tente l'émotion sans trop convaincre. Ambitieux mais moins profond qu'il voudrait. BR Fr

John Carter (Andrew Stanton, 2012) ***
L'échec historique de ce film en salles est injustifié : dans le genre de l'heroic fantasy (dont le roman  d'E.R. Burroughs en 1912 est un titre fondateur), on est dans le haut du panier. Le héros passe de la Terre à Mars, rencontre des créatures, combat des monstres et s'éprend d'une princesse. Il y a un goût de déjà-vu bien sûr, mais c'est du cinéma de distraction épatant. BR US 3D

Damages, saison 2 (FX, 2009) ***
Encore plus labyrinthique que la première saison, celle-ci, centrée autour d'une multinationale qui empoisonne des villages de West Virginia, continue à donner à Glenn Close, en avocate new-yorkaise venimeuse, un rôle en or. Même si les ficelles sont un peu grosses, on en redemande parce que ça fait du bien d'être la victime de manipulations aussi outrancières. DVD Z2 Fr

Let me in / Laisse-moi entrer (Matt Reeves, 2010) **
Un bon remake US du film suédois "Lat de rätte komma in / Morse" (Tomas Alfredson, 2008) qui souffre quand même de la comparaison avec son excellent modèle dont l'atmosphère glaciale, la douleur et l'aspect inédit de l'histoire - un garçon solitaire de douze ans se prend d'amitié pour sa voisine du même âge, un vampire - étaient plus marquants. DVD Z2 UK

The mist (Frank Darabont, 2007) ***
Un retour bienvenu à la SF pure des Fifties autour d'un brouillard plein de monstres lovecraftiens qui coinçe dans un supermarket les habitants d'une petite ville. D'après une nouvelle de Stephen King, le film est étonnamment noir et désespéré. Et si les clichés abondent, ça marche, comme avec le personnage de la fondamentaliste chrétienne exaltée. DVD Z1 US

19 mai 2012

Marilyn : Exposition "Seule" chez Renoma

A Paris, chez Renoma (le styliste qui a habillé les pop stars des Seventies, des Stones à Warhol), une exposition originale - vraiment - est consacrée à Marilyn Monroe : "Seule". Sur les trois niveaux du show-room, photos, objets et installations dressent un portrait créatif de l'icône morte il y a cinquante ans cette année.

Dans la boutique elle-même sont présentées, parmi et au milieu des vêtements très rock du styliste, des tirages de photos de Bernard of Hollywood, le photographe qui suivit la carrière de Marilyn depuis ses débuts de modèle au milieu des années 40 jusqu'à son triomphe de superstar une décennie plus tard. C'est la première fois qu'une aussi importante série de photos de Bernard est montrée en France, prêtée par sa fille, Susan Bernard.


A l'étage, le photographe Yury Toroptsov présente une sélection de tirages de grands et petits formats de son beau projet "Marilyn and I", exposé avec succès au Bon Marché l'hiver dernier. Des admirateurs célèbres ou anonymes posent chez eux ou sur leur lieu de travail, à coté d'une robe d'été vichy bleu ayant appartenu à Marilyn. La petite robe originale ayant servi de support au projet fait aussi partie de l'exposition, relique des années Fifties pendue sur un cintre dans une vitrine de verre.


A sous-sol, une création artistique très réussie, sur une idée de Maurice Renoma, évoque Marilyn Monroe, la femme et la star, autour de plusieurs installations composées de photos, d'affiches, d'enregistrements sonores, de néons, de livres, de coupures de presse, de mobilier et de sculptures. Ce portrait subjectif, original et franchement émouvant, de la vie terrestre et de la postérité universelle de Marilyn, est un formidable hommage à la plus vivante des blondes disparues.


Pour les fans de Marilyn et pour les amateurs de photographie et d'art contemporain, "Seule" est une exposition à plusieurs facettes à ne pas manquer.

"Seule", exposition du 11 mai au 25 juillet 2012
chez Renoma / Komplex Store - 118 rue de Longchamp 75116 Paris

  

8 mai 2012

Heroes of mine : Sylvia



Sylvia Lopez (1931-1959)

Ses quelques scènes en Omphale dans "Hercule et la reine de Lydie" (Pietro Francisci, 1959) suffisent à l'avoir installée pour toujours sur mon piédestal. Elle n'a pas fait grand chose au cinéma - regardez ses dates, la biologie ne lui en a pas laissé la chance - mais elle fait partie de ces spectaculaires présences qui n'ont pas eu besoin de plus pour résister à l'oubli. Je parle pour moi, bien sûr : qui se souvient aujourd'hui de Sylvia Lopez ?  

1 mai 2012

Films vus par moi(s) : mai 2012



*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Le Comte de Monte-Cristo (Robert Vernay, 1943) ***
Une mise en scène plus exaltée aurait fait du film un chef-d'oeuvre mais tel qu'il est, avec sa photo superbe, son scénario respectant intelligemment Dumas et surtout la présence charismatique de Pierre Richard-Willm, un Dantès/Monte-Cristo classieux en diable, c'est sans doute la meilleure version (qui eut sous l'Occupation un succès immense). DVD Z2 Fr

The Maltese Falcon / Le Faucon Maltais (John Huston, 1941) ***
Bogart, Astor, Lorre, Greenstreet et Cook sont inoubliables et la réalisation de Huston s'approche de la perfection mais c'est le dialogue d'un cynisme hilarant  - "Quand on perd un fils, on peut toujours en avoir un autre mais il n'y a qu'un Faucon Maltais" - qui propulse au firmament ce classique (du Film Noir ? de la comédie ?) au bavardage étourdissant. BR Fr 

Tu seras mon fils (Gilles Legrand, 2011) ***
La morbidité des tragédies classiques plane sur cette histoire de haine paternelle dans un vignoble du Bordelais. Niels Arestrup compose - formidablement - un monstre face au vulnérable Lorànt Deustch. La photographie solaire magnifie le paysage qui sert de décor à une bataille affective d'un genre rarement évoqué au cinéma. Un film qui frappe fort. DVD Z1 Fr

The jungle book / Le livre de la jungle (Wolfgang Reitherman, 1967) ***
A part la séquence un peu longuette des éléphants, il n'y a rien à jeter dans cette merveille de Disney. De la splendide jungle du générique au beau final près du village, des personnalisations aux immortels morceaux musicaux ('The bare necessities","I wanna be like you"...), la magie opère à chaque fois. Un film qui m'est très cher : mon premier vu au cinéma. DVD Z1 US

Die goldene Stadt / La ville dorée (Veit Harlan, 1942) *
Gros succès du cinéma nazi, ce mélo en Agfacolor sur une oie blanche (Kristina Söderbaum, qui joue en équarquillant les yeux) qui quitte la ferme paternelle pour aller à Prague - la ville dorée - où elle perd toutes ses illusions, est anodin avec de belles images. Le message réactionnaire contre la ville et ses tchèques corrupteurs est l'élément le plus intéressant. DVD Z2 Allem

Le fugitif (Robert Bibal, 1946) *
Un étrange hybride entre le réalisme français et le film noir américain sur un innocent évadé (René Dary) qui revient dans une petite ville montagnarde canadienne pour se venger et retrouver son amour. La Savoie passe pour le Canada, tout le monde parle français sans accent et l'action patine. Ces multiples bizarreries font du film une vraie curiosité. DVD Z2 Fr

La prima cosa bella (Paolo Virzi, 2011) 0
Un frère et une soeur éloignés se retrouvent au chevet de leur mère qui se meurt d'un cancer alors que la chronique de leur vie familiale, des années 70 au présent, nous est racontée en flashbacks. Tout cela sonne terriblement artificiel, entre scènes d'humour et d'émotion fabriquées. Les bons acteurs (et le plaisir de revoir Stefania Sandrelli) n'y peuvent rien. DVD Z2 Fr

Snowtown / Les crimes de Snowtown (Justin Kurzel, 2011) **
Le quotidien terrible d'un ado d'une banlieue d'Alélaïde entraîné par le compagnon de sa mère, un serial-killer, dans une série de crimes brutaux. D'après un fait-divers australien, ce portrait éprouvant d'une manipulation psychologique dans une société sordide est uniformément désespéré. Impressionnant et formidablement interprété mais vraiment crade. BR UK

Nos jours heureux (Eric Toledano & Olivier Nakache, 2006) *
Cette chronique d'une petite colonie de vacances au début des années 90 remplit son humble mission : jouer sur le charme du souvenir sans provoquer une seule vague. C'est sympa et démago comme il faut et ça se laisse regarder sans surprise (avec un running gag plutôt drôle : la monitrice timide et coincée qui se déchaîne dans le juron ordurier). DVD Z2 Fr

Mission: Impossible - Ghost protocol / Mission : Impossible - Protocole fantôme (Brad Bird, 2011) 0
De l'action, de la technologie, du cool, de l'exotisme géographique, de la musique qui martèle et Tom Cruise qui a pris un coup de bouteille (c'est ça le plus intéressant) : toute cette débauche d'énergie pour un blockbuster formaté qu'on regarde passer comme une vache un train. J'ai laissé tomber à la fin de la séquence de la tempête de sable à Dubaï. BR Fr

Weekend (Andrew Haigh, 2011) ***
A Nottingham, deux gays proche de la trentaine se rencontrent en boîte, passent une nuit ensemble et les 48 heures suivantes à discuter en évaluant leur attachement réciproque. Les thèmes de la solitude, de l'identité sexuelle, des choix affectifs sont traités avec finesse dans ce film qui parle pour dire quelque chose. Avec deux très bons acteurs. BR UK

La grande illusion (Jean Renoir, 1937) ***
Quel bonheur que de revoir un classique comme celui-là et d'en redécouvrir scène après scène la justesse, l'émotion, l'intelligence et l'audace. Bien sûr, les personnages sont des stéréotypes (et encore) mais n'est-ce pas ce qui en fait l'universalité ? Gabin, Fresnay, Dalio, Stroheim, Carette, quoi ! Et les scènes du show, du géranium, de la veuve... BR Fr

Damages, saison 1 (FX Network, 2007) ***
Glenn Close est le choix parfait, évident, pour le rôle d'une avocate new-yorkaise reptilienne aux prises avec un homme d'affaires crapuleux et une jeune juriste qu'elle vient de recruter dans son cabinet. En treize épisodes tendus comme un arc, cette série-feuilleton formidablement écrite (et étonnament stressante) martèle son message : "Trust no one". BR UK

Bird of Paradise / L'oiseau de Paradis (King Vidor, 1932) ***
Dolores del Rio et Joel McCrea passent leur temps dénudés dans cet exotique et très pulp Pre-Code sur l'histoire d'amour impossible dans une île du Pacifique entre un matelot américain et une princesse condamnée au sacrifice. L'érotisme, les indigènes, la musique de Max Steiner... annoncent "King Kong", mais avec une toute autre innocence. BR US

Anonymous (Roland Emmerich, 2011) **
Le mystère sur l'identité de l'auteur des écrits attribués à Shakespeare sert de trame à cet thriller historique sans scrupule qui nous emmène au Globe Theatre et à la cour d'Elizabeth I. Ce n'est évidemment pas parole d'Evangile politique ou littéraire mais c'est malin, spectaculaire et superbement porté par Rhys Ifans et Vanessa Redgrave. BR UK

Sharkwater (Rob Stewart, 2006) **
Les formidables images sous-marines et la séquence de Greenpeace au large du Costa-Rica sont les moments forts de ce documentaire activiste contre le massacre des requins (pour leurs ailerons). Si le plongeur-réalisateur se met lui-même un peu trop en valeur, sans doute emporté par sa jeunesse, son film résonne comme un nécessaire cri de colère. BR UK

Nocturnes (Henry Colomer, 2006) *
En neuf séquences nocturnes N&B, le réalisateur évoque ses souvenirs et impressions d'enfance de 1957-1958, avec l'histoire familiale (mort de la grand-mère, déménagement..) sur fond de grande Histoire (Spoutnik, Guerre d'Algérie...). Contemplatif, sensible et aussi un peu chiant mais avec plusieurs scènes très belles (le cétacé échoué, les vers luisants...). DVD Z2 Fr

2 avril 2012

Films vus par moi(s) : avril 2012


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Tarzan goes to India / Tarzan aux Indes (John Guillermin, 1962) *
Jock Mahoney incarne un Tarzan un peu sur le retour qui débarque aux Indes pour sauver (avec l'aide d'un petit Indien) un troupeau d'éléphants d'une vallée condamnée par la mise en eau d'un barrage. C'est un film très anecdotique dont l'intérêt est d'avoir été tourné sur place avec de vrais éléphants. Leurs scènes sont impressionnantes. DVD Warner Archive

Le grand jeu (Jacques Feyder, 1934) **
La direction d'acteurs de Feyder semble renvoyer aux codes du muet, ce qui m'a un peu gêné même s'ils sont tous (Willm, Bell, Rosay, Vanel, Pitoeff) excellents. Grémillon aurait sans doute fait un film plus lyrique avec cette histoire d'obsession amoureuse et de Légion. Mais la retenue de l'ensemble est transcendée dans un sublime plan final. DVD Z2 Fr

Hysteria / Oh my god ! (Tanya Wexler, 2011) *
L'histoire est étonnante et amusante (l'invention du vibromasseur à Londres en 1880 par un jeune médecin gynécologue) mais la platitude du scénario et de la réalisation empêchent le film de décoller malgré la présence de Dancy, Gyllenhaal et Everett. On sourit souvent tout en imaginant ce que ça aurait pu être entre des mains plus expertes. BR Fr 

The white diamond (Werner Herzog, 2004) ***
Autour d'un drôle d'ingénieur anglais et de son ballon au-dessus de la canopée de Guyane, un documentaire vagabond où l'on croise dans la forêt un mineur charismatique, un fan de Michael Jackson, des nuées d'oiseaux qui se cachent derrière une chute d'eau géante... Surprenant et poétique, c'est un diamant de plus sur la couronne d'Herzog. DVD Z2 UK 

Le ciel est à vous (Jean Grémillon, 1943) ***
Un couple provincial (Madeleine Renaud et Charles Vanel, splendides) vit sa passion pour l'aviation malgré la réprobation de l'entourage et les sacrifices nécessaires. Un beau film, atypique dans la production de l'époque, ode à l'expression personnelle et à l'amour conjugal. Avec l'un des plus beaux portraits de femme du cinéma français. Enreg. TV  

Into the abyss (Werner Herzog, 2011) **
L'abysse, c'est sans doute le regard noir, terrifiant, du condamné à mort de 28 ans qu'Herzog est allé interviewer dans sa prison texane huit jours avant son exécution. Le récit du triple homicide qui l'y a conduit et les témoignages de ses proches et de ceux de ses victimes entrouvrent la porte sur l'Enfer. Un documentaire dérangeant sur les voies du Mal. DVD Z1 US  

L'heure d'été (Olivier Assayas, 2008) ***
Un film magnifique et juste sur le Temps qui passe et ses effets sur les personnes et leurs choses. Loin d'être un pensum, c'est une chronique familiale toute en délicatesse autour de quelques oeuvres et objets d'art qui partent par dation, à la mort de leur propriétaire, au Musée d'Orsay (qui a commandé le film). La Vie elle-même y semble encapsulée. DVD Z2 Fr

Extremely loud & incredibly close / Extrêmement fort et incroyablement près (Stephen Daldry, 2011) ***
Si on prend l'histoire comme une parabole sur le travail du deuil et la resilience chez les enfants, ce film très littéraire réussit admirablement. Le prendre comme un drame ou un mélodrame le ruinerait. Le jeune acteur qui interprète le gamin surdoué frappé par la mort de son père le 11/9 est excellent dans un rôle difficile, aidé par une réalisation inspirée. BR US.

Harry Brown (Daniel Barber, 2009) **
Quand un vieux pote se fait massacrer par une bande de cailleras, un septuagénaire décide de nettoyer sa cité anglaise. Un vigilante (terme générique) bien violent qui s'élève au-dessus des autres grâce à la présence formidable de Michael Caine, à la photographie esthétisante et à une scène mémorable dans une serre de cannabis illégale. De la série B haut-de-gamme. DVD Z2 UK

Le voyage dans la Lune (Georges Méliès, 1902) ***
Restauré dans une copie en couleurs avec un bon accompagnement de Air, cet incunable du cinéma a conservé son pouvoir d'émerveillement, en partie dû à l'innocence de son histoire, au charme de ses trucages bricolés et à l'enthousiasme visible de ses participants. J'adore la dernière scène, quand ils dansent de joie après le retour des explorateurs. Et c'est magique de revoir la naissance d'un art. BR Fr

Les bien-aimés (Christophe Honoré, 2011) **
Entre 1965 et 2010, les histoires amoureuses à méandres d'une mère (Sagnier puis Deneuve) et de sa fille (Mastroianni). Comme dans "Les chansons d'amour", les personnages expriment leurs sentiments par des chansons de Beaupain, vives ou tristes. Si le film est un peu long (2h15) et certaines situations artificielles, le point de vue mélancolique sur le temps qui passe et les bien-aimés disparus est touchant. BR Fr

Maciste all'Inferno / Maciste en Enfer (Riccardo Freda, 1962) 0
En 1630, Maciste arrive inexplicablement en pagne en Ecosse et descend dans une grotte pour sauver une jeune femme, prise pour une sorcière, du bûcher. Tout ce nonsens commence par amuser puis les faiblesses du scénario et de la réalisation et l'incompétence du jeu de Kirk Morris fatiguent. Il reste des beaux plans, de Morris justement et de la grotte. DVD Z2 Fr

Chacun cherche son chat (Cédric Klapisch, 1996) **
Quelques jours d'été dans le Faubourg Saint-Antoine avec une jeune femme un peu seule qui a perdu son chat et que les voisins aident dans sa recherche. Tout le monde est sympa, de la vieille au colocataire gay, mais derrière les clichés les plans d'immeubles en démolition annoncent les changements à venir. Un film léger, daté et plein de charme. DVD Z2 Fr  

Dark city (William Dieterle, 1950) **

Part film noir, part mélo, cette histoire de joueurs de tripot poursuivis par le frère psychotique d'un type qu'ils ont arnaqué et qui s'est suicidé vaut surtout par la présence de Charlton Heston (dans son premier premier rôle), de Lizabeth Scott en chanteuse de cabaret (cinq chansons !) et d'un étonnant retournement des rôles du chat et de la souris. Pas mal du tout. DVD Z1 US

Carlos (Olivier Assayas, 2010) ***
La réalisation discrète mais assurée, la richesse narrative et la perfection de la reconstitution d'époque transforment ce film sur Carlos (incarné par le formidable Edgar Ramirez) en un docudrama fleuve (plus de 5h dans sa version originale) sur la naissance du terrorisme international. Une page d'histoire doublée d'une étude psychologique, ambitieuses et réussies. DVD Z2 Fr

Joe Dakota (Richard Bartlett, 1958) ***
Une perle du western de série B, au ton nonchalant comme la démarche de son intrigant héros (Mahoney, à la présence charismatique), sur les habitants d'un petit hameau qui découvrent leur implication passive dans un crime lié au pétrole. Un discret symbolisme chrétien parcourt tout le film, qui s'avère être un conte moral sur la faute et la rédemption. DVD Z2 Fr

A dangerous method (David Cronenberg, 2011) ***
Centrée sur la patiente hystérique Spielrein (Knightley, qui ne se ménage pas), l'histoire de la rupture professionnelle entre Jung (Fassbender) et Freud (Mortensen) devient le champ de bataille de passions sensuelles et intellectuelles dans ce film intimiste, bavard et exigeant qui cristallise les obsessions de Cronenberg sur les torsions de l'âme et du corps. BR US

Le Skylab (Julie Delpy, 2011) ***

Un film léger et anachronique comme une chanson de Stone et Charden autour d'une famille qui se retrouve l'été 1979 en Bretagne pour un anniversaire. Tous les acteurs, enfants comme adultes, dégagent une telle fraîcheur qu'il est difficile d'y résister, malgré les clichés du scénario. Ceux qui, comme moi, aiment "L'hôtel de la plage", se régaleront. DVD Z2 Fr

The descendants / Les descendants (Alexander Payne, 2011) *
J'ai été très déçu par cette histoire d'un père absent qui redécouvre ses deux filles et apprend son cocufiage pendant que sa femme est dans le coma à l’hôpital. Clooney, la révélation faite, n'a plus qu'une expression et les facilités dignes d'une telenovela abondent. Le tout dégage un ennui poli qui veut passer pour de la profondeur. Bien du bruit pour rien. BR US

Buda as sharm foru rikht / Buddha collapsed out of shame / Le cahier (Hana Makhmalbaf, 2007) *** 
En Afghanistan, au pied des bouddhas détruits de Bâmiyân, une fillette de six ans qui veut aller à l'école se heurte à des jeunes garçons qui imitent les Talibans puis les Américains. Une fable désespérante mais non dénuée d'humour sur les ravages de l'obscurantisme, de la guerre et le sacrifice d'une génération. Avec des enfants exceptionnels de naturel. DVD Z2 Fr