2 mai 2020

Films vus par moi(s) : mai 2020


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Comancheria / Hell or high water (David Mackenzie, 2016) ***
Dans le Texas des bourgades et des plaines, deux frères braquent des banques. Quatre cowboys et Indiens contemporains et désabusés traversent ce puissant drame intimiste sur fond de paysages à l'infini. L'action est parcimonieuse et sert de révélateur à l'Angst existentiel de chacun à des tournants de leurs vies. Jeff Bridges et Chris Pine sont formidables, comme les autres rôles, grands et petits. De la hauteur des classiques. BR US 

L'Ange Exterminateur / El Angel Exterminador (Luis Bunuel, 1962) **
A Mexico, les invités d'un dîner mondain ne peuvent mystérieusement pas ressortir de la demeure de leurs hôtes. Confinés ensemble, le vernis craque et l'élite de la société retombe dans la pulsion et la barbarie. Une fable féroce mais touchante sur la fragilité de la Bourgeoisie (et de chacun) enfermée dans ses codes (et sa tête). Par petits incidents absurdes, Bunuel amuse et intrigue sur une trame de film fantastique. A chacun son interprétation. BR FR

Godzilla / Gojira (Ishiro Honda, 1954) ***
Un monstre réveillé de la mer par des essais nucléaires sème le chaos dans une île puis à Tokyo. Le film qui lança la mythologie Godzilla reste une oeuvre passionnante (dans son état original, sans les ajouts américains) par sa forme, inspirée de King Kong, et son sujet métaphorique sur les traumas du Japon de l'après-guerre. L'action est dynamique et les trucages, démodés mais pas obsolètes, ont un charme indéfinissable. Une heureuse révision. BR FR

Un mauvais fils (Claude Sautet, 1980) ***
Sorti de prison pour trafic de drogue, un trentenaire retourne chez son père qui le tient à distance. La présence physique et la fragilité psychique de Patrick Dewaere (dans l'un de ses meilleurs rôles) est exploitée comme jamais dans ce drame intimiste dont tous les personnages sont des blessés de la vie et d'eux-mêmes à divers titres. Yves Robert, Brigitte Fossey, Jacques Dufilho et Claire Maurier y font de bouleversantes performances. DVD Z2 FR

Chemin de Croix / Kreuzweg / Stations of the Cross (Dietrich Brüggemann, 2014) **
Dans une famille catholique fondamentaliste, une adolescente allemande de 14 ans décide de se refuser au Monde en sacrifice. Le titre, pour certains, sera la critique. Le cinéma nihiliste germain étant plutôt de mon goût, j'ai aimé ce film implacablement austère construit en 14 plans-séquences, chacun une étape du chemin de croix. La jeune martyre (Lea van Acken) et sa terrible mère (Franziska Weisz) sont incroyables d'intensité. Brutal. BR UK

Passeport pour la honte / Passport to shame / Room 43 (Alvin Rakoff, 1958) **
A Londres, une Française est prise au piège d'un réseau de prostitution. Si le dernier tiers du film cède un peu à la facilité des péripéties, le reste est fascinant dans la description du demi-monde du bordel. L'histoire sentimentale accolée est touchante et la mise-en-scène efficace. Odile Versois est juste bien mais Diana Dors rafle la mise comme silhouette et comme actrice. Eddie Constantine est formidable aussi. Du bon Pulp british. BR UK 

The Love Witch (Anna Biller, 2016) **
En Californie, une séduisante sorcière contemporaine utilise des charmes pour conquérir ses hommes. Après "Viva" en 2007, Anna Biller remet ça avec ce Women's Picture post-moderne au style visuel flamboyant, re-création des outrances pop Sixties et Seventies. Les filles superbes portent un discours féministe sur le conditionnement de la Femme à n'exister que pour l'Amour. Un film absolument unique entre pastiche kitsch et film d'art. BR US

Je ne suis pas votre Nègre / I Am Not Your Negro (Raoul Peck, 2016) ***
Adaptation d'un manuscrit inédit de James Baldwin autour du traitement des Noirs aux Etats-Unis et des assassinats de Medgar Evers, Malcolm X et Martin Luther King. Un documentaire percutant qui met en miroir images d'archives et contemporaines en laissant la parole à Baldwin, dont la pensée, l'éloquence et la colère froide forcent l'admiration. On pense qu'on sait tout ça et à la fin, on se pose des questions sur ce qu'on pensait. Fort. Netflix

Les gangsters / Payroll (Sidney Hayers, 1961) ***
A Newcastle, des comparses qui ont braqué l'argent d'une fourgonnette blindée en subissent les conséquences. Un excellent thriller anglais qui panache film de casse, de paranoïa et de vengeance. La mise en scène sèche, le montage nerveux et le score jazzy apportent un dynamisme remarquable, amplifié par le tournage tout en extérieurs et le casting sans faute. Un petit budget sans doute, mais un grand effet. Belle découverte. BR UK

Emprise / Frailty (Bill Paxton, 2001) **
Un père veuf (Bill Paxton) persuadé d'avoir la mission de détruire des démons humains entraîne ses deux jeunes fils dans ses meurtres à la hache. Le fanatisme religieux, la responsabilité parentale et la fidélité familiale des enfants sont les trois thèmes imbriqués dans ce thriller d'atmosphère. La participation des gamins aux horreurs est perturbante et les twists de la fin remettent tout en perspective. Un bon film à controverse. BR FR

Show Boat (James Whale, 1936) ***
De 1890 à 1930, du Mississippi à Broadway, le parcours d'une chanteuse de théâtre (Irene Dunne). Le Musical de Kern & Hammerstein est transposé formidablement à l'écran par Whale qui imprime un dynamisme sans faille à la comédie, au mélodrame et aux séquences chantées tout en offrant à ses acteurs des rôles superbes. Le casting est hors pair et Paul Robeson interprète un "Ol' Man River" bouleversant. Un des très grands Musicals. BR US

La petite voleuse (Claude Miller, 1988) *
En 1950 dans une petite ville, une jeune fille peu farouche (Charlottte Gainsbourg) qui s'ennuie en volant cherche à échapper à son quotidien. Avec la même équipe que "L'effrontée", le film n'arrive pas à créer la même magie. La faute à une histoire (de François Truffaut) trop banale et pourtant parsemée d'excellentes séquences, comme celles avec Didier Bezace en amant plus âgé. Au final, quelque chose fait que la sauce ne prend pas. BR FR

Hollywood (Ryan Murphy & Ian Brennan, 2020) *
En 1947, des jeunes aspirants aux métiers du cinéma travaillent sur un film où l'actrice principale est noire. Cette uchronie au sujet astucieux (le triomphe des minorités aux Oscars) est un touchant hommage aux maltraités de Hollywood qui y prennent leur revanche. Le casting des charismatiques personnages âgés est génial (Patti Lupone). Mais je n'ai pas aimé les angles des prises de vue, l'omniprésent score jazzy et la propreté immaculée. Série Netflix

Memories of murder (Bong Joon Ho, 2003) ***
Dans la campagne coréenne, deux flics locaux et un venu de Séoul traquent un serial-killer de femmes. Un fascinant hybride de policier, de comédie et de fable existentielle, ce film qui s'intéresse plus aux personnages et à l'atmosphère qu'au suspense des péripéties est aussi une métaphore sur le pourrissement des corps, des âmes et de la société. Le casting et la mise en scène à morceaux de bravoure sont époustouflants. Un chef-d'oeuvre. BR FR

Le solitaire / The lonely (Jack Smight, 1959) ***
The Twilight Zone/S1/E7. Condamné à l'isolement total sur un astéroïde désert, un détenu reçoit de l'administration pénitentiaire une femme-robot. Comme d'habitude, Rod Serling et The Twilight Zone ouvrent par le fantastique des questions existentielles abyssales. Ici, les bénéfices et les risques de la projection d'affect sur une image. Sans aucune fioriture, l'épisode en évoque l'essentiel et nous fait sacrément réfléchir. Brillant. DVD Z1 US

Della (Robert Gist, 1964) **
Un jeune promoteur immobilier va voir une riche veuve qui vit recluse dans sa propriété avec sa fille pour tenter de la convaincre de signer un deal. Un téléfilm de 60' au scénario absurde (les deux femmes se protègent du soleil) et aux décors de studio mais qui réserve les joies de voir Joan Crawford dans des tenues à la classe extravagante (alors qu'elle est confinée) et souvent filmée en gros plans. Un modèle exemplaire de high camp. YouTube

Mother! (Darren Aronofsky, 2017) **
Un écrivain en panne et sa jeune femme sont importunés par des inconnus venus s'installer dans leur manoir isolé dans la campagne. Cette variation sur "Rosemary's Baby" semble une métaphore subversivement originale sur la maternité ou le sacrifice marial jusqu'à la dernière minute, très décevante. Jennifer Lawrence est impressionnante dans un personnage brutalisé et un jeu intense sur lesquels tout repose. Du cinéma provocateur et un peu fou. BR UK

Freud, passions secrètes / Freud (John Huston, 1962) ***
A Vienne en 1895, prenant en consultation une patiente névrosée (Susannah York), Freud découvre le Complexe d'Oedipe. L'étape majeure de la découverte de l'Inconscient est racontée en vulgarisation efficace dans ce qui n'est pas un biopic mais une enquête dans la psyché faite de gros plans de visages et de dialogues dynamiques. Les thématiques sexuelles sont audacieusement évoquées et Montgomery Clift, abîmé, est excellent. DVD Z2 ES

L'effrontée (Claude Miller, 1985) ***
Au début des vacances d'été, un gamine de 13 ans qui s'ennuie s'énerve sur son entourage et s'entiche pour une pianiste prodige de son âge. La fraîcheur teintée d'Angst adolescente de Charlotte Gainsbourg illumine tout le film, dont chaque scène est une merveille de sensibilité et de justesse. On regarderait pendant des heures les personnages s'affronter et se retrouver, entre sourire et inquiétude. La petite Julie Glenn casse la barraque. BR FR

La famille Suricate / The Meekcats (James Honeyborne, 2008) *
Dans la plaine inhospitalière du Kalahari, un petit suricate apprend la survie auprès de siens. Produit par la BBC et Weinstein, un docu-fiction animalier qui cible les enfants en exploitant à fond l'anthropomorphisme de ces adorables petits mammifères africains sur un scénario convenu mi-David Attenborough, mi-Bambi. Les plans du paysage et des animaux sont superbes et Paul Newman y termine sa carrière en faisant le narrateur. BR FR

2 avril 2020

Films vus par moi(s): avril 2020


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

La couleur tombée du ciel / Color out of space (Richard Stanley, 2019) **
Une météorite tombée dans une propriété isolée ravage la famille qui l'habite. D'après Lovecraft, un film d'horror maîtrisé dans son rythme, sa production et ses effets qui évoque bien l'atmosphère d'angoisse métaphysique des romans de l'auteur. Nicolas Cage reste en retenue jusqu'à un certain point puis se lâche. On pense à "The Thing" et "The Mist" et si le film n'atteint pas leur niveau, il s'en approche. Du bon fantastique classique. BR US

Le voyageur de la Toussaint (Louis Daquin, 1943) *
Un jeune homme arrivé à La Rochelle pour hériter de son oncle fortuné récemment décédé doit affronter les notables de la ville. Une adaptation de Simenon assez ennuyeuse par manque de vision dans la mise en scène plate et le jeu monocorde de tristesse de Jean Desailly. Mais, tourné sous l'Occupation, les conditions ne devaient pas être idéales. Reste à savourer la présence autoritaire de Gabrielle Dorziat et de Jules Berry, magnifiques. BR FR

Théorème / Teorema (Pier Paolo Pasolini, 1968) ***
A Milan, un visiteur anonyme (Terence Stamp) est reçu dans une famille bourgeoise dont il séduit tous les membres, parents, enfants et bonne. Le sexe est le catalyseur de la vérité révélée de chaque être dans cette fable où les symboles et les métaphores autorisent de multiples interprétations. Brûlot anti-bourgeois ou parabole chrétienne (ou les deux à la fois), le film est radical dans le fond et esthétique dans la forme. Le casting est parfait. BR FR

Green Book (Peter Farrelly, 2018) **
En 1962, un italo-américain du Bronx est engagé comme chauffeur par un pianiste noir (Mahershala Ali, formidable) qui descend en tournée dans le Sud des USA. Après un début calamiteux et le doute d'un Viggo Mortensen à l'accent rital, le film décolle dès que les deux hommes dépareillés montent dans la voiture. Le road-movie qui suit raconte l'absurdité révoltante de la Ségrégation et la naissance d'une improbable amitié. Feel-bad et feel-good. BR BE

Au revoir là-haut (Albert Dupontel, 2017) *
Au début des Années 20, deux ex-soldats montent une arnaque aux Monuments aux Morts. Le jeu des acteurs (notamment Nahuel Pérez Biscayart et Niels Arestrup), les merveilleux masques qui cachent la gueule cassée du jeune artiste-escroc et une scène bouleversante entre un père et son fils auraient pu me faire aimer ce film. Mais la chichiterie de la mise en scène basée sur des plongées et contreplongées m'a insupporté. BR FR

Black Panther (Ryan Coogler, 2018) NS
J'ai arrêté le film au bout de 10' après avoir subi une hideuse séquence d'intro grisâtre en CGI, le logogénérique Marvel après la première séquence narrative (un procédé pour moi rédhibitoire) et les personnages qui utilisent les arts martiaux pour la première scène de baston. Du cinéma que je déteste. Je le regrette parce que je voulais voir ce que ce film avait à dire du point de vue sociétal et politique. Peut-être que je retenterai un jour. BR FR

Le colocataire / Un rubio / The blonde one (Marco Berger, 2019) **
Dans un appartement de Buenos Aires, deux colocataires sont attirés l'un par l'autre. Evacuant les péripéties pour se concentrer sur les silences, les regards et les gestes, le film affiche un intimisme forcené mais captivant par la mise en scène en chorégraphie exploratoire du désir. Le tension psychologique et sexuelle générée est à couper au couteau, portée par l'interprétation sensible de Gaston Re et Alfonso Baron. La fin est superbe. DVD Z2 UK

La Sorcellerie à travers les âges / Häxan (Benjamin Christensen, 1922) ***
Un docufiction muet sur les sorcières à la fin du Moyen Age. Etonnant dans sa forme (une conférence à partir de gravures qui se transforme en film à acteurs puis passe à l'époque contemporaine), ce brûlot progressiste et anticlérical sur les outrages faits aux femmes accumule les idées de mise en scène et les images marquantes de personnages, de créatures et de décors en clair-obscur. Baroque et politique, c'est une oeuvre complètement unique. BR US

Okja (Bong Joon-Ho, 2017) **
Une adolescente qui s'est liée d'amitié avec un cochon hybride géant (une étonnante créature CGI, très réussie) qu'elle élève dans la montagne coréenne le suit à New York quand il est enlevé par une multinationale agroalimentaire. Derrière le film à sentiment du début apparaît vite une charge virulente sur la violence de l'élevage industriel et du capitalisme fou. Sur une structure proche de King Kong, une fable militante très efficace. Netflix

All my life (Bruce Baillie, 1966) ***
Un panoramique ininterrompu sur une clôture de jardin entre terre et ciel sur la chanson "All my life" par Ella Fitzgerald. Ce très court-métrage expérimental d'une extrême simplicité réussit à procurer en 2'50 un exaltant sentiment du bonheur de l'été et du miracle de la Nature, l'essence de la Vie. Le vert et le jaune des herbes, le rouge des roses, le bleu azur, la brise dans les feuillages et la voix berçante d'Ella s'accordent et rendent heureux.  YouTube

Le glaive et la balance (André Cayatte, 1963) **
L'enfant d'une riche résidente du Cap d'Antibes est enlevé et tué par deux hommes anonymes que la police poursuit mais arrête en compagnie d'un troisième. Lequel est innocent ? Sur cette intrigue astucieuse, un film à message sur la complexité morale d'un procès d'assises. Le point de vue sur la jeunesse de 1962 a vieilli mais les questions soulevées, l'étonnante galerie de personnages dévoyés et le casting sont assez prenants. BR FR

La Nuit Américaine (François Truffaut, 1973) ***
Aux Studios de la Victorine de Nice, un réalisateur (Truffaut lui-même) qui tourne un film doit composer avec les aspects techniques et artistiques et la vie privée de son équipe. Ponctué des envolées lyriques de la musique Georges Delerue, une oeuvre généreuse qui évoque avec tendresse le travail de fabrication d'un film et dresse un autoportrait de Truffaut, créateur et sujet. Pédagogique, dynamique et humain, un film vraiment attachant. BR FR

Heureux comme Lazzaro / Lazzaro felice (Alice Rohrwacher, 2018) *** 
Alors qu'il travaille en quasi esclavage avec sa communauté paysanne sur une propriété décrépite, un jeune homme pur, bon et naïf (un bouleversant Adriano Tardiolo) se retrouve propulsé chez les zonards de Turin. Le film est bien plus que ce résumé, une parabole élégiaque filmée (mais pas du tout construite) de façon néo-réaliste. L'influence de Pasolini est évidente mais n'enlève rien au ton profondément original. Et quel beau final ! DVD Z2 UK

Léon Morin, prêtre (Jean-Pierre Melville, 1961) ***
Pendant l'Occupation, une veuve libre penseuse entreprend un chemin de conscience avec un jeune prêtre beau et brillant qui la déstabilise. La raison et la Grâce, le désir et la Foi sont les sujets ambitieux de ce film étonnant à tout point de vue dans ses personnages, ses dialogues, sa mise en scène, son humour subtil et son message final. Emmanuelle Riva et Jean-Paul Belmondo sont incroyables. Un chef-d'oeuvre subversivement chrétien. BR US

Swinging Safari (Stephan Elliott, 2018) 0
L'été 1975 de trois familles voisines d'une station balnéaire australienne alors qu'une baleine morte s'est échouée sur la plage. Une comédie qui a des moments amusants dans les rapports entre les personnages mais qui essaye trop consciencieusement de faire cool, régressif et décalé. Le scénario ne semble qu'une ébauche, bâti sur les accessoires, les tenues et les couleurs d'époque. Les parodies des 70s sont vraiment casse-gueule. BR DE

Polyester (John Waters, 1981) ***
Dans la banlieue pavillonnaire de Baltimore, une femme au foyer obèse est submergée des problèmes causés par son mari, ses enfants et sa mère. Le passage de John Waters au grand public reste une formidable comédie qui ose les tabous en manoeuvrant entre subversion, rigolade et outrance. Le casting de poids lourds est d'enfer : Divine en Elizabeth Taylor sous Valium, Tab Hunter en vieux beau, Edith Massey qui vole la vedette à tous... BR UK

The man in the glass booth (Arthur Hiller, 1975) **
Arthur Goldman, un riche juif de New York, est enlevé par le Mossad pour être jugé en Israël, qui l'accuse d'être Adolf Dorf, un ancien commandant nazi du camp de Mauthausen. Sur ce sujet plutôt délirant tiré d'un pièce de Robert Shaw (l'acteur de Jaws), un film théâtral mais dynamique sur le complexe de culpabilité porté par l'interprétation outrancièrement extravertie (c'en est amusant) de Maximilian Schell. A prendre avec des pincettes. BR US

Les aventures du Prince Ahmed / Die Abenteuer des Prinzen Achmed (Lotte Reiniger, 1926) ***
Un méchant mage donne un cheval volant à un prince arabe qui se retrouve emporté vers des aventures dans des pays lointains. Réalisé en ombres chinoises à partir de silhouettes et de décors animés, ce chef-d'oeuvre de l'animation (peut-être le premier) est une merveille visuelle dont la délicatesse, la beauté et l'expressivité sont de chaque plan. Un film pionnier, une histoire en conte exotique et un graphisme à la grâce toute Art Déco. BR DE  

Grâce à Dieu (François Ozon, 2019) ***
De 2014 à 2016 à Lyon, quelques hommes adultes se mobilisent et portent plainte contre le prêtre pédophile qui les a abusés enfants. Le début des Affaires Preynat et Barbarin est raconté, entièrement du point de vue des victimes, dans ce film puissant d'émotions qui évite tout sensationnalisme pour s'attacher aux personnalités des protagonistes et à leurs dynamiques de résilience, de justice ou de déni. Rien n'est assené et ça, c'est fort. BR FR

Padmaavat (Sanjay Leela Bhansali, 2018) ***
Au Rajahstan en 1303, un sultan attaque la forteresse d'un maharadjah pour conquérir l'épouse de celui-ci. Le lyrique et l'épique atteignent des sommets dans cette superproduction bollywoodienne adaptée d'un poème traditionnel indien. Le dynamisme de la mise en scène, les décors grandioses, les costumes chatoyants, le charisme des acteurs et les archétypes portés à ébullition s'accordent pour créer un spectacle pur. J'en redemande. BR FR   

Mes Provinciales (Jean-Paul Civeyrac, 2018) ***
Monté à Paris faire une fac de cinéma, un Lyonnais fait des rencontres qui mettent à l'épreuve sa mélancolie profonde. D'esprit vraiment littéraire et revendiqué comme tel, un drame intimiste sur les déterminations et les désillusions de la jeunesse qui peut sembler poseur au début mais dont l'humanité sincère se révèle peu à peu, portée par un attachant casting. Le ton si particulier en fait une oeuvre d'un original anachronisme. Touché. DVD Z2 FR

Blue jeans / Blue denim (Philip Dunne, 1959) *
Un lycéen met enceinte sa petite amie et ils paniquent face au probable scandale. Tiré d'une pièce, bavard et mis en scène platement, ce film à thème reste un précurseur sur le sujet tabou du sexe avant-mariage des adolescents et de l'avortement (le mot n'est pas prononcé), au cinéma et dans la société américaine de la fin des Fifties. Brandon de Wilde et Carol Lynley se sortent assez bien de leurs rôles de jeunes amoureux empêtrés. BR US

Sam Whisky le dur / Sam Whiskey (Arnold Laven, 1969) **
Manipulé par une veuve aguicheuse (Angie Dickinson), un baroudeur (Burt Reynolds) aidé de deux acolytes (Ossie Davis et Clint Walker) courent après des lingots d'or. Ce petit western de comédie et d'aventures futile et léger comme tout ne repose que sur ses acteurs, leur capital de sympathie et leur charisme physique. Ils ont l'air de prendre du bon temps et le communiquent au spectateur. Un film mineur qui est une sorte de définition du cool. BR DE

1 mars 2020

Films vus par moi(s): mars 2020


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

J'accuse (Roman Polanski, 2019) ***
De 1895 à 1899, la détermination du lieutenant-colonel Picquart à faire reconnaître le scandale de la condamnation de Dreyfus. En traitant les moments clés de l'Affaire Dreyfus (mais en expédiant étrangement la réhabilitation) à travers l'enquête de Picquart, le film se suit comme un thriller, passionnant de bout en bout. La mise en scène est précise et efficace et l'interprétation sans faute, portée par un Jean Dujardin formidable. VOD

Memory Lane (Mikhaël Hers, 2010) **
Sept amis âgés de 25 ans (le casting est excellent) se retrouvent ensemble à Paris un mois d'août. La fuite inexorable du temps et les tournants de l'existence sont à l'oeuvre dans ce premier long-métrage du réalisateur qui repose entièrement sur le sentiment mélancolique. Composé pour l'essentiel de séquences des personnages qui marchent en se confiant les uns aux autres, le film a sa petite musique bien à lui qui peut toucher ou faire chier. DVD Z2 FR

Le voleur de Bagdad / Il ladro di Bagdad (Arthur Lubin, 1961) **
Un voleur redistributeur participe au défi de trouver une rose bleue pour épouser la fille du Sultan de Bagdad. Un film d'aventures très sympa destiné à un public plutôt jeune où les péripéties s'accordent à la comédie dans des décors et des couleurs criardes. Il y a un magicien, des arbres qui marchent et étranglent, une tentatrice (la sublime Edy Vessel) et Steve Reeves qui ne sait pas jouer, porte des costumes ridicules mais c'est Steve Reeves. BR DE

Masculin Féminin (Jean-Luc Godard, 1966) ***
A Paris en 1965, quelques jours dans la vie d'un jeune homme et d'une poignée d'amis. Jean-Pierre Léaud prête sa personnalité unique à ce garçon qui enquête sur les jeunes de son âge. Sur des dialogues fortement improvisés (les entretiens), le film dresse un état des 18-21 ans face aux faits politiques et sociétaux au moment de la campagne présidentielle de Gaulle/Mitterrand. C'est drôle, engagé et cruel. Et assez désabusé. BR FR

Le Navigateur: une odyssée médiévale / The Navigator: a medieval odyssey (Vincent Ward, 1988) 0
En Angleterre pendant la Peste Noire de 1348, un garçon visionnaire conduit des villageois dans un tunnel temporel. Ils arrivent à Wellington en Nouvelle-Zélande en 1988 pour dresser une croix sur une église. L'idée intrigante est mise à mal par un scénario paresseux et le jeu hurlant des acteurs. Le début, original, ne tient pas ses promesses : j'ai vite zappé jusqu'au final. "Les Visiteurs" de 1993 a du s'en inspirer, mais sur le ton de la farce. BR UK

Le Maître des Illusions / Lord of Illusions (Clive Barker, 1995) * 
A Los Angeles, un détective enquête sur un illusionniste qu'il soupçonne être un maître en magie noire. Un thriller horrifique qui enchaîne les scènes gores de violences faites aux corps dans un contexte démoniaque. Si quelques effets spéciaux sont ridicules, les maquillages sont pas mal du tout et une scène de spectacle typée Las Vegas est même excellente (dans le genre "Showgirls", sorti la même année). Pas plus que du Grand Guignol. BR UK

De bruit et de fureur (Jean-Claude Brisseau, 1988) **
Dans une cité de Bagnolet, une jeune adolescent se laisse entraîner par un copain incontrôlable. Les conditions destructrices de la vie close des cités sont dénoncées par l'absurde dans ce film qui enchaîne les images et les situations poétiquement réalistes/surréalistes sur un ton rare dans le cinéma français. La mise en garde reste efficace et le climat de menace permanent, cristallisé dans le rôle du père, un effrayant Bruno Cremer. BR FR

Le Beau Brummell / Beau Brummell (Curtis Bernhardt, 1954) **
Au tournant du 19e siècle à Londres, l'amitié tumultueuse d'un dandy flamboyant et du Prince de Galles. Les sensationnels costumes et l'Eastman Color éclatant sont deux des atouts de ce film historique MGM moins connu qu'il le mérite. Les autres sont le casting (Stewart Granger et Peter Ustinov, formidables), les dialogues qui crépitent et l'étonnante représentation de ces deux hommes obsédés de déco et de coquetterie. Un petite pépite. BR US

Phantom thread (Paul Thomas Anderson, 2017) ***
Au début des années 50, un couturier londonien maniaque vivant avec sa soeur rencontre une jeune femme qu'il fait entrer dans sa maison. Un film qui diffuse une rare violence psychologique, amplifiée par le milieu feutré dans lequel il se déroule. La splendide mise en scène et le casting (Daniel Day-Lewis dans un rôle sur mesure) s'accordent pour dresser le tableau effrayant d'une folie à trois sur laquelle planent les ombres. L'ampleur des classiques. BR DE

Confident royal / Victoria & Abdul (Stephen Frears, 2017) *
Entre 1887 et 1901, l'amitié de la reine Victoria (Judi Dench) et de son serviteur indien musulman Abdul Karim, qu'elle fait son "Munshi" (secrétaire/enseignant). Une histoire étonnante qui donne un film purement narratif dont le conflit est la question de la race et du statut et la réaction de la Cour britannique à cette intimité scandaleuse. On regarde ça par le trou de la serrure, c'est devenu la spécialité de Frears, et on oublie aussi sec. BR UK  

Sur les ailes de la danse / Swing time (George Stevens, 1936) **
Un joueur de cartes et une prof de danse se rencontrent et tombent amoureux. Après un début un peu poussif (l'humour d'il y a 80 ans a parfois mal vieilli), la musique et la danse arrivent et le film s'envole. Fred Astaire et Ginger Rogers sont drôles, d'une grâce aérienne et d'une coordination enchantée. "Let yourself go" et "Never gonna dance" font partie de leurs numéros qui provoquent un sentiment de bonheur instantané. BR UK 

Portrait de la jeune fille en feu (Céline Sciamma, 2019) ***
Dans les années 1770 en Bretagne, une jeune femme renfermée sur elle-même et la peintre venue faire son portrait sont attirées l'une par l'autre. Avec peu d'action, des dialogues écrits, des regards qui meublent le silence et un sens admirable de la composition et de la couleur, un film de femmes d'aujourd'hui sur les oppressions de celles d'hier. Les personnages ont corps et âme, portés par les interprétations des quatre actrices principales. BR FR

Pehlivan (Maurice Pialat, 1964) **
Un court-métrage de 13' où Pialat porte sa caméra sur un championnat de lutte traditionnelle en Turquie agrémenté d'un spectacle de danseuses du ventre. L'association fait du tout un diptyque sur les clichés hyperboliques de la masculinité et la féminité. Les dernières images montrant la cour d'une mosquée entrent en opposition malicieuse avec ce qui a précédé et déplacent le film du statut de documentaire à celui d'essai. YouTube 

Tire encore si tu peux /  Se vei vivo spara / Django kill... If you live, shoot! (Giulio Questi, 1967) ***
Un aventurier laissé pour mort dans un guet-apens autour d'une cargaison d'or revient se venger. Un étonnant western spaghetti qui compense son budget réduit par des personnages atypiques, des images composées, un rythme dynamique et une rare audace dans l'action (qui inclut la suggestion d'un viol collectif homosexuel). Tomas Milian incarne sa figure christique avec un charisme assuré. Un film qui joue avec les codes d'un genre codé. BR FR 

Monos (Alejandro Landes, 2019) *
Dans la nature colombienne, un groupe de guerilleros adolescents garde une prisonnière américaine. Si la première moitié dont le décor est l'austérité d'un haut-plateau est plus originale que la seconde, dans la jungle, le film dans son ensemble croule sous les références (Beau Travail, Le Seigneur des Mouches, Apocalypse Now, Aguirre...) et joue trop au film d'art pour convaincre. Certains plans et tout le travail sur le son sont magnifiques. BR UK

La statue en or massif / The Oscar (Russell Rouse, 1966) ***
A Hollywood, un arriviste est prêt à tout pour réussir à l'écran. Sur une structure proche du "All about Eve" de Mankiewicz, un formidable mélotrash où le ridicule s'accorde au sublime dans une sorte d'idéal camp. Stephen Boyd est tout en menaces et ricanements dans le rôle du séducteur ambitieux (un rôle d'habitude réservé aux femmes dans ce genre de film) et l'artifice de studio contamine toute la production. Totalement névrotique. BR US 

Arrêt d'autobus / Bus stop (Joshua Logan, 1956) 0
Pendant un tournoi de rodéo à Phoenix, un cowboy puceau tombe amoureux d'une entraîneuse. Marilyn Monroe est toujours une apparition magnétique et son numéro chanté "That old black magic" est le clou du film. Mais à part ça, le scénario infantile, la mise en scène académique et la direction d'acteurs effroyable, Marilyn compris, (Joshua Logan a-t-il jamais fait un bon film ?) en font une purge inregardable aujourd'hui. Une bien pénible révision. BR FR

Sons of Denmark / Danmarks sonner (Ulaa Salim, 2019) **
En 2025 à Copenhague, alors qu'un parti nationaliste extrême va arriver au pouvoir, un jeune arabe est recruté par des immigrés activistes qui lui adjoignent un formateur. Un thriller prenant à la réalisation assurée malgré quelques grosses ficelles dans le scénario et dans la morale. Je ne sais pas trop quoi en penser sauf qu'il parle d'un sujet d'actualité brûlant et que les acteurs sont tous excellents (Zaki Youssef est vraie découverte). Compliqué. BR UK

L'homme au masque de fer / The man in the iron mask (James Whale, 1939) *
La rivalité entre le fourbe Louis XIV et Philippe, son sympathique frère jumeau soutenu par les Mousquetaires, reflétée par celle entre Fouquet et Colbert. Librement inspirée de Dumas, une adaptation dont le dynamisme manque de moyens et qui souffre du peu de charisme de Louis Hayward en double rôle. Le meilleur est Joseph Schildkraut en Fouquet efféminé et machiavélique. Ce n'est pas nul mais James Whale a fait bien mieux. BR FR

Come to Daddy (Ant Timpson, 2019) **
Dans un chalet isolé au Canada, un hipster vient voir son père qui lui en a fait la demande. Les retrouvailles ne se passent pas comme attendu. Le très bon casting (Elijah Wood est excellent), les twists en cascade et le paysage de la baie de Vancouver rehaussent le film qui pourrait n'être qu'une petite série B ou Z comico-horrifique. Et derrière le thriller, l'absurde et le gore, on peut percevoir le sujet de fond : la complexité des rapports père-fils. BR UK

Leto (Kirill Serebrennikov, 2018) 0
Dans les années 80 à Leningrad, les débuts du groupe pop/rock russe Kino. Inexplicablement porté aux nues par la critique, un film fait de tunnels anémiques rythmés de séquences de chansons mises en scène avec inventivité mais répétitives. Si le contexte historique est intéressant (des jeunes musiciens aux textes subversifs pour la Russie soviétique), l'ensemble est bien trop sage pour marquer. Bref, ça vaut pas un kopek. BR FR

The cakemaker (Ofir Raul Grazer, 2017) *
Un pâtissier dont l'amant israélien est mort dans un accident de voiture se retrouve à travailler à Jérusalem dans le salon de thé de la veuve de celui-ci. Tout en silence et en non-dits, un mélodrame qui, en ôtant volontairement le mélo du drame, pousse sa mélancolie vers la pesanteur. Tim Kalkhof en taiseux blessé et Sarah Adler en madone de tristesse sont très bien. Je me suis demandé ce qu'Almodovar aurait fait d'une histoire comme celle-là. DVD Z2 DE

Gloria Bell (Sebastian Lelio, 2018) *
A Los Angeles, une quinquagénaire divorcée et séduisante cherche à sortir de sa solitude affective. Ce remake américain du "Gloria" (2013) chilien du même réalisateur repose entièrement sur la présence et le jeu investi de Julianne Moore, qui est de tous les plans. C'est un beau portrait de femme, héritier contemporain des Women's Pictures de jadis. Mais ça ne va pas plus loin et les facilités de la B.O. sont un peu exaspérantes. Pas mal, sans plus. BR DE  

Les Chinois à Paris (Jean Yanne, 1974) ***
Arrangements et résistance à Paris sous l'Occupation de la France par les Chinois de Mao. Férocement drôle, une comédie de politique-fiction qui actualise ce qui s'était passé dans les Années 40 dans une farce visionnaire où les Français des Années 70 en prennent pour leur grade. Vu près de cinq décennies plus tard, le film reste d'actualité évidemment. Le casting de potes, comme toujours chez Jean Yanne, est un régal. Formidable. BR FR 

Quand passent les cigognes / Letiat jouravli / The cranes are flying (Mikhaïl Kalatozov, 1958) ***
A Moscou pendant la Grande Guerre Patriotique, une jeune femme attend son fiancé parti au front. Expressionniste dans sa construction visuelle et l'exposition de ses sentiments, ce mélodrame du dégel soviétique, Palme d'Or 1958, fait se succéder les morceaux de bravoure de mise en scène. L'effet de démonstration est tempéré par la noble universalité du propos, incarné de façon inoubliable sur le beau visage de Tatiana Samoïlova. BR FR  

L'Argent (Robert Bresson, 1983) ***
Escroqué avec trois faux billets, un jeune ouvrier se retrouve pris dans un engrenage de délit et de crime. Emporté dans une dynamique destructive par sa propre rage et la duplicité des autres, l'antihéros de Bresson passe de la lumière à l'obscur en une trajectoire implacable que la mise en scène austère et précise élève au niveau de la parabole. Le jeu et la diction vidés d'affect des acteurs atteignent un point d'abstraction magnifique. BR FR

Docteur Cyclope / Dr. Cyclops (Ernest B. Schoedsack, 1940) *
A moitié aveugle et totalement fou, un savant miniaturise des scientifiques venus lui rendre visite en Amazonie. Avec ses trucages pleins de charme (back projection et mobilier surdimensionné), son docteur binoclard (Albert Dekker, inquiétant à souhait) et son Technicolor clinquant, ce film d'aventures fantastiques aurait pu être une merveille si le scénario avait été à la hauteur. Mais l'ennui pointe derrière la réussite technique, quel dommage. BR US  

Viy (Konstantin Yershov & Georgy Kropachyov, 1967) ***
Pendant trois nuits, un séminariste doit veiller une jeune morte, qui est une sorcière. Ce film fantastique soviétique est un chef-d'oeuvre d'atmosphère qui fait surgir la magie de ce qu'est un conte folklorique. Les couleurs profondes, les décors baroques et le jeu appuyé des acteurs créent un spectacle fascinant qui culmine dans un angoissant final, véritable cauchemar mis en images. Un film culte en Russie, on comprend pourquoi. BR US 

1 février 2020

Films vus par moi(s): février 2020


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Sibyl (Justine Triet, 2019) *
Une psychanalyste accepte de prendre en charge une patiente au-delà de ses obligations professionnelles. Virginie Efira et Adèle Exarchopoulos jouent la manipulation mutuelle dans ce thriller psychologique au scénario à la complexité forcée du sens et de la structure. Si le sujet de base est intéressant, le portrait de cette analyste paumée part dans trop de directions pour convaincre. Et au bout, on ne sait pas trop ce que le film a voulu dire. BR FR

Prospect (Zeek Earl & Chris Caldwell, 2018) 0
Un père et sa fille astronautes vont sur une planète à la recherche de quelque chose. La planète est couverte d'une forêt dense très belle et superbement photographiée. C'est tout. Le reste est d'un ennui terrible (ils marchent en scaphandre dans la forêt), les péripéties rares et l'objet de leur quête sans aucun intérêt. J'en ai vu 40', la suite en accéléré. Le film entier semble être une démo pour une prospection de job visant Hollywood. BR DE

Judy (Rupert Goold, 2019) 0
L'onstage et le backstage du dernier tour de chant de Judy Garland à Londres en 1968/1969. Renée Zellweger est très bien dans un rôle évidemment taillé pour l'Oscar qu'elle a eu. Le reste n'a pas grand intérêt, ni au niveau de la dramaturgie linéairement monotone (on regarde la souffrance ininterrompue d'une Judy au bout d'elle-même) ni au niveau de la mise en scène, d'une affligeante platitude. Un biopic fabriqué sur formule. BR UK

Sully (Clint Eastwood, 2016) **
L'enquête officielle pour faute professionnelle qui suivit l'amerrissage dans l'Hudson par son pilote d'un Airbus en perdition en janvier 2009. Derrière la reconstitution factuelle qui évite avec soin l'outrance dramatique et le pathos, une ode au courage individuel et au civisme collectif par Eastwood l'Américain. La discrétion du scénario et de la mise en scène en renforcent la dignité, à l'image du jeu posé de Tom Hanks et Aaron Eckhart. Netflix

Bait (Mark Jenkin, 2019) *
Dans un village de pêcheurs de Cornouailles, la cohabitation compliquée des autochtones et des touristes. Un très bon sujet (l'irruption du tourisme de masse dans l'équilibre d'une communauté) est malmené par le choix du réalisateur d'avoir tourné son film en 16mm granuleux postsynchronisé. L'artifice produit des images picturales belles mais trop démonstratives. Le fil de l'histoire aussi est artificiellement alambiqué. Au final, on s'ennuie. BR UK

En chair et en os / Carne tremula (Pedro Almodovar, 1997) ***
A Madrid, un jeune homme sorti de prison déstabilise deux couples. Une fois passée la première séquence plutôt drôle d'accouchement dans un bus, le drame prend la relève dans cette adaptation de Ruth Rendell. Film de personnages pétris de culpabilité et de rancoeur, la brillante construction du récit leur donne la place d'évoluer dans des directions inattendues. Le casting est excellent, mené par Liberto Rabal, prodige d'un seul film. BR FR

Greta, la tortionnaire / Ilsa, ultimes perversions / Le pénitencier des femmes perverses / Greta, Haus ohne Männer / Ilsa, the mad butcher (Jess Franco, 1977) **
Dans un pays totalitaire d'Amérique Centrale, la directrice sadique d'une prison pour femmes sexuellement déviantes abuse de ses prisonnières. Les multiples titres de ce pur produit d'Exploitation vont droit au but : outrance et titillation en sont les deux mamelles. A ce propos, la formidable Dyanne Thorne reprend son personnage d'Ilsa, virago grimaçante de menace et de luxure. Moi j'aime ça, mais je comprends que vous ne compreniez pas. BR DE 

The dead don't die (Jim Jarmusch, 2019) **
Dans une petite ville américaine, les morts sortent de leur tombes. Le dérèglement géophysique de la planète est la raison du chaos, traité sur le mode ironique de la comédie nihiliste truffée de pop culture. On peut y voir une fable sur l'Humanité condamnée, une charge anti-Trump, une farce entre potes (le casting est sympathique) ou un hybride des trois. Ca ne révolutionne pas le film de zombies mais on ne s'ennuie pas une seconde. BR DE 

Les habitants (Raymond Depardon, 2016) *
De Calais à Nice, de Morlaix à Villeneuve Saint Georges, Depardon invite une quinzaine de couples de passants à poursuivre leur conversation de rue dans une caravane avec une caméra. La Vraie France qui se dessine est celle de gens qui s'inquiètent de leurs budgets, qui se sont séparés, qui cherchent à tirer leur coup... Bref, des anonymes à la fois touchants et sans intérêt dont l'exotisme provincial a exalté les critiques germanopratins. BR FR

Les carrefours de la ville / City streets (Rouben Mamoulian, 1931) ***
Entré dans la pègre, un jeune forain voit sa fiancée convoitée par son boss. Un excellent film de gangsters Pre-Code à la mise en scène inventive (les nombreux actes de violence sont tous évoqués hors-cadre), aux éclairages expressionnistes et dont le couple formé par Gary Cooper et Sylvia Sidney est l'un de plus physiquement séduisants du cinéma hollywoodien. D'après Hammett, une pépite matricielle des premières années du parlant. BR FR

Le dossier noir (André Cayatte, 1955) **
Un jeune juge (Jean-Marc Bory) nommé en province met à jour une affaire criminelle enterrée et déstabilise les notables de la ville. Derrière l'enquête, c'est l'état dégradé de la Justice de l'après-guerre et les compromissions de la mentalité bourgeoise qui sont les vrais thèmes de ce film de scénario et d'acteurs aux dialogues acérés. Noël Roquevert et Bernard Blier étincellent. Du cinéma de papa d'accord mais papa n'avait pas toujours tort. BR FR   

Les enfants loups, Ame et Yuki / Ookami kodomo no Ame to Yuki / Wolf children (Mamoru Hosoda, 2012) *
Une jeune veuve élève à la campagne ses deux enfants dont le père était un homme-loup. Un film d'animation japonais dont l'histoire d'altérité part d'un bon sentiment mais qui se prend les pieds dans une surexploitation de l'émotion avec des larmes (y a-t-il un animé où les personnages pleurent autant ?) et de la musique mélancolique à gogo. L'animation est splendide et la courte scène de zoophilie au début est vraiment très surprenante. BR UK 

Notre héros / Lazybones (Frank Borzage, 1925) ***
Dans l'Amérique rurale des années 1910, un bon à rien recueille et élève une petite fille abandonnée. Un mélodrame doux-amer où les liens du sang et du coeur au fil des années qui passent tiraillent les personnages. La mise en scène et la direction d'acteurs (Buck Jones est épatant) de Borzage sont d'une simplicité limpide et l'humanité qui se dégage a superbement résisté au temps. Un beau film muet sur un improbable héros du quotidien. DVD Z1 US

Propriété privée / Private property (Leslie Stevens, 1960) *
Deux vagabonds s'imposent chez une femme désoeuvrée dont le mari est en déplacement. Un thriller à petit budget qui a pour lui l'irradiation du soleil de Los Angeles et la thématique de la frustration sexuelle dont le traitement est assez direct pour l'époque. Corey Allen et Warren Oates sont très bien mais Kate Manx (qui se suicidera peu après) est très mauvaise. Un film maladroit mais intéressant dans le contexte du cinéma du tournant des 60s. BR US

Le dernier sou (André Cayatte, 1943/1946) *
La complice d'un escroc s'éprend d'une de leurs victimes, un chômeur. Le dernier film produit par la Continental est sorti en salles après la Libération et tombé aux oubliettes. Il manque quelque chose dans le scénario et la mise en scène pour tenir l'intérêt et Gilbert Gil est bien peu charismatique. Mais l'histoire de la réalisation du film est intéressante, Noël Roquevert est magnétique et Ginette Leclerc savait faire la gueule comme personne. BR FR

Une grande fille / Dylda / Beanpole (Kantemir Balagov, 2019) 0
En 1945 à Leningrad, deux jeunes femmes liées par un drame tentent de se reconstruire. Un sujet fort et deux formidables actrices sont engloutis par le narcissisme de la mise en scène maniérée, à l'image du filtrage coloré de la lumière et des dialogues en chuchotis de gravité. Une scène d'une rare puissance émotionnelle au début restera gravée dans ma mémoire. Pour le reste, heureusement que les télécommandes ont des fast forward. BR FR

3 janvier 2020

Films vus par moi(s): janvier 2020


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Michelangelo Infinito (Emanuele Imbucci, 2017) **
Basé sur la Vie de Michel-Ange de Vasari et la biographie autorisée de 1553, un panorama de l'oeuvre du titan de la Renaissance. Avec un accès inédit aux chefs-d'oeuvre de Michel-Ange filmés sous tous leurs angles en HD, ce documentaire de long métrage coproduit par le Vatican panache les vues larges et de détail et les recréations costumées. C'est magnifique mais les monologues dits par un acteur médiocre plombent le niveau. Dommage. BR IT

Aquaman (James Wan, 2018) 0
Dans les profondeurs de l'océan, le fils (un Jason Momoa sans aucun charisme) d'un humain et de la Reine de l'Atlantide affronte un usurpateur. Je n'ai vu que 30' de ce qui m'a semblé un navet hideux avec son déluge bleuté de CGI et très con avec son scénario demeuré. Même en essayant d'y voir du spectacle à pop corn, de la Fantasy pour les gosses, de la démo pour 3D (je ne l'ai essayé qu'en 2D), j'ai lâché, désespéré. Abyssal de nullité. BR NE

Les deux Papes / The two Popes (Fernando Meirelles, 2019) **
En 2012, la rencontre entre Benoît XVI et le cardinal argentin Bergoglio qui allait devenir le Pape François l'année suivante suite à la démission du premier. Les conversations entre le conservateur et le libéral à Gandolfo et au Vatican sont imaginées dans un film de dialogue et d'acteurs (Anthony Hopkins et Jonathan Pryce, formidables) qui déroule le tapis rouge à François. Comme regarder par le trou de la serrure de la Chapelle Sixtine. Netflix 

Le fils du Sheik / The son of the Sheik (George Fitzmaurice, 1926) *
Dans le désert algérien, le fils d'un Sheik est trompé par des escrocs avec l'aide d'une jeune femme, qu'il enlève. Le dernier film de Rudolph Valentino est mis en scène avec une banalité qui l'empêche d'accéder à ce qu'il aurait pu être. Cette bluette d'aventures arabisantes contient pourtant des idées et une scène assez choquante : l'avant et l'après d'un viol. Le latin lover du cinéma muet est égal à lui-même dans le double rôle du fils et de son Sheik. BR US

Jeanne (Bruno Dumont, 2019) ***
Deux ans après l'inoubliable "Jeannette", Dumont s'attèle à la seconde partie du parcours spirituel de Jeanne d'Arc. Toujours incarnée par la petite Lise Leplat Prudhomme (maintenant âgée de 10 ans), la jeune sainte affronte avec aplomb ses accusateurs dans des séquences d'une simplicité et d'une beauté saisissantes. La musique de Christophe, qui apparaît dans une sublime scène de chant, fait s'envoler le tout. Génialement inspiré. DVD Z2 FR

The Laundromat : L'Affaire des Panama Papers (Steven Soderbergh, 2019) **
L'Offshore pour les Nuls. En simplifiant à l'extrême les révélations scandaleuses des Panama Papers, le film aborde le sujet sur le ton de la satire et le rythme soutenu typique de son auteur. Antonia Banderas, Meryl Streep, Jeffrey Wright, Sharon Stone... apparaissent plus ou moins brièvement et ajoutent du fun. Si la conclusion est balourde, le propos est honorable. Du divertissement d'actualité qui à la fois amuse et enrage. Netflix

Conséquences / Posledice (Darko Stante, 2018) **
Envoyé dans un centre pour délinquants, un jeune Slovène fréquente un groupe de durs et est attiré par son chef. Les codes de la meute et les attitudes de virilité démonstrative forment le socle de ce film assez désespéré sur le tabou et le risque social de l'homosexualité dans l'Est. La dénonciation prend le corps et le visage du novice Matej Zemljic, parfait dans un rôle entre frustration et fragilité. Il doit y avoir beaucoup de vécu là-dedans. DVD Z2 UK

63 Up (Michael Apted, 2019) ***
En 1963, quatorze enfants britanniques de 7 ans commençaient à parler de leurs vies, de leurs espoirs et de leurs craintes devant les caméras de Granada TV. Ils ont continué tous les 7 ans. En 2019, la plupart ont atteint 63 ans... Le 9e épisode de la série documentaire Up présente ces enfants qui entrent dans le 3e âge. Aucun autre film n'est allé aussi près de ce que c'est qu'être un Humain : chaque vie qui passe est la plus grande des histoires. BR UK

Ma vie avec John F. Donovan / The death and life of John F. Donovan (Xavier Dolan, 2018) **
Un acteur raconte à une journaliste la correspondance qu'il avait engagée, enfant, avec la star d'une série TV, gay dans le placard. Le film le plus classiquement réalisé de Dolan touche aux effets destructeurs de la dissimulation, à la responsabilité des mères et au rôle des idoles dans la construction d'une identité. C'est parfois empesé, souvent touchant, jamais mièvre. Kit Harington est très bon en vedette qui plonge dans l'abîme. BR FR

Don't f**k with cats (Mark Lewis, 2019) **
Entre 2010 et 2012, la traque d'un bourreau de chatons devenu tueur. Le fait divers à sensation du "Dépeceur de Montréal" présenté du point de vue des deux nerds qui ont débusqué l'affaire sur Internet et des flics de l'enquête. Le profil du jeune criminel est étonnant mais c'est l'usage des ressources du web dans la réalité et dans le documentaire qui tient en haleine pendant les 3h du film. Les dernières secondes sont incroyablement putassières. Netflix

Midsommar (Ari Lester, 2019) ***
Quatre jeunes américains partent en Suède faire un séjour anthropologique dans une communauté isolée au moment du solstice d'été. L'histoire est sans grande surprise pour qui a vu "The Wicker Man" de 1973 mais l'originalité du cadre ensoleillé, l'assurance de la mise en scène et l'interprétation de Florence Pugh sont fascinants. Et derrière l'horreur se cache un intéressant regard sur l'esprit du paganisme. Pas mal du tout. BR UK