12 juin 2011

The inimitable Mrs. Miller


Complètement tombée dans l'oubli à la fin des années 60 après une carrière glissante de trois années sous les spotlights, Mrs. Miller a retrouvé récemment, par la magie d'Internet, une seconde existence et, apparemment, une ribambelle de fans. Sans en être, je la trouve assez réjouissante et unique pour lui donner une petite place ici.

Pour faire bref, Elva Miller (1907-1997) s'occupa bénévolement pendant la moitié de son existence d'oeuvres caritatives et religieuses au Kansas et en Californie tout en se piquant de chant classique et de velléités d'une carrière à voix. Au début des années 60, sûre de son soprano, elle enregistre un (ou plusieurs, les sources sont troubles) 45 tours à compte d'auteur, les fameux "Vanity Records" auxquels même Elvis s'est adonné.


Remarquée par le neveu du patron de Capitol Records, elle signe en 1965 un contrat avec eux et enregistre un premier disque : "Mrs. Miller's Greatest Hits" qui réussira à se placer au hit-parade en 1966 avec sa reprise involontairement hilarante de "Downtown" de Petula Clark. Suivront "Will Success Spoil Mrs. Miller?" la même année, "The Country Soul of Mrs. Miller" en 1967 et "Mrs. Miller does her Thing" en 1968. Puis l'oubli jusqu'à sa mort en maison de retraite à l'âge de 89 ans. Et son retour improbable sur le Net.

Mrs. Miller fait partie de ces rares "jokes" que le showbizz aime à produire de temps en temps. Ces créatures de foire qui font un tour et puis s'en vont, le plus souvent dépitées de leur sentiment d'échec et suicidaires du traitement qui leur a été infligé. Mais Mrs. Miller est unique parce qu'elle a vite compris la stratégie de Capitol Records : que son fan-club serait rigolard et qu'on acheterait ses disques pour autre chose que ses harmonies. Ce qui faisait le délice de ses clients était l'outrance de ses tentatives opératiques sur des standards pop, son vibrato à décoller l'asphalte, son incompétence rythmique et, surtout, sa maltraitance éhontée du tempo. Y a-t-il seulement une autre "chanteuse" qui ait si régulièrement oeuvré à contre-temps sur tous les rythmes auxquels elle s'attaquait ? Autant fallait-il en rire.

Voici le chef-d'oeuvre de Mrs. Miller, le titre qui lui a valu la gloire : "Downtown". Attaques incertaines, contre-temps à gogo, oubli du texte (comment ne peut-on pas l'adorer quand elle pouffe de rire et fait des sifflets d'oiseau sur les strophes dont elle ne se souvient plus ?) et vibratos supersoniques. Inimitable.



En 1967, Mrs. Miller fit sa seule et unique apparition au cinéma, dans le film "The Cool Ones" de Gene Nelson. Un sympathique navet Warner sur une Go-Go Girl qui s'affranchit de sa cage et tente de se lancer dans la Pop en direct à la télé (la télé-réalité n'est pas loin). Mrs. Miller y interprète une costumière de 60 ans qui est poussée sur scène par le producteur de l'émission pour remplacer au pied levé la Star qui s'est désistée. Elle y immortalisa son look et son talent en massacrant le merveilleux "It's Magic" de Doris Day.

Voici la scène ci-dessous, for your pleasure.




Le temps de sa brève carrière, Mrs. Miller a été chanter pour les GIs au Vietnam et pour ses fans au Hollywood Bowl. Aujourd'hui, seuls son passage dans "The Cool Ones" et quelques extraits de shows TV d'époque peuvent nous donner une idée de ses capacités pour le moins... originales. Il y a aussi ses disques, récemment reédités. Mais ça, c'est juste too much pour moi.


Big joke, Mrs. Miller. But you were a cool one!

1 commentaire:

  1. Mrs Miller nous a toujours fait le même effet que les caméras cachées : un rapide et léger sourire suivi d'un gigantesque sentiment de malaise, très désagréable. Nous partageons votre "too much pour moi". Femme sans doute très sympathique cette Mrs Miller pas dupe mais dans le genre contre-temps et notes incertaines poussés jusqu'au génie : Darlene et Jonathan Edwards forever :)

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