6 juillet 2024

Films vus par moi(s): juillet 2024


 *** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

La zone d'intérêt / The zone of interest (Jonathan Glazer, 2023) NSP
Séparée d'Auschwitz I par un mur, une propriété avec jardin et piscine est la résidence de fonction de Rudolf Höss - le commandant du camp - et de sa famille. Restant quasiment toujours dans ce décor bourgeois, la vie quotidienne des Höss et de leur personnel est scrutée avec une froideur de médecin- légiste sous une bande sonore qui évoque l'horreur derrière le mur. Malgré le thème excellent et les acteurs impeccables, j'ai trop senti l'exercice de style de la mise en scène pour être vraiment convaincu. BR FR

Du côté de Robinson (Jean Eustache, 1963) **
Deux marlous rencontrent une jeune femme à Pigalle. Ils décident ensemble d'aller au bal. Un court-métrage de 40' tourné dans les cafés, rues et boîtes de Place Clichy, Pigalle et Montmartre autour de trois personnages pas vraiment sympathiques - ils en sont plus intéressants - dont deux veulent baiser et une danser. Vu aujourd'hui, c'est le Paris de 1963 qui est la plus-value mais la goujaterie des deux types est mémorable aussi. Dans quelques plans, la caméra à l'épaule écoeure. BR FR

Sailor & Lula / Wild at heart (David Lynch, 1990) **
Un gibier de prison et sa copine délurée (Nicolas Cage et Laura Dern, parfaits) qui vivent une passion amoureuse et sexuelle filent en voiture vers la Californie, poursuivis par deux tueurs engagés par la mère de la fille. Ils rencontrent sur le chemin des individus bien plus frappés qu'eux. Le casting de personnalités et de gueules (William Dafoe...) et le regard surréaliste de Lynch sur une Amérique paumée mais mythique font tout le sel de ce road movie plus tendre et "classique" que ses classiques. BR FR 

La lettre / The letter (William Wyler, 1940) ***
Dans la moiteur du Singapour britannique, une expatriée tue un ami au revolver. Son mari et leur avocat l'accompagnent jusqu'au procès. D'après Somerset Maugham, un mélo noir magistral, tourné dans l'artifice d'un studio de la Warner. Époque oblige, les stéréotypes pullulent, intégrés à l'histoire comme le jeune clerc fourbe asiatique et Gale Sondergaard, inoubliable en veuve métissée. Dans son incarnation d'une manipulatrice aux prises avec ses mensonges, Bette Davis est magnétique. BR US 

À la recherche de Mr. Goodbar / Looking for Mr. Goodbar (Richard Brooks, 1977) ***
Bridée par sa famille catholique, une institutrice d'enfants sourds-muets fréquente les bars new-yorkais à la recherche de sexe et d'un éventuel compagnon. Choc à sa sortie et quasiment invisible depuis, un film radical sur le désir féminin et la limite sexe/amour qui semble hésiter entre respect et condamnation, pendant une épée de Damoclès au dessus du personnage de Diane Keaton, formidablement complexe. La séquence finale reste un morceau de bravoure et d'ambiguïté des 70s. DVD Z2 ES 

Les chambres rouges (Pascal Plante, 2023) ***
A Montréal, deux jeunes femmes obsédées par un tueur en série vont chaque jour à son procès aux assises. Porté par le jeu glacial de Juliette Gariépy, un film hanté qui explore le sujet - inédit ? - des fans des monstres criminels sans porter de jugement mais en tournant autour de leur psyché. Au-delà de ce premier thème, un second apparaît, aussi glaçant : les abysses du Darknet. Tout cela sans aucune violence montrée,  la suggestion ouvrant la porte à l'imaginaire. C'est difficile à refermer. BR FR

Sans jamais nous connaître / All of us strangers (Andrew Haigh, 2023) ***
Dans une tour d'habitation londonienne, deux voisins solitaires (Andrew Scott et Paul Mescal) attirés l'un par l'autre s'essayent à une relation. Un drame sur le ravage des traumas non traités où, comme à son habitude, Haigh excelle dans la peinture des possibles refoulés. Le fantastique des rencontres avec les fantômes des années 80 - et la B.O. d'époque - peut parler à tout le monde, gays bien sûr mais pas que. L'un des films les plus sensibles, tristes et désespérés de récente mémoire. BR FR

Je suis : Céline Dion / I am : Céline Dion (Irene Taylor Brodsky, 2024) ***
Depuis sa maison de Las Vegas, Céline Dion montre à ses fans et aux autres que ça peut intéresser ou toucher son quotidien de malade du Stiff Person Syndrome (SPS), qui a réorienté sa vie vers l'isolement et les soins, loin des studios et des stades. La détermination et le courage qu'il a fallu à la superstar pour se lancer dans ce projet intime - dont je ne vois pas d'équivalent à l'écran - ne peuvent être que salués.  Avec des larmes mais sans complainte, l'histoire d'un corps et d'une voix qui flanchent. Amazon Prime

La chevauchée de la mort / The Johnstown Flood (Irving Cummings, 1926) **
En 1889, un industriel du bois refuse de consolider un barrage menacé par des pluies torrentielles. D'après la tragédie de Johnstown en Pennsylvanie, un film catastrophe de la fin du muet qui porte un regard sévère sur le capitalisme et met en valeur ses trois stars (George O'Brien, Florence Gilbert et Janet Gaynor dans son premier grand rôle) dans un conflit sentimental, avant de lâcher les vannes avec l'inondation. Ses effets spéciaux ont marqué une date et restent impressionnants. BR US

Boom! (Joseph Losey, 1968) ***
Recluse sur son île italienne, une multiveuve milliardaire hystérique accueille un type mystérieux surnommé L'Ange de la Mort. Une incroyable folie de scénariste (Tennessee Williams), de réalisateur et d'acteurs qui mise tout sur le couple scandaleux Elizabeth Taylor-Richard Burton (et leurs diamants) lâché dans l'extravagance et l'outrance du jeu, du décor et des costumes. Tout est too much et interloquant : Boom! est peut-être, tout bien considéré, le film camp par excellence. J'ai adoré. BR US  

A la limite du cauchemar / Butcher, baker, nightmare maker / Night warning (William Asher, 1981) **
Elevé seul par sa tante depuis la mort accidentelle de ses parents, un lycéen de 17 ans déclenche la folie meurtrière de celle-ci quand il lui annonce qu'il part en campus universitaire. Un film d'horror à la fois typique et atypique des 80s : typique par le style visuel et le gore carmin mais atypique par les thèmes explorés d'Oedipe, de l'inceste et de l'homophobie. Il en résulte un classique du genre, trop méconnu. Dans un rôle de psychotique qui lui va comme un gant, Susan Tyrrell est géniale. BR ES 

Ivanhoé / Ivanhoe (Richard Thorpe, 1952) ***
Le fils (Robert Taylor) d'un Saxon ennemi des Normands veut rétablir sur le trône anglais Richard Coeur de Lion, dont le frère Jean Sans Terre occupe la place. D'après Walter Scott, un exaltant film d'aventures dont la composition des plans et le Technicolor sublime rendent hommage aux enluminures, comme rendues vivantes. Pas de temps mort, des séquences d'action formidables et un duo amical entre deux femmes - la Saxonne et la Juive - très touchant. Et quel casting ! BR ES

Casa Susanna (Sébastien Lifshitz, 2022) ***
Entre 1955 et 1965, Marie Valenti et son époux Tito/Susanna font de leurs propriétés Chevalier d'Eon puis Casa Susanna un havre paisible et amical pour des hommes hétérosexuels qui aiment se travestir en femme. Autour de photos trouvées dans une brocante, l'étonnante histoire de cette communauté - illégale à l'époque - des Catskills où la non-binarité n'était pas questionnée mais vécue. Des décennies plus tard, deux habitué.e.s des lieux se souviennent. Un documentaire fier et bouleversant. ARTE

4 juin 2024

Films vus pas moi(s): juin 2024


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

Liaisons secrètes / Strangers when we meet (Richard Quine, 1960) ***
À L.A., un architecte et une femme délaissée par son mari deviennent amants. Je n'ai jamais vu Kirk Douglas et Kim Novak aussi bons que dans ce film sur l'adultère qui offre - c'est saisissant pour l'époque - un point de vue totalement adulte loin des stéréotypes du mélodrame. Seul l'impact social et psychologique de leur désir sexuel sur les deux personnages importe : les gros plans de leurs visages en CinemaScope disent tout. A forme hollywoodienne, un chef-d'oeuvre au ton très européen. Cinémathèque Française

La porte du diable / Devil's Doorway (Anthony Mann, 1950) ***
Un vétéran indien shoshone (Robert Taylor passé au fond de teint), médaillé de la guerre de Sécession, revient à la ferme familiale pour la développer. Aidé par la loi, un juriste raciste incite des éleveurs blancs à s'en approprier les terres. Un western d'une audace folle pour son temps qui traite du racisme colonial et de la misogynie professionnelle - l'indien prend une avocate sans client - avec une rigueur de narration et de mise en scène qui ne sacrifie en rien aux clichés. Le revoir aujourd'hui... BR US

Sous la Seine (Xavier Gens, 20243) *
A quelques heures d'un triathlon, une scientifique (Bérénice Bejo qui ne rigole pas) et la brigade fluviale de Paris traquent un grand requin qui sillonne la Seine et tue. Le film ose le premier degré, ce qui le rend plus intéressant avec ses invraisemblances au sérieux. Le concept est opportuniste, la  mise en scène routinière et les acteurs juste ok mais trois choses sont chouettes : Paris vu depuis le fleuve, Anne Marivin en Valérie Pécresse devenue maire de Paris et l'orientation de la fin. Netflix. 

Pandemonium (Quarxx, 2023) **
Pensant s'être tiré d'un accident de voiture, un type se rend compte qu'il a été tué et qu'il est arrivé en enfer. Il y rencontre deux âmes damnées, dont on découvre le sort. Entre horror et art & essai, un film qui imprime son malaise - je n'ai rien vu de l'humour que d'autres ont pu y trouver - par des situations, des idées, décors et une photo franchement inquiétantes. Avec un budget sans doute réduit, l'imaginaire noir l'emporte. La toute jeune actrice qui joue le petite fille du segment central est étonnante. BR UK

Skullduggery (Gordon Douglas, 1970) NSP
Dans la jungle de Nouvelle-Guinée, une anthropologue accompagnée de Burt Reynolds découvre une tribu du chaînon manquant, les Tropis. Un capitaliste l'apprend et les met au travail forcé, un prêtre veut les baptiser et l'une des petites femelles se fait engrosser par un membre de l'équipe. L'enfant à venir sera-t-il homme ou animal ? Procès. Une ahurissante adaptation darwino-marxiste-black panthers des "Animaux dénaturés" de Vercors d'un incorrect politique à grimper aux rideaux. Bouche bée. BR US

La maman et la putain (Jean Eustache, 1973) ***
Dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, un blanc-bec oisif discourant et autocentré partage sa vie sexuelle entre sa maîtresse et la jeune femme qu'il a abordée dans la rue. J'ai attendu tout ce temps avant de découvrir ce film qui entre illico dans mon Panthéon. Dès les premières scènes, le texte, le jeu, le ton, l'image et l'atmosphère m'ont happé pour me laisser pantois, 3h40 plus tard. Dans l'ordre, Jean Eustache, Françoise Lebrun, Jean-Pierre Léaud et Bernadette Lafont me sont désormais immortels. BR FR

Gentleman Jim (Raoul Walsh, 1942) ***
En 1892, un clerc de banque arriviste devient champion du monde de boxe grâce à son talent et son entregent. Sur l'histoire de James Corbett, qui a changé l'histoire de la boxe, le film qui a défini le film de boxe jusqu'à aujourd'hui. La mise en scène brillante de Walsh - même les réfractaires au sport y trouvent leur compte - et le jeu au charisme fou d'Errol Flynn sont irrésistibles. Quant à l'histoire d'amour, elle est transfigurée par Alexis Smith et son personnage de femme moderne. Un vrai classique. BR US

De Humani Corporis Fabrica (Verena Paravel & Lucien Castaing-Taylor, 2022) **
Le quotidien de quelques hôpitaux en France, de la salle d'opération à la salle de garde. Un documentaire  sensoriel - les auteurs sont ceux de l'extraordinaire "Leviathan" sur la pêche industrielle - qui explore les entrailles de l'hôpital comme celles des patients, montrant l'intérieur des corps et la fatigue des âmes. Le rire et la démence, la vie et la mort y vont côte à côte en une sorte de "Le Voyage Fantastique" revu par Dante. Le coeur du spectateur, lui, doit être bien accroché. BR US

La main / Talk to me (Danny & Michael Philippou, 2022) ***
Quelques ados s'amusent à se faire peur avec un main en plâtre qui les fait communiquer avec les limbes quand ils l'agrippent. L'expérience tourne mal. Un premier film d'horreur australien qui ne ménage pas ses personnages et ses spectateur sans se foutre d'eux. Au-delà du conflit lui-même, plutôt malin en s'appuyant sur le thème du deuil, c'est le regard sur la dynamique des online challenges de la Gen Z qui occupe la première partie qui est formidable. Le casting - Sophie Wilde en tête - est parfait. BR FR

2 mai 2024

Films vus par moi(s): mai 2024


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

Identikit / The driver's seat (Giuseppe Patroni Griffi, 1974 **)
Descendue à Rome, une expat américaine cherche l'homme parfait pour la mission qu'elle s'est fixée. Un film plus qu'étrange de la période colorée et WTF d'Elizabeth Taylor. Elle y est d'ailleurs fascinante dans le rôle d'une grande névrosée hystérique aux prises avec quatre mâles, dont Andy Warhol ! Mais derrière le côté indubitablement camp, la fin révèle une noirceur terrible et donne envie de le revoir tout de suite. La narration non chronologique ajoute à la désorientation générale. A redécouvrir. BR UK

Yannick (Quentin Dupieux, 2023) ***
Ennuyé par la pièce qu'il est venu voir, un spectateur prend les comédiens et le public à partie et en otage. Ayant tout détesté dans "Au poste !", je m'étais juré de ne jamais revoir un autre Dupieux. Mais là, le sujet et le casting étaient trop tentants. Et je découvre un film extraordinaire - au sens propre - où l'idée, l'humour, le malaise et l'émotion forment un cocktail à l'équilibre parfait. Le présence et la prestation de Raphaël Quenard y sont pour beaucoup. Dieu soit loué pour ce type. BR FR

Le train des épouvantes / Dr. Terror's House of Horrors (Freddie Francis, 1965) *
Les cinq passagers de la cabine d'un train se font tirer le tarot et prédire le futur par un inquiétant sixième homme. Un loup-garou, une plante vivante, un dieu vaudou, une main coupée et une vampire : ce sont les malfaisants de ce "portmanteau film" britannique qui offre de beaux moments d'atmosphère et la présence de Peter Cushing, Christopher Lee et Donald Sutherland. Mais le concept-même du film à sketchs n'est pas ma tasse de thé même si les cinq histoires ici sont plutôt bonnes. BR UK

Simple comme Sylvain (Monia Chokri, 2023) **
Une prof de philo de Montréal et l'ouvrier qui rénove son chalet forestier ont un coup de foudre. Un rejeton de Lady Chatterley et des mélos de Douglas Sirk qui emprunte des chemins connus mais trouve sa propre voix - en québécois - avec le charisme sexy de Magalie Lépine-Blondeau et Pierre-Yves Cardinal et les sourires francs qui se figent peu à peu. Si la charge contre les bobos woke est balourde, elle mène naturellement à la résolution de ce film d'amour qui laisse une boule dans la gorge. BR FR

L'enfer des anges (Christian-Jacque, 1939/1941) ***
A Saint-Ouen, une jeune fille échappée d'une maison de redressement et un garçon laissé pour mort par maltraitance s'intègrent à la tribu des adolescents de la zone. Tourné en partie dans les terribles bidonvilles qui entouraient Paris, un film socialement engagé qui demandait l'action du gouvernement face au scandale des mineurs en perdition et à la prédation des salopards. Le casting est épatant - mention au jeune Jean Claudio, Jean Tissier, Lucien Gallas, Dorville et Fréhel - et la réalisation admirable. BR FR (Prévue pour septembre 1939, la sortie du film fut reportée avec la guerre puis Vichy en exigea une fin positive, qui fut tournée et adoucit malheureusement le propos original).

Juliette des esprits / Giulietta degli spiriti (Federico Fellini, 1965) ***
Soupçonnant son mari de la tromper, une petite bourgeoise timorée est entraînée dans l'imaginaire de ses névroses. Perdue entre ses rêves, ses fantasmes et sa réalité, le personnage incarné superbement par Giulietta Massina traverse des séquences d'un baroque en Technicolor échevelé peuplé de créatures féminines outrancières. C'est qu'elle se débat avec son Complexe-Mère, dans ce film mésestimé et pourtant passionnant de Fellini, alors plongé lui-même dans une analyse jungienne. BR US

Paris top secret (Pierre Roustang, 1969) 0
Un night-club dénudé de Pigalle, un sculpteur qui moule les parties intimes de ses modèles féminins, une soirée organisée où des gens esseulés se lancent de la nourriture, un club zoophile, une jeune femme abusée par prédateur au masque de loup... Autant le "Paris secret" de 1965 était étonnant, autant sa suite de 1969 - rendue obsolète par le passage de Mai 68 - est minable, par la vulgarité mysogine des séquences et le commentaire gras et en-dessous de tout de Philippe Bouvard. BR FR    

Vermines (Sébastien Vaniček, 2023) ***
A Noisy-le-Grand, un "jeune" passionné d'entomologie rapporte chez lui une araignée mortelle qui s'échappe et se reproduit. Un formidable film d'horreur qui prouve l'irruption réussie du cinéma français dans le genre. Au-delà des bestioles de cauchemar, c'est le contexte de la cité, avec ses décors, ses codes, et son langage, qui apporte l'originalité et le propos : la méfiance panique face à "la racaille". Le casting est parfait - Théo Christine crève l'écran - et la tension malaisante imparable. DVD Z2 FR 

L'homme qui a surpris tout le monde / Chelovek, kotoryy udivil vsekh (Natasha Merkulova & Aleksey Chupov, 2018) ***
Dans l'extrême-orient russe, un homme condamné par un cancer rencontre une chamane qui lui raconte une fable inspirante. Il l'adapte à son cas, provoquant l'incompréhension puis l'hostilité de sa femme et de ses voisins. Physiquement et psychologiquement cruelle, une histoire de croyance, d'audace et de force de vie dans le décor inhabituel d'un village forestier perdu où le réel et l'invisible s'affrontent autour d'un malade aux abois. Un film marquant, d'une rare puissance émotionnelle. DVD Z2 FR

La fiancée des ténèbres (Serge de Poligny, 1945) **
A Carcassonne, une jeune femme qui descend des Cathares et hantée par la mort est courtisée par un homme marié. L'un des films fantastiques - un genre des plus rares en France - produit pendant l'Occupation distille une poésie morbide qui s'appuie sur l'atmosphère, les décors, la photo en clair-obscur et le jeu somnambulique de Jany Holt. Et derrière la romance noire, de multiples interprétations sont possibles : j'y ai vu pour ma part une métaphore de la dépression. BR FR  

Paris secret (Edouard Logereau, 1965) **
Bizarres les gens et choses qu'on peut trouver dans les recoins du Paris de 1964 ! Un documentaire mis en scène à la mode du mondo pour provoquer l'étonnement, l'hilarité et le dégoût des spectateurs. Des putes et des catcheurs, des roms qui mangent des chauves-souris et des hérissons, des travelos, un goûter à la Freaks... Tout cela vu d'aujourd'hui est complètement incorrect, porté par les commentaires graveleux et phobiques et l'incroyable misogynie. Inutile de dire que c'est fascinant. BR FR 

Le sang à la tête (Gilles Grangier, 1956) ***
A La Rochelle, un ex-ouvrier du port qui en est devenu le propriétaire est cocufié par sa femme avec un margoulin. D'après Simenon, une subtile étude de moeurs et de personnalités où la bourgeoisie et la plèbe se rejoignent dans la jalousie et la moquerie envers celui des leurs qui a réussi. Filmée en grande partie dans les décors naturels de la ville, dialoguée par Audiard, l'histoire se déroule sans effets de manche jusqu'à son dénouement digne et émouvant. Jean Gabin est immense. BR FR

El fantasma del convento / The Phantom of the monastery (Fernando de Fuentes, 1934) **
Un couple et leur ami se retrouvent à passer une nuit dans un monastère isolé et - presque - désert. Evidemment inspiré par les Horrors Universal, britanniques et allemandes de l'époque, un film fantastique mexicain à l'atmosphère d'inquiétude réussie grâce aux décors, à la photo expressionniste et au travail sur le son. L'acteur principal n'est pas terrible du tout mais on le suit quand même avec intérêt dans son exploration des corridors et des cryptes aux secrets plutôt morbides. BR UK  

Mon petit renne / Baby Reindeer (Weronika Tofilska Josephine Bornebusch, 2024) ***
Harcelé par une femme déséquilibrée (Jessica Gunning, déstabilisante), un comédien-barman en galère subit le délitement de sa vie. D'après une histoire arrivée à son auteur et acteur principal (Richard Gadd, habité par lui-même), une mini-série exceptionnelle qui retourne les clichés du thriller à la "Misery" ou "Fatal Attraction" pour s'ouvrir sur les ravages du trauma, de la mésestime de soi et de la folie à deux. Le sujet et son traitement sont fascinants, les seconds rôles aussi. Une réussite totale. Netflix 

3 avril 2024

Films vus par moi(s): avril 2024

*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

L'homme à l'affût / The sniper (Edward Dmytryk, 1952) ***
A San Francisco, la police recherche un tueur qui abat des femmes au fusil. Une oeuvre singulière qui retourne les stéréotypes du Film Noir pour s'orienter vers l'étude psychiatrique d'un meurtrier torturé par ses névroses. Au-delà du thriller dégraissé par sa mise en scène sèche et inspirée, le film porte aussi un message audacieux à l'époque sur le traitement des personnalités malades. Arthur Franz est parfait en criminel aux abois et comme toujours, Marie Windsor est magnétique. BR UK 

Le château de Barbe-Bleue / Bluebeard's Castle / Herzog Blaubarts Burg (Michael Powell, 1963) **
Quasiment jamais vue pour des questions de droits, l'adaptation filmée pour la télé allemande de l'opéra de Belá Bartók a fait l'objet d'une restauration splendide supervisée par Scorsese et Schoonmaker. N'étant pas fan de l'opéra du 20e siècle, ce n'est ni la musique ni les voix de Norman Foster et d'Anna Raquel Satre qui m'ont emballé. Le génie du film, c'est la mise-en-scène de Powell avec ses décors fous et son Technicolor à la Mario Bava. En juste 1h, l'extravagance visuelle est totale. BR UK 

Les Trois Mousquetaires (Bernard Borderie, 1961) **
Une très bonne adaptation un peu oubliée de Dumas, avec des personnages bien incarnés, notamment Gérard Barray en D'Artagnan idéal. Il y a de l'action, des galops, de l'épée, de l'humour, du drame et de l'Eastmancolor. Sorti en deux parties - "Les ferrets de la Reine" et "La vengeance de Milady" - le film file à bride abattue, sans temps mort et avec des dialogues qui claquent. Un seul bémol : Mylène Demongeot, qu'on adore par ailleurs, est trop jeune pour être une Milady convaincante. DVD Z2 DE 

Le Prix du Danger (Yves Boisset, 1983) *
Fuyant pour sa survie, un candidat du reality show Le Prix du Danger en déjoue le scénario, créant la confusion des producteurs et l'explosion de l'audimat. Un film très Années 80 qui dénonce de façon étonnamment prémonitoire les excès de la télé réalité mais qui, comme attendu avec Boisset, n'y va pas avec le dos de la cuillère dans l'outrance et les stéréotypes. Si Gérard Lanvin est formidable dans un rôle ajusté, Michel Piccoli en fait des tonnes dans la caricature et affaiblit l'ensemble. BR FR

Un prince (Pierre Creton, 2023) **
En Normandie rurale, un étudiant jardinier se découvre une famille de sexe et de coeur et vieillit. C'est ce qu'on appelait avant un "film d'art et d'essai", la "proposition" d'une narration de cinéma différente. Ajoutez des voix off décalées, de la gérontophilie gay, du fantastique et vous avez l'idée. Si l'ensemble m'a paru un peu hermétique et forcé, j'ai aimé la poésie, l'ambiance et l'audace des corps âgés. Puis j'ai lu des mots du réalisateur et j'ai aimé ce qu'il a dit et voulu faire. Un film vraiment autre. DVD Z2 FR  

Ricardo et la peinture (Barbet Schroeder, 2023) **
Portrait de l'homme et du peintre Ricardo Cavallo (né en Argentine en 1954) par un ami de quarante ans. Un beau documentaire sur un artiste à la fois concentré et ouvert qui peint chaque jour les rochers côtiers de Saint-Jean-du-Doigt dans le Finistère, où ils s'est installé en 2003. Histoire de création, d'amitié et d'histoire de l'art, le film laisse la parole à Cavallo qui discute de son étonnant travail et de son éthique de vie en toute générosité. En plus, c'est mon pays, alors... Auditorium du Louvre  

Scoop (Philip Martin, 2024) 0
Les préparations et le tournage de l'interview désastreuse du Prince Andrew diffusée par la BBC en novembre 2019. La famille royale britannique étant une source inépuisable de curiosité et de stupeur, un chapitre de plus sur la tribu. Inspiré par The Queen, The Crown et tout ça, le film se laisse regarder parce qu'il est bien joué et que le cinéma trou de serrure a son attrait. Mais, tout étant basé sur la narration, il n'y a aucune trace de mise-en-scène. L'impersonnel du Netflix style. Netflix 

Le bleu du caftan (Maryam Touzani, 2022) *
Dans une médina du Maroc, un couple de couturiers marié depuis vingt-cinq ans s'aime avec distance : lui est homosexuel placardisé et elle l'a pris sur elle en silence. Ils embauchent un apprenti. Mais pas de galipettes dans l'arrière-boutique : le film, au message franchement progressiste et courageux, est d'une retenue telle avec ses regards pleins de sous-entendus, ses gros plans de larmes sans pleurs et ses chuchotements qu'il semble amidonné à l'eau de rose. Les trois acteurs sont excellents. DVD FR 

À nous la liberté ! (René Clair, 1931) *
En s'échappant de prison, deux détenus amis se perdent de vue. Des années après il se retrouvent, l'un  devenu magnat de l'industrie, l'autre vagabond. Malgré l'excellent casting, un intéressant décor moderniste et de belles idées visuelles, un pamphlet anarchico-musico-burlesque qui m'a fatigué par sa trépidation incessante exaltée par le score de fête foraine de Georges Auric et par son message binaire sur l'enfer du capital et le bienfait de la pêche à la ligne. Mais historiquement, c'est passionnant. BR FR

Le capitaine Volkonogov s'est échappé / Capitan Volkonogov bejan (Natalia Merkoulova & Alexei Tchoupov, 2021) ***
Pendant les Grandes Purges staliniennes, un jeune capitaine de la police politique de Leningrad chargé des aveux des raflés s'enfuit pour demander pardon à leurs proches. Sur un sujet - La Grande Terreur de 1937/1938 - presque jamais traité au cinéma, un film d'une force et d'une originalité impressionnante : décors et des costumes parfois volontairement anachroniques, rythme de thriller, jeu fébrile de l'excellent Yury Borissov. Sur un propos terrible, désespérément actuel. BR FR

État second / Fearless (Peter Weir, 1993) ***
Le survivant d'un crash, persuadé d'être vivant et mort à la fois, offre son aide à une jeune femme dépressive, autre rescapée de l'avion. Un film magnifique et bouleversant sur les PTSD - Troubles du stress post-traumatique - autour du cas de sentiment de toute-puissance et de dépression dans le détachement du réel. Jeff Bridges et Rosie Perez sont parfaits de retenue dans des rôles qui auraient pu se prêter au pathos, que l'écriture et le réalisation évitent aussi. BR ES

Geostorm (Dean Devlin, 2017) 0
La Terre, pourtant protégée par un gigantesque parapluie atmosphérique construit par les USA et la Chine, est menacée d'une monstrueuse tempête ultime - un Geostorm - parce que quelqu'un a saboté la machine. Un film catastrophe de plus pour Devlin, cette fois sans Emmerich, qui réchauffe les mêmes ingrédients usés à la corde : destructions colossales, CGI à gogo, nonsense et sauveur américain suprême (Gerard Butler). Le film est de 2017, il semble aujourd'hui d'un temps disparu. BR NE

3 mars 2024

Films vus par moi(s): mars 2024


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

L'Exorciste du Vatican / The Pope's Exorcist (Julius Avery, 2023) *
L'Exorciste du Vatican est envoyé par le Pape (Franco Nero) dans un château en Espagne pour s'occuper du cas d'un garçon possédé par un démon. Panaché de "L'Exorciste" et du "Da Vinci Code", un thriller d'horror sans grande originalité - les références au classique de Friedkin finissent par être lourdes - mais avec des chouettes décors et qui bénéficie surtout d'un bonus de choix : Russell Crowe, qui s'amuse à se prendre au sérieux en créant un prêtre revenu de tout et sacrément sympathique. BR FR

Lola (Andrew Legge, 2021) *
En 1941, une jeune femme anglaise invente un récepteur qui capte les signaux audio/vidéo du futur. Sa soeur et elle l'utilisent pour informer les britanniques des plans de guerre des Nazis. Sur un thème de toute évidence inspiré par le formidable "It happened here" (Mollo & Brownlow, 1965), un found-footage parsemé d'images d'archives qui aurait pu être vraiment bon - la découverte du Rock et de Bowie - si les deux actrices savaient jouer. Hélas ! Mais tout film de Time Machine reste regardable. BR UK

Strange way of life (Pedro Almodovar, 2023) *
Dans le désert texan, deux anciens tueurs à gages qui ont été brièvement amants vingt cinq ans auparavant se retrouvent. Avec ses cowboys homosexuels et ses conflits, cette sorte de suite uchronique de "Brokeback Mountain" (Ang Lee, 2005) est à la fois originale dans son contexte et déjà vue dans son histoire. Si Ethan Hawke est juste correct, Pedro Pascal est excellent mais la durée de 30' - c'est un court-métrage - ne permet de ne rien développer et on passe à côté du vrai film. DVD Z2 FR

Chien de la casse (Jean-Baptiste Durand, 2023) ***
Dans un village du sud de la France, deux potes inséparables s'éloignent quand l'un a une copine. Sur un ton naturel à l'écriture subtilement controlée, un magnifique film d'amitié porté par les petits riens du quotidien d'ennui et surtout la performance de Raphaël Quénard, dont la personnalité et la locution magnétique irradient. Lui et Anthony Bajon, par l'introversion de son personnage à lui, forment un duo incroyablement attachant. Un chef-d'œuvre pour un premier film, chapeau ! DVD Z2 FR 

Agnès de Rien (Pierre Billon, 1950) **
Délaissée, une jeune épouse se réfugie dans les Dombes, au manoir de sa belle-mère démente. Si l'histoire absurde n'a pas grand intérêt, l'ambiance pluvieuse sinistre, les décors décrépits et le photographie toute en ombres donnent à ce pur film d'atmosphère un aspect Val Lewton étonnant. Danièle Delorme pleurniche comme d'hab mais Ketti Gallian - que je ne connaissais pas - est formidable et Yvonne de Bray impériale en une seule scène. Avec Paul Meurisse et un titre génial. DVD René Chateau

Un marteau pour les sorcières / Kladivo na čarodejnice / Witchhammer (Otakar Vávra, 1969) **
En 1670 en Moldavie, un inquisiteur obtient par la torture les aveux de femmes d'un village accusées de commerce avec le Diable. Un film historique tchèque superbement réalisé qui reste d'une actualité brûlante. La dénonciation par métaphore de la corruption, des mascarades de procès et de l'écrasement des individus par l'URSS d'il y a soixante ans s'applique à nouveau, hélas, aux dictatures actuelles. Quant à celle du traitement des femmes par les religions du livre... Choc et subtil à la fois. BR FR

Un homme comme tant d'autres / Nothing but a man (Michael Roemer, 1964) ***
En Alabama, un ouvrier noir essaye de construire son couple et sa vie dans l'étouffant contexte ségrégationniste. Porté par l'interprétation formidablement juste de ses acteurs (Ivan Dixon, Abbey Lincoln...), un film qui regarde droit dans les yeux les conséquences sociales et affectives de la discrimination raciale. Au-delà du remarquable aspect politique engagé, la réussite plastique et émotionnelle est totale. Longtemps oubliée, c'est d'évidence une oeuvre-clé des Sixties. BR FR

Terrifier (Damien Leone, 2016) 0
Un serial killer costumé en clown s'attaque à deux jeunes femmes un soir d'Halloween. Presque entièrement situé dans un entrepôt décrépit, un film d'horreur qui se réfère dans son style et son ambiance aux classiques du genre des 70s/80s, mais en bien plus gore. Mais comme il n'y a pas de second degré, que les actrices sont incapables et que le scénario est d'un basique inepte, on finit par s'ennuyer ferme. Seul le clown est bien, c'est trop peu et c'est un vrai gâchis. BR UK

Dersou Ouzala / Dersu Uzala (Akira Kurosawa, 1975) ***
En 1902 en Primorie (Extrême-Orient russe), le capitaine Arseniev, en mission de cartographie, rencontre le chasseur autochtone Dersou (Maxime Mounzouk, extraordinaire) qu'il prend comme guide dans la taïga. L'amitié entre deux hommes que tout devrait séparer s'épanouit dans la beauté et la brutalité d'une nature sauvage sublimement filmée et une succession de séquences inoubliables. Un film d'une grandeur d'âme et d'une générosité rares, simplement l'un des plus beaux du monde. Cinéma

Olivia (Jacqueline Audry, 1951) ***
Vers 1890 près de Fontainebleau, une nouvelle arrivante dans pension de jeunes filles s'éprend de la directrice lesbienne. Un film en costumes au décor foisonnant - par Jean d'Aubonne - qui explore le surgissement du désir chez une jeune femme face à la retenue confuse d'une supérieure. L'étonnante modernité vient de l'absence totale de jugement sur les personnages et du jeu impérial d'Edwige Feuillère en reine des abeilles. Avec Simone Simon en "épouse" jalouse. DVD Z2 FR 

Je t'aime Je t'aime (Alain Resnais, 1968) ***
Après une tentative de suicide, un homme est soumis à une expérience de voyage dans le temps : pour une minute, il doit retourner un an jour pour jour en arrière. Et le spectateur est soumis à l'expérience de la fragmentation de la narration, déconstruite en de multiples flashbacks interrompus. Derrière la recherche formelle radicale et pionnière de Resnais, un film infiniment triste sur la prison de la dépression et de la culpabilité. Claude Rich, le cobaye, est d'une sensibilité bouleversante. BR US   

Drifter (Pat Rocco, 1974) **
À L.A., un type à la dérive se prostitue pour des hommes et des femmes tout en cherchant un sens à sa vie. Tourné en 1969 par un pionnier oublié du cinéma gay, ce parent pauvre de "Macadam Cowboy" (1969) sent le navet puis, au fur et à mesure, trouve son histoire, son rythme et son style. Pour devenir un document passionnant sur une époque et son cinéma des marges. Etrangement, la médiocrité de l'acteur (Joed Adair) rend son personnage touchant. Une chouette redécouverte. BR US

Brian and Charles (Jim Archer, 2022) *
Dans la campagne anglaise, un inventeur solitaire allumé construit un robot bric et broc capable de parler, d'apprendre et de ressentir. Un conte au message positif sympathique mais aux conflits complètement attendus. Surtout, le choix radical de faire s'adresser l'inventeur (David Earl, assez exaspérant) au spectateur m'a empêché d'entrer dans l'histoire. Du Kitchen Sink pour notre temps dont le meilleur sont les paysages et la B.O. électronique de Daniel Pemberton. BR UK

5 femmes à abattre/ Caged heat (Jonathan Demme, 1974) ***
Dans un pénitencier pour femmes, cinq détenues trouvent une occasion de s'échapper. Parmi les classiques  des Women in Prison films, celui-ci s'approche de "Caged" (John Cromwell, 1950). C'est de la Sexploitation 70s bien sûr mais la mise-en-scène, l'humour camp et le formidable casting de dures à cuire (Juanita Brown, Erica Gavin, Rainbeaux Smith...) maltraitées par Barbare Steele en directrice handicapée est exaltant. Avec un message féministe bien de son temps. BR FR  

Prey (Dan Trachtenberg, 2022) **
Dans la forêt américaine de 1715, une jeune femme Comanche découvre qu'une créature invisible rôde sur le territoire de sa tribu. Le préquel de Predator (1987) et de ses suites est un pur survival, sans autre enjeu que l'action et l'empowerment de son héroïne à mille lieues de Schwarzenegger. La plus-value est le contexte indien et surtout le décor vraiment splendide des paysages sauvages, au naturel et avec sans doute un peu de CGI. BR BE

4 février 2024

Films vus par moi(s): février 2024


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

Zombi child (Bertrand Bonello, 2019) ***
En 1962 à Haïti, un homme est zombifié pour travailler dans une plantation. En 2017, sa petite-fille intègre à Saint-Denis la Maison d'Education de la Légion d'Honneur où elle dévoile l'histoire à quelques camarades. Interprété par de formidables jeunes actrices, un film passionnant qui interroge le désanimé occidental face à l'irrationnel vivant, ici le vaudou. Circulant dans le temps et l'espace, le scénario n'affirme rien mais donne à réfléchir sur les oeillères du monde blanc. Une superbe découverte. BR FR

Hélène de Troie / Helen of Troy (Robert Wise, 1956) ***
Enfuie avec son amant Paris à Troie, la femme de Ménélas et reine de Sparte déclenche une guerre entre les deux villes. En CinémaScope et Technicolor, L'Illiade de Robert Wise est un flamboyant spectacle porté par des moyens impressionnants et un scénario qui sabre avec intelligence tout en rafraîchissant la mémoire. Si Jacques (Jack) Sernas est un peu terne en Paris, Rosanna Podesta est une Hélène de rêve. Le Cheval aussi. BR US 

Un petit coin aux cieux / Cabin the the sky (Vincent Minneli, 1943) ***
Tué dans une embrouille, un bon à rien se voit offrir un bonus de six mois par un ange et un démon qui luttent à le racheter ou le perdre. Le couple qu'il forme avec sa femme (formidable Ethel Waters, qui porte le film) structure ce merveilleux Musical au casting entièrement noir (Lena Horne, Rex Ingram, Duke Ellington...) qui a scandalisé le Sud des Etats-Unis. Vu aujourd'hui, l'audace est incroyable, amplifiée par la bienveillance, la joie de vivre et l'entrain de l'ensemble. BR US

Dagon / Dagon, la secta del mar (Stuart Gordon, 2001) **
Naufragé près d'un village de pêcheurs, un jeune couple est attaqué par des mutants vouant un culte à Dagon. Lovecraft est l'un des auteurs les plus difficiles à adapter à l'écran -  personne n'a réussi - mais ce film à petit budget s'en sort plutôt bien avec son décor décomposé, son atmosphère humide et sa suggestion de l'horrifique. Il y a des ratés - l'acteur principal est nul - mais l'esprit lovecraftien, si particulier, est bien là. BR FR

Eegah (Arch Hall Sr., 1962) NSP
Dans le désert de Palm Springs, un jeune homme préhistorique de 2,18m s'éprend d'une pépée brune qu'il enlève. Inspiré de King Kong, ce navet fauché est si nul en toutes parts - situations, dialogues, mise en scène et acteurs - que l'ensemble s'en trouve étonnamment réjouissant. Dans le rôle du néandertalien Eegah, le géant acromégale Richard Kiel à ses débuts. Après rasage, c'est lui le plus beau. Un véritable ABC du Z. DVD Z2 FR

Centurians of Rome (John Christopher, 1981) **
Dans la Rome antique, deux travailleurs agricoles sont kidnappés et vendus comme esclaves à Caligula. Un classique du porno gay du tournant des 80s, c'st-à-dire avec un semblant de scénario, de mise-en-scène et du poil au cul. Dans le genre c'est pas mal du tout, comme un Steve Reeves hard. Avec une célèbre couille dans le titre, Star Wars et Tchaikowsky en B.O. et un budget payé sur le casse d'une Brink's. Culte ? Internet

Bajirao Mastani (Sanjay Leela Bhansali, 2015) *
Vers 1735, le chef hindou Bajirao marié à la noble Kashibai prend pour seconde épouse la musulmane Mastani, provoquant la colère de sa mère. D'après un célèbre épisode de l'histoire indienne, un blockbuster épique et conjugal bollywoodien de 2h30 qui m'a vite ennuyé par sa mise en scène à facilités - les interminables ralentis - malgré la beauté des stars et le luxe déployé. Mais deux séquences musicales, la danse des femmes et surtout la danse des hommes, sont géniales. BR FR

Les algues vertes (Pierre Jolivet, 2023) NSP
A Saint-Michel-en-Grève dans les Côtes d'Armor, la pigiste de radio Inès Léraud (Céline Sallette) enquête sur le déni des élus et des agriculteurs dans le scandale des algues vertes tueuses. D'après l'excellente BD écrite par la journaliste elle-même, un film purement informatif - presqu'une docu-fiction - qu'on regarde avec intérêt et un sentiment de dépit. La plus-value cinéma, elle, serait trop injuste à noter. BR FR 

Problemos (Eric Judor, 2017) **
Un couple de Parisiens et leur fille en visite dans une communauté zadiste de l'Ardèche s'y retrouve coincée pour se confiner d'une pandémie qui se déclare dehors. Prémonitoire en 2017 ! Une satire mordante - pas méchamment - des utopistes de l'extrême qui est très drôle et politiquement incorrecte, un peu brouillonne aussi. Le casting, dont Eric Judor et Blanche Gardin, fait des étincelles. DVD Z2 FR

Maurice Tourneur, Tisseur de rêves (Pierre Filmon, 2024) ***
Adapté - par elle-même - du livre de Christine Leteux sur Maurice Tourneur, un documentaire de 65' sur le réalisateur français parti en 1914 aux USA et devenant un des génies du muet avant de revenir en France. Cette période américaine, objet principal du film, révèle de superbes extraits de films sur des partitions sur mesure de Stephen Horne et les voix d'Anne Alvaro et d'Emmanuel Lemire. Un travail admirable !  

Le règne animal (Thomas Caillet, 2023) ***
Dans les Landes, des mutations créent des humanimaux, capturés pour être mis dans des réserves. Un père dont le fils est touché cherche à le protéger. Malgré un petit coup de mou au milieu, un film fantastique "à la française" qui fait la part belle aux sentiments dans l'épreuve et à la réflexion sur la nature du vivant. Les images sont splendides, l'onirisme puissant et Romain Duris et Paul Kircher, bouleversants. BR FR

Les Maîtres de Rome (Constance Colonna-Cesari, 2023) 
Entre 1513 et 1516, Michel-Ange (38 ans), Raphaël (30 ans) et Léonard de Vinci (61 ans) se retrouvent tous les trois à Rome pour travailler au service du pape Léon X. La compétition féroce va révéler leurs personnalités profondes et leur faire produire une série des chefs-d'oeuvre inégalée. Un documentaire de 52' sur une page peu connue de l'histoire de l'art. Je ne critique pas car je l'ai co-écrit. ARTE et arte.tv

Barbie (Greta Gerwig, 2023) *
Prise de questionnements existentiels, Barbie quitte Barbie Land avec Ken et découvre la vraie vie à Los Angeles. Intrigant et amusant pendant le premier quart d'heure, le blockmonster de 2023 assène son salutaire message libérateur et égalitaire avec une lourdeur, une emprise de Mattel et des visuels vite écœurants. Ennuyé, j'ai regardé le film d'un oeil distrait pour me faire l'opinion légitime qu'il n'était pas pour moi. Mais Margot Robbie et la petite séquence du ballet des Ken sont formidables. BR FR

3 janvier 2024

Films vus par moi(s): janvier 2024


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

Maison Margiela Artisanal Collection 2024 Video (John Galliano, 2024) ***
A partir des images du défilé Margiela de la Fashion week parisienne de janvier 2024, Galliano a imaginé un court-métrage de 30' d'une créativité exaltante qui commence par une chanson, continue avec un film et termine avec le défilé lui-même sous le pont Alexandre III. L'atmosphère de bouge, entre Toulouse-Lautrec et Jack l'Eventreur, sied parfaitement aux sublimes costumes portés par les modèles qui évoluent avec un body language fascinant. L'art de la mode à son sommet. YouTube

Lypsinka: Toxic Femininity (Chloë Sevigny, 2024) ***
Un One Wo/Man Show de John Epperson dans son personnage culte et hystérique de Lypsinka qui lip-synch (rejoue en playback) des bandes sonores de Women's Pictures américains et des enregistrements rares de Judy Garland et de Joan Crawford. Chloé Sevigny donne au moyen-métrage une apparence et des effets vidéo qui le rendent étrangement intemporel, autant 1970s que 2020s. C'est un sommet high camp truffé de références aux icônes queer du temps jadis. Et une performance. Internet / thenewgroup.org

Pooky Park (AI, 2023) ***
Une satire géniale de pub TV des années 50 pour un parc d'attraction un peu spécial. En 2'55, ce très court-métrage est à la fois amusant et effrayant dans son histoire et ses scènes surréalistes. Fortement inspiré par The Twilight Zone, il a été entièrement réalisé par intelligence artificielle (ChatGPT pour le scénario, Midjourney pour les images, PikaLabs et Runway pour l'animation). Démontrant les mutations en cours dans l'industrie du cinéma, c'est excitant et terrifiant à la fois. YouTube 

Jeu d'enfant / Child's play (Tom Holland, 1988) **
A Chicago, l'esprit d'un serial killer tué prend possession de Chucky, une grande poupée rousse offerte à un gamin. Un classique de l'horror 80's qui a bien tenu le coup par son mélange d'absurdité, d'humour - la langage ordurier de la poupée infernale - et d'action et par son look 100% d'époque. Le petit garçon cible du jouet joue comme un pied mais il y a Brad Dourif qui prête sa voix à Chucky et les effets spéciaux sont d'avant les CGI. Tout ça est vraiment sympathique. BR US

Acide (Just Philippot, 2023) **
Dans les Hauts-de-France, une adolescente et ses parents séparés fuient vers la Belgique pour échapper à des orages d'acide sulfurique mortels. Sur fond du sujet brûlant des mutations environnementales, un film-catastrophe à la française centré sur ses trois personnages, tous renfrognés et malaimables. C'est l'originalité principale de ce survival désespéré, qui malgré un scénario pas assez ficelé, réserve des images puissantes et une superbe interprétation de Guillaume Canet. BR FR

Le cabanon rose (Jean-Pierre Mocky, 2016) **
Dans un village de la Drôme, les habitués d'un mini bordel disparaissent les uns après les autres. Un assureur nain (Christophe Fluder) et un gendarme local alcoolique enquêtent. Je n'aurai jamais pensé dire un jour que Jean-Marie Bigard est génial mais là, en bourrin bourré, chapeau l'artiste ! Une chouette comédie noire du dernier Mocky aux dialogues et au casting énormes : Bernard Menez, Henri Guibet, Richard Gotainer, Grace de Capitani, François Hadji-Lazaro... BR FR

Parlez-moi d'amour / Che femmina!! E... que dollari! (Geogio Simonelli, 1961) *
A Naples, deux duos d'enquêteurs américains (dont Jacques Sernas et... Raymond Bussières !) cherchent l'héritière inconnue d'une milliardaire new-yorkaise. L'idiotie du scénario est compensée par l'absurdité cocasse des situations, les seconds rôles caricaturaux, l'Eastmancolor, le look 1960 et, bien entendu, la raison d'être du film : Dalida à 27 ans qui chante "Les gitans", "Itsi bitsi, petit bikini", "Romantica", "Milord", "Parlez-moi d'amour" et "'O sole mio". DVD Z2 FR

Pearl (Ti West, 2022) **
Au Texas pendant la grippe espagnole de 1918, une jeune fermière qui rêve d'être danseuse calme ses frustrations par le meurtre. Préquel sur la jeunesse de la vieillarde de "X" (2022), une plongée dans la pathologie mentale entièrement centrée sur la performance  - voix, regard, langage corporel - de l'étonnante Mia Goth, nouvelle reine de l'Horror. On pense à "Carrie", à "Misery" ou à la Dorothy du "Magicien d'Oz" devenue psychotique. Pas mal du tout, dans le genre. BR FR 

Rimini (Ulrich Seidl, 2021) **
Un crooner quinquagénaire allemand (Michael Thomas, formidable) qui se produit l'hiver dans des hôtels pour seniors de Rimini et gigole un peu pour ses fans âgées voit débarquer sa fille adulte dont il ne s'est jamais occupé. Il y a plus de tendresse que d'habitude chez Seidl dans cette comédie pathétique sur un loser prêt à tout pour quelques billets et applaudissements. L'humour froid et provocateur du réalisateur autrichien peut séduire ou dégoûter. C'est l'objectif assumé. DVD Z2 FR

Compartiment n°6 / Hitty nro 6 (Juho Kuosmanen, 2021) **
En 1996, une archéologue finlandaise lesbienne et un ouvrier russe rugueux partagent un compartiment dans un train Moscou-Mourmansk. Le choc des personnalités n'est pas le sujet, qui est celui de la rencontre de deux jeunes gens esseulés qui ont besoin de l'autre, malgré tout. Si la dernière partie à l'arrivée est un peu faible, tout le voyage est captivant, porté par la mise en scène, le décor et les deux acteurs (Seidi Haarla et le charismatique Yuriy Borisov). Un film touchant. BR FR   

Jeanne du Barry (Maïwenn, 2023) **
Personnalité et attitude de la dernière favorite de Louis XV face à l'attachement du roi et à la défiance de la cour. Film historique - visuellement superbe - à la psychologique actualisée à l'époque contemporaine, cette déclaration d'amour de l'autrice-réalisatrice à Mme du Barry et à elle-même pourrait avoir comme sous-titre "Maïwenn à Versailles". Le geste narcissique, outrancier, m'a constamment amusé. La production et le reste du casting sont royaux. BR FR  

Anatomie d'une chute (Justine Triet, 2023) ***
A Grenoble, une écrivaine est jugée pour le meurtre de son mari, tombé d'une fenêtre de leur chalet de montagne. C'est la chute d'un homme autant que celle d'un couple qui sont disséquées dans ce film brillamment écrit, mise en scène et interprété - Sandra Hüller et le jeune Milo Machado-Graner sont époustouflants - qui présente par ailleurs la dynamique d'un procès de façon à la fois pédagogique et haletante. Un sommet du cinéma français contemporain. BR FR

Synchronic (Moorhead & Benson, 2021) 0
A La Nouvelle-Orléans, deux ambulanciers sont confrontés à une drogue de synthèse qui permet de voyager dans le temps. L'un d'eux décide de l'essayer et se trouve une mission à réaliser. Un dérivé de "La machine à explorer le temps" - donc un sujet en or - détruit dans sa seconde partie par la pauvreté de l'enjeu du voyage et l'accumulation absurde des invraisemblances. C'est dommage car ça démarrait plutôt pas mal. H.G. Wells et George Pal peuvent dormir tranquilles. BR FR