2 mai 2023

Films vus par moi(s): mai 2023


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Ces messieurs de La Santé (Pierre Colombier, 1934) ***
Un banquier véreux échappé de prison se fait embaucher comme gardien de nuit dans une bonneterie familiale du Palais-Royal qu'il transforme en groupe capitaliste. Raimu est magistral dans son rôle caméléon entre pauvre type et père-la-finance. La dynamique de l'appât du gain, auquel personne n'échappe, est formidablement décortiqué et reste d'une brûlante actualité. Avec Pauline Carton en rombière qui parvient. Réjouissant. REP  

Le fils de Spartacus / Il figlio di Spartacus (Sergio Corbucci, 1962) **
Dans le désert d'Egypte, un officier de César qui a appris qu'il était le fils de Spartacus défend et libère les esclaves des Romains. Masqué et signant d'un S ses exploits. Etonnamment violent, multiracial et politique, un peplum de gauche aux images et à la mise en scène soignées qui dénonce la corruption globalisée des empires. Steve Reeves est aussi photogénique et monolithique que d'habitude. Une bonne surprise. BR DE

Le mandat / Mandabi (Ousmane Sembène, 1968) ***
En attente d'encaisser un mandat que son neveu balayeur de rues lui a envoyé de Paris, un brave type d'un quartier populaire de Dakar se fait dépouiller de l'argent qu'il n'a pas encore par la cupidité de voisins et d'escrocs. Sur un ton de quasi-comédie, une charge virulente contre l'administration et le capitalisme colonisateurs qui ont perverti les usages et la morale du vénérable Sénégal. Un film fondateur du cinéma africain. BR DE

Godland / Vanskabte land (Hlynur Palmason, 2022) **
Vers 1900, un prêtre photographe danois traverse l'Islande à cheval accompagné pour rejoindre un hameau où il doit faire construire une église. Les paysages vierges magnifiquement filmés - en format diapos, superbe idée - font la grandeur de ce film sur un homme perdu dans un monde où il n'est rien. C'est une sorte de western glacé au cowboy incapable et halluciné mais aussi du Dreyer contemporain. 2h20 tout de même. BR FR

Abattoir 5 / Slaughterhouse.Five (George Roy Hill) **
Traumatisé par son expérience de la guerre - la Seconde - un vétéran fait des sauts temporels mentaux entre Dresde, sa maison bourgeoise et la planète Tralfamadore. Les allers-retours dans le passé, le présent et le futur de l'anti-héros dissocié (Michael Sacks, excellent), construits par associations, rappellent les trips Seventies, dont ce film hybride est un parfait représentant. Le propos est passionnant, certains effets sont un peu datés. BR FR 

Le maître-nageur (Jean-Louis Trintignant, 1979) 0
Sur la Riviera, un brave type engagé comme maitre-nageur chez un milliardaire (Moustache) en fauteuil roulant réalise que celui-ci est un humiliateur. Les riches sont des salauds, leurs valets (Jean-Claude Brialy) des lopettes et les pauvres des victimes consentantes : cet essai en forme de comédie absurde sur l'enfer du capital, plâtré à la truelle, est inregardable. Malgré Guy Marchand en maillot de bain, qui lui ne l'est pas. BR FR

Primal, Saison 2 (Genndy Tartakovsky, 2022) 0
Un Cro-Magnon et une femelle Tyrannosaure font des rencontres sauvages dans le monde des origines. Presque tout ce qui faisait la force de la saison 1 - unité de temps et d'action, concentration sur les instincts primaires - a disparu dans celle-ci qui accumule les personnages - Vikings, Egyptiens, etc... -, les péripéties et les interminables scènes de baston gueulardes. Il reste le design des paysages mais je n'ai pas tenu. Abruti. BR BE

Les lois de l'hospitalité / Our hospitality (Buster Keaton, 1923) ***
Venu dans le Kentucky hériter d'une maison, un jeune homme se retrouve au coeur d'un vieux différent avec une famille voisine. Le premier vrai long-métrage de Keaton panache action, romance et comédie autour de gags visuels absurdes qui font la part belle au sens du danger et à la prouesse physique. Les idées de mise en scène se succèdent dans une dynamique de mouvement incessant, du début en train à la cascade de la fin. BR FR

Megan (Gerard Johnstone, 2023) ***
La tante ingénieure d'une orpheline lui construit une poupée robot intelligente qui doit s'occuper d'elle. Mais la machine s'émancipe. "Si vous laissez les bonnes parler, un jour elles vous répondent" disait Guitry. C'est un peu l'idée de cet excellent thriller d'horror à la tension continue qui présente une cyber-méchante fascinante - hybride de marionnette, d'animatronics et de live - et évoque avec malice et clairvoyance les dangers de l'A.I. BR FR 

X (Ti West, 2022) **
En 1979 au Texas, quelques wanabees louent une ferme à un couple de vieillards pour y tourner un film porno et réveillent la libido de la femme. L'abîme physique désespérant entre la sexualité de la jeunesse et de la vieillesse est le véritable intérêt de ce slasher parfaitement réalisé - comme souvent chez Ti West - mais qui cherche trop à être malin dans sa technique et ses références à l'horror 70s, qui flashent et affaiblissent le film. BR DE 

Le prêtre / El sacerdote (Eloy de la Iglesia, 1978) ***
En 1966 à Madrid, un prêtre vierge de 36 ans tente de lutter contre les fantasmes que son entourage éveille en lui. La chape castratrice de l'Eglise catholique sous Franco en prend pour son grade dans ce brûlot qui enfile les désirs pansexuels de son anti-héros - formidable Simón Andreu - dans une suite de scènes à l'ironie tragique. La charge est outrancière mais le film, incroyablement audacieux, reste très contemporain dans son message. BR ES  

On ne joue pas avec le crime / 5 against the house (Phil Karlson, 1955) **
Revenu de la guerre de Corée atteint de stress post-traumatique, un étudiant en entraîne trois autres et la copine de l'un d'eux à faire un casse dans un casino de Reno, Nevada. Un petit film de série qui bénéficie de la mise en scène nerveuse de Karlson et d'une splendide photo N&B. Le plus intéressant est le sous-thème du PTSD et le casting, avec le sexy Guy Madison en principal et le glamour de Kim Novak en décor. BR UK

Il faut tuer Birgitt Haas (Laurent Heynemann, 1980) ***
Devant assassiner une ex-terroriste allemande, les services secrets français (Philippe Noiret) choisissent un quidam dépressif (Jean Rochefort) pour lui faire porter le chapeau d'un crime de passion. Derrière les rouages palpitants de l'histoire de barbouzes, le film brosse le portrait déchirant de personnages blessés en quête de chaleur humaine. Dans décor froid de Munich, le casting excelle et Linda Kreuzer est inoubliable. BR FR

1 avril 2023

Films vus par moi(s): avril 2023


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

La fière Tzigane / Gypsy wildcat (Roy William Neil, 1944) **
Une belle bohémienne est convoitée par un baron calculateur qui a découvert qu'elle était duchesse. Le cinquième opus Universal du duo Maria Montez-John Hall ne déroge pas à la règle : les décors, les costumes et le Technicolor criard font le spectacle, aussi absurde que bon enfant. Comme d'habitude, Maria Montez semble tombée là par hasard, s'en fout et c'est formidable. Un chant de révolte des Tziganes rappelle la date du film. BR US

Soudan / Sudan (John Rawlins, 1945) **
En Egypte ancienne, une princesse devenue esclave tente de retrouver son statut. Le dernier des six films Universal avec Maria Montez et John Hall est, comme les autres, un concentré de kitsch en Technicolor Kalmus et d'exotisme en carton-pâte et matte painting. L'absurdité de l'ensemble est réjouissante, comme le jeu appuyé des acteurs, l'érotisme de studio et, le chant patriotique final. Du cinéma de genre de pur premier degré. BR US

The other side (Roberto Minervini, 2015) **
En Louisiane, la vie de Mark, un déclassé accro à la meth. A la fois hard et élégiaque, cette plongée chez les rebuts de l'Amérique qui survivent dans leurs trailers joue sur l'extrême proximité avec ses personnages. Ils jouent leur quotidien de débrouille, de sexe, de drogue et de nihilisme politique devant la caméra, déstabilisant le spectateur qui hésite entre doc - ce que le film est - et fiction. La fin ouvre sur une autre violence américaine. DVE Z2 FR

Martin (George A. Romero, 1977) ***
A Pittsburgh, un jeune homme qui s'identifie à un vampire vient s'installer chez un vieux cousin bigot qui se met en tête que le garçon est bien Nosferatu. Dans le décor de sinistre de la ville minière à l'abandon, les solitudes individuelles se croisent sans arriver se rapprocher dans ce film désespéré qui prend le prétexte de l'horror pour parler de l'aliénation moderne. Comme toujours chez Romero qui signait là un autre chef-d'oeuvre. BR UK

Irma la Douce (Billy Wilder, 1963) **
A Paris, un ex-flic naïf (Jack Lemmon)  et une prostituée (Shirley MacLaine) s'éprennent l'un de l'autre. Pour la sortir du trottoir, déguisé en riche et généreux lord anglais, il se fait passer pour un client. Centré comme souvent sur la confusion d'identités, le film de Wilder a retiré tous les numéros musicaux de la pièce d'origine et est trop long. Mais les situations et dialogues sont excellents et le décor reconstitué des Halles splendide. BR UK

American Pop (Ralph Bakshi, 1981) ***
De 1900 à 1980, l'histoire de quatre générations de pères et fils qui travaillent tous dans l'industrie musicale de leur temps. Un formidable film d'animation en rotoscopie (les acteurs filmés sont ensuite dessinés) qui panache les parcours individuels et les actualités d'époque sans pathos mais avec beaucoup de mélancolie. L'ensemble est superbe visuellement, très émouvant dans la narration et la B.O., du torch song au punk, géniale. Web 

Seuls les anges ont des ailes / Only angels have wings (Howard Hawks, 1939) ***
En Amérique centrale, une aventurière passe une semaine dans une auberge qui est le siège d'une petite entreprise aérienne. Suspense, sentiment et exotisme s'accordent miraculeusement dans ce classique inaltérable qui n'accorde aucune place à la facilité mélodramatique pour parler des corps et des coeurs dans la mort et la vie. Le casting et la mise en scène étincellent sur des dialogues adultes qui font mouche. Un chef-d'oeuvre. BR UK

Les survivants de l'infini / This island Earth (Joseph M. Newman, 1955) **
Deux scientifiques sont enlevés par les derniers habitants d'une planète en guerre qui auraient besoin de l'uranium terrestre pour se défendre. Un classique de la SF Fifties dont les scènes sur la planète condamnée Metaluna font usage de décors miniatures et en matte-painting formidables et d'un mutant mémorable. Le message assez pessimiste, qui contraste avec le flamboiement du Technicolor, révèle l'époque de la Guerre Froide. BR FR

Le secret des Incas / Secret of the Incas (Jerry Hopper, 1954) ***
Au Pérou, un américain installé comme guide touristique à Cuzco convoite un trésor inca cherché par des archéologues et un receleur. Pillé par Lucas et Spielberg pour Indiana Jones, un très chouette film d'aventures avec les bonbons que sont Charlton Heston en baroudeur alpha, le décor naturel de Machu Picchu, le Technicolor éhonté et les trilles d'Yma Sumac. Et de savoureux dialogues. Parfait pour un samedi soir tranquille. BR US

5 mars 2023

Films vus par moi(s): mars 2023


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Parade de printemps / Easter parade (Charles Walter, 1948) ***
En 1912 à New York, un danseur de music-hall planté par sa partenaire propose à une jeune femme de la remplacer sur ses spectacles. Fred Astaire et Ann Miller virevoltent et bondissent tandis que Judy Garland reste plus posée mais aussi charismatique que d'habitude dans ce classique du Musical jalonné de mémorables chansons par Irving Berlin où le Technicolor et la reconstitution d'époque flamboient. Un bol d'air frais. BR US

EO (Jerzy Skolimowski, 2022) **
En Pologne, un âne balloté au gré de rencontres observe à ses dépends le comportement des humains. Dérivé de l'incomparable "Au hasard Balthazar" de Bresson, le récit d'une vie animale soumise aux caprices des Hommes. Bizarrement, le film m'a fait penser à du Disney nihiliste. Le travail sur l'image et le son est remarquable et certains moments bouleversants mais la séquence avec Isabelle Huppert ruine l'excellence. BR FR   

Variety (Bette Gordon, 1983) **
La caissière d'un ciné porno de Times Square file un client bien mis qui l'intrigue. Entièrement construit du point de vue de la jeune femme, un film noir inversé en female gaze dont les péripéties traînent un peu mais qui montre l'atmosphère et le décor du New York de 1980 à merveille. D'autant plus que Nan Goldin - qui tient un rôle - a travaillé avec la réalisatrice sur le projet. Un film de femmes qui est à la fois time capsule et pionnier. BR FR  

The last of us - saison 1 (Neil Druckmann & Craig Mazin, 2023) ***
Dans le monde détruit par la contamination d'un parasite, un quadragénaire taiseux et une adolescente immune traversent les USA devenus une terre de tous les dangers. Les rares scènes avec les zombies-champignons sont les seuls clichés rébarbatifs de cette série qui prend avec audace et intelligence des chemins de traverse pour explorer les liens inter-humains qui ont survécu. Et là, c'est souvent touchant et profond. Et excellent. Netflix

Piccolo corpo (Laura Samani, 2021) ***
En 1901, une jeune femme du Frioul italien dont la fille est morte-née entreprend avec le petit corps un voyage à pied vers un sanctuaire dit miraculeux. On la suit dans son épreuve physique et émotionnelle et les rencontres qu'elle fait sur son chemin, dont celle d'un jeune aventurier. Austère mais magnifique de ses paysages, ce véritable conte - de fées ? - panache avec réussite réalisme, symbolisme et féminisme. Un très beau film. DVD Z2 FR

Fort Massacre (Joseph M. Newman, 1958) ***
Devenu enragé après le massacre de sa famille par les Apaches - enfin, c'est plus compliqué que ça -, un sergent qui conduit quelques soldats vers la protection d'un fort les met en danger en s'acharnant à sa vengeance sur les Indiens. Sur une mise en scène dégraissée et des dialogues secs et percutants, un surprenant western avec son anti-héros suicidaire totalement atypique. Joel McCrea, comme toujours, est formidable. BR FR

Le soldat Laforêt (Guy Cavagnac, 1971) 0
En 1940, un soldat français qui s'est perdu en Aveyron traverse la région et fait rencontre divers personnages sur son chemin. La campagne, cette grande absente du cinéma, est le merveilleux décor naturel de ce petit film un peu hippie et antimilitariste qui aurait pu avoir une fraîcheur folle. Mais les stéréotypes plats des gens rencontrés et le surjouage de plusieurs acteurs - pas le principal - brisent le charme. Et c'est raté. DVD Z2 FR

Le locataire / The tenant (Roman Polanski, 1976) **
A Paris, le locataire (Roman Polanski) d'un appartement dont l'occupante précédente s'est suicidée se met en tête que les habitants de l'immeuble en veulent à sa peau. Une plongée dans la schizophrénie, cette variation sur "Répulsion" (1965) et "Rosemary's baby" (1968), qui en répète thématique paranoïaque et structure, est passionnante pour le décor, la photo, la musique et l'improbable galerie d'acteurs/personnages. Tordu. BR US

3 février 2023

Films vus par moi(s): février 2023


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Frère et soeur (Arnaud Desplechin, 2022) **
Approchant de la cinquantaine, un frère et une soeur qui se haïssent de loin depuis vingt ans se revoient quand leurs parents ont un accident de voiture. Sans contexte ni explication - c'est une excellente idée - les sentiments destructeurs intra-familiaux étouffent la vie dans ce drame/mélodrame porté par Marion Cotillard et Melvil Poupaud métamorphosés en boules de nerfs. Si on s'y retrouve, le film peut-être aussi sauvage qu'apaisant.  BR FR

Elvis (Baz Luhrmann, 2022) *
Le destin d'Elvis Presley, centré sur son lien avec son agent, le Colonel Parker. Un nième biopic sur Elvis, qui, de son adolescence à sa mort, expédie tout si vite malgré ses 2h30 qu'on a l'impression d'une synthèse "...pour les Nuls". Austin Butler est bon - sur la voix du King pour les chansons -, comme Tom Hanks dont le personnage est de loin le plus intéressant du film. Une série eut sans doute été plus satisfaisante. BR UK 

Bros (Nicholas Stoller, 2022) *
A New York, le rapprochement hésitant entre le directeur d'un futur musée LGBTQ+ et un avocat rencontré en boîte. Une rom com gay sympathique où les clichés éculés sont contrebalancés par le regard plutôt juste sur les insécurités identitaires et les bouleversements d'une relation naissante. Tout cela se passe dans un milieu privilégié mille fois vu mais les deux personnages sont attachants, une qualité essentielle dans le genre. BR UK

Gunda (Viktor Kossakovsky, 2020) ***
Dans une ferme danoise, les jours d'une truie et de ses porcelets. Dans un noir et blanc contrasté magnifique et sur une bande son constituée uniquement des bruits de la nature, la famille cochonne, quelques poules et un troupeau de vaches sont filmés à leur hauteur. Toute action est une aventure et sans aucun anthropomorphisme, les attitudes des animaux nous parlent, les émotions surgissent, jusqu'à la fin déchirante. Superbe. DVD Z2 DE

Équation à un inconnu (Dietrich de Velsa, 1980) **
Un jeune motard doté fantasme de rencontres sur sa route. Réalisé sous pseudo par le peintre Francis Savel, ce porno gay sorti de l'oubli il y a quelques années est un film d'art bien plus de sexe. Sur une bande sonore étonnante mêlant classique, électronique et bruits incongrus - des rires féminins sur une scène d'orgie -, les images et les attitudes des garçons très fin 70s poussent le film vers une certaine mélancolie, juste avant l'arrivée du sida. BR US

Et j'aime à la fureur (André Bonzel, 2021) **
A partir de petits films familiaux personnels ou d'amateurs anonymes de 1900 à 1990, le réalisateur de 60 ans se raconte, nous raconte. Dans tous ses états, c'est le flux des existences qui s'écoule sur des images dont le montage ingénieux célèbre l'émerveillement d'être ou d'avoir été vivant. Si la voix off du cinéaste, trop présente, débite parfois des banalités (d'où le **), le film est sincèrement beau et émouvant. Et les deux dernières minutes miraculeuses. BR FR

L'invasion vient de Mars / Invaders from Mars (Tobe Hooper, 1986) 0 ou NS
Un garçon de dix ans (le fils de Karen Black) qui a vu un vaisseau spatial se poser près de chez lui trouve ses parents changés et s'en confie à une infirmière (Karen Black). Ils enquêtent. Remake d'un classique de SF de 1953, ce film d'horreur pour enfants bénéficie d'une belle photo et de créatures grotesques mais se révèle un navet de première... ou un pastiche malicieux car le casting entier a un jeu trop épouvantable pour être vrai. BR UK

La classe américaine (Michel Hazanavicius & Dominique Mézerette, 1993) ***
Une prouesse de malice, de montage et de doublage qui utilise des dizaines d'extraits de films Warner en les détournant pour composer un absurde et hilarant pastiche du cinéma hollywoodien classique et moderne. Hoffman et Redford y enquêtent sur la mort de Wayne (Georges Abitbol, "l'homme le plus classe du Monde") et croisent Stewart, Gable, Welles, Presley, Lancaster, Dickinson, Bacall et plein d'autres. Un flim culte, absolument. Internet

Long, long time / The last  of us, saison 1, épisode 3 (Peter Hoar, 2023) ***
Des critiques sur cet épisode m'ont intrigué alors j'ai repris The Last of us. Autant je continue à trouver les péripéties avec les zombies à tête de chou emmerdantes, autant l'épisode 3 m'a cueilli. Détour inattendu et audacieux de la série, l'histoire d'amour sur vingt ans entre deux gays survivants de l'Apocalypse est l'une des plus belles et émouvantes choses que j'ai vues sur un écran depuis longtemps. Quand les yeux se brouillent... Amazon Prime

As bestas (Rodrigo Sorogoyen, 2022) ***
Installé dans un hameau des montagnes de Galice, un couple de Français venu faire du bio fait l'objet de la haine de deux voisins. Si le sujet peu sembler déjà vu, c'est la mise en scène du film qui emporte le spectateur dans sa spirale étouffante de violence psychologique, dans un paysage pluvieux de champs et de forêts qu'on ressent physiquement. Avec des acteurs tous excellents, dont Denis Ménochet, Marina Foïs et Luis Zahera. BR FR

Black phone / The black phone (Scott Derrickson & C. Robert Cargill, 2022) **
En 1977, un adolescent enlevé par un psychopathe masqué essaye de s'échapper de la cave où il est séquestré, aidé par les voix des garçons tués avant lui. De l'horror assez vieille école - la meilleure - qui joue sur l'atmosphère poisseuse et le jeu inquiétant à visage caché d'Ethan Hawke. Le regard sur l'Amérique déclassée et le choix de ne rien expliquer renforce l'originalité du film, sorte de teenage movie pour une fois cérébré. BR FR

2 janvier 2023

Films vus par moi(s): janvier 2023


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Everything everywhere all at once (Daniels, 2022) NS ou 0
Une sino-américaine (Michelle Yeoh) débordée a accès au multiverse et expérimente d'autres vies d'aventures. Ça doit être un peu ça car j'ai stoppé au bout de 30', assommé par la mise en scène racoleuse, l'hyperactivité gesticulante des acteurs et l'artifice imbuvable de l'ensemble. Jamie Lee Curtis semble pas mal en contrôleuse des impôts mais je suis trop vieux pour ces conneries industrielles construites sur l'esbrouffe. BR FR 

Gorge profonde / Deep throat (Gerard Damiano, 1972) **
Après que son gynécologue lui eut annoncé en se rhabillant que son clitoris se trouvait au fond de sa gorge, une femme au foyer frigide se rattrape en orgasmes. Avec son humour lourdaud, son attitude décontractée par rapport au sexe - l'excitation est bon enfant - et ses moustaches et entrejambes aux pilosités luxuriantes, le film séminal du porno reste une réjouissante time capsule du tournant des Seventies. Linda Lovelace dégage une tristesse infinie. DVD Z1 US

Hitler... connais pas (Bertrand Blier, 1963) **
En 1962, une douzaine de jeunes autour de vingt ans se racontent, seuls face à la caméra. Le titre putassier au possible - l'idée même d'Hitler est absente du film - cache un documentaire superbement éclairé en N&B et au montage créatif où le langage facial et corporel complète la parole, bravache ou désabusée. Rien n'annonce 1968 sauf, peut-être, une franchise nouvelle par rapport au sexe. C'est le premier film de Blier, qui avait 23 ans. Amazon Prime

Dr. Jekyll et Mr. Hyde / Dr. Jekyll and Mr. Hyde (Rouben Mamoulian, 1931) ***
A Londres, un jeune psychiatre teste sur lui une potion qui permet de séparer l'homme cultivé et l'homme primitif enfoui en lui. Commençant par une longue séquence en caméra subjective, la première au cinéma, une adaptation Pre Code de Stevenson qui insiste sur la frustration sexuelle comme moteur d'action. Fredric March est excellent en dandy et en Néandertalien, transformé à l'écran par un effet visuel impressionnant. BR US

The last of us - saison 1, épisode 1 (Neil Druckmann & Craig Mazin, 2023) NS
Dans un Boston post-apocalyptique, le monde vaincu par le fugus - si j'ai compris -, le combat pour la survie d'un petit groupe de durs-à-cuire. Je n'en saurai pas plus car il n'y aura pas d'épisode 2 pour moi. Après une première demi-heure excellente, c'est reparti avec les zombies qui courent partout et l'ado de service et je me suis demandé comment les gens n'ont pas marre de ces histoires et de ces images-là. Amazon Prime

La Californie (Jacques Fieschi, 2005) 0
Sur les hauteurs de Cannes, une quinquagénaire (Nathalie Baye) seule et fortunée entretient tout un petit monde, gigolo, dame de compagnie et coiffeur. Sur un sujet très camp dont Fassbinder ou John Waters auraient fait tout autre chose, un drame empesé dont les péripéties sont trop artificielles pour intéresser ou convaincre. Mais Roschdy Zem en frappe yougoslave et surtout Mylène Demongeot en amie souffre-douleur valent le coup d'oeil. DVD Z2 FR

Un jour à New York / On the town (Gene Kelly & Stanley Donen, 1949) *
Trois marins (dont Gene Kelly et Frank Sinatra) en permission de 24 heures à New York visitent la ville et rencontrent trois filles. Novateur dans son utilisation - partielle - des rues de Manhattan, un Musical très sympathique mais dont le scénario trop léger, les chansons peu mémorables et le choix de chorégraphies démonstratives font qu'on s'ennuie un peu, péché cardinal du genre. Les allusions sexuelles qui parsèment l'ensemble sont étonnantes. BR FR 

Jalouse (David & Stéphane Foenkinos, 2017) 0 
Une prof de littérature quinquagénaire dépressive jalouse et tente de détruire les bonheurs de ses proches. Le thème du film, vraiment intéressant, est gâché par le grand écart entre sa noirceur et son traitement teinté de comédie, amplifié par le surjouage - malheureusement habituel - de Karin Viard qui ôte toute crédibilité à son personnage. Résultat : on ne voit que les ficelles, comme celle de cette réplique finale indigne. Netflix

Les Olympiades (Jacques Audiard, 2021) ***
A Paris 13e, dans les tours des Olympiades, quatre jeunes adultes un peu perdus dans leur vie cherchent chacun un lien affectif. Dans un noir et blanc qui magnifique le quartier de béton et de verre et une mise une scène d'une fluidité exaltante, ces jeux de l'amour, du hasard et des réseaux sociaux sont portés par des acteurs radieux dont les personnages sont tous sincèrement touchants. Un film dont on sort heureux, c'est rare. BR FR

Cinq pièces faciles / Five easy pieces (Bob Rafelson, 1970) ***
Son père malade, un ouvrier du pétrole californien, ex pianiste, rejoint sa famille bourgeoise près de Vancouver. Jack Nicholson est au sommet en trentenaire en rupture de ban aliéné par lui-même et la société entière. Sur les chansons de Tammy Wynette, dans des scènes tragi-comiques inoubliables et illuminé par Karen Black et Lois Smith, le grand film existentiel américain du début des 70s reste intemporel, désespérément. BR US

Les crimes du futur / Crimes of the future (David Cronenberg, 2022) 0
Un artiste (Viggo Mortensen) fait pousser de nouveaux organes dans son corps que sa partenaire (Léa Seydoux) extrait lors de performances publiques. Après le début intrigant et prometteur, le film - très prétentieux - retombe vite dans la reprise des obsessions corporelles de Cronenberg, qu'il a bien mieux explorées il y a longtemps. Je me suis ennuyé, endormi et réveillé juste avant le générique de fin, en ayant vu assez pour la note. BR FR  

Chacun cherche son chat (Cédric Klapisch, 1996) **
Pendant quelques jours d'été à Paris, une jeune femme cherche son chat, perdu par la voisine qui le gardait. L'histoire est le prétexte à une chronique tendre autour de personnages attachants, notamment les vieilles du Faubourg Saint-Antoine, le quartier alors en mutation qui est le véritable héros du film. Tout cela reste très sympathique, comme une capsule temporelle qu'on peut rapprocher, sur un ton différent, du "Rayon vert" (Eric Rohmer, 1986). BR FR

2 décembre 2022

Films vus par moi(s): décembre 2022

*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Monsieur Joe / Mighty Joe Young (Ernest B. Schoedsack, 1949) **
Ramené d'Afrique avec sa propriétaire pour se produire dans un cabaret de Hollywood, un gorille géant sème le chaos avant de se racheter. Seize ans après "King Kong", la même production remet ça, ciblant cette fois le public juvénile. Le film n'a en rien la portée mythique du premier mais fonctionne, une fois les limites des acteurs acceptées, grâce à son rythme et le spectacle des trucages, les premiers de Ray Harryhausen. BR DE

Le chant du Missouri / Meet me in Saint Louis (Vincente Minnelli, 1944) ***
En 1903 à Saint Louis, la famille Smith coule des jours tranquilles jusqu'au moment où le père annonce qu'ils vont s'installer à New York. Au rythme des saisons en Technicolor, les bonheurs et les peines de la jeunesse tissent le fil ténu de ce classique du Musical qui enchaîne les morceaux de bravoure intimistes, portés par le charisme fou de Judy Garland et la justesse du personnage de la petite Margaret O'Brien. BR FR  

Je suis un aventurier / The far country (Anthony Mann, 1954) ***
Ayant récupéré le bétail qu'un shérif lui avait confisqué, un convoyeur part chercher de l'or dans une communauté minière d'Alaska pour s'y retrouver à nouveau face au shérif corrompu. James Stewart excelle dans le rôle atypique pour lui d'un homme égocentrique qui se voit obligé de s'impliquer pour la communauté. Dans de magnifiques paysages naturels, un western admirable sur lequel flotte l'identité profonde de l'Amérique. BR FR

West Side Story (Steven Spielberg, 2021) *
Dans la zone de Manhattan en 1957, Tony et Maria tombent amoureux alors que leurs bandes, les Jets et les Sharks, s'affrontent. Bien sûr, la musique, la chorégraphie et l'histoire sont formidables et c'est toujours un plaisir mais je n'ai pas vu la plus-value de refaire à l'écran ce qui avait été fait si bien par Robert Wise en 1961, sans y avoir apporté une actualisation du cadre contemporaine. On n'a donc qu'un remake, bon mais assez vain. BR FR  

Vortex (Gaspar Noé, 2021) ***
Dans un appartement parisien, les derniers jours d'un couple d'octogénaires, un ancien critique de cinéma cardiaque et une ancienne psychiatre frappée de démence. Reposant entièrement sur les exceptionnelles performances en improvisation de Dario Argento et de Françoise Lebrun - et d'Alex Lutz, jouant leur fils - et une minutieuse mise en scène en split screen, un film éprouvant mais magnifique sur la boucle toujours bouclée des existences. BR FR  

Sans famille (Marc Allégret, 1934) ***
Devenu adolescent, un petit aristocrate anglais volé bébé mène en France une vie vagabonde jalonnée de rencontres généreuses et funestes. Cette adaptation du roman d'Hector Malot accumule les coïncidences mélodramatiques à un rythme effréné qui en font un modèle de narration feuilleton et de cinéma populaire. Et ça fonctionne, porté par le pathos, l'humour et un formidable casting autour du jeune et tragique Robert Lynen. VHS 

La vie criminelle d'Archibald de la Cruz / Ensayo de un crimen (Luis Buñuel, 1955) **
A Mexico, un homme a des pulsions de mort envers des femmes de son entourage. La faute morale d'envisager le crime ou de le réaliser est-elle la même ? Au-delà de cette question qui borde le film, Buñuel dessine un cas psychanalytique de type freudien dont les méandres et le symbolisme, paradoxalement, s'accordent mieux au concept jungien de complexe mère. Le tout sur un fond de mélodrame académiquement surréaliste. BR FR  

Le Prince et la danseuse / The Prince and the Showgirl (Laurence Olivier, 1957) ***
A Londres pour le couronnement de George V en 1911, le roi de Carpathia invite une showgirl du West End à dîner à l'ambassade. Je l'avais déjà revu il y a quelques mois et dit tout le bien que je pense du jeu irrésistible de Marilyn Monroe face à l'inconfort de Laurence Olivier. Quelque chose de plus m'a frappé cette fois : la dénonciation subtile, menée avec humour mais courage, de la prédation masculine. Un film vraiment étonnant. Cinémathèque Française 

Fanfare d'amour (Richard Pottier, 1935) **
Travestis pour l'occasion, deux musiciens sans le sou se font embaucher dans un orchestre féminin. Quiproquos à la pelle pour cette comédie dont Billy Wilder a fait un inégalable remake en 1959 : Some like it hot. Ici, les péripéties, la dynamique et la mise en scène appartiennent au théâtre de boulevard, sublimées par un joyeux casting - Fernand Gravey et Julien Carette sont formidables - qui semble s'amuser de l'absurdité générale. TV  

Orfeu Negro (Marcel Camus, 1959) **
Sur les hauteurs de Rio, un guitariste tombe amoureux d'une nouvelle voisine qui se sent suivie par un personnage sinistre. L'histoire d'Orphée et Eurydice est transposée au Brésil dans ce Musical tonitruant qui ouvrit au monde la bossa-nova, le carnaval et la liberté des corps. Malgré un coup de mou au milieu, l'entrain des acteurs, le rythme endiablé des percussions et des danses et la couleur vibrante en font un film total qui est resté unique. BR FR

Les Desperados / The Desperadoes (Charles Vidor, 1943) **
Des notables du Wyoming font passer le cambriolage meurtrier qu'ils ont commis de leur banque pour le méfait d'un jeune homme (Glenn Ford) dont la tête est mise à prix. Les superbes paysages naturels en Technicolor illuminent ce western qui fonce à bride abattue dans ses péripéties incessantes avec action, humour et sentiment. Les clichés du genre sont bien présents, mais dynamisés par la générosité enthousiasmante du film. BR FR

Les hommes préfèrent les blondes / Gentlemen prefer blondes (Howard Hawks, 1953) ***
A destination de Paris, une croqueuse de diamants et une croqueuse d'hommes font une traversée atlantique en paquebot. Constamment drôle, coloré, malin et culotté, un Musical dont la fraîcheur reste intacte à chaque révision. Les chansons inoubliables et l'énergie heureuse de Marilyn Monroe et de Jane Russell s'accordent à la mise en scène dynamique pour créer une sorte de bonbon pétillant irrésistible. Cinémathèque Française

Notre-Dame brûle (Jean-Jacques Annaud, 2022) *
Le combat des pompiers de Paris lors de l'incendie du 15 avril 2019. En décors grandeur nature et un peu de CGI, en séquences de fiction et images d'archives, les événements sont racontés à grands traits d'une écriture et d'une mise en scène académiques qui ne lésinent pas sur les symboles et le pathos. Les scènes de feu sont impressionnantes mais le tout, paradoxalement, manque d'âme. Anne Hidalgo joue la maire de Paris. BR FR

Moonfall (Roland Emmerich, 2022) *
La Lune, décrochée de son orbite, menace de s'écraser sur Terre. Un ex-astronaute, la directrice de la NASA et un geek astronome partent tenter de rétablir l'équilibre et découvrent les dessous de notre satellite. Encore un film catastrophe d'Emmerich, resucée de ses autres avec surenchère dans la débilité scénaristique et l'hyperbole visuelle. Bizarrement, on s'ennuie sans s'ennuyer et l'idée de l'AI conquérante est intrigante. BR FR

Sous le ciel bleu d'Hawaï / Blue Hawaii (Norman Taurog, 1961) **
Revenu du service militaire, un garçon qui vit à Honolulu avec ses parents y devient guide touristique. Son premier client :  quatre jeunes filles et leur chaperon. Un des films les plus légers d'Elvis - c'est peu dire - est aussi l'un des plus sucrés grâce au décor d'Hawaï en 1960, du Technicolor et des chansons à refrain - Are you lonsemone tonight? - qui s'enchaînent. Angela Lansbury a dit que c'était le niveau zéro de sa carrière. Moi, j'aime bien... BR UK

1 novembre 2022

Films vus par moi(s): novembre 2022


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Vaudou / I walked with a Zombie (Jacques Tourneur, 1943) ***
Chez des colons d'une île caraïbe, une infirmière réalise que la jeune femme cataleptique dont elle s'occupe est frappée d'un sort vaudou. Chef-d'oeuvre d'horror atmosphérique, l'un de joyaux désespérés des productions Val Lewton fait s'affronter les cultures des occupants et des insulaires, de la raison et de l'irrationnel. Les images aussi inquiétantes que lyriques culminent dans la sublime séquence nocturne dans la sucrière au son des tambours. BR DE  

La machine à explorer le temps / The time machine (George Pal, 1960) ***
Le 31 décembre 1899, un inventeur londonien se propulse dans sa machine à explorer le temps jusqu'en 802 701. Une fois par décennie, je revois ce film qui m'avait tant impressionné enfant. Les Morlocks dans la lueur des allumettes, le sirènes du Sphinx, Weena qui sourit, la Machine Art Nouveau, la virilité de Rod Taylor et les trois livres qu'il a emportés continuent à me transporter. Mais le temps a passé et le sentiment a pris en gravité. BR US

Les sept femmes de Barbe-Rousse / Seven brides for seven brothers (Stanley Donen, 1954) ***
Dans l'Oregon, six frères célibataires s'emparent de six jeunes femmes du village de l'épouse de leur aîné. Inspiré par l'enlèvement des Sabines, un Musical rural dont le propos, dans le contexte contemporain, peut faire grincer des dents. Mais le dynamisme des chansons et des chorégraphies - l'athlétique séquence de la grange est exaltante - emporte tout, comme le Technicolor des décors peints et le casting mené par Howard Keel et Jane Powell. BR US

Licorice pizza (Paul Thomas Anderson, 2021) **
En 1973 à L.A., un collégien de quinze et une stagiaire de vingt-cinq ans sympathisent et s'associent en affaires. Un chronique californienne tendre et généreuse qui déroule comme ça, entre la rencontre et le baiser, des péripéties plutôt absurdes et amusantes à l'intérêt entièrement construit sur la mise en scène - cf. la première séquence, formidable - et la présence à l'écran de ses deux jeunes acteurs, Alana Haim et Cooper Hoffman. BR FR

Alice et le maire (Nicolas Pariser, 2018) **
Las et hésitant à se présenter à l'investiture socialiste à la présidentielle, le maire de Lyon embauche une jeune philosophe pour l'aider à remettre ses idées en place. Sur un sujet qui pourrait être du 17e siècle, l'étude bien contemporaine de la pensée devenue communication en politique. Le film est intelligent et touchant, par sa mise en scène épurée et la justesse de Fabrice Luchini - en retenue - et d'Anaïs Demoustier, toujours parfaite. BR FR

The Crown, Season 5 (Peter Morgan, 2022) **
De l'incendie de Windsor au divorce de Charles et Diana, la decas horribila de la famille royale. Portée par une musique funèbre, la 5e saison est plus sombre que les autres, concentrée sur les conflits intimes de ses quelques personnages choisis. Mais l'idée géniale de panacher moments connus de tous et confidences de trou de serrure fonctionne à plein, même si Imelda Staunton ressemble moins à la Reine d'Angleterre qu'à l'Impératrice de Chine. Netflix

L'équipée sauvage / The wild one (Laslo Benedek, 1953) *
Menée par un séduisant taiseux, une bande de motards en blouson noir chahute une petite ville américaine tranquille. L'importance historique sociétale du film est indéniable, Marlon Brando est vraiment charismatique et certaines images et attitudes sont passées à la postérité. Mais les rebelles à la moto et à la Bud d'hier semblent de bons garçons et leurs méfaits bien désuets 70 ans plus tard. La force d'origine est perdue. BR UK  

Les voyages de Gulliver / The 3 worlds of Gulliver (Jack Sher, 1960) 0
Un médecin naufragé échoue sur une île peuplée de lilliputiens puis une autre de géants. Cette adaptation du roman satirique de Swift, bien trop bavarde pour les enfants et bien trop infantile pour les adultes, ennuiera tout le monde. Les trucages des tailles sont bons mais les effets répétitifs - caméra en plongée ou contre-plongée - et Ray Harryhausen n'anime qu'un malheureux crocodile. Reste la partition de Bernard Herrmann. BR UK

Guy (Alex Lutz, 2018) ***
Un jeune documentariste suit au quotidien un ancien chanteur populaire des années 70-90 qui s'est retiré dans le Var mais tourne encore un peu. Pas du tout un film de nostalgie pop mais une chronique mélancolique sur le temps qui passe, les souvenirs qu'il laisse et les chemins qu'il referme. Alex Lutz est assez incroyable dans le rôle de l'artiste désabusé qui parle à son interlocuteur face caméra. Une élégie qui fait du bien et du mal. DVD Z2 FR

Cherchez la femme (Sou Abadi, 2017) **
Devenu islamiste, le frère d'une étudiante de Sciences-Po refuse qu'elle voie son copain. Celui-ci a l'idée de se cacher sous un niqab pour la retrouver, sans imaginer qu'il va séduire le frère. Il y a du "Some like it hot" chez les intégristes musulmans dans cette comédie vraiment drôle sur les idéologies et les apparences. Et par l'humour des situations, l'audace d'un regard léger sur un sujet sérieux. Félix Moati est excellent sous son voile. DVD Z2 FR

Qui tire le premier ? / A time for dying (Budd Boetticher, 1969) **
Un jeune homme et une jeune fille qu'il a sauvée d'un bordel partent à cheval vers le ranch du père du garçon. Le dernier film de Boetticher, produit par Audie Murphy - qui fait une apparition dans une belle scène -, est un western à tout petit budget dont le scénario est incertain et l'acteur principal - Richard Lapp - épouvantable. Et pourtant, il se dégage du film un charme indicible, par son humour maladroit et sa mélancolie. BR UK

Section d'assaut sur le Sittang / Yesterday's enemy (Val Guest, 1959) **
En Birmanie en 1942, le capitaine - Stanley Baker, solide - d'une patrouille britannique qui s'est emparée d'un village expérimente à ses dépends l'amoralité de la guerre. Un film de la Hammer qui ose mettre en miroir et à froid les exactions anglaises et japonaises. Dans le décor d'une jungle de studio luxuriante et dans une cinématographie théâtrale, l'humanité se désagrège, ouvrant sur un nihilisme étonnant pour son temps. BR UK

Chocolat (Roschdy Zem, 2016) *
Au tournant des années 1900 à Paris, l'histoire du duo de cirque Footit et Chocolat, qui créa le couple clown blanc/auguste. Le premier artiste de scène noir en France revient dans la lumière avec ce film qui bénéficie de la présence d'Omar Sy et de James Thierrée, tous deux formidables. Mais qui pâtit d'un d'un scénario et d'une réalisation académiques qui transforment le destin tragique de Chocolat/Rafael en support pédagogique. BR FR

Vampyr (Carl Th. Dreyer, 1932) ***
Descendu dans une auberge campagnarde, un jeune homme fait des rencontres et des expériences morbides. C'est l'atmosphère d'extrême inquiétude et les images génialement évocatrices - la dernière est sublime - qui frappent dans ce film d'horreur autant que d'art et de poésie noire. Tout y est somnanbulique et il faut se laisser porter par les séquences à la dynamique de cauchemar. Aussi, comme tout Dreyer, c'est parfois un peu chiant. BR UK

Les passagers de la nuit (Mikhaël Hers, 2021) **
De 1983 à 1988 à Paris, quelques jours et nuits d'une femme quittée par son époux, de ses deux ados et d'une jeune SDF qu'ils ont accueillie. Les liens d'intimité affective entre les personnages, révélés en une suite de moments impressionnistes, structurent l'histoire dont les péripéties et l'époque pourraient être toutes autres que ça serait la même chose. Charlotte Gainsbourg est parfaite et le décor du quartier Beaugrenelle insolite. BR FR 

Coach to Vienna / Kočár do Vídne (Karel Kachyna, 1966) ***
A la fin de de la Seconde guerre mondiale, une jeune fermière tchèque dont le mari a été exécuté par les allemands doit accompagner dans sa carriole deux soldats de la Wehrmacht jusqu'à la frontière autrichienne. Entièrement situé dans la brume d'une forêt sublimée par des travelings somptueux, un huis-clos à trois personnages sur les complexités morales de la vengeance. Peu est dit, peu se passe et c'est tristement magnifique. BR UK

Les reines du music-hall / Ladies of the chorus (Phil Karlson, 1949) **
Une jeune showgirl courtisée par un riche prétendant fait face à sa mère, showgirl elle aussi, qui craint pour le bonheur de sa fille. Une courte - 58' - comédie musicale qui offre à Marilyn Monroe, 22 ans et radieuse, son premier grand rôle et deux chansons. Elle s'en sort à merveille, laissant même parfois paraître l'aura de la star qu'elle deviendra quelques années plus tard. Une série B à la fois historique et sympathique comme tout. DVD Z2 FR 

Il buco (Michelangelo Frammartino, 2021) **
En 1961 en Calabre, un groupe de spéléologues explore le gouffre du Bifurto, qui se révèlera l'un des plus profonds du monde. Au-dessus, un vieux berger fait paître ses vaches et la nature suit son cours imperturbable. Filmé in situ, le film nous plonge avec les explorateurs dans l'abysse vertical et les pâturages, sans un mot, sans une musique. Les images sont magnifiques et l'expérience, si on la goûte, presque métaphysique. BR UK

The amusement park (George A. Romero, 1973) **
Espérant trouver de la distraction et de la compagnie dans un parc d'attraction, un septuagénaire déchante. Commandé par les services sociaux luthériens pour alerter sur l'invisibilité et la discrimination indigne des personnes âgées, ce moyen métrage de 52' a vite été mis de côté avant sa redécouverte cinquante ans plus tard. C'est du Romero pur jus : mise en scène claustrophobique, horreur sociale, tristesse infinie. Percutant. BR UK