3 avril 2024

Films vus par moi(s): avril 2024

*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

Le château de Barbe-Bleue / Bluebeard's Castle / Herzog Blaubarts Burg (Michael Powell, 1963) **
Quasiment jamais vue pour des questions de droits, l'adaptation filmée pour la télé allemande de l'opéra de Belá Bartók a fait l'objet d'une restauration splendide supervisée par Scorsese et Schoonmaker. N'étant pas fan de l'opéra du 20e siècle, ce n'est ni la musique ni les voix de Norman Foster et d'Anna Raquel Satre qui m'ont emballé. Le génie du film, c'est la mise-en-scène de Powell avec ses décors fous et son Technicolor à la Mario Bava. En juste 1h, l'extravagance visuelle est totale. BR UK 

Les Trois Mousquetaires (Bernard Borderie, 1961) **
Une très bonne adaptation un peu oubliée de Dumas, avec des personnages bien incarnés, notamment Gérard Barray en D'Artagnan idéal. Il y a de l'action, des galops, de l'épée, de l'humour, du drame et de l'Eastmancolor. Sorti en deux parties - "Les ferrets de la Reine" et "La vengeance de Milady" - le film file à bride abattue, sans temps mort et avec des dialogues qui claquent. Un seul bémol : Mylène Demongeot, qu'on adore par ailleurs, est trop jeune pour être une Milady convaincante. DVD Z2 DE 

Le Prix du Danger (Yves Boisset, 1983) *
Fuyant pour sa survie, un candidat du reality show Le Prix du Danger en déjoue le scénario, créant la confusion des producteurs et l'explosion de l'audimat. Un film très Années 80 qui dénonce de façon étonnamment prémonitoire les excès de la télé réalité mais qui, comme attendu avec Boisset, n'y va pas avec le dos de la cuillère dans l'outrance et les stéréotypes. Si Gérard Lanvin est formidable dans un rôle ajusté, Michel Piccoli en fait des tonnes dans la caricature et affaiblit l'ensemble. BR FR

Un prince (Pierre Creton, 2023) **
En Normandie rurale, un étudiant jardinier se découvre une famille de sexe et de coeur et vieillit. C'est ce qu'on appelait avant un "film d'art et d'essai", la "proposition" d'une narration de cinéma différente. Ajoutez des voix off décalées, de la gérontophilie gay, du fantastique et vous avez l'idée. Si l'ensemble m'a paru un peu hermétique et forcé, j'ai aimé la poésie, l'ambiance et l'audace des corps âgés. Puis j'ai lu des mots du réalisateur et j'ai aimé ce qu'il a dit et voulu faire. Un film vraiment autre. DVD Z2 FR  

Ricardo et la peinture (Barbet Schroeder, 2023) **
Portrait de l'homme et du peintre Ricardo Cavallo (né en Argentine en 1954) par un ami de quarante ans. Un beau documentaire sur un artiste à la fois concentré et ouvert qui peint chaque jour les rochers côtiers de Saint-Jean-du-Doigt dans le Finistère, où ils s'est installé en 2003. Histoire de création, d'amitié et d'histoire de l'art, le film laisse la parole à Cavallo qui discute de son étonnant travail et de son éthique de vie en toute générosité. En plus, c'est mon pays, alors... Auditorium du Louvre  

Scoop (Philip Martin, 2024) 0
Les préparations et le tournage de l'interview désastreuse du Prince Andrew diffusée par la BBC en novembre 2019. La famille royale britannique étant une source inépuisable de curiosité et de stupeur, un chapitre de plus sur la tribu. Inspiré par The Queen, The Crown et tout ça, le film se laisse regarder parce qu'il est bien joué et que le cinéma trou de serrure a son attrait. Mais, tout étant basé sur la narration, il n'y a aucune trace de mise-en-scène. L'impersonnel du Netflix style. Netflix 

Le bleu du caftan (Maryam Touzani, 2022) *
Dans une médina du Maroc, un couple de couturiers marié depuis vingt-cinq ans s'aime avec distance : lui est homosexuel placardisé et elle l'a pris sur elle en silence. Ils embauchent un apprenti. Mais pas de galipettes dans l'arrière-boutique : le film, au message franchement progressiste et courageux, est d'une retenue telle avec ses regards pleins de sous-entendus, ses gros plans de larmes sans pleurs et ses chuchotements qu'il semble amidonné à l'eau de rose. Les trois acteurs sont excellents. DVD FR 

À nous la liberté ! (René Clair, 1931) *
En s'échappant de prison, deux détenus amis se perdent de vue. Des années après il se retrouvent, l'un  devenu magnat de l'industrie, l'autre vagabond. Malgré l'excellent casting, un intéressant décor moderniste et de belles idées visuelles, un pamphlet anarchico-musico-burlesque qui m'a fatigué par sa trépidation incessante exaltée par le score de fête foraine de Georges Auric et par son message binaire sur l'enfer du capital et le bienfait de la pêche à la ligne. Mais historiquement, c'est passionnant. BR FR

Le capitaine Volkonogov s'est échappé / Capitan Volkonogov bejan (Natalia Merkoulova & Alexei Tchoupov, 2021) ***
Pendant les Grandes Purges staliniennes, un jeune capitaine de la police politique de Leningrad chargé des aveux des raflés s'enfuit pour demander pardon à leurs proches. Sur un sujet - La Grande Terreur de 1937/1938 - presque jamais traité au cinéma, un film d'une force et d'une originalité impressionnante : décors et des costumes parfois volontairement anachroniques, rythme de thriller, jeu fébrile de l'excellent Yury Borissov. Sur un propos terrible, désespérément actuel. BR FR

État second / Fearless (Peter Weir, 1993) ***
Le survivant d'un crash, persuadé d'être vivant et mort à la fois, offre son aide à une jeune femme dépressive, autre rescapée de l'avion. Un film magnifique et bouleversant sur les PTSD - Troubles du stress post-traumatique - autour du cas de sentiment de toute-puissance et de dépression dans le détachement du réel. Jeff Bridges et Rosie Perez sont parfaits de retenue dans des rôles qui auraient pu se prêter au pathos, que l'écriture et le réalisation évitent aussi. BR ES

Geostorm (Dean Devlin, 2017) 0
La Terre, pourtant protégée par un gigantesque parapluie atmosphérique construit par les USA et la Chine, est menacée d'une monstrueuse tempête ultime - un Geostorm - parce que quelqu'un a saboté la machine. Un film catastrophe de plus pour Devlin, cette fois sans Emmerich, qui réchauffe les mêmes ingrédients usés à la corde : destructions colossales, CGI à gogo, nonsense et sauveur américain suprême (Gerard Butler). Le film est de 2017, il semble aujourd'hui d'un temps disparu. BR NE

3 mars 2024

Films vus par moi(s): mars 2024


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

L'Exorciste du Vatican / The Pope's Exorcist (Julius Avery, 2023) *
L'Exorciste du Vatican est envoyé par le Pape (Franco Nero) dans un château en Espagne pour s'occuper du cas d'un garçon possédé par un démon. Panaché de "L'Exorciste" et du "Da Vinci Code", un thriller d'horror sans grande originalité - les références au classique de Friedkin finissent par être lourdes - mais avec des chouettes décors et qui bénéficie surtout d'un bonus de choix : Russell Crowe, qui s'amuse à se prendre au sérieux en créant un prêtre revenu de tout et sacrément sympathique. BR FR

Lola (Andrew Legge, 2021) *
En 1941, une jeune femme anglaise invente un récepteur qui capte les signaux audio/vidéo du futur. Sa soeur et elle l'utilisent pour informer les britanniques des plans de guerre des Nazis. Sur un thème de toute évidence inspiré par le formidable "It happened here" (Mollo & Brownlow, 1965), un found-footage parsemé d'images d'archives qui aurait pu être vraiment bon - la découverte du Rock et de Bowie - si les deux actrices savaient jouer. Hélas ! Mais tout film de Time Machine reste regardable. BR UK

Strange way of life (Pedro Almodovar, 2023) *
Dans le désert texan, deux anciens tueurs à gages qui ont été brièvement amants vingt cinq ans auparavant se retrouvent. Avec ses cowboys homosexuels et ses conflits, cette sorte de suite uchronique de "Brokeback Mountain" (Ang Lee, 2005) est à la fois originale dans son contexte et déjà vue dans son histoire. Si Ethan Hawke est juste correct, Pedro Pascal est excellent mais la durée de 30' - c'est un court-métrage - ne permet de ne rien développer et on passe à côté du vrai film. DVD Z2 FR

Chien de la casse (Jean-Baptiste Durand, 2023) ***
Dans un village du sud de la France, deux potes inséparables s'éloignent quand l'un a une copine. Sur un ton naturel à l'écriture subtilement controlée, un magnifique film d'amitié porté par les petits riens du quotidien d'ennui et surtout la performance de Raphaël Quénard, dont la personnalité et la locution magnétique irradient. Lui et Anthony Bajon, par l'introversion de son personnage à lui, forment un duo incroyablement attachant. Un chef-d'œuvre pour un premier film, chapeau ! DVD Z2 FR 

Agnès de Rien (Pierre Billon, 1950) **
Délaissée, une jeune épouse se réfugie dans les Dombes, au manoir de sa belle-mère démente. Si l'histoire absurde n'a pas grand intérêt, l'ambiance pluvieuse sinistre, les décors décrépits et le photographie toute en ombres donnent à ce pur film d'atmosphère un aspect Val Lewton étonnant. Danièle Delorme pleurniche comme d'hab mais Ketti Gallian - que je ne connaissais pas - est formidable et Yvonne de Bray impériale en une seule scène. Avec Paul Meurisse et un titre génial. DVD René Chateau

Un marteau pour les sorcières / Kladivo na čarodejnice / Witchhammer (Otakar Vávra, 1969) **
En 1670 en Moldavie, un inquisiteur obtient par la torture les aveux de femmes d'un village accusées de commerce avec le Diable. Un film historique tchèque superbement réalisé qui reste d'une actualité brûlante. La dénonciation par métaphore de la corruption, des mascarades de procès et de l'écrasement des individus par l'URSS d'il y a soixante ans s'applique à nouveau, hélas, aux dictatures actuelles. Quant à celle du traitement des femmes par les religions du livre... Choc et subtil à la fois. BR FR

Un homme comme tant d'autres / Nothing but a man (Michael Roemer, 1964) ***
En Alabama, un ouvrier noir essaye de construire son couple et sa vie dans l'étouffant contexte ségrégationniste. Porté par l'interprétation formidablement juste de ses acteurs (Ivan Dixon, Abbey Lincoln...), un film qui regarde droit dans les yeux les conséquences sociales et affectives de la discrimination raciale. Au-delà du remarquable aspect politique engagé, la réussite plastique et émotionnelle est totale. Longtemps oubliée, c'est d'évidence une oeuvre-clé des Sixties. BR FR

Terrifier (Damien Leone, 2016) 0
Un serial killer costumé en clown s'attaque à deux jeunes femmes un soir d'Halloween. Presque entièrement situé dans un entrepôt décrépit, un film d'horreur qui se réfère dans son style et son ambiance aux classiques du genre des 70s/80s, mais en bien plus gore. Mais comme il n'y a pas de second degré, que les actrices sont incapables et que le scénario est d'un basique inepte, on finit par s'ennuyer ferme. Seul le clown est bien, c'est trop peu et c'est un vrai gâchis. BR UK

Dersou Ouzala / Dersu Uzala (Akira Kurosawa, 1975) ***
En 1902 en Primorie (Extrême-Orient russe), le capitaine Arseniev, en mission de cartographie, rencontre le chasseur autochtone Dersou (Maxime Mounzouk, extraordinaire) qu'il prend comme guide dans la taïga. L'amitié entre deux hommes que tout devrait séparer s'épanouit dans la beauté et la brutalité d'une nature sauvage sublimement filmée et une succession de séquences inoubliables. Un film d'une grandeur d'âme et d'une générosité rares, simplement l'un des plus beaux du monde. Cinéma

Olivia (Jacqueline Audry, 1951) ***
Vers 1890 près de Fontainebleau, une nouvelle arrivante dans pension de jeunes filles s'éprend de la directrice lesbienne. Un film en costumes au décor foisonnant - par Jean d'Aubonne - qui explore le surgissement du désir chez une jeune femme face à la retenue confuse d'une supérieure. L'étonnante modernité vient de l'absence totale de jugement sur les personnages et du jeu impérial d'Edwige Feuillère en reine des abeilles. Avec Simone Simon en "épouse" jalouse. DVD Z2 FR 

Je t'aime Je t'aime (Alain Resnais, 1968) ***
Après une tentative de suicide, un homme est soumis à une expérience de voyage dans le temps : pour une minute, il doit retourner un an jour pour jour en arrière. Et le spectateur est soumis à l'expérience de la fragmentation de la narration, déconstruite en de multiples flashbacks interrompus. Derrière la recherche formelle radicale et pionnière de Resnais, un film infiniment triste sur la prison de la dépression et de la culpabilité. Claude Rich, le cobaye, est d'une sensibilité bouleversante. BR US   

Drifter (Pat Rocco, 1974) **
À L.A., un type à la dérive se prostitue pour des hommes et des femmes tout en cherchant un sens à sa vie. Tourné en 1969 par un pionnier oublié du cinéma gay, ce parent pauvre de "Macadam Cowboy" (1969) sent le navet puis, au fur et à mesure, trouve son histoire, son rythme et son style. Pour devenir un document passionnant sur une époque et son cinéma des marges. Etrangement, la médiocrité de l'acteur (Joed Adair) rend son personnage touchant. Une chouette redécouverte. BR US

Brian and Charles (Jim Archer, 2022) *
Dans la campagne anglaise, un inventeur solitaire allumé construit un robot bric et broc capable de parler, d'apprendre et de ressentir. Un conte au message positif sympathique mais aux conflits complètement attendus. Surtout, le choix radical de faire s'adresser l'inventeur (David Earl, assez exaspérant) au spectateur m'a empêché d'entrer dans l'histoire. Du Kitchen Sink pour notre temps dont le meilleur sont les paysages et la B.O. électronique de Daniel Pemberton. BR UK

5 femmes à abattre/ Caged heat (Jonathan Demme, 1974) ***
Dans un pénitencier pour femmes, cinq détenues trouvent une occasion de s'échapper. Parmi les classiques  des Women in Prison films, celui-ci s'approche de "Caged" (John Cromwell, 1950). C'est de la Sexploitation 70s bien sûr mais la mise-en-scène, l'humour camp et le formidable casting de dures à cuire (Juanita Brown, Erica Gavin, Rainbeaux Smith...) maltraitées par Barbare Steele en directrice handicapée est exaltant. Avec un message féministe bien de son temps. BR FR  

Prey (Dan Trachtenberg, 2022) **
Dans la forêt américaine de 1715, une jeune femme Comanche découvre qu'une créature invisible rôde sur le territoire de sa tribu. Le préquel de Predator (1987) et de ses suites est un pur survival, sans autre enjeu que l'action et l'empowerment de son héroïne à mille lieues de Schwarzenegger. La plus-value est le contexte indien et surtout le décor vraiment splendide des paysages sauvages, au naturel et avec sans doute un peu de CGI. BR BE

4 février 2024

Films vus par moi(s): février 2024


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

Zombi child (Bertrand Bonello, 2019) ***
En 1962 à Haïti, un homme est zombifié pour travailler dans une plantation. En 2017, sa petite-fille intègre à Saint-Denis la Maison d'Education de la Légion d'Honneur où elle dévoile l'histoire à quelques camarades. Interprété par de formidables jeunes actrices, un film passionnant qui interroge le désanimé occidental face à l'irrationnel vivant, ici le vaudou. Circulant dans le temps et l'espace, le scénario n'affirme rien mais donne à réfléchir sur les oeillères du monde blanc. Une superbe découverte. BR FR

Hélène de Troie / Helen of Troy (Robert Wise, 1956) ***
Enfuie avec son amant Paris à Troie, la femme de Ménélas et reine de Sparte déclenche une guerre entre les deux villes. En CinémaScope et Technicolor, L'Illiade de Robert Wise est un flamboyant spectacle porté par des moyens impressionnants et un scénario qui sabre avec intelligence tout en rafraîchissant la mémoire. Si Jacques (Jack) Sernas est un peu terne en Paris, Rosanna Podesta est une Hélène de rêve. Le Cheval aussi. BR US 

Un petit coin aux cieux / Cabin the the sky (Vincent Minneli, 1943) ***
Tué dans une embrouille, un bon à rien se voit offrir un bonus de six mois par un ange et un démon qui luttent à le racheter ou le perdre. Le couple qu'il forme avec sa femme (formidable Ethel Waters, qui porte le film) structure ce merveilleux Musical au casting entièrement noir (Lena Horne, Rex Ingram, Duke Ellington...) qui a scandalisé le Sud des Etats-Unis. Vu aujourd'hui, l'audace est incroyable, amplifiée par la bienveillance, la joie de vivre et l'entrain de l'ensemble. BR US

Dagon / Dagon, la secta del mar (Stuart Gordon, 2001) **
Naufragé près d'un village de pêcheurs, un jeune couple est attaqué par des mutants vouant un culte à Dagon. Lovecraft est l'un des auteurs les plus difficiles à adapter à l'écran -  personne n'a réussi - mais ce film à petit budget s'en sort plutôt bien avec son décor décomposé, son atmosphère humide et sa suggestion de l'horrifique. Il y a des ratés - l'acteur principal est nul - mais l'esprit lovecraftien, si particulier, est bien là. BR FR

Eegah (Arch Hall Sr., 1962) NSP
Dans le désert de Palm Springs, un jeune homme préhistorique de 2,18m s'éprend d'une pépée brune qu'il enlève. Inspiré de King Kong, ce navet fauché est si nul en toutes parts - situations, dialogues, mise en scène et acteurs - que l'ensemble s'en trouve étonnamment réjouissant. Dans le rôle du néandertalien Eegah, le géant acromégale Richard Kiel à ses débuts. Après rasage, c'est lui le plus beau. Un véritable ABC du Z. DVD Z2 FR

Centurians of Rome (John Christopher, 1981) **
Dans la Rome antique, deux travailleurs agricoles sont kidnappés et vendus comme esclaves à Caligula. Un classique du porno gay du tournant des 80s, c'st-à-dire avec un semblant de scénario, de mise-en-scène et du poil au cul. Dans le genre c'est pas mal du tout, comme un Steve Reeves hard. Avec une célèbre couille dans le titre, Star Wars et Tchaikowsky en B.O. et un budget payé sur le casse d'une Brink's. Culte ? Internet

Bajirao Mastani (Sanjay Leela Bhansali, 2015) *
Vers 1735, le chef hindou Bajirao marié à la noble Kashibai prend pour seconde épouse la musulmane Mastani, provoquant la colère de sa mère. D'après un célèbre épisode de l'histoire indienne, un blockbuster épique et conjugal bollywoodien de 2h30 qui m'a vite ennuyé par sa mise en scène à facilités - les interminables ralentis - malgré la beauté des stars et le luxe déployé. Mais deux séquences musicales, la danse des femmes et surtout la danse des hommes, sont géniales. BR FR

Les algues vertes (Pierre Jolivet, 2023) NSP
A Saint-Michel-en-Grève dans les Côtes d'Armor, la pigiste de radio Inès Léraud (Céline Sallette) enquête sur le déni des élus et des agriculteurs dans le scandale des algues vertes tueuses. D'après l'excellente BD écrite par la journaliste elle-même, un film purement informatif - presqu'une docu-fiction - qu'on regarde avec intérêt et un sentiment de dépit. La plus-value cinéma, elle, serait trop injuste à noter. BR FR 

Problemos (Eric Judor, 2017) **
Un couple de Parisiens et leur fille en visite dans une communauté zadiste de l'Ardèche s'y retrouve coincée pour se confiner d'une pandémie qui se déclare dehors. Prémonitoire en 2017 ! Une satire mordante - pas méchamment - des utopistes de l'extrême qui est très drôle et politiquement incorrecte, un peu brouillonne aussi. Le casting, dont Eric Judor et Blanche Gardin, fait des étincelles. DVD Z2 FR

Maurice Tourneur, Tisseur de rêves (Pierre Filmon, 2024) ***
Adapté - par elle-même - du livre de Christine Leteux sur Maurice Tourneur, un documentaire de 65' sur le réalisateur français parti en 1914 aux USA et devenant un des génies du muet avant de revenir en France. Cette période américaine, objet principal du film, révèle de superbes extraits de films sur des partitions sur mesure de Stephen Horne et les voix d'Anne Alvaro et d'Emmanuel Lemire. Un travail admirable !  

Le règne animal (Thomas Caillet, 2023) ***
Dans les Landes, des mutations créent des humanimaux, capturés pour être mis dans des réserves. Un père dont le fils est touché cherche à le protéger. Malgré un petit coup de mou au milieu, un film fantastique "à la française" qui fait la part belle aux sentiments dans l'épreuve et à la réflexion sur la nature du vivant. Les images sont splendides, l'onirisme puissant et Romain Duris et Paul Kircher, bouleversants. BR FR

Les Maîtres de Rome (Constance Colonna-Cesari, 2023) 
Entre 1513 et 1516, Michel-Ange (38 ans), Raphaël (30 ans) et Léonard de Vinci (61 ans) se retrouvent tous les trois à Rome pour travailler au service du pape Léon X. La compétition féroce va révéler leurs personnalités profondes et leur faire produire une série des chefs-d'oeuvre inégalée. Un documentaire de 52' sur une page peu connue de l'histoire de l'art. Je ne critique pas car je l'ai co-écrit. ARTE et arte.tv

Barbie (Greta Gerwig, 2023) *
Prise de questionnements existentiels, Barbie quitte Barbie Land avec Ken et découvre la vraie vie à Los Angeles. Intrigant et amusant pendant le premier quart d'heure, le blockmonster de 2023 assène son salutaire message libérateur et égalitaire avec une lourdeur, une emprise de Mattel et des visuels vite écœurants. Ennuyé, j'ai regardé le film d'un oeil distrait pour me faire l'opinion légitime qu'il n'était pas pour moi. Mais Margot Robbie et la petite séquence du ballet des Ken sont formidables. BR FR

3 janvier 2024

Films vus par moi(s): janvier 2024


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

Maison Margiela Artisanal Collection 2024 Video (John Galliano, 2024) ***
A partir des images du défilé Margiela de la Fashion week parisienne de janvier 2024, Galliano a imaginé un court-métrage de 30' d'une créativité exaltante qui commence par une chanson, continue avec un film et termine avec le défilé lui-même sous le pont Alexandre III. L'atmosphère de bouge, entre Toulouse-Lautrec et Jack l'Eventreur, sied parfaitement aux sublimes costumes portés par les modèles qui évoluent avec un body language fascinant. L'art de la mode à son sommet. YouTube

Lypsinka: Toxic Femininity (Chloë Sevigny, 2024) ***
Un One Wo/Man Show de John Epperson dans son personnage culte et hystérique de Lypsinka qui lip-synch (rejoue en playback) des bandes sonores de Women's Pictures américains et des enregistrements rares de Judy Garland et de Joan Crawford. Chloé Sevigny donne au moyen-métrage une apparence et des effets vidéo qui le rendent étrangement intemporel, autant 1970s que 2020s. C'est un sommet high camp truffé de références aux icônes queer du temps jadis. Et une performance. Internet / thenewgroup.org

Pooky Park (AI, 2023) ***
Une satire géniale de pub TV des années 50 pour un parc d'attraction un peu spécial. En 2'55, ce très court-métrage est à la fois amusant et effrayant dans son histoire et ses scènes surréalistes. Fortement inspiré par The Twilight Zone, il a été entièrement réalisé par intelligence artificielle (ChatGPT pour le scénario, Midjourney pour les images, PikaLabs et Runway pour l'animation). Démontrant les mutations en cours dans l'industrie du cinéma, c'est excitant et terrifiant à la fois. YouTube 

Jeu d'enfant / Child's play (Tom Holland, 1988) **
A Chicago, l'esprit d'un serial killer tué prend possession de Chucky, une grande poupée rousse offerte à un gamin. Un classique de l'horror 80's qui a bien tenu le coup par son mélange d'absurdité, d'humour - la langage ordurier de la poupée infernale - et d'action et par son look 100% d'époque. Le petit garçon cible du jouet joue comme un pied mais il y a Brad Dourif qui prête sa voix à Chucky et les effets spéciaux sont d'avant les CGI. Tout ça est vraiment sympathique. BR US

Acide (Just Philippot, 2023) **
Dans les Hauts-de-France, une adolescente et ses parents séparés fuient vers la Belgique pour échapper à des orages d'acide sulfurique mortels. Sur fond du sujet brûlant des mutations environnementales, un film-catastrophe à la française centré sur ses trois personnages, tous renfrognés et malaimables. C'est l'originalité principale de ce survival désespéré, qui malgré un scénario pas assez ficelé, réserve des images puissantes et une superbe interprétation de Guillaume Canet. BR FR

Le cabanon rose (Jean-Pierre Mocky, 2016) **
Dans un village de la Drôme, les habitués d'un mini bordel disparaissent les uns après les autres. Un assureur nain (Christophe Fluder) et un gendarme local alcoolique enquêtent. Je n'aurai jamais pensé dire un jour que Jean-Marie Bigard est génial mais là, en bourrin bourré, chapeau l'artiste ! Une chouette comédie noire du dernier Mocky aux dialogues et au casting énormes : Bernard Menez, Henri Guibet, Richard Gotainer, Grace de Capitani, François Hadji-Lazaro... BR FR

Parlez-moi d'amour / Che femmina!! E... que dollari! (Geogio Simonelli, 1961) *
A Naples, deux duos d'enquêteurs américains (dont Jacques Sernas et... Raymond Bussières !) cherchent l'héritière inconnue d'une milliardaire new-yorkaise. L'idiotie du scénario est compensée par l'absurdité cocasse des situations, les seconds rôles caricaturaux, l'Eastmancolor, le look 1960 et, bien entendu, la raison d'être du film : Dalida à 27 ans qui chante "Les gitans", "Itsi bitsi, petit bikini", "Romantica", "Milord", "Parlez-moi d'amour" et "'O sole mio". DVD Z2 FR

Pearl (Ti West, 2022) **
Au Texas pendant la grippe espagnole de 1918, une jeune fermière qui rêve d'être danseuse calme ses frustrations par le meurtre. Préquel sur la jeunesse de la vieillarde de "X" (2022), une plongée dans la pathologie mentale entièrement centrée sur la performance  - voix, regard, langage corporel - de l'étonnante Mia Goth, nouvelle reine de l'Horror. On pense à "Carrie", à "Misery" ou à la Dorothy du "Magicien d'Oz" devenue psychotique. Pas mal du tout, dans le genre. BR FR 

Rimini (Ulrich Seidl, 2021) **
Un crooner quinquagénaire allemand (Michael Thomas, formidable) qui se produit l'hiver dans des hôtels pour seniors de Rimini et gigole un peu pour ses fans âgées voit débarquer sa fille adulte dont il ne s'est jamais occupé. Il y a plus de tendresse que d'habitude chez Seidl dans cette comédie pathétique sur un loser prêt à tout pour quelques billets et applaudissements. L'humour froid et provocateur du réalisateur autrichien peut séduire ou dégoûter. C'est l'objectif assumé. DVD Z2 FR

Compartiment n°6 / Hitty nro 6 (Juho Kuosmanen, 2021) **
En 1996, une archéologue finlandaise lesbienne et un ouvrier russe rugueux partagent un compartiment dans un train Moscou-Mourmansk. Le choc des personnalités n'est pas le sujet, qui est celui de la rencontre de deux jeunes gens esseulés qui ont besoin de l'autre, malgré tout. Si la dernière partie à l'arrivée est un peu faible, tout le voyage est captivant, porté par la mise en scène, le décor et les deux acteurs (Seidi Haarla et le charismatique Yuriy Borisov). Un film touchant. BR FR   

Jeanne du Barry (Maïwenn, 2023) **
Personnalité et attitude de la dernière favorite de Louis XV face à l'attachement du roi et à la défiance de la cour. Film historique - visuellement superbe - à la psychologique actualisée à l'époque contemporaine, cette déclaration d'amour de l'autrice-réalisatrice à Mme du Barry et à elle-même pourrait avoir comme sous-titre "Maïwenn à Versailles". Le geste narcissique, outrancier, m'a constamment amusé. La production et le reste du casting sont royaux. BR FR  

Anatomie d'une chute (Justine Triet, 2023) ***
A Grenoble, une écrivaine est jugée pour le meurtre de son mari, tombé d'une fenêtre de leur chalet de montagne. C'est la chute d'un homme autant que celle d'un couple qui sont disséquées dans ce film brillamment écrit, mise en scène et interprété - Sandra Hüller et le jeune Milo Machado-Graner sont époustouflants - qui présente par ailleurs la dynamique d'un procès de façon à la fois pédagogique et haletante. Un sommet du cinéma français contemporain. BR FR

Synchronic (Moorhead & Benson, 2021) 0
A La Nouvelle-Orléans, deux ambulanciers sont confrontés à une drogue de synthèse qui permet de voyager dans le temps. L'un d'eux décide de l'essayer et se trouve une mission à réaliser. Un dérivé de "La machine à explorer le temps" - donc un sujet en or - détruit dans sa seconde partie par la pauvreté de l'enjeu du voyage et l'accumulation absurde des invraisemblances. C'est dommage car ça démarrait plutôt pas mal. H.G. Wells et George Pal peuvent dormir tranquilles. BR FR