6 octobre 2019

Films vus par moi(s): octobre 2019


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Le défunt récalcitrant / Here comes Mr. Jordan (Alexander Hall, 1941) **
Un boxeur saxophoniste tué dans un accident d'avion se réincarne dans le corps d'un autre, puis d'un autre. Une comédie fantastique comme les Forties les aimaient à base d'identités échangées, d'invisibilité et d'amours improbables. Le scénario ingénieux peut se lire comme une fable existentielle, platonicienne, christique ou bouddhiste avec l'humour et l'émotion indispensables. Avec Robert Montgomery et Claude Rains. BR UK

Le voyage de la peur / The hitch-hiker (Ida Lupino, 1953) ***
Deux amis partis pêcher sont pris en otage dans leur voiture par un serial killer. Ida Lupino (l'actrice et réalisatrice) a écrit et mis en scène ce huis-clos sec et nerveux, sans à côté ni temps mort, qui panache road movie et film noir autour d'une métaphore sur le Destin. Edmond O'Brien et Frank Lovejoy sont excellents, comme William Talman en psychotique inexpliqué. Le tout fait penser à un cauchemar, ce que le petit budget renforce. Formidable. BR US

Voyage dans la Préhistoire / Journey to the beginning of Time / Cesta do praveku (Karel Zeman, 1955) **
Quatre garçons remontent en barque le fleuve du Temps du Quaternaire au Paléozoïque et en découvrent les paysages et les animaux. Un classique tchèque du film pour enfants entre aventures et docu-fiction qui mêle avec réussite et beaucoup de charme prises de vues réelles, stop motion et animation. Le rythme mollasson l'empêche d'atteindre l'excellence mais j'imagine que l'avoir vu entre 7 et 10 ans laisse des souvenirs impérissables. BR UK

Blanche comme neige (Anne Fontaine, 2018) 0
Une jeune femme (Lou de Laâge, assez passe-partout) ayant réchappé à un assassinat se retrouve dans une maison des Alpes où elle se lie à sept hommes. La transposition du conte (surtout celui de Blanche Neige) dans un contexte contemporain est un exercice périlleux comme le rappelle ce film sans intérêt. L'ennui arrive vite et ni les paysages ni Isabelle Huppert en marâtre n'y font. Je crois que je n'aime pas le cinéma d'Anne Fontaine. BR FR 

Joker (Todd Phillips, 2019) ***
A Gotham City, le basculement d'Arthur Fleck dans la folie et sa création du personnage du Joker. Je ne connais pas l'univers Batman et tant mieux : ce film d'une force anxiogène stupéfiante, porté entièrement par la prestation d'une intensité effrayante de Joaquin Phoenix (qui est de tous les plans) est d'abord une plongée dans la psychose individuelle et collective comme le cinéma n'en avait encore jamais produit. Quel choc, quel constat, quel film ! Ciné

Border / Gräns (Ali Abbasi, 2018) ***
Une douanière suédoise au physique néandertalien et dotée d'un odorat animal rencontre un semblable qui la révèle à elle-même. Cet hybride de fantastique, de romance et de thriller glauque applique avec audace la mythologie nordique au thème universel de l'altérité physique, sociale et sexuelle. Ses deux personnages sont des créations formidables mises en valeur par un scénario et une mise en scène sans cesse surprenants. BR FR   

Le plein de super (Alain Cavalier, 1976) ***
Quatre types proches de la trentaine convoient une Chevrolet de Lille à Nice. Un road-movie d'un dynamisme et d'une fraîcheur étonnants, porté par la liberté du ton et quatre acteurs charismatiques qui ont activement participé au scénario. Les enjeux de la masculinité sont au coeur du sujet, qui navigue avec brio entre humour potache et drame existentiel. On pense aux Valseuses, sorti deux ans plus tôt. C'est du même niveau : excellent. BR FR

Les démons de la liberté / Brute force (Jules Dassin, 1947) **
Les détenus d'une cellule partagée préparent leur évasion. Un film de prison qui se démarque par le réalisme de certaines séquences, l'onirisme d'autres et le style nerveux du scénario et de la mise en scène. Burt Lancaster, dans son deuxième film, a une présence rare et Hume Cronyn excelle en sous-directeur sadique fan de Wagner et de Michel-Ange. Avec d'intéressants caméos en flashbacks d'Ella Raines, Yvonne de Carlo et Ann Blyth. BR UK

Brooklyn village / Little men (Ira Sachs, 2016) **
Deux copains ados subissent la tension entre leurs parents née d'une histoire de loyer. L'impact sur les enfants des décisions des adultes forme la trame de ce film intimiste qui s'attache à ses quelques personnages avec sensibilité. Tout n'est pas dit mais suggéré (la ségrégation sociale et raciale, l'éveil du désir, la gentrification...) et ponctué de belles séquences des garçons arpentant les rues de Brooklyn en vélo et en skate. Lumineux. BR ES

L'ombre du passé / I could go on singing (Ronald Neame, 1963) **
Ayant laissé son compagnon et leur fils pour sa carrière, une chanteuse américaine les retrouve des années après à Londres lors d'une tournée. Un drame parental assez convenu mais dont l'immense intérêt est Judy Garland (son dernier film) qui joue et semble revivre des émotions et des situations proches de sa réalité. C'est très émouvant. Elle chante quatre morceaux dont "By Myself", une extraordinaire séquence. Avec Dirk Bogarde. DVD Z1 US

Le Golem / Der Golem, wie er in die Welt kam (Paul Wegener, 1920) ***
Dans un ghetto juif d'Europe centrale au 16e siècle, un rabbin anime un homme d'argile pour qu'il protège son Peuple, mais la statue s'emballe. Ce film fantastique allemand qui a défini un genre (le film de créatures, on pense évidemment à Frankenstein) a des images mémorables, notamment les superbes décors expressionnistes et la puissante silhouette du Golem. Un classique du cinéma muet au rythme soutenu et au pictorialisme fascinant. BR DE (restauration admirable de Murnau Stiftung)