2 décembre 2022

Films vus par moi(s): décembre 2022

*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Monsieur Joe / Mighty Joe Young (Ernest B. Schoedsack, 1949) **
Ramené d'Afrique avec sa propriétaire pour se produire dans un cabaret de Hollywood, un gorille géant sème le chaos avant de se racheter. Seize ans après "King Kong", la même production remet ça, ciblant cette fois le public juvénile. Le film n'a en rien la portée mythique du premier mais fonctionne, une fois les limites des acteurs acceptées, grâce à son rythme et le spectacle des trucages, les premiers de Ray Harryhausen. BR DE

Le chant du Missouri / Meet me in Saint Louis (Vincente Minnelli, 1944) ***
En 1903 à Saint Louis, la famille Smith coule des jours tranquilles jusqu'au moment où le père annonce qu'ils vont s'installer à New York. Au rythme des saisons en Technicolor, les bonheurs et les peines de la jeunesse tissent le fil ténu de ce classique du Musical qui enchaîne les morceaux de bravoure intimistes, portés par le charisme fou de Judy Garland et la justesse du personnage de la petite Margaret O'Brien. BR FR  

Je suis un aventurier / The far country (Anthony Mann, 1954) ***
Ayant récupéré le bétail qu'un shérif lui avait confisqué, un convoyeur part chercher de l'or dans une communauté minière d'Alaska pour s'y retrouver à nouveau face au shérif corrompu. James Stewart excelle dans le rôle atypique pour lui d'un homme égocentrique qui se voit obligé de s'impliquer pour la communauté. Dans de magnifiques paysages naturels, un western admirable sur lequel flotte l'identité profonde de l'Amérique. BR FR

West Side Story (Steven Spielberg, 2021) *
Dans la zone de Manhattan en 1957, Tony et Maria tombent amoureux alors que leurs bandes, les Jets et les Sharks, s'affrontent. Bien sûr, la musique, la chorégraphie et l'histoire sont formidables et c'est toujours un plaisir mais je n'ai pas vu la plus-value de refaire à l'écran ce qui avait été fait si bien par Robert Wise en 1961, sans y avoir apporté une actualisation du cadre contemporaine. On n'a donc qu'un remake, bon mais assez vain. BR FR  

Vortex (Gaspar Noé, 2021) ***
Dans un appartement parisien, les derniers jours d'un couple d'octogénaires, un ancien critique de cinéma cardiaque et une ancienne psychiatre frappée de démence. Reposant entièrement sur les exceptionnelles performances en improvisation de Dario Argento et de Françoise Lebrun - et d'Alex Lutz, jouant leur fils - et une minutieuse mise en scène en split screen, un film éprouvant mais magnifique sur la boucle toujours bouclée des existences. BR FR  

Sans famille (Marc Allégret, 1934) ***
Devenu adolescent, un petit aristocrate anglais volé bébé mène en France une vie vagabonde jalonnée de rencontres généreuses et funestes. Cette adaptation du roman d'Hector Malot accumule les coïncidences mélodramatiques à un rythme effréné qui en font un modèle de narration feuilleton et de cinéma populaire. Et ça fonctionne, porté par le pathos, l'humour et un formidable casting autour du jeune et tragique Robert Lynen. VHS 

La vie criminelle d'Archibald de la Cruz / Ensayo de un crimen (Luis Buñuel, 1955) **
A Mexico, un homme a des pulsions de mort envers des femmes de son entourage. La faute morale d'envisager le crime ou de le réaliser est-elle la même ? Au-delà de cette question qui borde le film, Buñuel dessine un cas psychanalytique de type freudien dont les méandres et le symbolisme, paradoxalement, s'accordent mieux au concept jungien de complexe mère. Le tout sur un fond de mélodrame académiquement surréaliste. BR FR  

Le Prince et la danseuse / The Prince and the Showgirl (Laurence Olivier, 1957) ***
A Londres pour le couronnement de George V en 1911, le roi de Carpathia invite une showgirl du West End à dîner à l'ambassade. Je l'avais déjà revu il y a quelques mois et dit tout le bien que je pense du jeu irrésistible de Marilyn Monroe face à l'inconfort de Laurence Olivier. Quelque chose de plus m'a frappé cette fois : la dénonciation subtile, menée avec humour mais courage, de la prédation masculine. Un film vraiment étonnant. Cinémathèque Française 

Fanfare d'amour (Richard Pottier, 1935) **
Travestis pour l'occasion, deux musiciens sans le sou se font embaucher dans un orchestre féminin. Quiproquos à la pelle pour cette comédie dont Billy Wilder a fait un inégalable remake en 1959 : Some like it hot. Ici, les péripéties, la dynamique et la mise en scène appartiennent au théâtre de boulevard, sublimées par un joyeux casting - Fernand Gravey et Julien Carette sont formidables - qui semble s'amuser de l'absurdité générale. TV  

Orfeu Negro (Marcel Camus, 1959) **
Sur les hauteurs de Rio, un guitariste tombe amoureux d'une nouvelle voisine qui se sent suivie par un personnage sinistre. L'histoire d'Orphée et Eurydice est transposée au Brésil dans ce Musical tonitruant qui ouvrit au monde la bossa-nova, le carnaval et la liberté des corps. Malgré un coup de mou au milieu, l'entrain des acteurs, le rythme endiablé des percussions et des danses et la couleur vibrante en font un film total qui est resté unique. BR FR

Les Desperados / The Desperadoes (Charles Vidor, 1943) **
Des notables du Wyoming font passer le cambriolage meurtrier qu'ils ont commis de leur banque pour le méfait d'un jeune homme (Glenn Ford) dont la tête est mise à prix. Les superbes paysages naturels en Technicolor illuminent ce western qui fonce à bride abattue dans ses péripéties incessantes avec action, humour et sentiment. Les clichés du genre sont bien présents, mais dynamisés par la générosité enthousiasmante du film. BR FR

Les hommes préfèrent les blondes / Gentlemen prefer blondes (Howard Hawks, 1953) ***
A destination de Paris, une croqueuse de diamants et une croqueuse d'hommes font une traversée atlantique en paquebot. Constamment drôle, coloré, malin et culotté, un Musical dont la fraîcheur reste intacte à chaque révision. Les chansons inoubliables et l'énergie heureuse de Marilyn Monroe et de Jane Russell s'accordent à la mise en scène dynamique pour créer une sorte de bonbon pétillant irrésistible. Cinémathèque Française

Notre-Dame brûle (Jean-Jacques Annaud, 2022) *
Le combat des pompiers de Paris lors de l'incendie du 15 avril 2019. En décors grandeur nature et un peu de CGI, en séquences de fiction et images d'archives, les événements sont racontés à grands traits d'une écriture et d'une mise en scène académiques qui ne lésinent pas sur les symboles et le pathos. Les scènes de feu sont impressionnantes mais le tout, paradoxalement, manque d'âme. Anne Hidalgo joue la maire de Paris. BR FR

Moonfall (Roland Emmerich, 2022) *
La Lune, décrochée de son orbite, menace de s'écraser sur Terre. Un ex-astronaute, la directrice de la NASA et un geek astronome partent tenter de rétablir l'équilibre et découvrent les dessous de notre satellite. Encore un film catastrophe d'Emmerich, resucée de ses autres avec surenchère dans la débilité scénaristique et l'hyperbole visuelle. Bizarrement, on s'ennuie sans s'ennuyer et l'idée de l'AI conquérante est intrigante. BR FR

Sous le ciel bleu d'Hawaï / Blue Hawaii (Norman Taurog, 1961) **
Revenu du service militaire, un garçon qui vit à Honolulu avec ses parents y devient guide touristique. Son premier client :  quatre jeunes filles et leur chaperon. Un des films les plus légers d'Elvis - c'est peu dire - est aussi l'un des plus sucrés grâce au décor d'Hawaï en 1960, du Technicolor et des chansons à refrain - Are you lonsemone tonight? - qui s'enchaînent. Angela Lansbury a dit que c'était le niveau zéro de sa carrière. Moi, j'aime bien... BR UK

1 novembre 2022

Films vus par moi(s): novembre 2022


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Vaudou / I walked with a Zombie (Jacques Tourneur, 1943) ***
Chez des colons d'une île caraïbe, une infirmière réalise que la jeune femme cataleptique dont elle s'occupe est frappée d'un sort vaudou. Chef-d'oeuvre d'horror atmosphérique, l'un de joyaux désespérés des productions Val Lewton fait s'affronter les cultures des occupants et des insulaires, de la raison et de l'irrationnel. Les images aussi inquiétantes que lyriques culminent dans la sublime séquence nocturne dans la sucrière au son des tambours. BR DE  

La machine à explorer le temps / The time machine (George Pal, 1960) ***
Le 31 décembre 1899, un inventeur londonien se propulse dans sa machine à explorer le temps jusqu'en 802 701. Une fois par décennie, je revois ce film qui m'avait tant impressionné enfant. Les Morlocks dans la lueur des allumettes, le sirènes du Sphinx, Weena qui sourit, la Machine Art Nouveau, la virilité de Rod Taylor et les trois livres qu'il a emportés continuent à me transporter. Mais le temps a passé et le sentiment a pris en gravité. BR US

Les sept femmes de Barbe-Rousse / Seven brides for seven brothers (Stanley Donen, 1954) ***
Dans l'Oregon, six frères célibataires s'emparent de six jeunes femmes du village de l'épouse de leur aîné. Inspiré par l'enlèvement des Sabines, un Musical rural dont le propos, dans le contexte contemporain, peut faire grincer des dents. Mais le dynamisme des chansons et des chorégraphies - l'athlétique séquence de la grange est exaltante - emporte tout, comme le Technicolor des décors peints et le casting mené par Howard Keel et Jane Powell. BR US

Licorice pizza (Paul Thomas Anderson, 2021) **
En 1973 à L.A., un collégien de quinze et une stagiaire de vingt-cinq ans sympathisent et s'associent en affaires. Un chronique californienne tendre et généreuse qui déroule comme ça, entre la rencontre et le baiser, des péripéties plutôt absurdes et amusantes à l'intérêt entièrement construit sur la mise en scène - cf. la première séquence, formidable - et la présence à l'écran de ses deux jeunes acteurs, Alana Haim et Cooper Hoffman. BR FR

Alice et le maire (Nicolas Pariser, 2018) **
Las et hésitant à se présenter à l'investiture socialiste à la présidentielle, le maire de Lyon embauche une jeune philosophe pour l'aider à remettre ses idées en place. Sur un sujet qui pourrait être du 17e siècle, l'étude bien contemporaine de la pensée devenue communication en politique. Le film est intelligent et touchant, par sa mise en scène épurée et la justesse de Fabrice Luchini - en retenue - et d'Anaïs Demoustier, toujours parfaite. BR FR

The Crown, Season 5 (Peter Morgan, 2022) **
De l'incendie de Windsor au divorce de Charles et Diana, la decas horribila de la famille royale. Portée par une musique funèbre, la 5e saison est plus sombre que les autres, concentrée sur les conflits intimes de ses quelques personnages choisis. Mais l'idée géniale de panacher moments connus de tous et confidences de trou de serrure fonctionne à plein, même si Imelda Staunton ressemble moins à la Reine d'Angleterre qu'à l'Impératrice de Chine. Netflix

L'équipée sauvage / The wild one (Laslo Benedek, 1953) *
Menée par un séduisant taiseux, une bande de motards en blouson noir chahute une petite ville américaine tranquille. L'importance historique sociétale du film est indéniable, Marlon Brando est vraiment charismatique et certaines images et attitudes sont passées à la postérité. Mais les rebelles à la moto et à la Bud d'hier semblent de bons garçons et leurs méfaits bien désuets 70 ans plus tard. La force d'origine est perdue. BR UK  

Les voyages de Gulliver / The 3 worlds of Gulliver (Jack Sher, 1960) 0
Un médecin naufragé échoue sur une île peuplée de lilliputiens puis une autre de géants. Cette adaptation du roman satirique de Swift, bien trop bavarde pour les enfants et bien trop infantile pour les adultes, ennuiera tout le monde. Les trucages des tailles sont bons mais les effets répétitifs - caméra en plongée ou contre-plongée - et Ray Harryhausen n'anime qu'un malheureux crocodile. Reste la partition de Bernard Herrmann. BR UK

Guy (Alex Lutz, 2018) ***
Un jeune documentariste suit au quotidien un ancien chanteur populaire des années 70-90 qui s'est retiré dans le Var mais tourne encore un peu. Pas du tout un film de nostalgie pop mais une chronique mélancolique sur le temps qui passe, les souvenirs qu'il laisse et les chemins qu'il referme. Alex Lutz est assez incroyable dans le rôle de l'artiste désabusé qui parle à son interlocuteur face caméra. Une élégie qui fait du bien et du mal. DVD Z2 FR

Cherchez la femme (Sou Abadi, 2017) **
Devenu islamiste, le frère d'une étudiante de Sciences-Po refuse qu'elle voie son copain. Celui-ci a l'idée de se cacher sous un niqab pour la retrouver, sans imaginer qu'il va séduire le frère. Il y a du "Some like it hot" chez les intégristes musulmans dans cette comédie vraiment drôle sur les idéologies et les apparences. Et par l'humour des situations, l'audace d'un regard léger sur un sujet sérieux. Félix Moati est excellent sous son voile. DVD Z2 FR

Qui tire le premier ? / A time for dying (Budd Boetticher, 1969) **
Un jeune homme et une jeune fille qu'il a sauvée d'un bordel partent à cheval vers le ranch du père du garçon. Le dernier film de Boetticher, produit par Audie Murphy - qui fait une apparition dans une belle scène -, est un western à tout petit budget dont le scénario est incertain et l'acteur principal - Richard Lapp - épouvantable. Et pourtant, il se dégage du film un charme indicible, par son humour maladroit et sa mélancolie. BR UK

Section d'assaut sur le Sittang / Yesterday's enemy (Val Guest, 1959) **
En Birmanie en 1942, le capitaine - Stanley Baker, solide - d'une patrouille britannique qui s'est emparée d'un village expérimente à ses dépends l'amoralité de la guerre. Un film de la Hammer qui ose mettre en miroir et à froid les exactions anglaises et japonaises. Dans le décor d'une jungle de studio luxuriante et dans une cinématographie théâtrale, l'humanité se désagrège, ouvrant sur un nihilisme étonnant pour son temps. BR UK

Chocolat (Roschdy Zem, 2016) *
Au tournant des années 1900 à Paris, l'histoire du duo de cirque Footit et Chocolat, qui créa le couple clown blanc/auguste. Le premier artiste de scène noir en France revient dans la lumière avec ce film qui bénéficie de la présence d'Omar Sy et de James Thierrée, tous deux formidables. Mais qui pâtit d'un d'un scénario et d'une réalisation académiques qui transforment le destin tragique de Chocolat/Rafael en support pédagogique. BR FR

Vampyr (Carl Th. Dreyer, 1932) ***
Descendu dans une auberge campagnarde, un jeune homme fait des rencontres et des expériences morbides. C'est l'atmosphère d'extrême inquiétude et les images génialement évocatrices - la dernière est sublime - qui frappent dans ce film d'horreur autant que d'art et de poésie noire. Tout y est somnanbulique et il faut se laisser porter par les séquences à la dynamique de cauchemar. Aussi, comme tout Dreyer, c'est parfois un peu chiant. BR UK

Les passagers de la nuit (Mikhaël Hers, 2021) **
De 1983 à 1988 à Paris, quelques jours et nuits d'une femme quittée par son époux, de ses deux ados et d'une jeune SDF qu'ils ont accueillie. Les liens d'intimité affective entre les personnages, révélés en une suite de moments impressionnistes, structurent l'histoire dont les péripéties et l'époque pourraient être toutes autres que ça serait la même chose. Charlotte Gainsbourg est parfaite et le décor du quartier Beaugrenelle insolite. BR FR 

Coach to Vienna / Kočár do Vídne (Karel Kachyna, 1966) ***
A la fin de de la Seconde guerre mondiale, une jeune fermière tchèque dont le mari a été exécuté par les allemands doit accompagner dans sa carriole deux soldats de la Wehrmacht jusqu'à la frontière autrichienne. Entièrement situé dans la brume d'une forêt sublimée par des travelings somptueux, un huis-clos à trois personnages sur les complexités morales de la vengeance. Peu est dit, peu se passe et c'est tristement magnifique. BR UK

Les reines du music-hall / Ladies of the chorus (Phil Karlson, 1949) **
Une jeune showgirl courtisée par un riche prétendant fait face à sa mère, showgirl elle aussi, qui craint pour le bonheur de sa fille. Une courte - 58' - comédie musicale qui offre à Marilyn Monroe, 22 ans et radieuse, son premier grand rôle et deux chansons. Elle s'en sort à merveille, laissant même parfois paraître l'aura de la star qu'elle deviendra quelques années plus tard. Une série B à la fois historique et sympathique comme tout. DVD Z2 FR 

Il buco (Michelangelo Frammartino, 2021) **
En 1961 en Calabre, un groupe de spéléologues explore le gouffre du Bifurto, qui se révèlera l'un des plus profonds du monde. Au-dessus, un vieux berger fait paître ses vaches et la nature suit son cours imperturbable. Filmé in situ, le film nous plonge avec les explorateurs dans l'abysse vertical et les pâturages, sans un mot, sans une musique. Les images sont magnifiques et l'expérience, si on la goûte, presque métaphysique. BR UK

The amusement park (George A. Romero, 1973) **
Espérant trouver de la distraction et de la compagnie dans un parc d'attraction, un septuagénaire déchante. Commandé par les services sociaux luthériens pour alerter sur l'invisibilité et la discrimination indigne des personnes âgées, ce moyen métrage de 52' a vite été mis de côté avant sa redécouverte cinquante ans plus tard. C'est du Romero pur jus : mise en scène claustrophobique, horreur sociale, tristesse infinie. Percutant. BR UK

2 octobre 2022

Films vus par moi(s): octobre 2022


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

À la recherche de Garbo / Garbo talks (Sidney Lumet) **
Alors que sa mère (Anne Bancroft) meurt d'un cancer, un comptable décide de réaliser son dernier souhait : rencontrer son idole, Greta Garbo. L'histoire est le prétexte à une succession de séquences autour de rencontres de solitudes dans la mégapole de New York. Toutes sont attachantes, notamment celle d'Harvey Feinstein en gay en demande de contact. Un petit film de Lumet riche d'une simplicité et d'un humanisme sincères. BR FR

À mort l'arbitre ! (Jean-Pierre Mocky, 1983) **
Furieux d'un pénalty qu'ils contestent, quelques supporters d'une équipe de foot excités par leur meneur décident de s'en prendre à l'arbitre. Michel Serrault, dans un rôle cousu main pour lui, en fait des tonnes en beauf frustré, suivi d'une bande de gueules plus bestiales que la sienne. La satire tourne à un survival bien mené dans les décors claustrophobes d'un centre commercial, d'une usine et d'immeubles de Bofill. Et en gilets jaunes. BR FR 

Zeros and ones (Abel Ferrara, 2021) 0
Dans une Rome désertée, un militaire américain (Ethan Hawke, toujours bien) est aux prises avec le FBI, des oligarques russes et des terroristes qui ciblent le Vatican. Enfin, je crois car le scénario opaque et décousu ne paraît qu'être le prétexte à avoir tourné léger, de nuit, pendant le premier confinement avec infrarouges et drones. Ethan Hawke apparait en personne au début et à la fin du film pour dire que le film est bon... BR FR

Le fils du requin (Agnès Merlet, 1993) ***
Au Tréport, deux frères d'une dizaine d'années déscolarisés sèment le chaos. Les quelques moments de grâce qui tournent autour d'une poésie de Lautréamont élèvent au niveau du conte ce drame de la délinquance juvénile à la fois irrespirable et touchant. Les deux jeunes acteurs non professionnels sont sensationnels dans leurs rôles aussi antipathiques que rudes, physiquement et psychologiquement, d'enfants en perdition. BR FR

Les étrangleurs de Bombay / The stranglers of Bombay (Terence Fisher, 1959) ***
Aux Indes à la fin du 19e siècle, un officier britannique enquête sur une secte d'assassins dévoués à Kâlî, les Thugs. Exotique et sadique, un excellent film de la Hammer qui ne recule pas devant le gore des cruautés des adorateurs de la déesse ni la subtile critique de la corruption coloniale. Les décors évoquent superbement la moiteur de l'atmosphère et la musique de James Bernard les effluves orientales et le suspense. BR UK

Lady Lou / She done him wrong (Lowell Sherman, 1933) **
A New York dans les Gay Nineties, la vedette d'un saloon se retrouve impliquée dans des embrouilles. Mae West se déplace en long en large et en travers de sa démarche inimitable et distribue ses oeillades et réparties pleines de sous-entendus dans cette comédie Pre Code qui repose entièrement sur l'outrance assurée de sa star aussi scandaleuse que sympathique. Face et grâce à elle, Cary Grant y lançait sa carrière. BR UK

Albatros (Xavier Beauvois, 2021) **
À Etretat, un gendarme qui a tué sans intention un agriculteur endetté sombre dans la dépression. L'approche naturaliste du quotidien des gendarmes au début du film cède la place à l'observation d'un type sans histoire rongé par la culpabilité puis, comme souvent chez le réalisateur, à sa confrontation à la Grâce. Jérémie Renier fait admirablement passer la confusion du personnage que l'eau du ciel et de la mer trempe et relève. DVD Z2 FR  

L'aîné des Ferchaux (Jean-Pierre Melville, 1963) ***
Un homme d'affaires poursuivi par la justice fuit aux Etats-Unis accompagné d'un jeune boxeur recruté comme secrétaire. Librement adapté de Simenon, le film mal-aimé de Melville réunit Charles Vanel et Jean-Paul Belmondo - tous deux formidables - dans une sorte de road-movie théâtral porté par la musique de Georges Delerue. La relation homosexuelle suggérée donne à l'histoire et au film une force décuplée. DVD Z2 FR

Une heure près de toi / One hour with you (Ernst Lubitsch, 1932) ***
Venue lui rendre visite, la meilleure amie d'une femme du beau monde s'amuse à séduire le mari de celle-ci. La suggestion sexuelle crépite dans ce vaudeville conjugal Pre Code qui se joue de la censure et de l'académisme avec un panache d'une légèreté irrésistible. Maurice Chevalier et Jeanette MacDonald forment un couple formidablement sympathique et poussent les chansonnettes pleines de sous-entendus avec le sourire. Radieux. BR FR

Blonde (Andrew Dominik, 2022) 0
La Passion de Norma Jeane. L'adaptation du roman-fleuve de Joyce Carol Oates - que j'avais adoré - est l'interminable et complaisant supplice d'un personnage de cinéma qui se trouve être Marilyn Monroe, et de son vagin. Obscène visuellement et pire, moralement, c'est une vraie saloperie déguisée sous les artifices démonstratifs du film d'art. Ana de Armas essaye de faire ce qu'elle peut mais elle aussi est victime. Révoltant. Netflix

3 septembre 2022

Films vus par moi(s): septembre 2022


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Athena (Romain Gavras, 2022) *
Suite à la mort d'un adolescent par ce qui est soupçonné être une bavure policière, une cité s'embrase. Convoquant les poèmes épiques grecs, les plans-séquences à la de Palma et la pyrotechnie du Puy du Fou, ce film assez putassier offre un spectacle époustouflant d'une grandeur antique sur un sujet d'actualité brûlant. Mais la fin montre qu'en plus de l'esthétisme de la violence, il a une chose à dire. Est-ce responsable ? Netflix

La fille du bois maudit / The trail of the Lonesome Pine (Henry Hathaway, 1936) **
Dans les forêts du Kentucky, un ingénieur venu de la ville pour installer un chemin de fer séduit une jeune femme dont la famille voue une haine ancestrale à un autre clan. Fred MacMurray, Sylvia Sidney et Henry Fonda sont pris dans le conflit et un scénario assez poussif et bavard. Mais le film, le second tourné en Technicolor trichrome, est porté par ses couleurs qui magnifient les décors et les paysages. Pour la prouesse technique. BR FR 

Une femme est une femme (Jean-Luc Godard, 1961) *
À la Porte Saint-Denis à Paris, une jeune strip-teaseuse dont le copain ne veut pas d'enfant cherche à le provoquer en tentant un de ses amis. La potacherie, la désinvolture et la créativité brillantes du film, stupéfiantes à sa sortie, m'ont fatigué comme les jeux de mots par leur systématisme satisfait. Anna Karina, Jean-Claude Brialy et Jean-Paul Belmondo sont parfaits et Paris en 1961 est coloré comme tout mais tout cela ne m'a pas parlé. BR UK

Le fanfaron / Il sorpasso (Dino Risi, 1962) ***
S'étant rencontrés dans la Rome désertée du 15 août, un type extraverti entraîne un étudiant en droit introverti à faire une virée en décapotable jusqu'au bord de la mer. L'humour et la mélancolie, l'action et l'introspection, la désinvolture et la gravité : ce chef-d'oeuvre accorde les opposés et les deux personnages - Vittorio Gassman et Jean-Louis Trintignant, inoubliables - en un équilibre miraculeux et terrassant. BR FR

Madres paralelas (Pedro Almodóvar, 2021) **
Voisines d'accouchement dans une clinique de Madrid, une quadragénaire et une adolescente seules - Penélope Cruz et Milena Smit, bouleversantes - se retrouvent plus tard et tissent une relation complexe. La réassurance de la filiation et la mémoire des morts sont au coeur de ce Woman's Picture d'Almodóvar qui mêle mélodrame pur et activisme politique - la Guerre d'Espagne - dans un équilibre incertain mais néanmoins prenant. BR FR

2 août 2022

Films vus par moi(s): août 2022

*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Nope (Jordan Peele, 2022) *
Un phénomème mystérieux de type OVNI intrigue le propriétaire d'un ranch isolé du désert californien. Il y a des idées formidables, des images fortes et quelques séquences à suspense efficaces dans ce film fantastique et pourtant rien ne s'inscrit, la faute à un scénario qui privilégie le symbolisme abscons à la narration régulière et un monstre franchement ridicule. A quoi s'ajoute le personnage de la soeur, insupportable. Nope. Ciné

Adieu Philippine (Jacques Rozier, 1962) **
L'été 1960, un technicien de l'ORTF en attente d'Algérie sympathise avec deux filles avec lesquelles il sort à Paris puis en escapade corse. La liberté de la caméra portée et de l'improvisation relative des acteurs tranche avec les dialogues réenregistrés en studio et donne à ce film d'une fraîcheur insouciante une hybridité originale qui ouvrait la voie à La Nouvelle Vague. Une courte scène de danse face caméra est un moment sublime. DVD Z2 FR

Bruno Reidal (Vincent Le Fort, 2019) ***
En 1905, un jeune paysan séminariste du Cantal qui a tué un petit garçon est entendu par trois médecins. A partir de leur rapport et des mémoires de l'assassin - dites en voix off -, le film s'attache à entrer dans la psyché de celui-ci pour contextualiser la pulsion et le geste. Les paysages de la campagne sont le décor ensoleillé d'une détresse humaine d'une rare noirceur, rendue palpable par le jeu impressionnant de Dimitri Doré. BR FR 

Le charlatan / Nightmare Alley (Edmund Goulding, 1947) ***
Un opportuniste embauché dans une foire conquiert le succès en perfectionnant un numéro de mentaliste auprès d'un public aisé. Tyrone Power casse son image de play-boy sympathique dans ce film mi-noir mi-gothique sur la chute d'un homme attiré par l'abysse. Entièrement construit sur des séquences nocturnes et impliquant à la fois cartomancie, psychologie et psychanalyse, un extraordinaire hybride incompris à sa sortie. BR US

La minute de vérité (Jean Delannoy, 1952) **
Au chevet d'un jeune suicidé, un médecin découvre que celui-ci était l'amant de sa femme. Classicisme à la française pour ce drame de la bourgeoisie aux superbes scènes de confrontation entre Michèle Morgan et Jean Gabin dans les affres de l'adultère. Le choix de placer le point de vue entièrement du côté de l'épouse est excellent, apportant au propos une orientation clairement féministe très audacieuse pour l'époque. BR FR

Pour moi et ma mie / For me and my gal (Busby Berkeley, 1942) ***
En 1917, deux artistes de vaudeville forment un duo scénique au moment de l'entrée en guerre des Etats-Unis. Judy Garland dans son premier rôle adulte et Gene Kelly dans son premier rôle tout court crèvent l'écran de leur charisme et de leur talent dans cet épatant musical par Berkeley qui ne présente aucune de ses chorégraphies délirantes mais rend hommage au music-hall 1900 tout en poussant l'effort de guerre, la Seconde. BR US

Maigret (Patrice Leconte, 2022) ***
Le commissaire Maigret s'investit entièrement dans l'enquête sur la mort et l'identité d'une jeune femme anonyme retrouvée lardée de coups de couteaux. Comme souvent chez Simenon - et c'est superbement traduit par le film - le mystère criminel est prétexte à l'étude des personnalités et des atmosphères. Ici, c'est Maigret lui-même - Depardieu idéal tout en lassitude rentrée - qui est le sujet, bouleversé par des filles de vingt ans. BR FR

Le monstre sans visage / Ladron de cadaveres (Fernando Mendez, 1957) *
À Mexico, un détective et son acolyte pistent un savant fou qui greffe des cerveaux de gorilles à des catcheurs pour les rendre plus forts. L'horror mexicaine hybride les clichés hollywoodiens du genre dans un contexte hispano-kitsch à nul autre pareil. Dans ce film fondateur, Frankenstein et King Kong sont les références, redirigées dans le monde du catch, dont des matchs parsèment l'histoire. Du n'importe quoi cheap et amusant. BR US 

Pink flamingos (John Waters, 1972) ***
Dans la banlieue de Baltimore, une famille White Trailer Trash est défiée par un couple pervers. Stupéfiant d'anarchie, l'un des chefs-d'oeuvre de la période sacrée de Waters profane la morale, la censure et le bon bon goût en offrant à toute l'équipe des Dreamlanders - menée par Divine, fabuleuse - des dialogues et des actions franchissant toutes les limites. Hilarant et absolument culte, c'est l'un des grands films des 70s. BR UK 

La taverne de la Nouvelle-Orléans / Adventures of Captain Fabian (William Marshall, 1951) *
Vers 1860, une servante métisse manigance son maître à l'épouser. Une vraie curiosité que ce mélodrame en costumes que le titre fait passer pour un film d'aventures - le capitaine Fabian, c'est Errol Flynn en second rôle - car l'histoire est toute centrée autour de Micheline Presle  - Prelle en anglais - et de Vincent Price. Tout le monde surjoue, dont Agnès Moorehead en blackface, sans y croire. L'outrance est plutôt marrante. BR US

La nuée (Just Philippot, 2020) ***
En Auvergne, une aide-soignante reconvertie survit difficilement avec ses deux enfants de l'élevage de criquets comestibles jusqu'au jour où elle découvre l'efficacité du sang dans le développement des insectes. Ce qui pourrait n'être qu'un film horrifique de bestioles se révèle, grâce aux acteurs, à la réalisation et au scénario, un puissant suspense et une métaphore efficace sur la détresse contemporaine du monde agricole. BR FR

10 juillet 2022

Film vus par moi(s): juillet 2022


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Hard (John Huckert, 1998) ***
À L.A., un serial killer gay d'ados prostitués joue au chat et à la souris avec un flic, gay aussi mais dans le placard. Le sujet a priori assez putassier débouche, par l'écriture et la réalisation intelligentes et tendues, sur un excellent thriller qui supplante "Cruising" - auquel on pense forcément - par son regard dénonciateur sur l'homophobie ordinaire dans la société et la police. La violence, même suggérée, reste extrême et a condamné le film à l'oubli. DVD FR

Alice au Pays des Merveilles / Alice in Wonderland (Clide Geronimi & Wilfred Jackson & Hamilton Luske, 1951) **
Une petite anglaise qui s'est endormie se retrouve dans un endroit inconnu à affronter des situations et des personnages insensés. Les séquences inoubliables (la chute dans le puits, la mer de larmes, les fleurs, le chat de Cheshire, la Reine de Coeur...) qui parsèment l'adaptation de Lewis Carroll par Walt Disney réussissent à rattraper le côté décousu et désincarné du film, qui reste tout de même l'un des plus audacieux et originaux du studio. BR FR

Falstaff / Chimes at midnight (Orson Welles, 1965) ***
Hal, le fils du roi d'Angleterre Henri IV, préfère la compagnie de son truculent tuteur Falstaff aux obligations de son rang. La réalité politique mettra à l'épreuve leur amitié. Construit d'après plusieurs pièces de Shakespeare, le personnage de Falstaff - la création d'Orson Welles est formidable - permet au réalisateur-acteur de tisser une fable tragi-comique à la fois dynamique et mélancolique sur l'ingratitude du temps qui passe. Brillant. BR US 

La Belle et la Bête / Panna a Netvor (Juraj Herz, 1978) ***
Une jeune femme habite le château d'une créature mi-humaine mi-animale à tête de rapace. Cette version tchèque du conte est baignée d'une atmosphère funèbre, dans les décors décrépits, les couleurs délavées, la musique à l'orgue et l'iconographie surréaliste morbide typique du cinéma fantastique des pays de l'Est de l'époque. Elle est aussi baignée d'une forte emprise psychanalytique jungienne qui enrichit le thème. DVD FR

Daisy Miller (Peter Bogdanovich, 1974) **
Un américain expatrié en Suisse est séduit par une de ses compatriotes en vacances en Europe. Un étrange spectacle que cette adaptation du roman d'Henry James sur le choc des cultures et les brides affectives : Cybill Shepherd - alors compagne du réalisateur - est écrasée par le rôle et son jeu incertain rend le personnage et le film peu attachants. Et pourtant, la dernière partie vous submerge par une mélancolie venue de nulle part. BR FR 

Mais n'te promène donc pas toute nue ! (Léo Joannon, 1936) ***
Un jour de canicule à Paris, un député briguant un ministère se prend le bec avec sa femme qui évolue en petite tenue dans leur appartement à larges fenêtres. L'hilarante pièce anti-parlementaire et proto-féministe en un acte de Feydeau est formidablement adaptée dans ce court de 35' qui fait crépiter les situations et les dialogues à allusion interprétés par Arletty, Oudart, Sinoël et Tissier. Un vrai moment de fraîcheur cinéphile. Web

Conjuring 3 : Sous l'emprise du Diable / The Conjuring 3: The Devil made me do it (Michael Chaves, 2021) 0
En 1981, les époux démonologues Warren affrontent les forces des Ténèbres autour d'un jeune homme possédé. Je n'en sais pas plus - mais je m'en doute - ayant arrêté au bout de 50' devant les clichés - tous ces clins d'oeil à L'Exorciste au début - et la paresse du film. Si les deux premiers Conjuring sont très bons, portés par un vrai savoir faire de l'inquiétude et les acteurs Vera Farmiga et Patrick Wilson, celui-ci est irrécupérable. BR NE

Red rocket (Sean Baker, 2021) **
Revenu au pays après quinze ans de carrière dans le porno à L.A., un combinard survit au milieu des White Trash de la banlieue de Texas City. Photographié avec une esthétique pop qui jure avec le propos et assez répétitif dans ses péripéties, un film d'Americana comi-tragique qui fonctionne par la présence de ses acteurs, la plupart des non-professionnels rassemblés autour des formidables Simon Rex et de la débutante Suzanna Son. BR FR

The mule (Angus Sampson & Tony Mahony, 2014) *
Ayant ingurgité des sachets d'héroïne en Thaïlande pour un ami qu'il ignore être trafiquant, un australien confondu au retour par les douanes est placé sous surveillance policière dans un hôtel jusqu'à ce qu'il chie les sachets de poudre... qu'il dit être du sucre. Il décide de se retenir de déféquer pour ne pas confirmer qu'il s'agit de drogue. Les jours passent, le ventre gonfle et les flics s'énervent. Le film est bourrin, malin et pas chiant lui non plus. DVD Z2 BE

9 juin 2022

Films vus par moi(s): juin 2022


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Parfum de femme / Profumo di donna (Dino Risi, 1974) ***
Un ancien militaire quinquagénaire devenu aveugle par accident se fait accompagner par un appelé dans un voyage entre Gênes, Rome et Naples. Douze ans après "Le Fanfaron" et sur un thème assez proche, un autre chef-d'oeuvre du mélodrame existentiel à l'italienne. Vittorio Gassman, magnétique dans sa présence et son jeu, s'approprie le film, parfaitement secondé par le jeune et tragique Alessandro Momo. BR FR

Monsoon (Hong Khaou, 2019) *
Un trentenaire anglais d'origine vietnamienne - Henry Golding, très bien - dont la famille à émigré en Angleterre après la guerre revient trente ans après à Saïgon pour y disperser les cendres de ses parents. La rencontre sentimentale avec un expatrié noir américain dont le père a combattu de l'autre côté est la seule péripétie de ce film visuellement léché qui se complait dans une mélancolie et une lenteur pesantes. Chichiteux. BR UK

La bête aveugle / Mōjū / Blind beast (Yasuzo Masumura, 1969) **
Un sculpteur-masseur aveugle enlève une modèle et l'enferme dans son atelier de nus féminins gigantesques. Un pur film de genre où l'érotisme et le Grand Guignol à la japonaise déploient leurs outrances dans un étonnant décor étonnant de carton-pâte. Toutes les attitudes et tous les dialogues sont convulsifs, sur un mode sado-masochiste qui annonce L'Empire des Sens tout en restant dans la forme de la série B. Bizarroïde. BR UK   

3 mai 2022

Films vus par moi(s): mai 2022

*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

La mort de Belle (Edouard Molinaro, 1961) ***
Près de Genève, la vie tranquille d'un professeur de lettres bascule quand la jeune américaine au pair qu'il accueille avec sa femme est assassinée. D'après Simenon, l'étude d'un personnage qui se révèle à lui-même sur un scénario aux intonations freudiennes un peu appuyées mais qui fonctionne parfaitement grâce à Jean Desailly, formidablement touchant, et à la mise en scène discrète et précise. Un film assez désespéré, à la Simenon, vraiment. BR FR

France (Bruno Dumont, 2021) ***
La journaliste star d'une chaîne d'information en continu fait un burn-out. Derrière la satire des médias contemporains, qui est l'aspect le plus convenu du film, l'intrigant portrait d'une femme qui a perdu son âme et erre comme un fantôme dans le monde et sa vie. Le jeu incertain des acteurs, dérangeant au début, se révèle passionnant, avec au premier plan - et toute en gros plans - Léa Seydoux dans une performance somnambulique. BR FR

Une place au soleil / A place in the sun (George Stevens , 1951) ***
Un jeune homme d'origine modeste tombé amoureux d'une riche héritière doit faire avec son encombrante compagne. Montgomery Clift et Elizabeth Taylor forment un des plus beaux couples du cinéma dans ce mélodrame cruel sur la culpabilité et les pièges de l'ascension sociale. L'excellente mise en scène isole le personnage joué - superbement - par Clift dans sa fragilité torturée qui bouscule le stéréotype masculin hollywoodien. BR FR

Dead zone / The Dead Zone  (David Cronenberg, 1983) **
Dans le Maine, un prof accidenté sorti du coma découvre qu'il peut voir l'avenir des autres en leur serrant la main alors qu'un politicien local mène campagne. D'après Stephen King, un bon thriller sur le pouvoir et la responsabilité servi par la mise en scène et le casting, mené par Christopher Walken, assez bouleversant dans le rôle tragique d'un quidam dépassé par son don. Le parfum très Eighties de l'ensemble rappelle un cinéma d"époque disparu. BR DE 

BAC Nord (Cédric Jimenez, 2020) ***
En 2012 à Marseille, trois policiers de la BAC Nord usent de méthodes non conformes pour coincer un réseau de trafiquants de drogue. D'après des événements qui firent du bruit dans les médias, un film policier haletant où l'action et l'intime fusionnent habilement, portés par Gilles Lellouche, François Civil et Karim Keklou qui incarnent les trois flics désabusés par une hiérarchie qui leur délègue le terrain miné. On comprend comment le film a pu être récupéré politiquement. BR FR 

L'homme à la peau de serpent / The fugitive kind (Sidney Lumet, 1960) ***
Dans un bourg du Mississippi, un beau guitariste trouve un petit boulot dans une droguerie tenue par une quinquagénaire frustrée dont le mari se meurt. Cette adaptation de Tennessee Williams possède un peu de l'hystérie habituelle de l'auteur - la sauvageonne par Joanne Woodward - mais étincelle par la confrontation entre Anna Magnani et Marlon Brando, qui joue et est filmé avec une charge sexuelle assez terrassante. Un film bien meilleur que sa réputation. BR US

Tralala (Jean-Marie & Arnaud Larrieux, 2020) 0
Venu à Lourdes sur la trace d'une jeune fille rencontrée à Paris, un chanteur de rues vagabond est pris pour un jeune homme disparu depuis vingt ans et sème le trouble chez ses proches. Mathieu Amalric en crasseux est entouré de Josiane Balasko, Mélanie Thierry, Maïwenn, Denis Lavant... dans cette comédie musicale existentielle dont je n'ai pas pu supporter le filet monocorde des acteurs sans voix poussant la chansonnette. Raté pour moi. BR FR 

Un violent désir de bonheur (Clément Schneider, 2018) *
Dans l'arrière-pays niçois en 1792, un jeune moine dans un couvent est sensible aux idées de révolutionnaires venus réquisitionner les lieux. Un bon sujet, un excellent titre et de belles images de la campagne solaire dans laquelle les mentalités évoluent, sans violence. Mais la réalisation sage, le jeu approximatif des acteurs et les références contemporaines appuyées donnent au film le sentiment d'un projet d'un étudiant pasolinien.  DVD Z2 FR

2 avril 2022

Films vus par moi(s): avril 2022

*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Le mystère Marilyn Monroe : Conversations inédites / The mystery of Marilyn Monroe: The unheard tapes (Emma Cooper, 2022) 0
A partir de ses enregistrements audio d'entretiens avec des témoins des derniers mois de l'actrice, le biographe Anthony Summers - auteur en 1985 de "Goddess / Les vies secrètes de Marilyn Monroe" -  revient sur les causes de sa mort. La démonstration se veut imparable mais les témoins essentiels sont-ils crédibles ? Et cette idée de donner corps aux voix par des acteurs jouant les témoins en play-back ? Quant à la photo putassière de Marilyn morte sur son lit... Bref. Netflix

Au poste (Quentin Dupieux, 2018) 0
Dans un commissariat, la confrontation entre un flic atypique (Benoît Poelvoorde) et son suspect en garde à vue (Grégoire Ludig). Après 30 minutes, c'est en accéléré que j'ai jeté un oeil sur cette comédie claustrophobe - tout ou presque ce passe dans le décor d'un bureau de police, avec un twist à la fin - qui repose entière sur un type d'humour, l'absurde hurluberlu des situations, des dialogues et du jeu, que je ne peux pas saquer. Peine perdue. BR FR

Aline (Valérie Lemercier, 2020) * 
De la campagne québécoise aux néons de Las Vegas, la vie d'Aline Dieu, aka. Céline Dion. L'histoire de la gamine à voix qui conquiert le monde est racontée de façon strictement narrative, sans véritable conflit ni point de vue dans un biopic étonnamment respectueux de la part de Lemercier (d'ailleurs très bien dans le rôle), d'habitude plus mordante. Ce qui se dégage, c'est la tendresse que la réalisatrice porte à son sujet et c'est déjà pas mal. Prime Video  

Bécassine (Pierre Caron, 1940) *
À Clocher-les-Bécasses en Bretagne, une petite bonne entrée au service de la marquise de Grand-Air assiste au manège d'un trio d'escrocs en résidence au manoir. La belle côte de granit de Trégastel sert de décor à cette comédie loufoque qui n'amuse que par sa bêtise et la présence de quelques vieux cabotins (Max Dearly, Alice Tissot et surtout Marguerite Deval). Paulette Dubost en Bécassine n'essaye même pas l'accent breton, c'est con. DVD Z2 FR

Illusions perdues (Xavier Giannoli, 2021) ***
Vers 1820, un provincial (Benjamin Voisin) venu tenter sa chance littéraire à Paris devient rédacteur d'un journal sans foi ni loi et s'imagine se hisser jusqu'à la Cour. Les stratégies et les compromissions des individus et des groupes dans le contexte du capitalisme naissant tissent le scénario dynamique de cette adaptation de Balzac portée par une mise en scène et un casting superbes. Les clins d'oeil au monde actuel sont un peu lourds, mais bon... BR FR 

Apollo 10 1/2 : Les fusées de mon enfance / Apollo 10 1/2: A space age adventure  (Richard Linklater, 2022) *
En 1969 à Houston, un jeune adolescent suit à la télé avec sa famille l'arrivée des premiers hommes sur la Lune en rêvant qu'il fait partie de l'aventure. Un dessin animé en rotoscopie qui joue uniquement - et rien d'autre - sur la nostalgie d'une enfance américaine protégée et heureuse. C'est spielbergien en diable, les madeleines de Proust et l'Americana sont formidablement sympathiques mais c'est tout, le vide est presque intersidéral. Netflix 

Jerk (Gisèle Vienne, 2021) **
Devenu marionnettiste et ventriloque, le complice d'un tueur en série pédophile des années 70 raconte les crimes depuis la prison où il a monté un spectacle. En un plan-séquence de 60' et avec une seule chaise comme accessoire, une performance stupéfiante de physicalité de Jonathan Capdevielle, qui, avec l'aide de cinq marionnettes, de ses cordes vocales et de sa salive, suggère l'abominable et glace les sangs. D'après une pièce. Hard. DVD Z2 FR 

Fille du Diable (Henri Decoin, 1946) *
Ayant pris l'identité d'un accidenté fortuné, un voleur devenu notable du village de celui-ci se fait remarquer par un médecin et une réprouvée. Truffé d'invraisemblances et desservi par un Pierre Fresnay qui ne croit pas à son rôle, un film qui reste intéressant par son atmosphère un peu fantastique, le sourire sardonique de Fernand Ledoux et surtout, la présence intense de la tragique Andrée Clément en jeune fille farouche et révoltée. Pour elle. BR FR 

Lux Aeterna (Gaspar Noé, 2019) **
Sur le plateau d'une production fauchée, le tournage chaotique d'une scène de bûcher de sorcières. Un moyen-métrage de 50' qui panache film de genre, comédie et cinéma expérimental avec un dynamisme exaltant, dû au split-screen, à l'acrobatie des dialogues improvisés - Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg sont formidables - et à l'hystérie généralisée. J'ai beaucoup ri, jusqu'au final en violent stroboscope, aussi intéressant que pénible. BR FR

7 mars 2022

Films vus par moi(s): mars 2022

*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Benedetta (Paul Verhoeven, 2021) **
Dans les années 1620 en Toscane, une religieuse qui a des visions christiques entretient une relation lesbienne avec une novice pendant que la peste ravage le pays. Le première heure poussive fait place à une seconde partie palpitante qui croise les thématiques du désir, du pouvoir et de l'appel dans un conflit superbement écrit et mis en scène. Virginie Efira donne à son personnage une assurance magnétique et Charlotte Rampling en impose. BR FR

Le Journal d'Andy Warhol / The Andy Warhol Diaries (prod. Ryan Murphy, 2022) **
Avec des films d'archives, des témoignages de proches, des reconstitutions par silhouettes et de la voix recréée - plutôt bien - de Warhol qui nous fait plonger dans ses pensées, un portrait intime de l'homme plutôt que de l'artiste, au travail à peine évoqué. Centré sur ses amours avec Jed Johnson et Jon Gould et accompagné d'une musique mélancolique à souhait, le documentaire est une longue élégie au personnage à la fois génial, impossible et paumé. Netflix

Les disparus de Saint-Agil (Christian-Jaque, 1938) **
Dans un pensionnat en 1938, trois camarades planifient un départ en Amérique. Le pouvoir de l'imaginaire des enfants - et leur désillusion ou survie dans l'âge adulte - est le beau sujet de ce film dont la place mythique dans le cinéma de l'époque est excessive. Le scénario décousu et la mise en scène assez plate ne s'élèvent pas au niveau du thème. Mais les trois jeunes acteurs, Erich von Stroheim et Armand Bernard sont formidables. BR FR

Le bal des 41 / El baile de los 41 (David Pablos, 2020) 0
En 1901 à Mexico, le gendre du président délaisse sa jeune épousée et entame une liaison avec un homme avec lequel il fréquente un club exclusif de l'élite homosexuelle du pays. Le scandale de "Los 41 maricones" est un étonnant fait divers et aurait pu faire un excellent film mais à force de scènes inutilement étirées, de longs silences qui se veulent éloquents et d'éclairage mordorés, on se prend à n'en avoir rien à foutre. Netflix

5 février 2022

Films vus par moi(s): février 2022


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

The leather boys (Sidney J. Furie, 1964) ***
À Londres, un jeune homme marié à une fille un peu soûlante se lie d'une amitié fusionnelle avec un biker excentrique qu'il attire. Filmé en décors naturels dans un splendide CinemaScope N&B, un kitchen sink anglais à part qui aborde l'attraction homosexuelle avec tendresse, retenue et justesse malgré une avant-dernière scène vraiment pénible aux yeux contemporains. Colin Campbell, Rita Tushingham et Dudley Sutton sont excellents. BR US

Chercheuses d'or de 1933 / Gold diggers of 1933 (Mervyn LeRoy, 1933) **
En pleine Depression, trois amies choristes à Broadway s'activent pour retrouver travail et amour. L'un des grands Musicals Warner des Thirties s'attaque, sur le ton de la comédie, au sujet de la crise économique et sociale de l'époque. Si le milieu du film patine un peu autour d'un argument de boulevard, les quatre séquences chorégraphiées par Busby Berkeley sont géniales, dont bien sûr "We're in the money" et  l'immense "Remember my forgotten man". BR US

Série Noire (Alain Corneau, 1979) ***
Englué dans son quotidien désespérant, un type entrevoit la possibilité d'une nouvelle vie. Dans la grisaille d'une zone décrépite, quelques personages affectivement cassés se comportent comme des animaux pour leur survie incertaine, sur fond de variétoche. Magnétique, Patrick Dewaere fait une performance d'acteur d'une intensité qui touche à la folie, secondé par Marie Trintignant, Myriam Boyer, Bernard Blier. Un sommet du film nihiliste. BR FR

Berlingot et Cie (Fernand Rivers, 1939) *
Deux vendeurs de berlingots - un quasi-couple - dont le stand de fête foraine a été incendié tentent de nouveaux métiers. Une comédie d'une bêtise et d'une paresse impossibles mais qui se laisse regarder grâce au cabotinage outrancier de Fernandel, tout en dents et en yeux hurluberlus, deux chansons pas mal, la présence de Charpin, Fréhel, Suzy Prim et Temerson et le festival de camp que tout ça représente. Du lourd, mais si on aime... DVD Z2 FR 

Poursuites dans la nuit / Nightfall (Jacques Tourneur, 1957) ***
Un vétéran du Pacifique est poursuivi par deux malfrats dont il a découvert par hasard le butin de cambriolage. Un Film Noir d'atmosphère plus que d'action où les rues à néon du Los Angeles nocturne s'équilibrent en flashbacks avec la blancheur des neiges du Wyoming. Tous les personnages courant après quelque chose, fortune ou raison d'être, le film a une forte tonalité existentielle. Puissant et voix cassée, Aldo Ray est un antihéros parfait. BR FR

Comment réussir dans les affaires sans vraiment essayer / How to succeed in business without really trying (David Swift, 1967) ***
Suivant scrupuleusement les conseils d'un livre de coaching, un laveur de vitres se fait embaucher dans une grosse boîte de Manhattan dont il gravit tous les échelons. Une formidable satire de l'univers corporate dont le propos sur le carriérisme n'a pas pris une ride. Les très bonnes chansons chorégraphiées par Bob Fosse s'intègrent superbement au décor Sixties acidulé et Robert Morse, génial, joue de son visage et de son corps avec une plasticité folle. BR US 

Ce vieux rêve qui bouge (Alain Guiraudie, 2001) ***
Un intérimaire - Pierre-Louis Calixte, le seul pro des acteurs - embauché pour démonter une machine-outil dans une usine qui ferme provoque le désir d'un ouvrier en pré-retraite et du contremaître. Dans le décor décrépit, les échanges bourrus et les attitudes maladroites des deux hommes sont adoucis par l'assurance du jeune technicien, qui les révèle à eux-mêmes. En 50', un moyen-métrage qui annonce le travail à venir de Guiraudie. Magnifique. DVD Z2 FR