1 novembre 2017

Films vus par moi(s) : novembre 2017


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

La prison du viol / Jackson County jail (Michael Miller, 1976) **
Une solide série B de Roger Corman. Cocufiée, dépouillée, emprisonnée et violée, une bourgeoise croise en cellule un criminel avec qui elle s'échappe et part en cavale dans le Colorado. La trop rare Yvette Mimieux et le trop sexy Tommy Lee Jones sont malmenés corps et âmes dans ce road movie nihiliste qui présente un portrait ravageur de l'Amérique profonde des serveuses désabusées, des rednecks crapoteux et des policiers pourris. DVD Z1 US 

Remembering the man (Nickolas Bird & Eleanor Sharpe, 2015) **
Un émouvant documentaire sur Tim Conigrave (1959-1994) et John Caleo (1960-1992), deux australiens qui se rencontrèrent au lycée et vécurent une histoire d'amour de quinze ans, tranchée par le sida. Les photos, les films amateurs et les témoignages d'amis rappellent qui ils étaient et ce que fut leur couple, avant et après l'irruption du virus. Le livre témoignage et best seller de Conigrave, "Holding the man", fut publié posthumément en 1995. DVD Z2 UK  

Tom of Finland (Dome Karukoski, 2017) **
De la Seconde Guerre Mondiale aux années 80 en Finlande, la vie et la création clandestines de Touko Laaksonen (1920-1991) qui atteint le succès depuis les USA sous le nom Tom of Finland avec ses dessins d'archétypes gays hypersexualisés. Tout voyeurisme et titillation sont écartés de ce biopic sagement réalisé imprégné d'un profond sentiment de tristesse et de perte. Un film qui contextualise l'artiste en exaltant la libération par la création. BR UK 

L'enfance d'Ivan / Ivanovo detstvo (Andrei Tarkovsky, 1962) ***
En URSS pendant la guerre, un jeune ado (Nicolai Bourliaev, exceptionnel de justesse) sert d'éclaireur dans une compagnie où il est pris en amitié et protection par trois soldats. Le premier long métrage de Tarkovsky est un réquisitoire contre la destruction de l'enfance par la violence des conflits des hommes. Les plans de la nature impassible et les séquences de rêves apportent en contrepoint au drame inéluctable une poésie déchirante. BR UK

Passengers (Morten Tyldum, 2016) **
Prématurément réveillé par accident d'un sommeil artificiel d'un siècle, un passager (Chris Pratt) d'un vaisseau spatial en réveille une autre (Jennifer Lawrence) pour ne pas être seul. Leur relation d'attirance, de reproche et de culpabilité forme le socle de ce film de SF en huis clos dont certaines grosses ficelles de scénario sont compensées par l'idée originale et de bons effets spéciaux. L'émotion, elle, est un peu trop tenue à distance. Pas mal. BR FR 

Orca (Michael Anderson, 1977) *
Un orque poursuit de sa vengeance un pêcheur qui a tué sa femelle enceinte (de l'orque, pas du pêcheur). Les souvenirs d'enfance sont trompeurs : peu reste de mon enthousiasme pour le film à sa sortie. Ce croisement de Moby Dick et des Dents de la mer est plombé par un scénario assez imbécile et des acteurs qui n'y croient pas (Richard Harris, Charlotte Rampling, Bo Derek). Mais la musique outrancièrement lyrique de Morricone est top. BR IT

Le marteau des sorcières / Kladivo na carodejnice / Witchhammer (Otakar Vavra, 1970) **
Dans un village tchèque au 17e s., le vol d'une hostie déclenche une chasse aux sorcières avec tortures, procès et bûchers. Doté d'une magnifique photo en N&B, ce film historique part d'un fait divers pour dénoncer les crimes des régimes autoritaires (ici, Moscou après le Printemps de Prague) et les abus faits aux femmes. Le sujet et la direction artistique donnent l'impression de regarder un film de la Hammer, kitsch et second degré en moins. BR UK

Man in an orange shirt (Michael Samuels, 2017) *
En 1945, deux soldats ont une liaison empêchée par le mariage de l'un. En 2017, son petit-fils, accro aux applis de rencontres gay, découvre l'histoire de son grand-père. Cette miniseries en 2 épisodes de la BBC met en miroir deux relations homosexuelles distantes de sept décennies. La forme est académique et la musique un tire-larmes mais c'est regardable et touchant, notamment par la présence olympienne de Vanessa Redgrave. DVD Z2 UK

Les inconnus dans la maison (Henri Decoin, 1942) ***
Un inconnu est assassiné dans la maison bourgeoise d'un ancien magistrat alcoolique qui reprend la robe pour l'occasion. Si l'enquête et sa résolution expédiée n'ont aucun intérêt, la galerie des personnages et des acteurs est un régal (sauf Juliette Faber, terriblement fade) et les dialogues de Clouzot sont souvent d'une causticité hilarante, surtout quand ils sont dits par Raimu à son sommet. Le regard sur la jeunesse désoeuvrée, lui, est prémonitoire. Cinémathèque

Coup de tête (Jean-Jacques Annaud, 1979) ***
Dans une ville de province, un loser faussement accusé de viol se retrouve adulé après avoir marqué deux buts en championnat de foot. Il aura sa vengeance. L'hypocrisie d'une certaine France moyenne et l'absolution par la gloire sont les thèmes sérieux de cette comédie de société portée par un refrain entêtant, un formidable casting de gueules et évidemment Patrick Dewaere, dont le jeu expressif et les yeux tristes touchent en plein coeur. BR FR

The apple (Menahem Golan, 1980) 0
En 1994 du futur, un couple de chanteurs de ballades est engagé par BIM, une compagnie tentaculaire genre Amazon qui vend du Disco-Glam et est dirigée par un PDG démoniaque et sa folle. Toute espèce de talent a déserté cette insanité musicale tournée à Berlin Est où on trouve pêle mêle des orgies et des paillettes, des hippies dans une grotte, Dieu qui débarque en Rolls blanche... Mais c'est tellement nul que c'en est (presque) jouissif. BR US 

Le vaisseau fantôme / The sea wolf (Michael Curtiz, 1941) **
Adaptation du roman de Jack London. Le capitaine sociopathe d'un voilier crapuleux tient son équipage par la crainte jusqu'à la montée à bord de trois naufragés rebelles. Le savoir faire de la Warner et du réalisateur font des merveilles avec ce huis clos psychologique en mer où s'affrontent un Edward G. Robinson génial, un John Garfield charismatiquement moderne, Ida Lupino et Alexander Knox. Dans les Limbes avec des âmes perdues. BR US 

Desierto (Jonas Cuaron, 2015) **
Dans le désert sud-californien, quelques migrants illégaux mexicains (dont Gael Garcia Bernal) sont tirés à vue par un suprémaciste aidé de son féroce chien berger. Cette transposition contemporaine de "La chasse du comte Zaroff" (1932) est un survival violent, sec et efficace. Le voir sous l'ère Trump (mais il a été réalisé avant) lui apporte un supplément d'intérêt : du "mur" aux fusils d'assaut et au rejet de l'Autre, le film en cristallise les obsessions. BR FR

Poil de carotte (Julien Duvivier, 1932) ***
A la campagne, un petit rouquin haï par sa mère et ignoré par son père - qu'il appelle Mme et M. Lepic - tente de vivre malgré tout. D'après Jules Renard, ce remake parlant par Duvivier de son film muet est fort d'une mise en scène dynamique et de ses acteurs : Harry Baur tout en retenue, Catherine Fonteney hystérique en marâtre caricaturale et bien sûr l'inoubliable et tragique Robert Lynen, dont le naturel rayonne. La fin est bouleversante. DVD Z2 FR

Jeannette (Bruno Dumont, 2017) ***
Adaptation du "Mystère de la charité de Jeanne d'Arc" de Péguy qui en reprend le texte incantatoire, ici récité, chanté et dansé sur de l'electro par des jeunes non-professionnels dans les dunes du Nord. Le résultat est déstabilisant, le film ne ressemblant à rien de connu. Si (et seulement si) on se laisse aller à son concept radical et à son rythme, cette évocation de l'enfance de Jeanne d'Arc se révèle lumineuse, drôle et pleine de grâces. BR FR 

Le portrait de Jennie / Portrait of Jennie (William Dieterle, 1948) ***
Une adolescente solitaire dont un peintre new-yorkais fait le portrait se métamorphose à vue d'oeil en une jeune femme dont il tombe amoureux. Jennifer Jones et Joseph Cotten vivent une histoire d'Amour Fou dans ce mélodrame fantastique que son kitsch sincère rend sincèrement touchant. La musique sur des thèmes de Debussy en renforce la charge poétique et la fin est un grand moment du Surréalisme au cinéma. Avec Ethel Barrymore.  BR US   

Les survivants / Z for Zachariah (Craig Zobel, 2015) 0
Après l'Apocalypse nucléaire, une jeune femme (Margot Robbie) survit seule dans une maison de campagne épargnée. Elle y accueille un autre rescapé (Chiwetel Ejiofor). Ils sont rejoints par un troisième (Chris Pine). Les deux mecs se toisent. Un film pensé comme du Bergman américanisé mais qui suinte l'ennui à trop vouloir la retenue et la hauteur. La religion, hélas, est aussi de la partie. Les acteurs sont très bien, comme le paysage. BR DE

Titanic (Herbert Selpin, 1943) **
Die Titanic sinkt. La version de l'histoire voulue par Goebbels voit le naufrage provoqué par la cupidité des investisseurs anglais et l'ignorance des avertissements d'un officier allemand. Hormis ce point de vue appuyé, ce film nazi glisse sans effort du mélodrame bourgeois à la catastrophe en passant par le commentaire social avec un bon casting et des trucages assez efficaces. Le réalisateur, lui, a été "suicidé" avant la fin du tournage. BR US 

Jackie (Pablo Larrain, 2016) **
Fin novembre 1963, Jacqueline Kennedy organise à Washington les funérailles de son mari assassiné. Natalie Portman est de tous les plans - et souvent en gros plan - de ce fragment de biopic qui est aussi l'évocation d'une désagrégation après un choc traumatique. Une puissante mélancolie existentielle baigne le film, porté par des voix atténuées et une musique dissonante. L'hommage à une fascinante First Lady et à son interprète. BR FR

La fête à Henriette (Julien Duvivier, 1952) **
A Paris, le 14 Juillet mouvementé de deux amoureux (Dany Robin et Michel Roux, assez fades malheureusement). Enfin si on veut parce que le film tout entier est un exercice de style autour de son scénario en construction au fil de l'eau. L'idée et la mise en scène sont formidablement originales et dynamiques (même si la seconde moitié fléchit un peu) et revoir Paris en 1952 est un bonheur. Une oeuvre ludique d'une imagination débridée. BR FR

Valentin Valentin (Pascal Thomas, 2014) 0
Dans un immeuble parisien, un jeune homme (Vincent Rottiers) subit malgré lui l'attirance ou le rejet de ses voisins. Librement adapté de Ruth Rendell, une comédie de moeurs qui débute sur un meurtre, histoire de montrer que derrière la comédie se joue le drame. Rien ne tient, ni la galerie des personnages pittoresques, ni les péripéties artificielles, ni la mise en scène. On dirait du Klapisch mâtiné de "Plus belle la vie" et de Cioran. Lamentable. DVD Z2 FR

Le monde perdu / The lost world (Harry O. Hoyt, 1925) ***
Le Prof. Challenger conduit des équipiers sur un haut-plateau d'Amazonie où des dinosaures ont survécu. Ce film muet d'aventures d'après Conan Doyle est le premier long métrage où acteurs et créatures en stop motion se partagent l'image dans des décors de jungle et de ville. Willis O'Brien est déjà aux effets spéciaux, quelques années avant "King Kong" (1933) et invente des scènes dynamiques de combat, d'éruption et de chaos. BR US 

Nachthelle (Florian Gottschick, 2014) 0
Une quadragénaire, son boyfriend dans la vingtaine et un couple gay passent un weekend dans une maison de campagne. L'un des gays est l'ex de la quadragénaire, l'autre psychanalyste. Vous imaginez. Un petit film allemand dont le scénario, qui hésite entre psychologie et symbolisme, échoue à donner du signifiant à un tissu de lieux communs. Le virage fantastique de la fin est le pompon. On sent qu'ils ont essayé pourtant. DVD Z2 DE

6 commentaires:

  1. Ah ! Ah ! Tu as donc tenté The Apple...

    E.

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    1. Ayant toujours un faible pour les films Disco, oui. Un Golan-Globus en plus ! The Apple, dans le genre, est piqué des vers mais sa folie est admirable. On se demande ce qu'avait bu Monahem Golan quand il a imaginé, écrit, produit et réalisé ça. Tu l'as vu ?

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    2. Non mais assez marqué par ce qu'en laissait deviner l'excellent docu "Electric boogaloo".

      E.

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    3. Je ne connaissais pas ce documentaire sur la Cannon et les Golan-Globus mais ça a l'air d'être un must. Merci pour l'info.

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  2. bonjour. Déçu par la Fête à Henriette..trop léger, je ne sais pas..Les deux acteurs principaux sont fades comme vous dites. Belle mise en scène mais mon intérêt s'est vite perdu Heureusement qu'il y Hildegard Knef en écuyère sexy en diable...

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    1. Je me suis sans doute plus laissé emporter que vous par l'astuce de la construction du scénario mais oui, on ne peut pas accrocher avec les deux personnages principaux à cause de interprètes sans charisme et ça dessert terriblement le film. Vous avez 100% raison pour Hildegard Knef, bien sûr...

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