19 septembre 2010

Douglas & Joan

Douglas Fairbanks Jr. et sa femme Joan Crawford
sur la plage de Santa Monica en 1929
(Nicholas Murray)

Son visage à elle irradié de soleil, son visage à lui baigné de l'ombre d'une inquiétude ambigüe. Et le détail de leurs mains qui se touchent sur le sable du Pacifique. J'adore cette photo.

7 septembre 2010

Heroes of mine : Jon-Erik


Jon-Erik Hexum : je ne pense pas que grand monde se souvienne (mais il a tout de même quelques fans irréductibles - dont moi - et quelques sites web dédiés ici ou là) de ce mannequin-acteur au nom de héros de série TV des années 80 (ça tombe bien car c'en était un). Sa chute brutale fit en son temps plus de bruit que son ascension rapide au soleil d'Hollywood.

De temps en temps, je repense à Jon-Erik et par conséquent, à ce jour d'octobre 1984 où, en jouant par désoeuvrement avec un pistolet-accessoire sur le plateau de la série de CBS Cover Up, il s'est accidentellement tiré une balle à blanc dans la tête en mettant un point final à une carrière prometteuse qui venait de commencer. Il allait avoir 27 ans. Je me rappelle qu'à l'époque, je me faisais de l'argent de poche (pas mal d'ailleurs !) en donnant des cours particuliers à deux gosses plutôt sympas d'une riche famille d'expats japonais près du Parc Monceau et la gamine, qui devait avoir treize-quatorze ans, avait acheté dans sa détresse le "Ciné-Revue" qui faisait un papier de plusieurs pages sur l'événement en racontant notamment en détail comment les yeux bleus et le coeur de Jon-Erik avaient été transplantés sur des patients en attente. Nous avions dévoré le magazine sur le temps d'étude en nous lamentant sur la cruauté des Dieux. Une fausse rumeur avait même circulé quelque temps après comme quoi le coeur de notre (anti-)héros avait été donné à un type qui avait été plus tard condamné pour assassinat et exécuté sur une chaise au Texas : un scénario digne d'un John Waters de la grande époque !.


De Jon-Erik, qui tombait facilement la chemise dans tous ses rôles pour le bonheur des dames, je n'ai pas vu grand chose (mais il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent de toutes façons) à part le très campy The making of a male model (1983), son magnus opus, le téléfilm qui l'avait lancé et où il partageait la vedette avec Joan Collins et Kevin McCarthy. Il y incarne un cowboy innocent et sexy du Nevada découvert par un agent (Collins) qui l'emmène à New-York pour le mettre dans son lit et le lancer dans le mannequinat. Le genre de film qui se bonifie avec l'âge (on peut le trouver sur YouTube) et dont on dit qu'on n'en fait plus des comme ça. Enfin, un téléfilm et deux séries, ça ne fait pas vraiment une carrière. Jon-Eric Hexum n'aura donc eu qu'un destin.


Alors, que reste-t-il de Jon-Erik Hexum, vingt-six ans plus tard ? Une poignée d'extraits TV et quelques interviews de lui sur YouTube (il n'avait pas l'air con) plus deux yeux et un coeur qui doivent encore bien se balader quelque part, aux Etats-Unis ou ailleurs. Et il y a aussi les photos bien sûr, celles d'un beau garçon américain d'origine norvégienne qui semble y incarner dans son assurance naïve un peu de la fragile invincibilité des Eighties. Je les aime bien ces photos de Jon-Erik (qui me rappelle tant Bruno S., mais ça c'est une autre histoire). J'espère que vous les aimerez aussi.

Jon-Erik Hexum (1957-1984)

3 septembre 2010

Miss Thompson vs. Miss Hepburn


Emma Thompson, 51 ans, est actuellement en train d’écrire une nouvelle version de My Fair Lady dont Carey Mulligan (An Education) sera l’interprète principale avec le personnage d’Eliza Doolittle, un rôle qui fit la gloire d’Audrey Hepburn dans le film de George Cukor en 1964.

Cela ne mériterait pas une brève sur ce blog… mais il y a plus et c’est pour ça que j’en parle. Car Miss Thompson n’aime pas beaucoup Miss Hepburn et (fait assez rare dans un milieu professionnel qui se plaît à entretenir l’illusion d’une cohésion collégiale), elle l’a fait savoir dans une interview au "Hollywood Reporter" et à "Daily Variety" à l’occasion de la pose de son étoile sur le Hollywood Walk of Fame, le 6 août 2010. Elle n’aime pas non plus la version de My Fair Lady par Cukor et se rapprochera dans son scénario de l’original de l’histoire : la pièce « Pygmalion » de George Bernard Shaw.

Emma Thompson a donc déclaré dans un anglais ô combien insulaire (je ne traduis ci-dessous que l'idée des propos de Miss Thompson, pas leurs intraduisibles nuances) à propos d’Audrey Hepburn en général et de My Fair Lady en particulier :

“I'm not hugely fond of the film. I find Audrey Hepburn fantastically twee.” (Je ne suis pas une fanatique du film. Je trouve qu’Audrey Hepburn est incroyablement “twee”).

Quand "The Hollywood Reporter" lui a demandé ce que “twee” signifiait, Thompson a répondu : “Twee is whimsy without wit. It is mimsy-mumsy sweetness without any kind of bite. And that's not for me”. (“Twee”, c’est l’excentricité sans l’esprit. C’est le cucul sans le mordant. Et ça ne m'intéresse pas).

Puis elle a repris sur Audrey : “She can't sing and she can't really act, I'm afraid. I'm sure she was a delightful woman - and perhaps if I had known her I would have enjoyed her acting more, but I don't and I didn't, so that's all there is to it really.” (Je suis désolée mais elle ne sait pas chanter et elle ne sait pas vraiment jouer. Je suis sure que c’était une femme délicieuse, et peut-être que si je l’avais connue j’aurais mieux apprécié son jeu, mais je ne l’ai pas connue et je ne l’apprécie pas. C’est comme ça.)

Quant à My Fair Lady : “The film? I find it chocolate-boxy, clunky and deeply theatrical. I don't think that it's a film. It's the theatre piece put onto film. It was Cecil Beaton's designs and Rex Harrison that gave it its extraordinary quality.” (Le film ? Je trouve que c’est une boîte de chocolat, mal foutu et très théâtral. Ce n’est pas vraiment un film. C’est du théâtre filmé. C’est seulement la direction artistique de Cecil Beaton et Rex Harrison qui lui donnent son extraordinaire apparence.)

Avant de porter l’estocade : “I don't do Audrey Hepburn. I think that she's a guy thing. I'm sure she was this charming lady, but I didn't think she was a very good actress. It's high time that the extraordinary role of Eliza was reinterpreted because it's a very fantastic part for a woman.” (Je n’accroche pas à Audrey Hepburn. Je crois qu’elle est un truc de mec. Je suis certaine que c'était une dame charmante mais je ne pense pas qu’elle ait été une très bonne actrice. Il est grand temps que le splendide personnage d’Eliza Doolittle soit réinterprété parce que c’est un rôle fantastique pour une actrice.)

Les légions de fans d’Audrey Hepburn, évidemment, sont grimpés aux rideaux et ont voué Miss Thompson aux gémonies. Moi pas parce que je pense exactement comme elle, d’Audrey Hepburn en général et de My Fair Lady en particulier.


Audrey Hepburn, habillée pour l'hiver

1 septembre 2010

Films vus par moi(s), septembre 2010


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Here we go round the mulberry bush / Trois petits tours et puis s'en vont (Clive Donner, 1967) **
Jamie, 17 ans, s'obsède à essayer de perdre sa virginité dans une ville nouvelle anglaise peuplée de filles peu farouches en mini-jupes. Typique du cinéma anglais pop des Sixties, ce petit film plein de fraîcheur et d'extravagance dans son fond et sa forme jouit d'un certain culte in England. Une time-capsule d'un temps d'insouciance. DVD

The docks of New York / Les damnés de l'océan (Joseph von Sternberg, 1928) ***
L'atmosphère nocturne reconstituée en studio et le style visuel sont les véritables héros du dernier film muet de von Sternberg. Bancroft et Compson, excellents dans les rôles des époux d'un jour, sont étonnants de retenue et la rare Baclanova est une présence fascinante. C'est un adjectif qui convient d'ailleurs à tout le film. DVD

Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois, 2010) ***
Contemplatif et tendu à la fois, ce magnifique hommage aux moines assassinés de Tibhirine parle du don de soi, de la foi et du fanatisme, de la folie des hommes et du silence des dieux. La perfection de la mise en scène et du jeu des acteurs nous happent dès le début pour culminer dans une scène cathartique au son du "Lac des cygnes". Ciné

Passion Callas (Gérard Caillat, 1997) **
En réunissant documents rares, extraits de performances et interviews d'époque et nouveaux, ce documentaire long-métrage tisse une tragi-comédie qui s'attache notamment à la personnalité de la diva et aux réactions passionnelles qu'elle provoquait. Leyla Gencer ("La diva turca"), conclut son témoignage par une remarque vraiment hilarante. DVD

I love you, Man (John Hamburg, 2009) ***
La comédie de potes américaine actuelle dans ce qu'elle a de plus sympathique : un scénario malin, des situations graveleuses, un casting formidable et, derrière tout cela, une réflexion juste et sensible sur la masculinité et les liens de l'amitié. En revoyant le film après quelques mois, je suis retombé sous son charme, fou. DVD

Under the tuscan sun / Sous le soleil de Toscane (Audrey Wells, 2003) **
Un écrivain américain récemment divorcée s'installe en Toscane sur un coup de tête où elle subit le choc culturel attendu et retrouve la joie de vivre auprès d'autochtones et d'expatriés. Si on joue le jeu des clichés, le film fonctionne parfaitement, porté par Lane et ses partenaires. Un feel-good movie dans la meilleure tradition du genre. DVD

Sieg im Westen / Victoire à l'Ouest (Svend Noldan & Fritz Bruntsch, 1941) **
Le premier et le plus célèbre long-métrage documentaire nazi de propagande militaire (sorti en Allemagne quelques mois après l'Armistice de 1940) montre l'avancée des troupes sur tous les fronts de l'Ouest jusqu'à la chute de Paris, "tombée comme un fruit mûr". Tendancieux et manipulateur évidemment, mais pas encore enragé. DVD

The messiah of evil / Dead people (William Huyck, 1973) **
Un étrange film fantastique à petit budget transcendé par son utilisation du Cinémascope, du Technicolor et par l'inventivité des décors. L'histoire, qui panache "Carnival of souls" à "Night of the living dead" (avec un peu d'Antonioni et de Godard) est celle d'une héroïne du nom d'Arletty. Un film d'art et d'horreur, en quelque sorte. DVD

The Devils / Les Diables (Ken Russell, 1971) ***
Malgré les coupes imposées par la censure, ce film monstre sur les Possédées de Loudun reste l'un des plus grands moments d'hystérie de l'histoire du cinéma. Quarante ans après sa sortie, il continue à stupéfier et à ravir par son audace et sa créativité. Reed et Redgrave se surpassent et les décors de Jarman sont à tomber. Génial. DVD

Religulous (Larry Charles, 2008) 0
L'insupportable stand-up comedian Maher interviewe à charge des représentants (et opposants) du Judaïsme, du Christianisme et de l'Islam un peu partout dans le monde pour nous montrer l'absurdité des croyances religieuses. Moqueur et condescendant avec ses victimes, il prêche pour ses propres convertis et se rengorge. DVD

Valhalla rising / Le guerrier silencieux (Nicolas Winding Refn, 2009) *
Je suis incapable de dire s'il y a une vraie vision ou une pose puante - ou les deux - dans ce délire danois sur un groupe de Vikings qui aborde l'Amérique. La lenteur soporifique (le sommeil menace sans cesse) est traversée d'éclairs d'extrême violence et de flashs colorés. Mais les paysages d'Ecosse sont d'une splendeur inouïe. DVD

Waitress (Adrienne Shelly, 2007) 0
Enceinte, une serveuse mal mariée apprend à aimer l'enfant qu'elle porte. La réalisation anodine et les acteurs médiocres m'ont fait décrocher de cette comédie douce-amère qui partait sans doute d'un bon sentiment. La réalisatrice, qui joue dans son film, s'est faite assassiner peu avant sa sortie : une ombre rejaillit sur l'ensemble. DVD

Reunion in France / Rendez-vous en France (Jules Dassin, 1942) **
Réalisé dans l'urgence au plus noir de la guerre, un film de propagande (panaché à un women's picture) à la gloire de la Résistance qui réserve des surprises dans le casting (Crawford, Wayne), le scénario absurde et le Paris de l'Occupation reconstitué à Hollywood. Un exemple intéressant de produit de studio engagé. DVD

Cameraman: The life and work of Jack Cardiff (Craig McCall, 2010) **
Jack Cardiff (1914-2009) fut l'un des plus talentueux directeurs photo du cinéma, notamment en Technicolor. "Black Narcissus", "The Red Shoes", "The Vikings", c'est lui. Ce documentaire lui laisse longuement la parole et nous présente un homme humble et passionné dont l'art et les astuces techniques continuent à émerveiller. DVD

Ride with the Devil / Chevauchée avec le Diable (Ang Lee, 1999) ***
J'ai revu quelques mois après sa première vision ce film méconnu sur la Guerre de Sécession (autour des guérillas civiles à la frontière Kansas-Missouri) qui fusionne des thématiques atypiques du genre dans une réalisation subtile alternant violence et intimisme. Il reste l'une de mes plus belles découvertes de ces dernières années. DVD

I love you Phillip Morris (John Requa & Glenn Ficarra, 2009) ***
Les obsessions de l'Amérique contemporaine passent à la moulinette de ce film qui entraîne le spectateur sur des chemins aussi tordus que son héros gay et imposteur, interprété par un Carrey en pleine forme. Comédie, drame et provocation tout à la fois, une oeuvre très singulière inspirée - le croirait-on ? - d'une histoire vraie. DVD

An affair to remember / Elle et lui (Leo McCarey, 1957) *
Malgré l'alchimie entre Kerr et Grant (aux jeux surprenants), le merveilleux passage chez la grand-mère et la subtile retenue de la réalisation, le film pâtit d'un écueil du scénario : l'absurde conduite du personnage de Kerr dans la seconde partie. Ca irait dans un mélodrame, ça coince dans ce récit intimiste et le ruine. DVD

Elvis (John Carpenter, 1979) **
Mis en chantier un an seulement après la mort du King, ce biopic de près de 3h s'attarde plus sur la vie privée d'Elvis, de son enfance à son comeback à Las Vegas en 1969, que sur sa musique. Russell est excellent (sans imiter son modèle) mais c'est surtout le sens du cadre et les choix chromatiques de Carpenter qui impressionnent. DVD

Seance on a wet afternoon / Le rideau de brume (Bryan Forbes, 1964) ***
Une médium déséquilibrée pousse son mari à enlever une petite fille pour pouvoir aider les parents de celle-ci à la retrouver. Plus qu'un thriller gothique, c'est un drame de la folie joué par deux acteurs au sommet : la trop rare Stanley et Attenborough. Une des perles (noires et inquiétantes) oubliées du cinéma britannique des Sixties. DVD