**** chef-d'oeuvre / *** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais
Marché de brutes / Raw deal (Anthony Mann, 1948) ***
Un gangster évadé de prison avec la complicité de sa compagne doit prendre en otage sa jeune avocate, qui n'est pas insensible à lui. Un Film Noir archétypique dans sa forme - avec des clairs-obscurs magnifiques, une urgence dans la narration, des roles assignés et une utilisation de la voix off - mais qui repose sur un conflit sentimental inattendu autour de ces deux femmes éprises du même homme, lui-même déstabilisé et fragilisé par la situation. Dennis O'Keefe, Claire Trevor et Marsha Hunt sont parfaits dans leur touchante vulnérabilité. BR FR Rimini Editions
Un Américain bien tranquille / The quiet American (Joseph L. Mankiewicz, 1958) **
A Saïgon en 1952, un journaliste anglais (Michael Redgrave) se rappelle sa concurrence pour une femme vietnamienne avec un jeune Américain retrouvé assassiné (Audie Murphy). D'après Graham Greene qui désavouera l'adaptation, un film à deux têtes - entre politique et mélodrame - qui intrigue par son classicisme de mise en scène dans le décor réel de Saïgon au moment de la Guerre d'Indochine, son croisement des langues - anglais, français, vietnamien - et son histoire confuse autour de ce jeune homme ressuscité en flash-back. Un bien étrange hybride. BR FR Rimini Editions
A real pain (Jesse Eisenberg, 2024) ***
Deux cousins juifs font un voyage de groupe mémoriel en Pologne en souvenir de leur grand-mère, récemment décédée aux USA. Portrait de deux hommes encore jeunes aux personnalités opposées - Jesse Eisenberg en introverti et Kirean Culkin en extraverti - aux prises avec l'héritage de l'Holocauste et leurs propres ombres, un film plein d'émotion et d'humour inspiré de l'histoire familiale d'Eisenberg, l'auteur, acteur et réalisateur. Il y a du Woody Allen dans le style mais on est loin de sa cérébralité et de son nombrilisme : ici, c'est l'universel qui rayonne. BR FR Searchlight
Unknown world (Terry O. Morse, 1951) 0
Face au péril atomique, un savant emmène une équipe scientifique voir si le centre de la Terre pourrait abriter un havre de sécurité pour l'Humanité. Une série Z indépendante, fauchée et amorphe qui suit les personnages dans la cabine de leur engin d'exploration et les couloirs d'une grotte. Les seuls maigres intérêts : les matte-paintings et incrustations, le sujet bien de son temps de la Guerre Froide et l'orientation plutôt à gauche des créateurs du film, exclus de Hollywood. Un éclaireur de la SF des Fifties très loin des futurs classiques du genre. BR US Severin Films
Scarecrow in a garden of cucumbers (Robert J. Kaplan, 1972) **
Une provinciale débarquée à Manhattan pour devenir actrice rencontre des personnages excentriques en cherchant une coloc. La faune du cinema underground US se retrouve autour de l'icône transgenre - et Superstar warholienne - Holly Woodland dans ce film musical sans véritable fil conducteur mais avec une bonne humeur potache de tous les instants. Ça surjoue, ça s'agite, c'est sympathique comme tout mais c'est d'abord un témoignage précieux sur le dynamisme de la scène queer et camp du temps béni de tous les possibles. YouTube
Saturday night at the Baths (David Buckley, 1975) ***
Un pianiste hétéro du Montana se fait embaucher au club gay des Continental Baths de Manhattan au risque de se faire transformer en pédé. Blague à part, derrière le petit film indépendant limité par son budget, une formidable time capsule de la grande période du Gay Lib et une fenêtre de première main sur le culture des bathhouses des 70s. Le pianiste a une copine bienveillante, ce qui ouvre le sujet sur la bisexualité, traitée naturellement. Un film étonnamment sincère et un document important sur le monde gay d'avant le Sida. BR US Anus Films
The last days on Mars (Ruari Robinson, 2013) 0
Alors qu'ils terminent une mission sur Mars, une petite équipe de chercheurs découvre une bactérie qui les contamine un à un et les transforme en zombies féroces. Du vu et du revu dans ce film de SF-horror qui recycle la structure et les péripéties de bien meilleurs autres avant lui, avec Alien évidemment à la source. Le début annonçait peut-être quelque chose de pas mal mais dès la première contamination, le survival en course-poursuite épileptique se déclenche pour ne plus cesser jusqu'au final nihiliste ouvert attendu. Casting sans éclat. BR US Magnet
Le destin se joue la nuit / History is made at night (Frank Borzage, 1937) *
Partie pour divorcer et ayant rencontré un homme qu'elle aime, une femme est poursuivie par son riche mari jaloux. Même pas sauvée par les nombreux gros plans des visages superbement éclairés de Jean Arthur et de Charles Boyer, une comédie mélodramatique qui ne fonctionne pas, la faute à un scénario décousu dans ses péripéties et ses ambiances - on passe de Ratatouille à Titanic - et au certain ennui qui enrobe le tout. Borzage avait le génie du sentiment et de l'effet romantiques, mais pas ici : ce film brouillon mérite son relatif oubli. BR US Criterion
Winter break / The Holdovers (Alexander Payne, 2023) ***
Retenus dans un collège privé fermé pendant le Noël 1970, un professeur d'histoire gréco-romaine, un étudiant solitaire et une cantinière apprennent à se connaître. L'humanité d'Alexander Payne brille une fois encore dans cette chronique douce-amère qui touche avec justesse les sujets de la réussite, de la solitude, de la classe sociale, du lien humain... Les carapaces craquent, les sourires s'embuent et le spectateur se prend à s'attacher comme pas possible à ces trois personnages lambda d'exception (Paul Giamatti, Dominic Sessa et Da'Vine Joy Randolph). BR FR ESCD
Evanouis / Weapons (Zach Cregger, 2025) ***
Lorsque tous les enfants d'une classe d'école sauf un disparaissent mystérieusement une nuit, leur jeune maîtresse, qui est soupçonnée par les parents, essaye de savoir ce qui s'est passé. Couronné de laudes justifiées, un film d'horror rondement mené qui privilégie la construction et l'atmosphère plutôt que le sursaut gratuit qui pollue tant d'autres produits du genre. Surtout, il remet en scène le personnage de la sorcière, trop oubliée dans le cinéma contemporain. Et, sans message évident, il laisse le champ libre à toutes les interprétations. J'ai la mienne. Cinéma
Portrait d'un assassin (Bernard Roland, 1948) ***
Un cascadeur de cirque est entrainé dans un numéro à haut risque par une impresario croqueuse d'hommes. Sur un scénario aux dialogues épatants de Charles Spaak et François Chalais, un mélodrame circassien aux faux airs de Film Noir dûs au personnage vénéneux de Maria Montez, rare salope. Mais c'est tout le casting qui étincelle et rend le film si enthousiasmant : Pierre Brasseur en pauvre type, Arletty, Jules Berry toujours génial, Dalio et Erich von Stroheim en énigmatique éclopé. Quelle galerie de portraits, quel plaisir de cinéma ! BR FR Editions Montparnasse
Le Messie du Mal / Messiah of Evil (Willard Huyck & Gloria Katz, 1973) ***
Recherchant son père disparu dans une petite ville côtière, une jeune femme tombe sur une communauté de goules cannibales. Un étonnant film d'horror et d'essai où ce n'est pas l'histoire basique qui compte mais son traitement par la mise en scène et surtout par la composition des images, qui accumulent les morceaux de bravoure. Si la dynamique erratique suit celle d'un cauchemar à la "Carnival of Souls", la plastique furieusement tournant des 60's-70's est un enchantement. Entre Romero et Antonioni, une pépite du film de genre à prétention artistique. BR FR Le Chat qui Fume
Arthur, or the Gigolo (Thomas Carter, 1985) *
Pressé par un mafieux, un gigolo veut mettre la main sur les diamants de la riche excentrique qu'il a épousée. Episode 10 de la saison 1 du nouvel Alfred Hitchcock Presents, un téléfilm court-métrage qui a l'originalité d'associer Brad Davis à Sandy Dennis, deux acteurs que j'aime particulièrement. Tous deux cabotinent au cachet sur une histoire cent fois vue, si ce n'est les péripéties autour de la tribu de chats que la dame possède. Cela ne mériterait pas de notice mais rien que pour voir Sandy en hystérique et Brad en latin lover à stache, on y va quand même. YouTube
Maria (Pablo Larraín, 2024) ***
En septembre 1977 à Paris, la dernière semaine de Maria Callas. Après Natalie Portman dans Jackie (2017) et Kristen Stewart dans Spencer (2021), c'est à Angelina Jolie d'affronter une icône tragique dans ce biopic bien plus réussi que les deux autres. La production est luxueuse comme une pub Hermès, la psyché fissurée de la Callas finie intelligemment mise en images et la musique là où il faut, le tout sur un ton crépusculaire non dénué de sourires. Mais avant tout, comme véhicule pour Angelina Jolie c'est un triomphe. Diva par nature, elle y est captivante. BR FR ESCD