**** chef-d'oeuvre / *** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais
Du soleil plein les yeux (Michel Boisrond, 1970) **
Un interne en chirurgie part en bateau voir son père installé au Maroc, avec sa copine et son frère recalé au bac. Au Club Med, ils rencontrent une GO suédoise qui n'a pas froid aux yeux. Un film étonnant au pays des jeunes bourgeois, déjà désuet en son temps et pendant lequel il ne se passe rien. C'est un pur roman-photo de cinéma avec son quatuor sur voilier, ses maillots de bain, ses tentations chastes et la musique de Francis Lai. Renaud Verley et Bernard Le Coq, Florence Lafuma et Janet Ägren sont mignons comme tout. Aussi léger que sympathique. DVD Z2 FR
Disco boy (Giacomo Abbruzzese, 2023) ***
Engagé dans la Légion Etrangère, un biélorusse est envoyé au Nigéria libérer des otages français. Son expérience de la jungle le changera pour toujours. Les migrations, le colonialisme économique, le choc des cultures, le monde des esprits... un grand petit film aux images, à la bande son et aux acteurs envoûtants qui traite de sujets essentiels du temps sur un style qu'on appelait autrefois d'art et essai. C'est superbement réussi et plusieurs scènes sont de celles qui ne s'oublient pas de si vite. Un titre à la noix qui cache une vraie pépite. BR US
Good luck, Miss Wyckoff (Marvin Chomsky, 1979) ***
En 1954 au Texas, une professeure de latin vierge en pré-ménopause se fait violer par un agent de nettoyage noir et elle aime ça en fait. Toute correction politique est mise en pièces dans ce woman's picture dont plusieurs scènes et dialogues font grincer des dents et dont le message est illisible puisque le film est à la fois raciste et progressiste, féministe et misogyne. Mais je m'incline devant le culot de l'ensemble, tiré d'un roman de William Inge, et du casting : Anne Heywood sans retenue, Carolyn Jones, Jocelyn Brando, Dorothy Malone... Un brûlot de première. BR US
Adolescence (Philip Barantini, 2025) ****
Accusé d'avoir tué une camarade de collège, un garçon de 13 ans (Owen Cooper) est incarcéré en attente de jugement. En quatre épisodes de 1h magistraux, cette mini-série britannique réussit à tenir le spectateur en apnée et à poser des questions nécessaires sur la responsabilité éducative des pères (Stephen Graham) à l'heure des écrans et des comportements influencés. Chaque épisode est un plan-séquence : loin d'être un maniérisme, le choix et la prouesse apportent une immersion tétanisante. Le 3e épisode est un chef-d'oeuvre. Casting parfait. Netflix
Felidae (Michael Schaack, 1995) ***
Un chat nouvellement arrivé dans un quartier résidentiel avec son maître enquête sur les meurtres de chats du voisinage. Un formidable dessin animé - oups ! film d'animation - allemand à la direction artistique magnifique avec décors et ambiance à hauteur de matou et à l'histoire sans cesse dynamique. Les chats, qui parlent, sont parfaitement personnalisés : ils jurent, rêvent, forniquent et philosophient dans des péripéties assez gores dignes d'un film d'horror. Tout ça n'est pas pour les enfants bien sûr, qui en sortiraient en loques. DVD Z2 FR
Lumière. L'aventure continue ! (Thierry Frémaux, 2025) ***
A partir de 120 "vues" - les petits films de 50 secondes - ou extraits des Frères Lumière, un essai visuel qui rappelle qu'entre 1894 et 1900, les inventeurs du Cinématographe avaient tout compris du potentiel technique, narratif et artistique de leur invention. Admirablement restaurés, les vues choisies sont inédites pour la plupart - ils en ont fait 2000 - et par l'intelligence du montage et du commentaire malicieux de Frémaux, démontrent l'incroyable modernité de ces images d'il y a 100-130 ans. Sur grand écran, c'est tout simplement génial. Cinémathèque Française
Le beau mec (Wallace Potts, 1979) **
A Paris, un homosexuel de 27 ans gigolo et performer de cabaret répond aux questions du réalisateur qui met en scène ses baises et ses fantasmes. Un hybride de porno gay, de documentaire et de film d'art qui comme son titre l'indique, s'attache à son sujet, Karl Forest (aka. Jean-Paul Doux), un type virilement sexy et obsédé que de deux choses : le sexe et surtout lui-même. Le portée érotique du film est certaine mais c'est le document d'époque qui est le plus intéressant. Nestor Almendros et Rudolf Noureev, non crédités, ont participé au projet. BR US
Paradis pour tou.te.s (Alain Jessua, 1982) *
Après une tentative de suicide, un agent d'assurance dépressif bénéficie d'un "flashage", le traitement révolutionnaire d'un psychiatre qui apporte au patient le bonheur permanent. L'illusion thérapeutique et l'anesthésie émotionnelle forment sujet de ce film fantastico-social au casting épatant (Jacques Dutronc, Philippe Léotard, Stéphane Audran...) mais à la mise en scène poussive et au look 1980 très daté. Surtout, voir les yeux éteints de Patrick Dewaere dans ce rôle, son dernier - il s'est tué peu après le tournage -, est infiniment douloureux. BR FR
La fille et le garçon (Jean-Marie Besset, 2023) **
Mu par le désir, un couple d'intellectuels libertins de Toulouse recueille un jeune couple d'expatriés. Le conformisme du couple et de la famille est explosé dans ce conte farci de références - lui est spécialiste de Diderot, elle du peintre Michael Sweerts - qui traite avec une légèreté lucide plusieurs sujets d'intérêt : les valeurs conjugales, la polysexualité, l'exploitation mutuelle des immigrés et de la bourgeoise cultivée. C'est sexy et littéraire, petit budget et malicieux. Avec Arielle Dombasle, Aurélien Recoing, Mina Kavani et Louka Méliava. BR FR
Teddy (Ludovic & Zoran Boukherma, 2020) **
Mordu par un loup, un jeune homme mal intégré à son cercle social subit des pulsions de plus en plus violentes : il se métamorphose en loup-garou. Comme son anti-héros campé par Anthony Bajon toujours très bien, un film hybride qui oscille entre réalisme et fantastique, facétie et tragédie. Le cocktail des contraires ne fonctionne pas toujours mais l'écriture des personnages, le regard sur la routine de leur village des Pyrénées et le portrait de ce Teddy en révolte sont très réussis. De l'horror à la française au ton vraiment original. BR FR
Petite nature (Samuel Theis, 2022) ***
A Forbach, délaissé par une mère paumée et instable, un garçon de dix ans reporte son amour sur son maître d'école. Porté par la performance d'une rare maturité et intensité du jeune Aliocha Reinert, un film sur un sujet tabou qui arrive à éviter à la fois l'exploitation et le malaise par l'intelligence du traitement des personnages et des situations, sur le fil. Les films sur les enfants sont rares, les bons une minorité : sur les frustrations culturelles et les désirs d'évolution de l'un d'entre eux, celui-ci atteint sa cible avec force et finesse. BR FR
Ma vie, ma gueule (Sophie Fillières, 2024) **
Une femme de 55 ans perd le sens de la vie et entre en dépression. Sur un sujet peu traité au cinéma car périlleux, un film à l'écriture et au ton très originaux qui oscille entre comédie et drame, réalisme et poésie. Les dialogues et les situations, souvent absurdes, réussissent à faire sourire et même rire, malgré la gravité du fond. Tout cela repose sur les épaules d'Agnès Jaoui, exceptionnelle de vulnérabilité, surtout dans la longue séquence de l'hôpital. Le film a été monté après le décès de la réalisatrice, selon ses indications. BR FR
Miséricorde (Alain Guiraudie, 2024) ****
Revenu pour l'enterrement de son ex-patron dans son petit village aveyronnais, un jeune boulanger déclenche les passions de quelques habitants : la veuve, le fils, le copain d'enfance et le prêtre. Par une poignée de personnages, Guiraudie explore le désir et la haine dans le vase clos de la campagne avec le drame, l'humour et les non-dits qu'il manie en maître. Comme d'habitude, les stéréotypes physiques, psychologiques et narratifs sont battus en brèche avec une audace tranquille exaltante. Félix Kysyl mène un casting en tout point formidable. BR FR