20 avril 2010

Babel Beef


Il y a bien longtemps qu'une affiche de cinéma ne m'a pas donné envie de prendre illico-presto un billet pour une séance et de passer deux heures dans le noir en compagnie des personnages en grand sur la marquise. Le bel art des affiches est, comme tant d'autres, d'un autre siècle.

Mais je suis tombé l'autre jour, dans un livre sur les affiches de péplums que je feuilletais pour mes recherches, sur celle de Goliath and the sins of Babylon. Un obscur sword & sandal italien de 1963 avec Mark Forest dans le rôle de Goliath (ou de Maciste selon la traduction du titre original Maciste, l'eroe piu grande del Mondo). Ça c'est de l'affiche !

La sensationnelle double accroche "Nights of pleasure... Days of terror!" et "See the thousand and one orgies of torture!" surmontant les trois pépées enchaînées et le culturiste en inconfortable position m'a fait regretter de n'être pas en 1963 devant le Cinéac de Montparnasse. Car j'aurais sans doute fait l'école buissonnière pour la meilleure des raisons et, au passage, arraché comme l'autre une ou deux lobby-cards en sortant de la salle.

Mais le DVD a remplacé le Cinéac et cette affiche d'il y a presque 50 ans a quand même réussi son coup : j'ai commandé Goliath and the sins of Babylon en moins de deux sur eBay. Je viens de voir le film. Bon, j'avoue qu'il ne vaut certes pas son visuel et son verbiage sensationnels mais le peu farouche Mark Forest y est quand même sacrément photogénique sous la menace des méchantes pointes de piques. Que demande le peuple ?

18 avril 2010

O temps suspend... Protohistoire de la photographie

En me promenant l'autre jour dans les salles du Musée des Arts et Métiers à Paris, je me suis longtemps arrêté devant les "premiers" objets du type : la première machine à calculer, le fardier de Cugnot (première machine auto-mobile), la pile de Volta, le premier aéroplane d'Ader... Devant ces prototypes et ces révolutions, je me suis émerveillé comme un gosse devant une histoire extraordinaire. Devant la caméra des frères Lumière, j'ai pensé avec émotion aux premiers pas du cinéma et, devant la chambre noire de Daguerre, à ses plus lointaines origines, celles de la photographie et de son miraculeux pouvoir de capter un moment du réel avant qu'il ne se transforme à jamais. De sa capacité à garder la mémoire du passé et surtout, ce qui ne cesse de me bouleverser, de tous ces gens perdus dans les brumes du temps.

Rentré à la maison, j'ai fait un peu de recherches sur la toile sur les toutes premières photographies et sur les premières images photographiques d'humains. Quel est le premier portrait photographique connu ? Quelle est la personne la plus ancienne dont on ait conservé le souvenir du visage ? Voici le fruit de mes promenades dans la protohistoire de la photographie.

La première photographie

Photographie d'une gravure d'un cheval et d'un palefrenier, 1825
Nicéphore Niépce (1765-1833)
Bibliothèque Nationale de France / Paris, France

Datée de 1825, cette photographie utilisant le procédé de la gravure héliographique est la plus ancienne photographie connue à ce jour. Elle représente une gravure hollandaise du XVIIe siècle d’un cheval et de son palefrenier. Peu spectaculaire car elle est « l’image d’une image » et non d’un élément de la nature, elle marque pourtant une étape décisive dans la captation du réel. Classée « Trésor National », elle a été achetée 450.000 € en 2002 par la Bibliothèque Nationale de France où elle est aujourd'hui conservée.


La première photographie d’une image de la nature

Vue depuis une fenêtre à Le Gras, 1826 (20,3cm x 25,4cm)
Nicéphore Niépce (1765-1833)

Universellement reconnue comme la première captation d’une image du monde réel, cette photographie héliographique a été réalisée par Niépce depuis une pièce de l’étage de sa maison de campagne, Le Gras, à Saint-Loup-de-Varennes (Saône-et-Loire), tout près de Châlons-sur-Saone. La plaque originale est à Austin, Texas. Une note manuscrite de Francis Bauer (à qui Niépce a donné la plaque lors d’un séjour à Londres en 1827, d'où la date), sur le verso de son cadre d’origine, mentionne :

L'Heliographie.
Les premiers résultats obtenus spontanément par l'action de la lumière. Par Monsieur Niepce de Chalon sur Saône. 1827
Monsieur Niépce's first successful experiment of fixing permanently the Image from Nature

La plaque originale dans son cadre protecteur d’origine
Harry Ransom Humanities Research Center (Coll. H. Gernsheim) / Austin, Texas, USA


Epreuve à la gélatine d’argent et aquarelle de « Vue depuis une fenêtre à Le Gras » réalisée d’après la plaque originale en 1952
Helmut Gernsheim & Kodak Research Laboratory / Harrow, UK

Il s’agit d’un tirage photographique, retouché, d’après la plaque originale d’Austin. Ce tirage (imprimé sur papier) montre plus clairement la vue capturée par Niépce depuis la fenêtre de sa maison.


Reproduction couleur numérique de « Vue depuis une fenêtre à Le Gras » réalisée en 2002
Harry Ransom Center and J. Paul Getty Museum / Los Angeles, USA.

Il s’agit d’une photographie numérique de la plaque originale qui permet d’en apprécier plus distinctement l’aspect et la qualité.


Essai de restitution numérique de la vue photographiée par Niépce depuis sa fenêtre en 1826.


La première photographie d’un être humain

Vue du boulevard du Temple à Paris, 1838
Louis Daguerre (1787-1851)
Stadtmuseum / Munich, Allemagne

Cette vue du boulevard du Temple a été prise par Daguerre fin avril-début mai 1838 depuis, sans doute, le logement qui était situé à l’étage supérieur de son Diorama. Elle montre une portion du boulevard du Temple, aujourd’hui dans le 3e arrondissement de Paris et donnant sur l’actuelle place de la République (l’image, comme tout daguerréotype, est inversée par rapport à la topographie du site. Pour ceux qui connaissent les lieux, les deux bâtiments les plus à gauche de la photo existent encore : c'est le pâté de maison qui entoure aujourd'hui la brasserie "Chez Jenny"). Cette photographie est notamment célèbre pour avoir capturé par hasard le premier être humain de l’histoire de la photographie : il s’agit de l’homme qui semble se faire cirer les chaussures en bas de l’allée rectiligne au bord du trottoir, en bas à gauche de la photo. Cet homme anonyme, petite silhouette dans l’image, a été capturé par l’objectif de Daguerre car il était immobile durant les quelques minutes qu’a duré le temps d’exposition. Tous les autres personnages, chevaux et carrioles qui devaient peupler le site au moment de la prise de vue, ne sont pas apparus sur la photographie à cause de leurs déplacements qui les ont empêchés de se fixer sur l'image.


Détail de la photographie ci-dessus avec le premier être humain photographié de l’histoire de la photographie : chaque fois que je regarde ce type inconnu de 1838, qui porte peut-être redingote, arrêté sur son coin de boulevard, je ne peux pas m'empêcher de ressentir une émotion, un vertige de l'ordre du métaphysique.


Le premier portrait photographique d’homme

Autoportrait, 1839
Robert Cornelius (1809-1893)
Library of Congress / Washington DC, USA

Les « premiers » de l’histoire de la photographie ne sont pas facile à citer, les photographies des origines étant le plus souvent non datées et donc sujettes à suppositions multiples et controversées. Dans l’état actuel de la recherche, il semble que ce daguerréotype puisse prétendre au titre de premier portrait d’homme jamais photographié. Il s’agit d’un autoportrait de Robert Cornelius, un pionner américain de la photographie, pris en 1839, alors qu'il était âgé de trente ans.


Le premier portrait photographique de femme

Portrait de Dorothy Draper, 1840
John William Draper (1811-1882)
Chemical Museum, Columbia University, New York

Le chimiste John Draper fit ce daguerréotype de sa sœur Dorothy sans doute au mois de juin 1840. La photo a été prise en lumière naturelle sur le toit du laboratoire de Draper à la New York University, sur Washington Square. Dorothy Draper posa pendant 65 secondes. A ce jour, il s’agit du plus ancien portrait de femme connu et de la première photographie familiale. Le daguerréotype original a été très abîmé lors d’un nettoyage raté en 1934.


La première scène photographique posée

The footman / Le valet, 1840
William Henry Fox Talbot (1800—1877)

Réalisé le 14 octobre 1840, ce calotype (procédé négatif/positif sur papier inventé par Talbot) semble être la première photographie mettant en scène un être humain posant dans un environnement. Inventeur, photographe et homme politique britannique, Talbot devint en 1840 le High Sheriff du comté de Wiltshire. Cette composition photographique, qui fut réalisée en trois minutes d’exposition, montre le valet de Talbot lui tenant ouverte la porte de son fiacre.


Les deux plus anciens êtres humains photographiés

Quel est le plus ancien être humain dont l’image nous soit parvenue par le biais de la photographie ? Autrement dit, de quelle personne née à l’époque la plus éloignée pouvons-nous encore regarder le visage grâce à la magie de la photographie ? Des daguerréotypes d’anonymes dorment ici et là de par le Monde qui peut-être, montrent les visages de gens qui étaient nés avant les deux personnages ci-dessous. Mais cette femme et cet homme ont été identifiés et ils partagent au moins une chose que nous ne pourrons jamais leur disputer : celle d’être nés dans les années 1740, dans l’Amérique coloniale ou encore, pour les Français, lorsque Louis XV régnait sur la France et que Mme de Pompadour commençait son ascension à Versailles.

Portrait d’Hannah Stilley Gorby, vers 1845

Hannah Stilley Gorby (née vers 1746, morte entre 1841 et 1849) vivait en 1830, selon un recensement de cette année-là, dans le comté de Bradywine Hundred (Delaware, USA). Mariée à Joseph Gorby en 1770, elle avait eu sept enfants. Sur cette photo, prise dans la dernière décennie de sa vie (mais pas avant 1840, date du daguerréotype Draper ci-dessus), Hannah Stilley Gorby a donc entre 94 et 103 ans. La femme qui nous regarde sur cette photographie a connu l’époque coloniale de l’Amérique et est née en plein milieu du règne de Louis XV. C’est à ce jour la photographie de la femme et de la personne née à l’époque la plus ancienne.


Portrait de Conrad Heyer, vers 1852

Conrad Heyer (né en 1749, mort en 1856) était né et résida toute sa vie à Waldoboro (Maine, USA). Il a participé à la Guerre d’Indépendance américaine et a franchi, en tant que soldat, le Delaware avec George Washington. Sur cette photographie, prise vers 1852, Conrad Heyer a environ 103 ans. Lui aussi est né en plein milieu du règne de Louis XV et a connu les guerres franco-indiennes qui faisaient rage, entre 1754 et 1763 dans le Maine et plus au nord, à la frontière du Canada actuel. C’est à ce jour la photographie de l'homme né à l’époque la plus ancienne.

7 avril 2010

Heroes of mine : James

James Cagney (1899-1986)

2 avril 2010

Films vus par moi(s), avril 2010


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Der Untergang / La chute (Oliver Hirschbiegel, 2004) ***
Blafard et implacable, une sorte d'opéra en un acte sur la damnation. La reconstitution du bunker et de son ambiance en avril 1945 est saisissante et Ganz, en Hitler parkinsonien, réussit un tour de force. Télé

Ride with the Devil / Chevauchée avec le Diable (Ang Lee, 1999) ***
La Guerre de Sécession vue du Missouri, loin des grandes batailles mais au milieu de la confusion de jeunes paysans embarqués dans la violence. J'étais passé à côté de cette merveille picturale, littéraire et intimiste. DVD

Berlin-Ecke Schönhauser / Berlin-Schönhauser Corner (Gerhard Klein, 1957) **
Ce film est-allemand sur la jeunesse à la dérive dans le Berlin-Est des années 50 (avant le mur) est une version RDA de "Rebel without a cause" et fut interdit par les communistes en 1965. Son intérêt est historique. DVD

Maciste, l'eroe più grande del Mondo / Le retour des Titans / Goliath and the sins of Babylon (Michele Lupo, 1963) *
Un péplum italien de série avec de beaux effets Technicolor, un nain débrouillard pour faire rire et une scène de torture érotique. Forest joue l'homme fort à la cool et se prend pour Ben-Hur au char. Sympa. DVD

Drum (Steve Carver, 1976) **
Le suite du "Mandingo" de Fleischer est un pur film d'exploitation sur les tensions (sexuelles) entre blancs et noirs dans une ferme à esclaves d'Alabama en 1860. Racoleur et outrancier mais très distrayant. DVD

The Devil and Daniel Webster / Tous les biens de la terre (William Dieterle, 1941) **
Une tranche d'Americana
teintée de fantastique dont le message anti-individualiste et anti-capitaliste donne d'audacieux coups de griffe à l'histoire américaine. La réalisation et la photo sont splendides. DVD

F for Fake / Vérités et mensonges (Orson Welles, 1974) ***
Ce dernier long-métrage de Welles, un documentaire subjectif sur le faussaire d'art Elmyr de Hory, est aussi une réflexion du réalisateur sur la création artistique et sa propre carrière. Wellessien au possible. DVD

Save me (Robert Cary, 2007) **
Cette histoire d'un gay envoyé dans un centre chrétien de rééducation et qui y rencontre un autre homme que Jésus est filmé comme un téléfilm mais a un regard assez juste sur les égarements des "born-again". DVD

The September issue (R.J. Cutler, 2009) **
Un making of très respectueux de l'édition de septembre du Vogue US qui montre le visage professionnel d'Anna Wintour et de sa directrice artistique Grace Coddington, qui est la véritable révélation du documentaire. DVD

Mad Men, saison 3 (Matthew Weiner / AMC, 2009) ***
1963 : l'Amérique s'enfonce dans l'inquiétude et Don Draper voit son monde s'écrouler avant que la fin du dernier épisode ne ravive les sourires au son du sublime "Shahdaroba" de Roy Orbison. Une perfection. DVD

Elève libre (Joachim Lafosse, 2008) **
Une étude à la morale très ambigüe sur les rapports
de confiance et de force entre trois adultes et un ado quand le sexe est au programme. Tout en austérité et retenue, c'est un film qui atteint son but : déranger. DVD

Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec (Luc Besson, 2010) 0
Besson fait son Jeunet. C'est affligeant : un défilé de scènes disjointes, d'exécrables dialogues, d'acteurs en perdition (Bourgoin). Je ne croyais pas qu'il allait oser cette fin : il l'ose. Enfin, les momies sont sympa. Ciné

I miei primi 40 anni / Mes 40 premières années (Carlo Vanzina, 1987) 0 ou ** ?
Un roman-photo sur pellicule : nul ou marrant selon les goûts. Une belle brune (Alt) court après le fric et les paillettes en passant d'homme en homme. Gould, Rochefort, Cosso et Capucine sont de la partie. DVD

Bye bye Birdie (George Sidney, 1963) ***
Une comédie musicale au sens propre, ce monument d'insouciance sorti quelques mois avant l'assassinat de Kennedy clôt une époque. L'entrain des chansons et des acteurs, Ann-Margret en tête, est irrésistible. DVD

The queen of spades / La dame de pique (Thorold Dickinson, 1949) **
Très atmosphérique, cette baroque adaptation anglaise de la nouvelle de Pouchkine fait la part belle aux jeux d'ombres dans une Russie de studio. La scène du retour de la comtesse est un grand morceau d'angoisse. DVD

1 avril 2010

Tony & Marilyn together alone

Tony Curtis et Marilyn Monroe ensemble et seuls le temps d'une pause sur le tournage de "Some like it hot" (1958). Une rare photo de plateau, belle comme tout.