24 octobre 2008

Girl in Gold Boots (Ted V. Mikels, 1968)


Une brune aux airs d’héroïne de série Z (c'en est d'ailleurs une) qui se morfond dans son job de serveuse de dinner dans le désert en passant son temps à danser seule sur des tubes de juke-box et qui rêve d’aller faire carrière de Go-Go Girl à Los Angeles : c’est le début de ce film fort sympathique, sans doute le plus accessible et regardable d’un des rois de l’exploitation américaine, Ted V. Mikels. Elle y réussira, après avoir rencontré un beau parleur qui connaît le patron d’une boîte louche où les filles se trémoussent sur les chansons d’un groupe pop de troisième zone. La brune gravira tous les échelons du métier de Go-Go Girl, prise en amitié puis en détestation par la meneuse du groupe, la seule des filles chaussée de bottes dorées (d’où le titre), toutes les autres portant des bottes argentées. Elle croisera sur le chemin du succès un bellâtre guitariste en mal de producteur (dont elle tombera amoureuse au grand dam de son protecteur), quelques crapules, des drogués, des types de la mafia locale et un flic un peu trop entreprenant…

Je n’avais bien sûr jamais entendu parler de Girl in Gold Boots avant de lire quelques avis amusés sur des blogs de cinéma-bis. Le thème de la Go-Go Girl en péril est sans doute l’un des plus intéressants du cinéma d’exploitation non horrifique dont il mélange toujours plusieurs principes fondamentaux : les belles pépées peu vêtues qui savent remuer en cadence tout ce qui bouge, les morceaux pop-rock inconnus, les maquereaux sapés, les flingues et les poursuites en voiture. Girl in Gold Boots n’échappe pas à la règle : il en suit même à la lettre les principes sacrés. Comme il s’agit d’un film de 1968, les fringues, les coiffures, les couleurs et la bande-originale sont un régal, pour les yeux et les oreilles. Ca pourrait être un film d’Elvis (il aurait juste fallu un peu plus de moyens et la présence du King), le héros étant ici un ersatz de Presley au demeurant très sympathique. Quelques gueules sont la cerise sur le gâteau, comme celle de l’homme de main du patron de la boîte de nuit, sérieux comme un pape mais affligé de tics oculaires hilarants.

Je n’ai reconnu aucun des acteurs du film, dont pas un n’a fait brillante carrière (ils ont plutôt la tête d’acteurs de séries TV de l’époque), mais j’ai tout de suite noté la présence magnétique de l’actrice principale, une certaine Leslie McRae, improbable croisement de Jennifer Jones et d’Angelina Jolie. La belle plante brune ne sait pas jouer ni danser (elle surjoue et surdanse toutes ses scènes) mais quand elle est à l’écran, on ne voit qu’elle : son charisme physique et son investissement de toute évidence sincère dans le rôle de sa vie forcent le respect à défaut de la crédibilité. Rien que pour elle, le film est à voir.

Le réalisateur Ted V. Mikels, vieux briscard du cinéma-bis (qui, si cela vous intéresse, vend ses DVD dédicacés pour pas grand-chose sur son site web), ne fait pas preuve d’une grande imagination dans les séquences filmées ni le travail de montage, mais réussit quand même quelques belles prises de vues, comme les plans en plongées et en rythme sur les fesses ou les seins de la petite troupe de Go-Go Girls en action. Il a aussi eu la bonne idée d’utiliser des décors naturels du Los Angeles de l’époque, avec ses quartiers un peu louches, ses néons dans la nuit, ses boîtes aux décors kitschs à souhait (le fameux "Hollywood’s Haunted House Club" est d'ailleurs celle où se produisent les Go-Go Girls) et ses parkings à perte de vue. Dans une audace de scénario assez culottée pour un film aussi léger, il se permet même une fin douce-amère où plane l’ombre de la Guerre du Vietnam.

Girl in Gold Boots est un petit film qui se déguste sans doute avec encore plus de plaisir 40 ans après sa réalisation qu’au premier jour : finalement innocent et plutôt stylé, il est l’exemple sympathique d’un certain cinéma des la fin des années 60, plus destiné au drive-in qu’à la salle obscure. Le sexe, la violence et la musique y sont encore bon-enfants. Et ce n’est pas dépréciatif. Dans le genre, c'est même une sorte de petit chef-d'oeuvre.

Girl en Gold Boots est également digne d'intérêt pour une autre raison : le film a de toute évidence inspiré le formidable Showgirls de Paul Verhoeven, dont il préfigure, avec 30 ans d’avance et beaucoup plus de retenue, la plupart des péripéties mélodramatiques. Une bonne descendance, en somme.

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