2 mars 2014

Films vus par moi(s) : mars 2014


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Blue Jasmine (Woody Allen, 2013) **
Porté par Cate Blanchett, au bord du surjouage (mais sans y tomber) dans un rôle très difficile, un film douloureux sur l'effondrement social et psychologique d'une femme privilégiée victime et artisan de sa propre chute. Si le début semble annoncer une comédie dramatique, la noirceur et la cruauté prennent vite le dessus et on en sort avec une boule dans la gorge. Un portrait de femme dérangeant et attirant comme un accident de voiture. BR Fr  

Frozen / La Reine des neiges (Chris Buck & Jennifer Lee, 2013) ***
Un Disney qui part du conte d'Andersen pour raconter une histoire sincèrement émouvante sur l'acceptation de soi et de l'amour des autres. L'animation et les décors sont magiques, les nombreuses chansons pas mal du tout et les caractères plutôt bien développés. J'ai juste une petite réticence pour le bonhomme de neige comique et la triste convention contemporaine des yeux démesurés. Mais globalement, c'est une réussite. BR Fr

Queen Christina / La Reine Christine (Rouben Mamoulian, 1933) ***
La présence à l'écran, toujours fascinante, de l'énigmatique Greta Garbo, compense ses limites d'actrice et la mise en scène de Mamoulian n'est pas aussi inspirée (mis à part la séquence de la chambre dans l'auberge et la fin, évidemment) que dans d'autres de ses films. Mais cet épisode d'histoire outrageusement romancé reste toujours un grand plaisir, notamment pour l'audace et l'humour de ses moments de confusion du genre. DVD Z1 US 

Wreck-It Ralph / Les mondes de Ralph (Rich Moore, 2012) *
Une animation Disney/Pixar, sorte d'hybride de "Toy story" et d' "Alice au pays des merveilles", sur un personnage de jeu vidéo désespéré d'être étiqueté "méchant" et qui veut s'acheter une réhabilitation. Le début est très bon, malin et amusant mais vite, le scénario se perd dans des poursuites répétitives sans enjeu, si ce n'est de déployer la maîtrise de la technique. Avec des placements de produits assez malhonnêtes. Mouais. BR Fr

Amarcord (Federico Fellini, 1973) **
Un an de la vie d'un ado de Rimini sous Mussolini entre famille, copains et émois érotiques. Il y a beaucoup d'excellent et un peu de moins bon dans cette succession de séquences inspirées par des souvenirs de Fellini. Si quelques unes se trainent (la réception dans le Grand Hôtel), d'autres étincellent (le paon sous la neige, la buraliste). Entre humour et sens de l'absurde, c'est la tendresse, immense, qui l'emporte en fin de compte. DVD Z1 US 

Roma (Federico Fellini, 1972) ***
Il n'y a pas une seule scène de ce film kaléidoscope, regard subjectif et personnel de Fellini sur Rome, qui ne s'imprime définitivement dans votre propre psyché. Du franchissement du Rubicon à la virée nocturne des motards, tout est définitif. Comme les corps et visages de ces femmes (surtout les femmes) et hommes qui parsèment l'écran. Génialement artificiel et plus vrai que nature, une exaltante déclaration de tendresse à Rome.  BR UK 

12 years a slave (Steve McQueen, 2013) *
J'hésite entre * et 0 mais bon, l'esclavage doit être raconté. C'est ce genre de film qui entretient la mémoire et c'est important. Mais ici, que les événements sont prévisibles, que les caractères sont stéréotypés, que certaines scènes sont putassières et que la mise en scène est académique ! Pour le cinéma et sur le même sujet, mieux vaut revoir "Mandingo" de Fleischer ou "Addo Zio Tom" de Jacopetti & Prosperi, autrement meilleurs. BR US

Rebel without a cause / La fureur de vivre (Nicholas Ray, 1955) ***
James Dean, icônique, irradie l'écran de sa présence et continue à surprendre par son jeu instinctif en décalage avec celui des autres acteurs du film. Le commentaire sur l'ennui et le malaise des jeunes américains des Fifties est bien vu et la réalisation de Ray, classique et nerveuse, colle au sujet. L'adoration ambigüe de Plato (Sal Mineo) pour Jim (Dean) est traitée de façon subtile mais réelle. Et Natalie Wood est mieux que d'habitude. BR Fr

Mademoiselle Chambon (Stéphane Brizé, 2009) *
L'attirance mutuelle réservée entre un maçon et l'institutrice de son fils. C'est avant tout un film d'excellents acteurs (Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain), plein de regards et de silences qui émeuvent d'abord puis commencent à lasser. Le peu d'enjeux et de péripéties, l'extrême délicatesse de la réalisation et la banalité du quotidien décrit font qu'on s'ennuie malgré la volonté d'aimer. Avec une belle utilisation de Barbara sur la scène finale. DVD Z2 Fr

Er Moretto - Von Liebe leben (Simon Bischoff, 1985) *
Construit autour de l'interview d'un ex prostitué romain (sorti de la prostitution à 17 ans), un film suisse d'un hallucinant amateurisme - mais dont le surréalisme m'a amusé - qui panache reconstitutions du quotidien des jeunes gigolos et travelos du Circo Massimo (nettoyé en 1983), de leurs clients et des fantômes de la Rome antique. Certaines scènes se ridiculisent en pastichant Fellini et Pasolini, évidemment. Camp comme pas permis. DVD Z2 Allem 

Persona (Ingmar Bergman, 1966) ***
Une actrice qui ne veut pas parler et son infirmière qui au contraire s'épanche cohabitent en huis-clos sur une île de la Baltique. A chaque révision son interprétation : ce film sans cesse s'échappe. Les audaces formelles et l'hernétisme existentiel du sujet restent stupéfiants, 50 ans plus tard : "Persona" est une oeuvre inépuisable, matrice de tant d'autres (dans le cinéma, la photo et l'art contemporains). Un film clé. BR Fr

Fedora (Billy Wilder, 1978) **
Passionnant plus que convaincant, l'avant-dernier film de Wilder revisite les territoires de son thème fétiche (l'usurpation d'identité) et de son propre "Sunset Boulevard" (1950). Centré sur une ex star ce cinéma recluse sur une île à Corfou. le film dégage une ambiance funèbre qui file la métaphore sur la mort du vieil Hollywood. Si William Holden est formidable, c'est dommage que Marthe Keller ne soit pas à la hauteur de son rôle. BR Fr

Argo (Ben Affleck, 2012) ***
Ca commence comme un thriller politique (autour de la crise des otages de l'ambassade US de Téhéran en 1980) pour s'orienter vers le thriller pur, ou plus exactement le film de suspense. Dans le genre, le film est formidablement réalisé, tenant en haleine du début (avec une excellente séquence d'ouverture) à la presque fin, qui vire au triomphalisme de propagande. De plus, l'histoire (vraie) est originale et non dénuée d'humour. BR Fr

La vie d'Adèle, chapitres 1 & 2 (Abdellatif Kechiche, 2013) ***
Plus qu'une histoire d'amour, un commentaire social ou les étapes d'un apprentissage (le film n'est pas loquace sur ce qu'il veut dire), ce magnifique morceau de cinéma contemporain qui colle au plus près des visages et des corps de ses personnages est un condensé d'énergie vitale, porté par l'assurance de la mise en scène et la présence magnétique de ses deux formidables actrices. Les scandales passés, il reste une pépite d'humanité. BR Fr 

4 commentaires:

  1. et le style de Ray, Tom, le style Ray! Le génie qui est le sien pour incarner plastiquement son lyrisme.

    L'image où James Dean prend la main de Natalie Wood après la course de voiture! Sublime! c'est pas Kazan qui aurait cu la créer!

    RépondreSupprimer
  2. Oui, le style, Christophe. Mais plus que les détails comme celui dont tu parles (que je n'ai pas remarqué, il faudra que je revoie la scène) c'est le sens de la composition supremement classique qui me plaît chez Ray avec des fulgurances émotionnelles qui passent par une sorte d'expressionnisme là où il la faut. Bien à toi.

    RépondreSupprimer
  3. On est d'accord. L'émotion passe par l'expression visuelle et c'est ça qui est grand.

    RépondreSupprimer
  4. Très touché par "La Vie d'Adèle", un ami proche m'a aussi dit que ce film avait changé sa vie, pour te dire à quel point il a pu être impactant. Il est aussi sorti au bon moment, lorsque le délire de la Manifpourtous a pris d'assaut les médias.

    Très beau film d'initiation (les plus belles histoires d'amour en sont), porté par ses actrices, en particulier Adèle, lumineuse de bout en bout. La scène qui m'a le plus ému est celle des "retrouvailles" dans le café, avec la façon qu'elles ont de se regarder en se disant que la page est toutefois tournée, qu'elles ne seront plus jamais ensemble mais qu'elles n'oublieront jamais ce qu'elles ont vécu. La passion dévorante est toujours là (la façon dont Adèle lui caresse les mains, prends ses doigts à pleine bouche) mais le feu sacré est parti.
    Très belle Palme d'Or
    Pas encore vu le McQueen mais je porte peu d'estime à ce réalisateur que je trouve très lourd dans le propos en général, et ce dans tous ses films. Un moralisateur qui ne me touche guère.

    RépondreSupprimer