2 mai 2017

Films vus par moi(s) : mai 2017


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Moby Dick (John Huston, 1956) *
Un capitaine de baleinier (Gregory Peck, jouant la folie hallucinée) est obsédé à retrouver le cachalot blanc qui l'a blessé. La trame du roman de Melville est préservée dans une adaptation qui insiste sur la métaphysique du combat titanesque. Plusieurs scènes superbes (le début, les moments avec le tatoué, le calme plat, les apparitions de la bête) rythment le film par ailleurs bavard et monocorde. Une étonnante fusion d'aventure et de Verbe. BR FR      

Alliés / Allied (Robert Zemeckis, 2016) **
En 1942-1943 à Casablanca et à Londres, deux espions en mission tombés amoureux se marient quand il est informé qu'elle serait un agent double au service des nazis. Brad Pitt et Marion Cotillard se glissent dans deux rôles à la Bogart/Bergman dans ce thriller romantique de guerre qui reprend et actualise avec perspicacité tous les codes scénaristiques et techniques des classiques de l'âge d'or hollywoodien. Un exercice de style réussi. BR FR

Evolution (Lucile Hadzihalilovic, 2015) *
Dans un hameau perdu de bord de mer, des sortes d'infirmières font de mystérieux actes de chirurgie sur de jeunes garçons. Avec peu de budget mais un sens aigü de l'image et de l'ambiance, la réalisatrice compose un film plastiquement superbe et plein d'horreurs et de tabous suggérés mais où les questions restent ouvertes, jusqu'à la pose. La maîtrise formelle n'empêche pas de buter sur les ficelles de ce pur film d'art et d'essai. DVD Z2 UK  

Tampopo (Juzo Itami, 1985) **
Au Japon, une restauratrice se fait aider par une petite bande de types à relever la qualité de ses ramens. Un film vraiment original qui construit son histoire simple par l'accumulation de séquences décalées où l'humour absurde fusionne avec la chronique sociale et le sexe. Le tout en pillant les codes du western et des classiques du cinéma japonais. L'obsession des Japonais pour la nourriture y est célébrée avec culot et tendresse. BR UK

La religieuse (Guillaume Nicloux, 2013) *
La jeune Suzanne Simonin, close de force dans un couvent, subit les assauts sadiques d'une mère supérieure et dans un autre, les assauts amoureux d'une autre. Cette adaptation de Diderot prend le parti de la hauteur de vue et de la dénonciation outragée. C'est honorable et d'actualité mais la charge ironique du roman avait du piment, qui manque ici. Pauline Etienne est très bien en novice harcelée, Isabelle Huppert fait son numéro. BR DE

Gibier de potence (Roger Richebé, 1951) ***
Un jeune homme se laisse entraîner dans la pornographie et la prostitution par une proxénète amorale. Une histoire qui inverse les stéréotypes autour d'un scénario tout en suggestions salaces pour dresser un constat de la confusion et des chausse-trappes de l'après-guerre. Georges Marchal est excellent en gigolo victimisé et Arletty magnétique en manipulatrice frigide. Un film très étonnant pour son temps et par ses audaces thématiques. DVD Z2 FR  

Les Invisibles (Sébastien Lifshitz, 2012) ***
Un formidable documentaire autour de quelques homosexuel(le)s de 75 à 85 ans, à la ville et à la campagne, qui parlent de leur vie, de leurs luttes et du temps qui fuit avec lucidité et humour. Voir et écouter cette génération née dans les années 1920-1930 qui a tout connu est une leçon d'humilité et d'humanisme. Ils s'appellent Yann et Pierre, Bernard et Jacques, Pierrot, Thérèse, Christian, Catherine et Elisabeth, Monique, Jacques. Des braves. TV

Opération Anthropoid / Anthropoid (Sean Ellis, 2016) 0
En 1942 à Prague, la préparation et la suite de l'assassinat d'Heydrich par quelques résistants tchèques. Un film purement illustratif qui rappelle l'histoire honnêtement mais manque de vision dans la mise en scène : on s'ennuie pendant la première partie et la seconde vire à la pétarade. Et ces accents slaves des acteurs internationaux (Cillian Murphy, Jamie Dornan, Charlotte Le Bon, Toby Jones...) ! "Walkyrie" (2008) était bien meilleur. BR DE 

Dumbo (Ben Sharpsteen, 1941) ***
Un éléphanteau aux oreilles trop grandes subit l'humiliation avant de prendre son envol. En 64 minutes seulement, Dumbo réussit à faire rire, à indigner, à émouvoir et à oser une métaphore subtile sur les complexités du racisme et de la ségrégation : chaque âge peut voir et revoir le film sous un angle différent. Les séquences du montage du cirque et du rêve aux éléphants roses sont parmi les meilleures de Disney. Un inaltérable chef-d'œuvre. BR FR 

The pass (Ben A. Williams, 2016) *
Etalées sur dix ans, trois rencontres à huis clos entre deux footballeurs gays aux prises avec leur carrière et leur sexualité. Adapté d'une pièce, ce film théâtral et bavard est présenté comme un regard sur les conséquences affectives de la placardisation des sportifs de haut niveau. J'y ai surtout vu un alibi de montrer sous toutes les coutures deux bomecs en slip. Leurs rires, leurs défiances et leurs engueulades en deviendraient superflus. DVD Z2 UK 

Le dernier des six (Georges Lacombe, 1941) **
Six amis qui se sont partagés un magot se retrouvent cinq ans plus tard et sont assassinés un à un. On reconnaît la patte de Clouzot au scénario, dont l'enquête à péripéties n'est que prétexte à dessiner des personnages aux dialogues malins. La mise en scène est assez terne, hormis la photo en clair obscur. Avec des scènes de cabaret plutôt décalées et une distribution de choix : Pierre Fresnay, Jean Chevrier, Michèle Alfa, Jean Tissier, Suzy Delair. BR FR

Emmanuel Macron, les coulisses d'une victoire (Yann L'Hénoret, 2017) ***
Diffusé le lendemain de la victoire du Président élu (et donc avant son investiture), un étonnant document en flashback qui donne à voir ce que son titre indique. Ou ce qu'on veut nous en faire voir, toutes les séquences dressant le portrait de l'homme et de son équipe dans la réflexion, l'action et la réaction positivement choisies. En collant au plus près du corps des personnages, l'immersion du spectateur est totale, émotionnelle et physique. TV

Instinct de survie / The shallows (Jaume Collet-Serra, 2016) *
Une surfeuse (Blake Lively, interchangeable) coincée sur un rocher au large d'une plage essaye d'échapper à un requin blanc qui l'a blessée. Toute l'histoire est là, racontée par un scénario et une mise en scène appliqués et sans surprise (sauf une originale scène de méduses) dont on voit toutes les coutures dès le début et dont la résolution est décevante. Mais les films de requins ne demandent pas de grandes exigences, alors on va jusqu'au bout. BR FR

Le sous-marin de l'Apocalypse / Voyage to the bottom of the sea (Irwin Allen, 1961) *
Un sous-marin part en mission éteindre une ceinture de feu atmosphérique avec un tir de missile. Un film de SF totalement débile, aux péripéties et personnages ridicules mais dont le kitsch et l'humour involontaires permettent, une fois passés les bavardages de la première moitié, de le regarder amusé. Les effets spéciaux sont d'époque, le Technicolor claque et il y a Walter Pidgeon, Joan Fontaine, Peter Lorre et Frankie Avalon. BR UK

Deepwater Horizon (Peter Berg, 2016) **
Le 20 avril 2010, la plateforme pétrolière Deepwater Horizon explose après un accident de forage. La catastrophe est reconstituée à la hollywoodienne (et plutôt bien, en décors et CGI) sur un scénario qui prend le point de vue d'un héroïque ingénieur (Mark Wahlberg). Après l'exposition, la longue séquence des signes précurseurs créé une tension qui ne se relâche qu'à la fin du film, inutilement mélodramatique. Du bon spectacle à suspense. BR DE

The walker (Paul Schrader, 2007) *
Un dandy gay sur le retour, homme de compagnie d'épouses de diplomates, est mêlé à un meurtre. Le formidable film ethnologique que le sujet laissait espérer (la faune de Washington, le portrait d'un accompagnant de luxe) est trahi par l'enquête criminelle, convenue. Dommage parce que toutes les scènes de société et de ragotages sont brillantes. Avec Woody Harrelson (surprenant), Kristin Scott Thomas, Lauren Bacall, Lily Tomlin. BR DE    

Winter's bone (Debra Granik 2010) *
Une fille de 17 ans cherche son père disparu pour éviter la saisie de leur maison. Il y a peu d'action et les gueules sont renfrognées jusqu'à l'ennui dans ce film dont les deux atouts sont d'être les débuts de Jennifer Lawrence (très bien comme toujours) et d'avoir comme décor la tristesse des monts Ozark, une région abandonnée des USA et le domaine des hillbillies. Les images grises font penser aux photos régionalistes des années 30. Lugubre. BR UK

Moonlight (Barry Jenkins, 2016) ***
Trois moments (enfant, ado et adulte) de la vie d'un jeune noir américain gay de Miami et les schémas d'évitement qu'il met en place pour survivre dans un univers difficile. Un film magnifique, thématiquement et plastiquement, qui utilise à merveille l'ellipse pour évoquer sans grands gestes mais tout en finesse l'éveil d'un corps et d'une âme. Toutes les séquences sont belles, portées par des personnages et des acteurs bouleversants. Vraiment fort. BR US

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