5 mai 2025

Films vus par moi(s): mai 2025


**** chef-d'oeuvre / *** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Une étrange affaire (Pierre Granier-Deferre, 1981) ***
Le nouveau patron d'un grand magasin parisien vampirise l'un de ses subalternes. Une étrange affaire en effet que ce film inclassable qui échappe au thriller social pour aller vers le drame psychologique freudien aux relents d'horror. Dans un jeu d'attraction et de manipulation sublimée par la suggestion homosexuelle, Michel Piccoli et Gérard Lanvin forment un duo fascinant, secondés par Jean-Pierre Kalfon et Nathalie Baye, tous deux formidables. Le sujet et le traitement vraiment originaux en font l'un des grands films français des années 80. BR FR

Quand la Terre s'entr'ouvrira / Crack in the World (Andrew Marton, 1965) **
Malgré les risques, un géologue (Dana Andrews) fait exploser une charge nucléaire sous l'écorce terrestre pour exploiter le magma remonté à la surface. Comme beaucoup de ces années-là, ce film de SF/catastrophe évoque les peurs de l'époque : l'atome, l'hubris des décideurs, la science sans conscience... et annonce la bataille environnementale. La gravité du ton couplée aux effets spéciaux "à la George Pal" lui donnent une identité propre inattendue, celle d'un spectacle nihiliste. Janette Scott y est l'essence même de la potiche décorative. Pas mal du tout. BR FR

Le salaire de la violence / Gunman's walk (Phil Karlson, 1958) ***
En Arizona, sous l'oeil de son autre fils, un éleveur (Van Heflin) qui adule son aîné machiste (Tab Hunter) doit se rendre à l'évidence de la dérive incontrôlable de celui-ci. L'étude des caractères et l'affrontement quasi biblique - ou freudien - au sein d'une famille d'hommes est mené de main de maître dans ce western psychologique sur la masculinité toxique. Les vastes panoramas des plaines servent de décor impassible à l'histoire d'un monde en mutation auquel les personnages sont prêts ou pas. La mise en scène et l'écriture sont admirables. Le film est magnifique. BR FR 

The sex garage (Fred Halsted, 1972) **
Dans un hangar de L.A, une fille taille une pipe à un jeune blond avant de se faire sauter sur le sol de ciment. Quelque part en ville, un brun se branle au savon sous la douche. Puis il arrive au garage et prend la place de la fille, partie en courant. Un motard aux cheveux longs débarque à son tour, mate les deux mecs et encule le brun. Puis il regarde amoureusement sa moto, en caresse longuement les chromes et la baise par le pot d'échappement avant de nourrir le cuir de son foutre. Voilà, ça dure 35', c'est en N&B, plutôt arty et c'était pionnier dans le genre. BR US

Acte de violence / Act of violence (Fred Zinnemann, 1949) ***
Un américain tranquille est pourchassé par un de ses anciens camarades pour une faute qu'il a commise pendant la guerre. Tournée dans un clair-obscur violent qui doit symboliser la conscience torturée du père de famille en fuite, cette histoire de culpabilité et de vengeance prend tous les habits du Film Noir tout en étant un drame intimiste baigné de désespoir sur les fantômes du passé. Robert Ryan est saisissant en vengeur imperturbable face au toujours formidable Van Heflin, Janet Leigh au début de sa carrière et Mary Astor magnifique en pute vieillissante. BR US

Goutte d'Or (Clément Cogitore, 2022) **
Au contact d'une petite bande de "mineurs isolés" maghrébins, un faux voyant se découvre un don et l'irrationnel qui l'entoure. Porté par l'interprétation fiévreuse de Karim Leklou et la meute des jeunes garçons de la rue, un hybride de cinéma vérité et de fantastique qui révèle une société et des codes exclus du regard public. Tout en étant intrigué par le sujet, j'ai été un peu rebuté par l'esthétisation visuelle de cet interlope underground presqu'entièrement nocturne estampillé "art et essai". J'en suis resté en dehors, intéressé mais pas impliqué. Mitigé donc. BR FR

La faute à Voltaire (Abdellatif Kechiche, 2000) ***
A Paris, un sans-papiers tunisien (Sami Bouajila) se retrouve en centre d'hébergement et en centre psychiatrique tout s'attachant à une puis à une autre jeune femme à problèmes. Le contexte misérabiliste de l'histoire est contrebalancé par l'énergie et la libido - au sens de force de vie - qui se dégagent des personnages et de la mise en scène, la première et déjà tout est là, de Kechiche. Le casting sans faute, avec mention pour Elodie Bouchez dans un rôle écrasant, incarne admirablement ces invisibles, compagnons solidaires de galère et de précarité. Un film puissant. BR UK

Suburra (Stefano Sollima, 2015) ***
A Rome, un député risquant un scandale, un parrain mafieux, le chef d'un clan rom et une étoile montant de la pègre s'affrontent autour d'un projet de développement à Ostie. Un puissant souffle nihiliste traverse tout ce film sur les courants souterrains du pouvoir et de la corruption qui décortique l'emprise du crime sur les corps et les âmes. La casting parfait et la mise en scène assurée - mais un peu bling bling - retiennent l'attention du début à la fin d'une apnée dans la pourriture d'une société sans charité aucune. On on sort content de voir ça de l'extérieur. BR UK 

Fade-In ("Allen Smithee" Jud Taylor, 1968) ***
Dans l'Utah, le tournage d'un film fait se rencontrer une monteuse de Los Angeles et un rancher local. Avec comme intéressant alibi le making of du western "Blue", cette bluette de roman-photo ne cesse d'étonner par ses ruptures de ton et de style dues à la fois à la mise en scène du réalisateur et au remontage pirate du studio. Mais le plus surprenant est l'objectification du visage mâle et du corps dénudé de Burt Reynolds - qui débute à la Marlon Brando -, vu au prisme du désir de la trop rare Barbara Loden. Un film qui méritait largement sa sortie des oubliettes. BR US Kino Lorber

Les Linceuls / The Shrouds (David Cronenberg, 2024) ***
A Toronto, un entrepreneur qui a perdu sa femme d'un cancer créé un cimetière avec écrans connectés à l'intérieur des cercueils. Un peu plombé au milieu par une sous-intrigue inutile sur la concurrence industrielle, un film très personnel du veuf Cronenberg qui condense ses obsessions et son univers sur le sujet du deuil et le terrain de l'amour fou. Vincent Cassel est très juste en alter-ego du réalisateur et la morbidité extrême de l'ensemble est compensée par l'étrange poésie typique de l'auteur. Avec la meilleure utilisation d'un bruitage que j'aie jamais entendue. Cinéma


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