Après avoir réalisé principalement des films noirs, des films de guerre et des westerns depuis le milieu des années 40, Delmer Daves effectua un virage à 180° en 1959 avec A Summer Place (Ils n’ont que vingt ans), un surprenant mélodrame qui connut un succès immense, remplit à ras bord les caisses de la Warner, fit pour un temps de Sandra Dee et de Troy Donahue les chouchous de l’Amérique et modifia en profondeur les règles de censure morale du cinéma grand public hollywoodien.
En 1959, sur une petite île de la côte Est des Etats-Unis, les Hunter (Arthur Kennedy & Dorothy McGuire) et leur fils Johnny (Troy Donahue), propriétaires d’un hôtel sur le déclin, reçoivent la visite des Jorgenson (Richard Egan & Constance Ford) et de leur fille Molly (Sandra Dee), nouveaux riches qui ont décidé de passer quelques jours de vacances au bord de la mer. Seulement Ken Jorgenson, brillant homme d’affaires, était vingt ans auparavant un simple employé de l’hôtel géré par les grands-parents Hunter et l’amant de Sylvia Hunter : le séjour ravive la flamme entre les anciens tourtereaux, déclenche l’hystérie de la frigide Mme Jorgenson et aggrave l’alcoolisme de Mr. Hunter. Pour empirer les choses, les rejetons des deux couples tombent amoureux l’un de l’autre, flirtent dès le premier soir, passent une nuit dehors et brisent les ambitions sociales de Mme Jorgenson, qui rêve d’un beau mariage d’argent pour sa fille. Rancœurs, haines et insultes fusent parmi les adultes tandis que les enfants envisagent une fugue pour vivre tranquillement leur passion nouvelle…
A Summer Place vogue évidemment sur le succès de Peyton Place (Mark Robson, 1957) et comme lui, invite le spectateur, par le biais du mélodrame, à entrer dans la vie intime de ses protagonistes à travers l’évocation de leur sexualité. Ici, l’originalité vient du fait que les deux générations connaissent les bonheurs et les affres du désir : Ken Jorgenson et Sylvia Hunter d’un côté (qui approchent de la cinquantaine et retrouvent avec la passion l’énergie de leur jeunesse passée), Johnny et Molly de l’autre. L’acte sexuel est évoqué à de nombreuses reprises, par les dialogues (notamment de la mère Jorgenson, qui semble lui vouer une véritable phobie) et par des ellipses comme le naufrage des jeunes dans la tempête suivi de leur nuit au clair de lune sur la plage isolée. Le mot « sexe » est prononcé plusieurs fois dans le cours de l’intrigue, ce qui constitue une sorte de précédent dans le cinéma hollywoodien grand public de l’époque et encore aujourd’hui, réussit encore à surprendre dans le contexte formellement « grande production de studio » du film. Plus étonnant encore sont l’évocation de l’adultère consommé des adultes, des thèmes limpides du divorce et du remariage, de la défloration des jeunes filles (par une invraisemblable scène, sans doute le clou du film, où Mme Jorgenson fait examiner la virginité de sa fille par un médecin), de la sexualité des teenagers, conduisant ici à une grossesse prénuptiale… Bien sûr, on est dans un film de 1959 donc le sexe est toujours, dans le scénario, lié au sentiment amoureux, mais en filigrane et pour le spectateur d’aujourd’hui, c’est bien de baise qu’il s’agit et c’est cela qui ne manque pas d’étonner, cinquante ans plus tard. Même si quelques scènes du film, sans doute autrefois sérieuses, ne peuvent que provoquer l’hilarité aujourd’hui par l’emploi d’euphémismes savoureux : Sandra Dee répète à plusieurs reprises qu’elle a été « good » (= qu’elle est toujours vierge) et demande à Troy Donahue s’il a déjà été « bad » avec des filles (= s’il a couché). Le succès d’A Summer Place a en tous cas permis aux films hollywoodiens de commencer à parler de sexualité de façon plus directe et le tournant qu’a représenté en ce sens le début des années 60 au cinéma lui doit sans doute beaucoup.
A Summer Place, au-delà de son scénario culotté, bénéficie d’un excellent casting, notamment les quatre adultes dont deux, Mrs Jorgenson et Mr Hunter sont des stéréotypes de névrotisme et de veulerie tandis que les deux autres, Mr Jorgenson et Mrs Hunter, sont des portraits beaucoup plus nuancés. J’adore particulièrement Constance Ford (Mrs Jorgenson) qui vole la vedette à ses partenaires dans chacune de ses scènes. Ses échanges perfides avec son mari, sa fille et les autres protagonistes de l’histoire, sont de grands moments d’hystérie contenue. Sandra Dee, petit boudin blond à la bouche avenante et à la coiffure bouffante, tire assez bien son épingle du jeu et le « heartthrob » (beau gosse) Troy Donahue joue… comme Troy Donahue, c’est-à-dire de façon très limitée mais sympathique par son application.
La photo, le cinémascope et le technicolor apportent un lyrisme de chaque instant au film, encore amplifié par le magnifique score de Max Steiner, dont le thème principal connut un immense succès et fit entrer la B.O. dans les charts de l’époque. A Summer Place fut un des top-grossers de 1959 et entraina la mise en chantier immédiate de quelques autres mélodrames basés sur la même formule, dont plusieurs (Parrish, Susan Slade, Rome Adventure : tous les trois récemment sortis dans un coffret DVD Z1) furent aussi réalisés par Delmer Daves et interprétés par Troy Donahue, dont ils constituèrent en quelque sorte le bouquet final de la carrière (Donahue continua dans l’alcool, s’en sortit grâce aux AA et mourut oublié en 2001).
En 1959, sur une petite île de la côte Est des Etats-Unis, les Hunter (Arthur Kennedy & Dorothy McGuire) et leur fils Johnny (Troy Donahue), propriétaires d’un hôtel sur le déclin, reçoivent la visite des Jorgenson (Richard Egan & Constance Ford) et de leur fille Molly (Sandra Dee), nouveaux riches qui ont décidé de passer quelques jours de vacances au bord de la mer. Seulement Ken Jorgenson, brillant homme d’affaires, était vingt ans auparavant un simple employé de l’hôtel géré par les grands-parents Hunter et l’amant de Sylvia Hunter : le séjour ravive la flamme entre les anciens tourtereaux, déclenche l’hystérie de la frigide Mme Jorgenson et aggrave l’alcoolisme de Mr. Hunter. Pour empirer les choses, les rejetons des deux couples tombent amoureux l’un de l’autre, flirtent dès le premier soir, passent une nuit dehors et brisent les ambitions sociales de Mme Jorgenson, qui rêve d’un beau mariage d’argent pour sa fille. Rancœurs, haines et insultes fusent parmi les adultes tandis que les enfants envisagent une fugue pour vivre tranquillement leur passion nouvelle…
A Summer Place vogue évidemment sur le succès de Peyton Place (Mark Robson, 1957) et comme lui, invite le spectateur, par le biais du mélodrame, à entrer dans la vie intime de ses protagonistes à travers l’évocation de leur sexualité. Ici, l’originalité vient du fait que les deux générations connaissent les bonheurs et les affres du désir : Ken Jorgenson et Sylvia Hunter d’un côté (qui approchent de la cinquantaine et retrouvent avec la passion l’énergie de leur jeunesse passée), Johnny et Molly de l’autre. L’acte sexuel est évoqué à de nombreuses reprises, par les dialogues (notamment de la mère Jorgenson, qui semble lui vouer une véritable phobie) et par des ellipses comme le naufrage des jeunes dans la tempête suivi de leur nuit au clair de lune sur la plage isolée. Le mot « sexe » est prononcé plusieurs fois dans le cours de l’intrigue, ce qui constitue une sorte de précédent dans le cinéma hollywoodien grand public de l’époque et encore aujourd’hui, réussit encore à surprendre dans le contexte formellement « grande production de studio » du film. Plus étonnant encore sont l’évocation de l’adultère consommé des adultes, des thèmes limpides du divorce et du remariage, de la défloration des jeunes filles (par une invraisemblable scène, sans doute le clou du film, où Mme Jorgenson fait examiner la virginité de sa fille par un médecin), de la sexualité des teenagers, conduisant ici à une grossesse prénuptiale… Bien sûr, on est dans un film de 1959 donc le sexe est toujours, dans le scénario, lié au sentiment amoureux, mais en filigrane et pour le spectateur d’aujourd’hui, c’est bien de baise qu’il s’agit et c’est cela qui ne manque pas d’étonner, cinquante ans plus tard. Même si quelques scènes du film, sans doute autrefois sérieuses, ne peuvent que provoquer l’hilarité aujourd’hui par l’emploi d’euphémismes savoureux : Sandra Dee répète à plusieurs reprises qu’elle a été « good » (= qu’elle est toujours vierge) et demande à Troy Donahue s’il a déjà été « bad » avec des filles (= s’il a couché). Le succès d’A Summer Place a en tous cas permis aux films hollywoodiens de commencer à parler de sexualité de façon plus directe et le tournant qu’a représenté en ce sens le début des années 60 au cinéma lui doit sans doute beaucoup.
A Summer Place, au-delà de son scénario culotté, bénéficie d’un excellent casting, notamment les quatre adultes dont deux, Mrs Jorgenson et Mr Hunter sont des stéréotypes de névrotisme et de veulerie tandis que les deux autres, Mr Jorgenson et Mrs Hunter, sont des portraits beaucoup plus nuancés. J’adore particulièrement Constance Ford (Mrs Jorgenson) qui vole la vedette à ses partenaires dans chacune de ses scènes. Ses échanges perfides avec son mari, sa fille et les autres protagonistes de l’histoire, sont de grands moments d’hystérie contenue. Sandra Dee, petit boudin blond à la bouche avenante et à la coiffure bouffante, tire assez bien son épingle du jeu et le « heartthrob » (beau gosse) Troy Donahue joue… comme Troy Donahue, c’est-à-dire de façon très limitée mais sympathique par son application.
La photo, le cinémascope et le technicolor apportent un lyrisme de chaque instant au film, encore amplifié par le magnifique score de Max Steiner, dont le thème principal connut un immense succès et fit entrer la B.O. dans les charts de l’époque. A Summer Place fut un des top-grossers de 1959 et entraina la mise en chantier immédiate de quelques autres mélodrames basés sur la même formule, dont plusieurs (Parrish, Susan Slade, Rome Adventure : tous les trois récemment sortis dans un coffret DVD Z1) furent aussi réalisés par Delmer Daves et interprétés par Troy Donahue, dont ils constituèrent en quelque sorte le bouquet final de la carrière (Donahue continua dans l’alcool, s’en sortit grâce aux AA et mourut oublié en 2001).
Attention SPOILER !
Pour ceux ou celles qui, comme moi, aiment lire entre les lignes des films et les sur-interpréter, A Summer Place réserve aussi une dernière surprise, et de taille celle-là : si on creuse un peu, il n’est pas du tout invraisemblable, compte-tenu de la chronologie de l’histoire des personnages, que Troy soit le fils né de l’ancienne liaison de Mrs Hunter et de Mr Jorgenson. Et donc le demi-frère de Molly. A la fin du film, leur enfant à naître serait donc le fruit d’un inceste. Now, that would really be bad ! Et le vertige nous prend ! En tous cas, pour un film grand public de 1959, c’est du jamais-vu…
Un excellent mélodrame des familles donc, au sens propre et à la moralité salée.
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