Ces trois acteurs ne sont pas à proprement parler de mes "héros" - je n'ai pour eux aucune admiration forcenée - mais j'ai cependant un attachement particulier pour chacun d'entre eux, non pas tant liée à leur personnalité (quoique pour Tissier...) qu'au timbre de leur voix et à leur phrasé inimitable.
N'importe quel navet et à fortiori n'importe quel chef-d'oeuvre dans lesquels ils font une apparition ou un rôle plus conséquent me réjouit d'avance. Elle est longue la liste des films dans lesquels on a pu les voir mais la plupart de ces films sont aujourd'hui inaccessibles. C'étaient des acteurs de caractère (l'un plus sérieux que les deux autres) qui volaient la vedette à leurs partenaires dans chacune des scènes qui leur étaient attribuées, parfois par leur gestuelle - leur "body language" - mais surtout, évidemment, par leurs intonations.
Ils s'appellaient tous les trois Jean. J'avais juste envie de leur rendre un petit hommage. A eux et à leurs voix.
Jean Tissier (1896-1973)
Souvent très excité, il n'est jamais meilleur que quand la panique le submerge ou la méchanceté le prend : sa voix mielleuse monte alors dans les aigus et on ne lui ferait pas confiance pour un sou. Il est le roi de l'embrouille et du faux-cul et son débit accéléré cache des abîmes de faiblesse ou de fourberie. Il a tendance à parler en se frottant les mains (comme Temerson), ce dont il faut toujours se méfier. Le fakir enturbanné de "L'assassin habite au 21", c'est lui.
Jean Temerson (1898-1956)
Il a la voix la plus chouineuse-chuintante du cinéma français et ses paroles ont toujours l'air d'être prononcées avec une papate chaude dans la bouche. Ses rondeurs et ses bajoues en font l'incarnation idéale et définitive de l'homme de robe (j'entends d'Eglise), du père jésuite. Habitué aux rôles de subordonnés, il impose sa corpulence et son visage poupin aux lèvres charnues à tous les films qu'il traverse et excelle dans l'indignation, comme Tissier d'ailleurs. C'est le notaire de "Volpone".
Jean Servais (1910-1976)
Lui a beaucoup plus d'élégance : c'est un gentleman. Mais qui ne serait pas spécialement remarquable - pas plus qu'un autre - s'il n'y avait cette voix, la voix de Jean Servais, qui vient d'on ne sait où, chaude, pleine, d'une masculinité distinguée. La comédie lui sied peu et c'est dans le drame bourgeois qu'on le retrouve le plus souvent. C'est l'homme de la Quatrième République. Ophuls lui a confié les derniers mots du "Plaisir", qu'il dit avec une modulation de voix inoubliable : "Mais mon cher, le bonheur n'est pas gai". L'entendez-vous ?
A propos de Jean Tissier : Passant il n'y a pas longtemps à Saint-Ouen, à quelques centaines du mètres au nord de la Porte de Clignancourt, j'ai voulu aller voir sa tombe que je savais être au cimetière de la ville. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir sur place que Jean Tissier y partageait sa dernière demeure avec Mireille Balin. Ruinés, seuls et oubliés de tous à la fin de leurs vies, ils ont été inhumés côte à côte à quelques années de distance, au frais d'une association d'entraide aux anciennes gloires de la scène et de l'écran.
13 avril 2011
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Le plaisir étant un de mes films préférés, j'adore complètement la voix Jean Servais. On le retrouve aussi dans Du rififi chez les hommes je crois. Merci de lui cet hommage.
RépondreSupprimerTissier est un chouette second rôle du cinéma français, Temerson ne me dit rien (je trouve que Volpone, c'est nul).
"Volpone, c'est nul" : heureusement que tu précises "je trouve que". Le film est du théâtre filmé un peu lourdement, OK, mais les numéros d'acteurs me réjouisent à chaque fois que je le revois (sauf l'exécrable, comme toujours, Jacqueline Delubac). Baur, Ledoux Dullin, Temerson, Jouvet... quand même !
RépondreSupprimerexécrable j'en conviens! mais ravissante convenons en!!
RépondreSupprimerJacqueline Delubac est merveilleuse...
RépondreSupprimerelle est tellement plus frâiche que tous ces théâtreux surannés...dommage qu'on la voit si peu.