A la Kunsthalle de Hambourg, une statue académique des années 1890 qui m'était inconnue, habituellement remisée aux réserves, est en ce moment exposée à l'occasion d'une intéressante présentation thématique des collections de sculpture.
"Der Helot" (L'Hilote) de Wilhelm Kumm, daté de 1891, représente un esclave agricole grec des environs de Sparte.
Derrière le sujet antiquisant, c'est le jeune modèle anonyme qui a posé pour le sculpteur que le visiteur ne peut s'empêcher de voir. Son beau visage pensif aux traits intemporels (il pourrait être d'hier, d'aujourd'hui ou de demain) donne à la statue une fascinante présence. Compte-tenu du nombre de photos qui en sont prises par les visiteurs, on comprend qu'il ne laisse personne de marbre. Jugez-en vous même par ces images que j'ai capturées de lui après avoir passé pas mal de temps, moi aussi, à le regarder.
Et pour rester à la Hamburger Kunsthalle, je ne peux résister à inclure ci-dessous ce plan rapproché d'un des mes tableaux préférés, l'admirable "Voyageur contemplant une mer de nuages" de Caspar David Friedrich (1817) que je n'avais vu jusqu'à aujourd'hui que par reproduction interposée. L'original mérite le voyage comme dirait un guide populaire. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant tout à l'heure que l'habit du voyageur des montagnes, que j'avais toujours cru de flanelle ou de coton noir, est en réalité de velours vert. L'oeuvre en est encore plus classe.
30 décembre 2012
2 décembre 2012
Films vus par moi(s) : décembre 2012
*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais
Life of Pi / L'odyssée de Pi (Ang Lee, 2012) ***
Il faudra que je le revoie parce que l'agencement et la signification de la dernière partie du film par rapport à ce qui a précédé m'en a fait sortir. Pour le reste, ce conte métaphorique aux péripéties et aux images inoubliables (l'utilisation de la 3D fixe la barre très haut) m'a enchanté, ému et rappelé la magie des possibles qu'offre le cinéma. Comme cela fait du bien de voir quelque chose de différent, vraiment. Ciné 3D
Johnny Guitar / Johny Guitare (Nicholas Ray, 1954) ***
Une première partie en intérieur, une seconde en plein-air, des couleurs éclatantes (vert, noir, blanc, rouge, jaune), un personnage féminin qui en harcèle un autre, une horde de villageois en costume de deuil et une partition lyrique : "Johnny Guitar" est un mélo-western qui ne ressemble à aucun autre. Joan Crawford y est magnétique, Mercedes McCambridge infernale et Sterling Hayden stoïque comme un roc. BR US
Pierrot le Fou (Jean-Luc Godard, 1965) ***
L'exaltante inventitité créative du film, sa beauté plastique, son insolent dynamitage des genres cinématographiques (auxquels il rend par ailleurs hommage), son humour, sa poésie tragique et ses tentations politiques forment l'essence du meilleur Godard. Le charme et l'énergie vitale d'Anna Karina et de Jean-Paul Belmondo font le reste. Un film qui a su capter sur le vif l'esprit des Sixties. BR Fr
Breaking bad / saison 4 (Vince Gilligan, 2011) ***
Le manque d'enjeu et d'action du début de cette saison m'avaient refroidi : j'avais laissé tomber au bout de 4 épisodes. Des mois plus tard, j'ai tenté la suite et petit à petit, la sauce a repris. Les derniers épisodes comptent parmi ce que j'ai pu voir de plus tendu, de mieux écrit, joué et réalisé à la télé. Avec un final qui vous tire le tapis sous les pieds et son travelling démoniaque sur un banal pot de muguet. DVD Z1
J. Edgar (Clint Eastwood, 2011) ***
L'ennuyeuse première demi-heure passée, le film décolle quand il se met à suggérer le portrait intime de J.E. Hoover, le directeur controversé du FBI, à travers une affaire célèbre (l'enlèvement Lindbergh) mais surtout dans ses relations fusionnelles avec sa mère, sa secrétaire et son collaborateur-compagnon d'une vie, Clide Tolson. Si la forme est terriblement académique, le propos est inédit et passionnant. BR Fr
Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot, 2012) **
Je me suis un peu ennuyé. On voudrait en voir plus sur la Cour qui se délite à Versailles entre le 14 et le 17 juillet 1789 mais le point de vue unique à partir de la lectrice de Marie-Antoinette empêche d'ouvrir le cadre. C'est un parti-pris, respecté à la lettre. On n'a donc qu'une vision partielle du cataclysme. Les acteurs sont tout juste OK, la photographie magnifique et un plan-séquence dans un couloir du château magistral. BR Fr
Le petit Prince a dit (Christine Pascal, 1992) **
La sensibilité de Christine Pascale imprègne ce film triste mais pas larmoyant sur les liens d'une petite fille de dix ans condamnée par une tumeur au cerveau avec ses deux parents séparés. Richard Berry et Anémone sont parfaits et la jeune Marie Kleiber bouleversante. Les paysages verdoyants de la Suisse apportent une note élégiaque avec laquelle la mort s'approche en douceur, trop peut-être. DVD Z2 Fr
Rosemary's baby (Roman Polanski, 1968) ***
La paranoïa qui contaminera le cinéma des Seventies et les blockbusters sataniques du genre "The exorcist" trouvent une de leurs origines dans ce thriller psychologique inaltérable à la réalisation qui fait tous les bons choix et au casting étincelant (Mia Farrow, Ruth Gordon, Sidney Blackmer et, en retrait, John Cassavetes). Quelle composition des plans et utilisation de la couleur ! Quel humour pervers ! BR US
The taking of Pelham One Two Three / Les pirates du métro (Joseph Sargent, 1974) ***
Quatre types déguisés en beaufs immobilisent dans un tunnel une rame du métro de Manhattan pour obtenir une rançon. Ce sujet, simple comme tout, a pourtant donné un des thriilers les plus excitants des 70's. Il faut dire qu'il y a Robert Shaw et Martin Balsam en pirates et Walter Matthau en chef de la sécurité. Il y a aussi un melting pot d'otages, de l'humour et des dialogues bourrés de mots à quatre lettres. BR US
The night of the hunter / La nuit du chasseur (Charles Laughton, 1955) ***
L'amour du cinéma, du théâtre, de la peinture, de la littérature illumine chaque scène de ce chef-d'oeuvre qui convoque les grandes obsessions américaines (argent, sexe, religion, violence) dans un conte noir et expressionniste aux innombrables références mais à l'atmosphère incomparable. Un des plus beaux films sur l'enfance, qui réveille chez chaque spectateur des sentiments profondément enfouis. BR US
De rouille et d'os (Jacques Audiard, 2012) *
A l'image de son titre qui prend la pose, ce "mélo trash" comme le définit Audiard a trop de préciosités formelles et d'impasses scénaristiques pour ne pas être soupçonné de roublardise. Les acteurs sont uniformément excellents pour des personnages uniformément monolithiques. La photographie est intéressante, nettement inspirée par la photo contemporaine. Je me suis demandé ce que von Trier en aurait fait. BR Fr
Damsels in distress (Whit Stillman, 2011) **
La lenteur de la mise en place, le jeu désincarné des jeunes actrices, l'artificialité des dialogues et l'évident petit budget commencent par inquiéter et puis soudain, le charme opère et la seconde partie du film sert de révélateur à la première. Une subtile tendresse se dégage alors pour ces personnages qui se cherchent eux-mêmes. Un ton original pour un film de campus vraiment atypique. BR US
Vesyolyye rebyata / Les joyeux garçons (Grigori Alexandrov, 1934) ***
Cette première comédie musicale soviétique, farce burlesque sur un berger pris par erreur pour un chef d'orchestre, fait preuve d'une imagination absurde débridée typique de son temps. Les animaux de la ferme qui ravagent la soirée bourgeoise et les chansons populaires sur la scène du Bolchoï font une amusante propagande. Le premier plan-séquence musical et le long travelling sur une plage sont exceptionnels. DVD Z2 Fr
Klute (Alan J. Pakula, 1971) **
Le rapprochement affectif de la call-girl (Jane Fonda) et du détective (Donald Sutherland) est autrement plus intéressant que leur banale enquête dans un New York dont la poisse obscure imprègne tout. Le rythme lent, les longs temps de pause et l'abondance des dialogues (formidables séquences de Fonda chez la psy) font du film un archétype du cinéma de son époque, le début des 70's. DVD Z1 US
Pet Sematary / Simetierre (Mary Lambert, 1989) ***
Stephen King a adapté lui-même son inquiétant roman pour ce film qui atteint des sommets de morbidité et fonctionne parfaitement, dans le genre, vingt-cinq ans après sa sortie. Le fantastique du vieux cimetière indien qui ramène les morts à la vie (animaux, enfants et adultes), jette un regard sensible sur le travail du deuil. La direction artistique et la réalisation sont excellentes. BR US
The impostor / L'imposteur (Julien Duvivier, 1943) *
Gabin retrouvait Duvivier à Hollywood avec ce drame sur fond de Forces Françaises Libres au Congo qui fait partie de l'effort de guerre du cinéma US. Le tout artificiel (matte paintings, back projections et jungle de studio à gogo) a son charme et Gabin, blond-cendré ondulant, s'essaye à l'anglais sans conviction. Un film curieux et intéressant quand on le replace dans son contexte historique. DVD Z2 Fr
W.E. (Madonna, 2011) *
L'histoire de Wallis Simpson et d'Edouard VIII entre 1930 et 1970 aurait suffi, pourquoi s'être encombré de celle d'un couple new-yorkais des années 1990 en narration parallèle ? Le tout est très beau, très fabriqué et sans presqu'aucune émotion alors qu'il y avait de quoi faire un grand film d'amour. C'est l'obsession de contrôle de Madonna qui est en cause : à repousser l'affectif, elle ne créé qu'une froide machinerie. BR Fr
2 novembre 2012
Films vus par moi(s) : novembre 2012
*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais
Dressed to kill / Pulsions (Brian de Palma, 1980) *
Comme souvent avec de Palma, ce sont quelques séquences individuelles, formidablement dirigées (ici par exemple, la scène du musée et celle du métro), qui transcendent un ensemble par ailleurs cousu de grosses ficelles et de fausses pistes malhonnêtes. Découvrir le film à sa sortie avait été un choc, le revoir a été assez décevant, à cause de son agaçante roublardise. BR Fr
The trouble with Harry / Mais qui a tué Harry ? (Alfred Hitchcock, 1954) *
Bien sûr les couleurs du Vermont d'automne sont époustouflantes, les dialogues malins et coquins, la mise en scène millimétrée et le scénario déconstruit avec brio les codes du thriller mais j'ai toujours été insensible à ce film parce que son humour noir et absurde m'ennuie sur la durée. Un film passionnant, c'est vrai, dans le contexte de la filmographie d'Hitchcock, mais pas isolément. BR US
The girlfriend experience (Steven Soderbergh, 2009) 0
Un Soderbergh très mineur sur le quotidien d'une jeune escort girl de luxe new-yorkaise. Ses client sont inquiets de l'impact de la crise financière sur leurs affaires, elle essaye d'améliorer la visibilité de son site web, un journaliste veut écrire un article sur elle, sa vie avec son petit copain bat de l'aile... Une ex-star du porno joue l'escort, ça parle surtout d'argent et se laisse voir sans plus d'intérêt. BR UK
The Egyptian / L'Egyptien (Michael Curtiz, 1954) **
Un péplum méconnu, ambitieux et intrigant presqu'entièrement dénué d'action, aux décors (construits ou en matte), à la réalisation et à la photographie splendides, au casting périlleux (Purdom fade mais bon, Darvi nulle jusqu'à l'amusement, Ustinov qui prend la main sur toutes ses scènes...) et au contexte historique alambiqué (mi Période Amarnienne, mi Période Maccarthyste). BR Fr
Mad Men, saison 5 (AMC, 2012) ***
Plus sourde et retenue que les précédentes, la saison 5 de "Mad Men" fait la part belle à ses personnages qui s'enfoncent dans l'isolement psychologique et affectif au rythme de la société qui change. L'écriture et la réalisation sont toujours aussi brillantes et la façon unique qu'a Megan (Jessica Paré, une révélation) de bouger dans l'espace n'a pas cessé de me fasciner du début à la fin. BR US
Merci pour le chocolat (Claude Chabrol, 2000) **
Par petites touches amusantes qui deviennent inquiétantes, le personnage joué par Isabelle Huppert (qui d'autre ?) révèle des fêlures abyssales. Ce que le film veut dire est obscur mais c'est un bel exercice de style - et en psychologie - qui fait de Lausanne et de l'onctuosité du chocolat un terrain de névroses subtiles. Moins puissant que "La cérémonie" mais coulé dans le même moule. DVD Z2 Fr
The phantom of the Opera / Le fantôme de l'Opéra (Rupert Julian, 1925) ***
Sans doute la meilleure adaptation filmée du roman, cette version muette est un régal de chaque instant, que ce soit par le travail sur les ombres et lumières, la splendeur des décors, l'impressionnant dynamisme de la narration. Lon Chaney est un fantôme génialement psychotique aux apparitions inoubliables (l'arrachage du masque, la Mort Rouge sur l'escalier...). Du Grand-Guignol du haut-vol. BR UK
Downton Abbey - Series 3 (Julian Fellowes, Carnival Films, 2012) ***
Quel bonheur de retrouver les protagonistes familiers de ce formidable feuilleton dans lequel on ne sait pas quoi le plus admirer, de l'écriture, du casting ou de la réalisation. Trois petites réserves sur l'histoire forcée de la prison, de l'homosexualité d'un personnage et sur la fin un poil faiblarde. Le coup de théâtre terrassant dans l'épisode 5 est un sommet de la télé contemporaine. BR UK
Le quai bes brumes (Marcel Carné, 1938) **
Je n'avais jamais vu ce classique dont l'histoire semble comme une chanson de Fréhel. La langueur désespérée et le sentiment de tragique qui en émane, les décors, la réalisation et les numéros des acteurs sont splendides (à part la diction pleurnicharde de Morgan, irritante comme souvent) et sa signification historique est évidente mais il y a quelque chose qui m'a toutefois tenu à distance. BR Fr
From Russia with love / Bon baisers de Russie (Terence Young, 1964) **
Les décors d'Istanbul, le charme rieur de Daniela Bianchi et surtout la présence de la formidable Lotte Lenya dans le rôle la fourbe Rosa Klebb (elle est d'ailleurs trop rare à l'écran, ici comme ailleurs) sont les atouts majeurs de cet épisode qui est sans doute le James Bond où le genre "espionnage" est le plus archétypique. Je m'y ennuie un peu et préfère de loin "Dr No" et "Goldfinger". BR Fr
Picnic at Hanging Rock / Pique-nique à Hanging Rock (Peter Weir, 1975) ***
Je pourrais regarder en boucle la longue séquence de l'ascension du rocher, l'une des plus sensuelle et inquiétante de l'histoire du cinéma et encore plus ce plan inoubliable où les trois jeunes filles disparaissent dans la faille. La seconde partie ne maintient pas cette magie mais l'atmosphère unique de ce film inclassable, aux multiples interprétations métaphoriques, me transporte à chaque fois. BR UK (Director's cut)
Paradise Lost 3 : Purgatory (Joe Berlinger & Bruce Sinofsky, 2011) ***
Après "Paradise Lost" (1996) et "Paradise Lost 2 : Revelations" (2000), la troisième entrée de l'extraordinaire feuilleton documentaire sur trois ados condamnés - à tort - en 1994 par la justice de l'Arkansas (l'un à mort, les deux autres à la prison à vie) pour les meurtres de trois jeunes garçons est une plongée vertigineuse dans l'Amérique profonde et le système judiciaire US. Aucune fiction ne peut atteindre cette intensité. DVD Z1 US
Magic Mike (Steven Soderbergh, 2012) **
Un backstage très classique, dans la forme comme dans le fond, à ceci près qu'il se déroule dans un petit club de male strippers de Tampa. Tous les codes du genre y sont : le pro qui prend le novice sous son aile, les risques de l'argent facile, la figure rédemptrice... Si on est loin du cynisme de "Showgirls", le film est bien foutu et Channing Tatum est devenu un bon acteur. BR US
22 octobre 2012
2 octobre 2012
Films vus par moi(s) : octobre 2012
*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais
Project X / Projet X (Nima Nourizadeh, 2012) **
Je ne sais pas si les scénaristes ont voulu dire ou dénoncer quelque chose du comportement social souvent irresponsable de certains ados actuels mais ce film sur une fête d'anniversaire Facebook qui tourne à l'émeute, derrière sa façade potache, est une émanation vraiment intéressante de son époque. Je m'attendais au pire, j'ai été heureusement surpris. BR Fr
The cabin in the woods / La cabane dans les bois (Drew Goddard, 2012) **
Un film d'horreur postmoderne truffé de références qui se plaît à multiplier ses interprétations (à la fois une réflexion sur le ciné d'horreur, la télé-réalité, Jung, Lovecraft, les peurs primales...) et qui se regarde avec intérêt parce que les idées et visuels sont astucieux et le rythme soutenu. Même si le propos se perd dans une indescriptible confusion, ça reste fun et malin. BR Fr
Live and let die / Vivre et laisser mourir (Guy Hamilton, 1973) *
Après l'excellente séquence pré-générique, c'est vraiment poussif jusqu'au dernier tiers et l'excitante poursuite en hors-bord. Le suave Roger Moore ne m'a jamais convaincu en James Bond (ni ici, dans sa première incarnation de l'espion, ni ensuite) et Jane Seymour est une bien fade Bond Girl. Mais quelques scènes sont très chouettes, dont le vaudou et les alligators. BR Fr
L'affaire Dominici (Claude-Bernard Aubert, 1973) *
L'avocat de Gaston Dominici prend le spectateur à parti en conclusion de ce film qui se veut factuel mais qui est (selon les avis autorisés) subjectif et orienté à décharge. La réalisation est sans aucun intérêt mais Gabin et le reste du casting incarnent avec brio les membres de cette énigmatique famille de paysans empêtrée dans l'affaire du meurtre des Drummond. DVD Z2 Fr
Thunderball / Opération Tonnerre (Terence Young, 1965) *
Le 4e James Bond n'est pas à la hauteur des 3 premiers : l'histoire se traîne, sans véritable enjeu, et le décor des Bahamas est banal. Claudine Auger est une Bond Girl idéale, le générique et le combat sous-marin épatants mais cela ne suffit pas à en faire un grand épisode. C'est surtout l'ambiance mid-Sixties qui fait le charme du film, ainsi que Sean Connery, évidemment. BR Fr
Snow White and the huntsman / Blanche-Neige et le chasseur (Rupert Sanders, 2012) **
La noirceur originale du conte de Grimm est préservée dans cette adaptation à la formidable direction artistique (les décors sont superbes) et au dynamisme de film d'aventures. Mais Kristin Stewart n'a pas le charisme nécessaire et le dernier tiers avec l'attaque du château semble déjà vu. C'est quand même du très bon spectacle et une intéressante exploitation de l'histoire. BR Fr
Take shelter (Jeff Nichols, 2011) **
La perte de repères et les inquiétudes de la société américaine actuelle sont en toile de fond de ce drame métaphorique sur la plongée d'un homme dans la psychose. Michael Shannon et Jessica Chastain rendent crédible et bouleversant leur couple de l'Ohio dont l'amour est mis à l'épreuve de la tempête. Quelques longueurs pouvaient être évitées. BR Fr
Windjammer : the voyage of the Chistian Radich (Louis de Rochemont III & Bill Coleran, 1958) ***
Un chef-d'œuvre du Cinerama, travelogue sur le voyage d'un Trois-Mâts Ecole norvégien entre Oslo et Portsmouth en passant par Madère, Porto Rico, Trinidad et New-York. Les cadets apprennent le travail d'équipe à bord et découvrent les coutumes locales en escale. De l'aventure en mer, de l'exotisme et des images spectaculaires, portées par une partition lyrique. BR US (avec une superbe restauration en format Smilebox)
Un singe en hiver (Henri Verneuil, 1962) ***
Le vieux Gabin et le jeune Belmondo se donnent la réplique (pour l'unique fois) dans ce magnifique film sur le temps qui blesse. Au-delà du jeu des acteurs et des dialogues ciselés d'Audiard, de l'hiver N&B sur la côte normande en Cinemascope et de l'humour subtilement grave, c'est la tendresse pour les personnages qui lui donne sa mélancolie intemporelle. DVD Z2 Fr
Clash of the Titans / Le choc des Titans (Desmond Davis, 1981) **
Un divertissement mythologique vieille école, plein de créatures en stop-motion par Ray Harryhausen et d'acteurs britanniques en dieux de l'Olympe. Il y a de l'action (le clou étant le combat dans l'antre de Méduse), de l'humour et des surimpressions criantes. Il y a aussi l'obscène et distrayante sensualité des lèvres et des tétons d'Harry Hamlin en Persée. BR Fr
Antoine et Antoinette (Jacques Becker, 1947) ***
L'enthousiasmante fraîcheur de la première moitié du film, consacrée à la vie quotidienne, dans ses détails les plus anodins, d'un jeune couple de travailleurs dans le Paris de l'après-guerre, se dilue un peu dans la seconde, avec la péripétie du billet de loterie perdu mais le charme de Claire Mafféi, l'animation du quartier et la grâce de la mise en scène emportent tout. BR Fr
Chronicle (Josh Trank, 2012) ***
Trois copains de high school investis par accident du pouvoir de télékinésie et de voler les emploient pour s'amuser. Puis l'un en fait des usages plus sombres. Un des meilleurs films de "teenage angst" que j'ai vus, cette sorte de "Carrie" des années 2010 est spectaculaire et superbement réalisé. Avec une profondeur et une intelligence peu communes dans le genre. BR Fr
Broadway (Paul Fejos, 1929) *
Un backstage routinier des débuts du parlant avec un jeune premier, des chorus girls et un crime. Les scènes de dialogue sont figées et plutôt mal jouées (sauf Evelyn Brent, toujours excellente) mais tout s'anime dans le décor géant du cabaret "Paradise", au superbe design Twenties qu'une caméra placée sur une grue explore en virevoltant. Pour ces séquences seulement... BR US (en bonus du BR "Lonesome" chez Criterion)
Wake in fright / Outback (Ted Kotcheff, 1971) ***
Au fin fond de l'outback australien, la descente aux enfers d'un jeune instituteur en congés qui se perd dans le jeu, la bière et la fréquentation risquée des rednecks. Un film sur la corruption qui culmine dans une éprouvante séquence de chasse nocturne au kangourou. Implacable et nihiliste comme seul le cinéma des Seventies pouvait l'être. BR Australie
Mandingo (Richard Fleischer, 1975) ***
Le politiquement correct n'a pas cours dans ce film sur les rapports entre maîtres blancs et esclaves noirs d'une plantation décrépite du Sud. Le commerce, la violence et le sexe tissent les liens entre les personnages qui vivent (et meurent) la fin d'un monde. Fleischer osa le réalisme et fut taxé d'exploitation : sa carrière ne s'en remit pas. 40 ans après, le film (d)étonne toujours. BR US
Cloclo (Florent-Emilio Siri, 2012) 0
Un biopic terriblement académique qui essaye de raconter le maximum en 2h20 et empile les événements marquants sans émotion ni dynamisme. Jérémie Renier est excellent (son mimétisme avec Claude François est troublant) mais le film manque d'une vision de cinéaste. Tout est lisse et convenu et même les séquences musicales sont décevantes. BR Fr
Dr. No / James Bond contre Dr No (Terence Young, 1962) ***
Le prototype des films de James Bond n'a pas encore de chanson de générique ni de gadget et son histoire est bien tranquille par rapport à celles qui viendront par la suite mais le magnétisme érotique qu'y dégagent Sean Connery et d'Ursula Andress n'a jamais été égalé. Et le style Sixties du décor, des accessoires, des costumes et de la couleur est à tomber. BR Fr
The invisible man / L'homme invisible (James Whale, 1933) ***
Court et concis comme tous les Horror films Universal des Thirties, un thriller qui parvient à mélanger suspense, cruauté et humour en un parfait équilibre. La voix de Claude Rains donne corps et caractère au personnage imaginé par Wells, aidée par de formidables trucages qui gardent toute leur force de suggestion. Et puis, il y a Una O'Connor, égale à elle-même en aubergiste hystérique. BR UK
Prometheus (Ridley Scott, 2012) *
Allez, je mets * pour la magnifique direction artistique (et la 3D sobrement efficace) mais j'ai failli mettre 0 pour l'indescriptible confusion, pour ne pas dire bêtise, de l'écriture qui ne donne pas vie aux personnages, leur fait faire des actions risibles et réussit à rendre le film ennuyeux en dépit de tous les atouts qu'il avait à priori. Comment Scott a-t-il pu laisser passer ça ? BR 3D Fr
La folie des grandeurs (Gérard Oury, 1971) 0
Je me faisais une joie de revoir ce film qui a marqué mon enfance mais les grimaces, gesticulations et cris de Louis de Funès ont eu raison de ma patience au bout de 30'. Je ne connais pas de comique dont le jeu ait aussi mal vieilli : son succès monstre, rétrospectivement, est atterrant. Dommage parce que la production est plutôt réussie et la musique épatante. BR Fr
This is Cinerama (Robert L. Bendick, 1952) **
Kitsch en diable et outrageusement superlatif, un travelogue qui stupéfia l'Amérique en 1952 par son emploi du format géant et du son stéréo. Vaincu par sa complexité technique et l'arrivée du Cinemascope en 1953, le Cinerama mourut jeune, laissant quelques titres fascinants, comme ce tout premier film du genre. Le célèbre séquence des Cypress Gardens est excellente. BR US (avec une superbe restauration en format Smilebox)
Sleeping Beauty / La Belle au bois dormant (Walt Disney / Clyde Geronimi, 1959) ***
Le merveilleux design du film, qui doit autant aux tapisseries médiévales qu'au style Fifties, ne manque jamais de m'enchanter à chaque fois que je le revois. Et toutes ces scènes inoubliables, de la parade du début au combat avec le dragon en passant par la rencontre dans la forêt et bien sûr, les apparitions des fées et de la géniale Maléfique. Un de mes Disney préférés. BR US
1 septembre 2012
Films vus par moi(s) : septembre 2012
*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais
The town (Ben Affleck, 2011) *
Un petit malfrat d'un quartier de Boston s'éprend de la directrice d'agence bancaire que sa bande a braquée et remet en question son implication dans les activités criminelles. Rien de bien nouveau dans ce film qui veut explorer les hésitations existentielles de son héros (Ben Affleck, qui joue et signe). C'est bien filmé mais on a l'impression d'avoir vu ça cent fois. BR UK
The last of Sheila / Les invitations dangereuses (Herbert Ross, 1973) *
Renversée par une voiture, Sheila est morte. Son mari invite six de ses amis, des professionnels d'Hollywood, sur son yacht sur la Riviera et leur propose un jeu qui révélera le chauffard. Stephen Sondheim et Anthony Perkins ont écrit ce pastiche assez confus d'Agatha Christie en le parsemant de clins d’oeil au monde du cinéma. Le look Seventies et Dyan Cannon m'ont bien plu. DVD Z1 US (Warner Archive)
Les enfants du paradis (Marcel Carné, 1945) ***
Le revoir, splendidement restauré, a été un immense plaisir parce que j'avais oublié à quel point c'est un grand et beau film. L'inspiration de la réalisation, le travail sur les décors et costumes, l'élan des dialogues et des gestuelles portés par des acteurs au sommet et bien sûr la passionnante profondeur du scénario et des thématiques n'en finissent pas de révéler leurs richesses. BR US
Child bride (Harry J. Revier, 1938) 0 ou *** ?
Cinématographie : 0. Croquignolerie : ***. Dans un village paumé des Appalaches, un vieux redneck épouse une gamine de 12 ans. Censé dénoncer la pratique des mariages d'enfants, ce pur film d'exploitation Thirties se complait dans le licencieux avec ses baisers inter-âges, sa baignade nue, ses petits seins qui poussent... Il y a aussi le KKK et un lever de nain. DVD Z1 US
Porgy and Bess (Otto Preminger, 1959) ***
Le placement et le déplacement des acteurs - seuls ou en groupe - et de la caméra dans le cadre d'un décor de studio (magnifié par le format Todd-AO) que le Metropolitan Opera n'aurait pas renié donne à cette transposition de Gershwin, tirée vers le Musical, l'exemplarité d'un exercice en mise en scène. Seules les voix sont un cran en dessous de ce fascinant formalisme. Cinémathèque Française
Sansho Dayu / L'Intendant Sansho (Kenji Mizoguchi, 1954) ***
La beauté du noir et blanc et de la composition plastique de chaque plan de ce chef-d'oeuvre indisputé du cinéma japonais relègue presque au second plan l'humanisme tragique du conte traditionnel sur le destin cruel de deux enfants arrachés à leurs parents dans le Japon médiéval. L'action, très présente, sait laisser la place à d'admirables moments de contemplation. BR UK
Tanztraüme / Les rêves dansants (Annie Linsel & Rainer Hoffmann, 2010) ***
Quelques mois avant sa mort, Pina Bausch a repris sa pièce "Kontakthof" avec une trentaine de lycéens de 14 à 18 ans. Les répétitions jusqu'au jour de la première sur scène sont le sujet de ce documentaire dans lequel les jeunes découvrent grâce à la chorégraphie le travail d'équipe, le langage corporel et la confiance en soi. Beau et inspirant : l'Education Nationale devrait le voir. DVD Z2 Fr
Intouchables (Eric Toledano & Olivier Nakache, 2011) 0
La curiosité l'a emporté : je me suis enfin décidé à voir ce succès colossal du cinéma français que je soupçonnais pétri de démagogie et de bons sentiments. C'est tout comme je l'imaginais, cinématographiquement insipide et thématiquement inoffensif avec tout ce qu'il faut en coolitude et émotions fabriquées pour plaire au plus grand nombre. Mais si c'est une histoire vraie.... BR Fr
Titanic (Julian Fellowes, 2012) 0
Cette mini-série anglaise diffusée en 4 épisodes sur la BBC à l'occasion du centenaire du naufrage (et remontée en 2 épisodes pour le BR français) ne se relève pas de la proximité avec le film de Cameron : le projet était condamné d'avance. Le brillant scénariste de Downton Abbey a voulu y dresser un ambitieux portrait de la société de 1912 mais boit la tasse. Totalement dispensable. BR Fr
Christmas at Downton Abbey (Julian Fellowes, Carnival Films, 2011) ***
Les péripéties commencées ou poursuivies dans la saison 2 trouvent leur résolution (temporaire) dans ce Christmas Special de 90' où les personnages révèlent pour la plupart une émouvante humanité. Mais ce n'est pas tant l'histoire qui passionne dans ce merveilleux feuilleton (même si elle passionne) : c'est le dynamisme du jeu collectif des acteurs et la splendeur de la reconstitution. BR UK
Joseph Andrews (Tony Richardson, 1976) *
Treize ans après son "Tom Jones" oscarisé, Richardson reprend la recette avec un jeune et prude laquais du XVIIIe s. que toutes les femmes qu'il croise poursuivent de leurs assiduités. C'est une sorte de panachage de Hogarth et de Thackeray en plus libertin et outrancier, souvent absurde et décousu et qui souffre de la fadeur de l'acteur principal. Mais il y a Ann-Margret en Lady Booby. DVD Z2 UK
Germinal (Albert Capellani, 1913) ***
Les scènes en décors naturels (qui sont majoritaires), le jeu naturaliste de la plupart des acteurs et une utilisation parcimonieuse mais inventive de la profondeur de champ donnent à cette adaptation centenaire de Zola une modernité remarquable dans le cinéma de l'époque. Et quelle joie de découvrir Sylvie, jeune, dans le rôle de Catherine Maheu. Un chef-d'oeuvre du muet. DVD Z2 Fr
Hanna (Joe Wright, 2011) 0
Le scénario énigmatique destiné à impressionner le spectateur, les effets visuels et sonores totalement gratuits parsemés pour lui faire croire qu'il voit un film de réalisateur, le manque de crédibilité des acteurs (Cate Blanchett pour une fois mauvaise) et plein d'autres choses font de ce thriller sur une ado dressée à tuer par une organisation secrète un navet irrécupérable. BR UK
The Titan : Story of Michelangelo (Robert Snyder & Robert J. Flaherty, 1950) **
La production de ce très bon documentaire (Oscarisé en 1950) est intéressante : il s'agit d'un remontage avec une nouvelle narration (par Fredric March) d'un documentaire nazi de 1940 ("Michelangelo : das Leben eines Titanen") réalisé par Curt Oertel. Le thème original du "Surhomme" est transformé en une réflexion sur la création artistique. Splendide photo en noir et blanc. DVD Z1 US (en bonus du film ci-dessous)
Michelangelo, Self-portrait (Robert Snyder, 1989) ***
Un passionnant documentaire qui explore l'oeuvre de Michel-Ange sur fond exclusif de textes issus de sa correspondance avec son père, ses commanditaires et de sa biographie par Vasari. En 80 minutes, le film nous donne le temps de voir les oeuvres de l'artiste dans le détail tout en dressant un portrait très humain de l'homme avec ses exaltations et ses doutes. Original et inspiré. DVD Z1 US
Iron sky (Timo Vuorensola, 2012) 0
Une comédie SF finlandaise - en anglais - dont la très bonne idée de départ (des Nazis ont créé une base secrète sur la Lune en 1945 et s'apprêtent à revenir sur Terre 70 ans plus tard) et les excellents effets spéciaux sont ruinés par un scénario mal foutu, succession de vannes dont la plupart tombent à plat. On sourit un peu puis on se lamente sur un tel gâchis de potentiel. BR UK
Downton Abbey - Series 2 (Julian Fellowes, Carnival Films, 2011) ***
La saison 2 déroule les péripéties du manoir anglais de 1914 à 1919, de la guerre à la grippe espagnole. Les acteurs sont excellents à l'unisson et la production toujours aussi somptueuse mais le scénario glisse parfois vers le soap-opera, ce qui n'était pas le cas dans l'extraordinaire saison 1. Mais c'est chipoter :ce feuilleton est totalement addictif. Une mention pour la musique, sublime. BR UK
Lumière d'été (Jean Grémillon, 1943) *
L'artificialité allégorique du scénario de Prévert et Laroche (les bourgeois oisifs et névrosés, les ouvriers actifs et sensés, les combinaisons des relations) et la disparité des styles de jeu du casting (Pierre Brasseur en fait des tonnes) donnent à cet ersatz de "Le règle du jeu" un sentiment de déséquilibre qui m'a ennuyé. Mais Il y a de très belles scènes, dûes au talent de Grémillon. DVD Z1 US
Downton Abbey - Series 1 (Julian Fellowes, Carnival Films, 2010) ***
Une formidable série britannique sur le quotidien d'un grand manoir du Yorkshire entre 1912 et 1914 (saison 1). Les propriétaires et le personnel traversent bonheurs et crises au rythme des événements contemporains. La magnificence de la production, l'intelligence de l'écriture, la finesse de l'humour et de l'émotion sont servis par un casting hors-pair. La télé dans ce qu'elle a de meilleur. BR UK
27 août 2012
Heroes of mine : Jean
Jean Gabin a longtemps été pour moi l'acteur du cinéma de Pépé. Parce que mon grand-père qui, s'il était vraiment très loin d'être un cinéphile, était en revanche un bon Français moyen de son temps qui se réjouissait toujours d'une diffusion d'un Gabin à la télé (comme d'un Fernandel d'ailleurs). A chaque vacances que je passais chez mes grands-parents, on était donc sûr de ne pas y louper si un film de Gabin était annoncé sur le poste pour 20h30. Enfin moi pas parce que j'allais alors le plus souvent bouquiner dans ma chambre.
Bien plus tard, j'ai vu ou revu des Gabin. Beaucoup parce qu'il a longtemps et beaucoup tourné. Et petit à petit, j'ai moi aussi commencé à aimer l'acteur, l'homme et la star. La plus grande du cinéma français. Et comme avec toutes les stars, ma fidélité au personnage s'est reposée sur une fascination qui, je pense, ne se démentira pas. Gabin, c'est cette présence physique magnétique, cette façon d'être toujours dans une sorte de sous-jeu traversé d'éclairs tonitruants, cette discrète ambiguïté émotionnelle, ces rôles écrits sur mesure avec leur code et leur syntaxe, cette putain de série de chefs-d'oeuvre. Et l'intrigant effet de voir à l'écran, de ses films des années 30 à ceux des années 70, près de cinquante ans de la maturation d'un homme.
Gabin était né en 1904, mon grand-père en 1902. Ils ne se sont jamais rencontrés dans la vie mais leur vies se sont écoulées parallèlement. Je n'en ai jamais parlé avec lui, mais j'ai compris longtemps après qu'ils soient tous les deux partis pourquoi Pépé était si content de savoir qu'il allait retrouver un copain fidèle chaque fois que le nom de Jean Gabin était annoncé sur un générique.
Jean Gabin (1904-1976)
19 août 2012
Margaret (Kenneth Lonergan, 2011)
Ca faisait longtemps (à y réfléchir, depuis Melancholia) que je n’avais pas été happé par un film à ce point, alors j’ouvre un post sur Margaret, dont la production est une histoire en elle-même.
Pour faire bref, Kenneth Lonergan a tourné son film en 2005 mais des désaccords entre lui et ses producteurs et son incapacité à monter son film dans les limites de 150 minutes inscrites dans le contrat de départ ont provoqué des retards incessants, des procédures judiciaires (qui sont toujours en cours), une aide bénévole de Martin Scorsese et Thelma Shoonmaker (pour une assistance au montage, qui n’a rien donné au final) et une sortie en catimini six ans après le tournage d’une version 150 minutes dans quelques salles US en octobre 2011. Que presque personne n’a vu d’ailleurs. Margaret est donc un peu aux années 2000 ce qu’Heaven’s Gate a été aux années 1980 : une production passionnelle et un désastre financier. Jusqu’à la sortie confidentielle en combi Blu ray – DVD aux Etats-Unis (vendu par Amazon uniquement) il y a quelques semaines : sur le Blu ray, la version salles de 150 minutes et sur le DVD, la version Extended Cut de 186 minutes (c’est celle que j’ai vue).
Le film doit sortir en salles françaises le 29 août 2012 dans sa version 150 minutes. (EDIT : une news du Monde annonce que le film sort dans une seule salle à Paris et en V.F. Honteux ! Il ne faut pas voir ce film en Version Française, c'est certain.)
Margaret est un film fleuve d’une ambition démesurée et qu’on pourrait inscrire dans le genre du drame, du drame psychologique ou du mélodrame. Il est un peut tout ça et bien plus encore. C’est l’histoire de Lisa, une lycéenne new-yorkaise de 17 ans (interprétée par Anna Paquin) assez solitaire, intelligente, manipulatrice et qui a un avis sur tout qui voit sa vie bouleversée le jour où elle est directement impliquée dans un accident de bus mortel à Manhattan. Sans révéler les méandres du scénario (comme dans tout mélodrame, il faut se laisser porter sur les rapides), on peut dire que le choc traumatique de l’accident – dont elle n’est pas victime, mais témoin – révèle des aspects de sa personnalité et lui fait accomplir des actes qui ricochent sur son entourage proche (sa mère, ses camarades de classe, ses professeurs) et lointain (les personnes impliquées par l’accident).
Ca c’est pour l’histoire mais la façon dont le film la traite va bien au-delà puisque Lonergan conçoit l’ensemble comme une plongée dans la vie émotive de Lisa – et de son imaginaire d’adolescente – qui lui fait vivre le trauma qu’elle traverse comme s’il s’agissait d’un livret fictionnel, de théâtre ou plutôt d’opéra dont elle serait l’héroïne. La musique a d’ailleurs une part essentielle dans le film, que ce soit dans la BO (formidable) de Nico Mulhy ou les nombreux extraits de musique classique (notamment Les Quatres Derniers Lieder de Strauss) jusqu’au final au Metropolitan Opera où Renée Fleming chante Les Contes d’Hoffmann. Cette imbrication entre le fantasme et la réalité est évoquée par le titre du film qui n’est pas celui de son personnage principal, Lisa, mais Margaret (la clé de ce décalage des noms nous est donnée à un moment).
Le montage du film (qui a tellement causé de problèmes à la production) alterne les scènes très réalistes (l’accident de bus du début est l’une des scènes émotionnellement les plus fortes que j’ai vues à l’écran depuis un bon bout de temps) notamment les confrontations entre Lisa et sa mère aux longs passages contemplatifs, notamment sur des vues au ralenti des rues surpeuplées de Manhattan sur lesquelles plane l’ombre du 11 Septembre. Chacun des plans à sa raison d’être – c’est pour cela que l’obligation de respecter une durée imposée à tant pesé au réalisateur – et ce panachage de différents styles dans un même film peut irriter certains. A noter aussi, le travail étonnant sur la bande son où régulièrement, les dialogues de personnages complètement extérieurs à l’histoire (des figurants) prennent le dessus, dans une même scène, sur les dialogues des personnages principaux. Si on prend le film dans son ensemble comme un exercice - c’est bien plus que ça, évidemment – de type littéraire ou musical, on se dit qu’on a là un chef-d’œuvre ou tout au moins un film important au sens classique.
Anna Paquin est époustouflante dans un rôle difficile – qui lui aurait valu sans doute une nomination aux Oscars si le film était sorti normalement – qui lui impose d’être à l’image pendant presque toutes les scènes du film. Un des intérêts du film est aussi dans le fait que son héroïne, Lisa, soit un personnage absolument « non aimable » et pour lequel le spectateur ne peut ressentir que très peu d’empathie (ce qui bouscule en profondeur les codes du mélodrame). Et pourtant, on est emporté par son histoire parce que l’écriture fait exister les personnages de façon admirable.
Parmi les autres acteurs, j’ai aussi été époustouflé par la performance de J. Smith-Cameron, que je ne connaissais pas, (c’est la femme du réalisateur) dans le rôle de la mère de Lisa. Il y a aussi Matt Damon et Matthew Broderick (deux profs de Lisa), Mark Ruffalo, Jean Reno et pas mal d’autres têtes connues qui font une apparition ici et là.
Margaret fait donc partie, en plus des genres que je mentionne au début, de celui de ce que les anglo-saxons appellent le « coming of age movie » (le film de passage entre le monde de l’adolescence et de l’âge adulte). Dans ce genre-là, il est tout en haut du panier, sa complexité structurelle et métaphorique appellent à la discussion à peine la vision terminée, ce qui est toujours bon signe. Lisa est un des personnages les plus intéressants – à défaut d’être l’un des plus aimables - qu’on ait pu voir sur un écran depuis longtemps. Pour moi, le film est un chef-d’œuvre et Kenneth Lonergan confirme qu’après son excellent You can count on me / Tu peux compter sur moi (2000), il est en effet un réalisateur qui compte.
Je vais bientôt regarder la version 150 minutes (sur le Blu ray) qui paraît-il, peut sembler comme un tout autre film. Mais j’attends pour cela que la force émotionnelle et intellectuelle de ma découverte récente du film se soit un peu estompée.
Vous avez compris que je vous incite vivement à aller voir Margaret quand il sort en salles (mais pas en VF et de toutes façons une sortie décente du film en France semble maintenant compromise) ou plus tard par tout autre moyen. Vous l’aimerez ou vous ne l’aimerez pas (et chaque point de vue se défend) mais il ne vous laissera pas indifférent. Parce que c'est un film différent. En ce qui me concerne, c’est un des grands films contemporains.
3 août 2012
Films vus par moi(s) : août 2012
*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais
Madagascar 3 : Europe's most wanted / Madagascar 3 : Bons baisers d'Europe (Eric Darnell, Tom McGrath & Conrad Vernon, 2012) 0
Je lui aurais bien mis * pour l'excellence de la technique d'animation CGI mais l'indigence du scénario qui accumule sans queue, tête ni répit péripéties et vannes a eu raison de ma patience. Le film bondit partout pour aller nulle part : du délire pour mon voisin de siège, du foutage de gueule pour moi. Ce n'est pas parce qu'ils peuvent tout faire qu'il faut gober n'importe quoi. Ciné plein-air
Le prénom (Matthieu Delaporte & Alexandre de La Patellière, 2012) **
Une soirée parisienne entre amis quadragénaires, bobos et juifs. Un invité annonce à table qu'il va appeler son fils à naître Adolphe et c'est la crise de nerfs générale. Cette adaptation d'une comédie de boulevard à succès ne fait pas dans la dentelle et n'est que du théâtre filmé mais Bruel, Berling, Benguigui et les autres assurent leurs répliques sur un rythme vraiment amusant. Ciné plein-air
Uncle David (David Hoyle, 2010) **
Pas pour tout le monde. Un film art-house british tourné en vidéo sans un sou mais subversif en diable sur la relation incestueuse et perverse entre un homo sur le retour (l'ex drag queen David Hoyle) et son infantile neveu (l'acteur porno Ashley Ryder) dans un mobile home sur la côte du Kent. Ce que le film veut dire est assez obscur mais l'audace peu commune du projet est à saluer. DVD Z2 UK
Hasta la vista (Geoffrey Enthoven, 2011) **
Bien sûr une histoire comme celle-là est démagogique et prévisible (trois jeunes flamands : un tétraplégique, un aveugle et un cancéreux) partent vers l'Espagne pour perdre leur virginité dans un bordel, mais le portrait sans compassion des compères, l'humour et l'humanité sincère qui imprègnent ce road-movie "différent" lui donnent une surprenante profondeur. Attachant. BR Fr
Remorques (Jean Grémillon, 1941) ***
Sur fond de Brest d'avant-guerre, Jean Gabin, capitaine de remorqueur, délaisse sa femme Madeleine Renaud et tombe sous le charme de la mystérieuse Michèle Morgan. La douleur triste du film, ses scènes de tempêtes en mer et ses magnifiques travellings lui donnent une charge poétique bouleversante qui culmine dans l'extraordinaire prière aux agonisants finale. DVD Z1 US
La vérité sur Bébé Donge (Henri Decoin, 1952) **
Danielle Darrieux, splendide, passe de l'ingénue à l'ange de la Mort dans ce drame sur une jeune femme qui perd ses illusions et sa joie de vivre après avoir épousé un industriel provincial (Jean Gabin dans un rôle en retrait) qui la délaisse. Une adaptation étonnamment sombre de Simenon sur les ravages des concessions bourgeoises dont les choix d'austérité rebutèrent le public. DVD Z2 Fr
Margaret (Kenneth Lonergan, 2007-2011) ***
Une new-yorkaise de 17 ans (Anna Paquin, impressionnante), impliquée dans un accident de bus, réagit de façon complexe au trauma qu'elle a traversé. Un film fleuve d'une ambition monumentale qui dresse le portrait d'une adolescente confuse et manipulatrice tout en parlant des thèmes les plus universels. L'écriture, la réalisation et le casting en font un chef-d'oeuvre. DVD Z1 US (vu dans la version Extended Cut de 186 minutes)
Los sin nombre / La secte sans nom (Jaume Balaguero, 1999) 0
La secte en question tente d'extraire d'enfants kidnappés (on suit la douleur d'une mère pour l'émotion facile) "la synthèse du Mal" afin d'atteindre un niveau de conscience supérieure. Ca sonne imbécile, c'est encore plus con que ça. Le médiocre réalisateur, lui, tente d'instaurer un climat malsain à base de gros plans, d'inserts gores fugitifs et de bruitages attendus. Mauvais comme tout. BR Fr
Jaws / Les dents de la mer (Steven Spielberg, 1975) ***
A part quelques envolées symphoniques un peu lourdes dans la musique de Williams (je ne parle évidemment pas du thème du requin, génial), le chef-d'oeuvre de Spielberg reste le mètre-étalon du blockbuster populaire et intelligent, souvent drôle et tout le temps inquiétant dans ses scènes d'action et dans ses pauses, inoubliables. Un des vrais films-choc du cinéma. BR US
La petite prairie aux bouleaux (Marceline Loridan-Ivens, 2003) **
Un film sans aucun doute cathartique pour sa réalisatrice, survivante d'Auschwitz, sur une juive sexagénaire (Anouk Aimée) qui part seule à Birkenau sur les lieux de sa captivité. Les maladresses évidentes montrent la difficulté de traiter ce sujet - intraitable - par la fiction mais la sincérité est de chaque instant. Avoir tourné sur place à Birkenau donne au film sa puissance. DVD Z2 Fr
The informant! (Steven Soderbergh, 2009) **
L'histoire (vraie) d'un cadre d'une entreprise agro-alimentaire US qui se prit pour un James Bond industriel en entraînant des agents du FBI dans sa mythomanie. Ca se passe dans les 90's mais c'est filmé comme un thriller pop 70's pour évoquer - avec beaucoup d'humour - le délire du type, interprété par un Matt Damon très en forme et qui peut jouer les beaufs comme personne. DVD Z2 Fr
Deep end (Jerzy Skolimowski, 1970) **
A Londres, un garçon de quinze ans embauché dans un établissement de bains décrépit s'éprend d'une collègue délurée. Typique du nouveau cinéma indépendant européen de la fin des Sixties, ce conte à la fois drôle et cruel fait la part belle aux expérimentations sur le dynamisme des angles de prises de vues et la couleur. C'est un étrange mélange de kitchen sink et de poésie pop. BR Fr
American pie (Paul Weitz & Chris Weitz, 1999) 0
Ce triomphe du box-office de la fin des 90's a t-il quelque mérite et cache t-il de bonnes surprises ? Non. Ce n'est pas le thème lui-même qui pêche (quatre potes de high school qui font le pari de perdre leur pucelage avant la fin des classes est un vrai sujet de comédie potache) mais c'est la nullité de l'écriture, du rythme, des gags et de la résolution qui aterre. Bref, rien à en tirer. BR Fr
Gentlemen prefer blondes / Les hommes préfèrent les blondes (Howard Hawks, 1953) ***
Tout en le connaissant par coeur, je prends toujours le même plaisir à revoir cette comédie à l'irrésistible fraîcheur et au Technicolor fulgurant (l'image du Blu-ray est époustouflante). Marilyn Monroe et Jane Russell, omniprésentes à l'écran, forment l'une des plus sympathiques paires de copines du cinéma et semblent s'amuser à nous faire rire. Ce film est de l'insouciance en barre. BR Fr
Total Recall (Paul Verhoeven, 1990) **
Réalisé juste avant le déferlement CGI, ce film de science-fiction martien (qui m'avait forte impression à sa sortie), s'est couvert d'une patine fin des 80's qui lui donne un sacré charme. Schwarzenegger et Stone jouent comme des pieds, mais ça apporte un côté BD très amusant. Et il y a tant de scènes mémorables. Il manque juste un petit quelque chose pour l'élever au sommet. BR Fr
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