Fréhel (1891-1951)
Ce n'est pas parce que la maison de sa grand-mère où elle passa sa petite enfance est à quelques minutes à pied de ma propre maison de famille en Bretagne que j'aime Fréhel. Mais ça y fait. Une plaque sur le mur et le nom de la ruelle commémorent son passage là-bas (dans le Finistère Nord, à Primel-Trégastel) et je ne manque jamais d'y aller quelques moments quand je suis dans le coin.
Fréhel. Sa vie vagabonde, sa voix quand elle chante et quand elle parle, sa présence physique dans les quelques documents qui traînent sur elle et surtout dans les films où ses apparitions sont toujours terrassantes font qu'elle reste, malgré les décennies qui passent et l'éloignent, l'une des personnalités les plus miraculeuses de l'art populaire français, music-hall, chanson et cinéma.
Tout chez elle me fascine : ses identités (la petite Marguerite Boulc'h, la débutante Môme Pervenche, la grande Fréhel), ses transformations physiques, de la beauté courtisane des années 1910 à la matronne prématurément bouffie des années 1930 et 1940 et sa trajectoire privée et professionnelle qui boucla une boucle de la misère au caniveau en passant par l'argent et la gloire, l'alcool et la coco. Et sa voix, cette voix !
J'écoute souvent les disques que j'ai d'elle (notamment les trois CD indispensables de la collection Chansophone), je ne m'en lasserai jamais. Ses titres sont des programmes, surtout ceux des années 30, son âge d'or : "L'obsédé", "La coco", "Les filles qui la nuit", "Sous la blafarde", "Pauvre grand", "A la dérive", "La peur", "Maison louche". Ces chansons sont sans doute plus oubliées que son plus grand succès, "La java bleue", qui est entraînante, facile et légère. Celles-là sont sombres, terribles, sublimes. Ce sont des histoires qui s'ouvrent et se referment sur leur abîme en trois minutes. La voix et le phrasé de Fréhel les haussent au niveau de la Tragédie. Elle seule a su faire ça (pardon, Damia !).
Et quand les chansons ne suffisent pas, quand on veut revoir Fréhel (parce que Fréhel se voit tout autant qu'elle s'écoute), il suffit de se repasser ses quelques scènes du "Roman d'un tricheur" (Sacha Guitry, 1936) ou de "Pépé le Moko" (Julien Divivier, 1937). Quand elle est à l'écran, elle réussirait à éclipser Guitry, Gabin, Balin et les autres. Les seconds rôles qu'elle eût au cinéma furent tous de premier choix.
dans "Pépé le Moko", elle fredonne et pleure en écoutant
sa propre chanson "Où est-il donc ?" sur un grammophone
sa propre chanson "Où est-il donc ?" sur un grammophone
Fréhel est morte en 1951, elle avait 59 ans et elle avait usé sa corde par les deux bouts. Il paraît que sa tombe au cimetière de Pantin est parfois fleurie. Je n'y suis jamais allé.
PS : Merci à Violaine Schwartz pour sa déclaration passionnée à Fréhel dans son beau livre "Le vent dans la bouche" (POL, 2013).
Nous aussi, nous aimons Fréhel, surtout chez Duviver...
RépondreSupprimerCeci devrait donc vous intéresser :
http://unpontsurlocean.blogspot.fr/2014/09/louons-maintenant-les-femmes-vivantes.html
http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/07/entre-ciel-et-terre-le-cinema-de-julien.html?view=magazine
Bonne lecture !
Beaux articles sur la voix des chanteuses et sur Duvivier. Merci pour les liens.
SupprimerUne véritable personnalité ! Merci pour ce bel hommage qui me donne encore plus envie de m'intéresser à la grande Fréhel.
RépondreSupprimerparadise hunter
Oui, et vive la Bretagne !
SupprimerBonsoir Tom,
RépondreSupprimerMerci pour ce beau portrait. Je m'intéresse de plus en plus à cette chanteuse populaire dans le sens le plus noble du terme (toucher le plus grand nombre de gens possible) car j'avais lu et entendu il y a quelques années Gainsbourg en parler avec émotion, disant qu'elle lui avait offert une grenadine dans son enfance.
La photo d'elle, l'autographe de 1931 qu'elle signe pour son "Cher ami" est bouleversante. Sa moue, son regard...c'est très intense et ce sans aucun mouvement, mais on sent une incroyable force de caractère.
Je vais écouter chronologiquement sa discographie.
Merci encore
P.S : Et oui, vive la Bretagne
Bonjour Jordan. Oui, Gainsbourg avait parlé de Fréhel de façon très touchante lors d'un face a face avec Birkin qu'on peut trouver sur YouTube. Et l'autographe de 1931 a été signé par Fréhel alors qu'elle n'avait plus du tout le look, à cette époque, de l'image sur la photo, qui elle date du début des années 1910. En 1931, Fréhel était déjà la grosse bonne femme qu'elle serait jusqu'à la fin de sa vie. Belles découvertes si tu te lances dans sa discographie.
Supprimerou de La maison du Maltais
RépondreSupprimerOui, aussi. Fréhel, tout le temps mérite mention.
SupprimerIl y a eu pas mal de reprise d'elle....
RépondreSupprimerPigalle, Renaud.....
Oui, les néo-parigots ont toujours aimé Fréhel.
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