1 mai 2019

Films vus par moi(s) : mai 2019


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

The perfection (Richard Shepard, 2018) 0
Deux jeunes femmes violoncellistes s'aiment, se déchirent et se vengent. De qui ? de quoi ? Ah Ah ! Un thriller aux éléments d'horreur qui a pour lui une actrice (Allison Williams) et un premier twist intéressant, mais révélé en un effet roublard piqué à Haneke. Tout le reste est artificiellement fabriqué dans l'objectif assumé d'être le premier film d'esprit #MeToo visant directement Harvey Weinstein. L'ensemble est aussi lourd et clinquant que le gros porc. Netflix

Freak show (Trudie Tyler, 2017) **
Un lycéen gay efféminé et fan d'Oscar Wilde donne une leçon à ses harceleurs. Sur le thème ressassé du droit à la différence et de la connerie de l'esprit de meute, un chouette coming of age movie porté par Alex Lawther, acteur britannique au physique atypique, dont le personnage solitaire donnera sans doute à quelques jeunes spectateurs cibles du film le courage de regarder leurs bourreaux quotidiens droit dans les yeux. BR UK

La splendeur des Amberson / The magnificent Ambersons (Orson Welles, 1942) ***
De 1880 à 1910, la lente chute d'une famille de la haute-bourgeoisie d'Indianapolis. Malgré les coupes et remontages exigés par la RKO, un chef-d'oeuvre qui s'enrichit avec l'âge et l'expérience du spectateur. La mélancolie du temps qui s'enfuit et des possibilités avortées est mise en images et en mots (avec une sublime narration en voix off par Welles) dans une suite de séquences magnifiques. Huston a du le revoir pour son "Gens de Dublin". BR US

Girl (Lukas Dhont, 2018) ***
A Gand, un étudiant danseur de 15 ans entame une transition sexuelle. Dans le rôle complexe d'une fille dans le corps d'un garçon qui se féminise, le jeune Victor Polster (qui fait une prestation exceptionnelle) suggère avec subtilité les bouleversements intérieurs de l'adolescence. Le film est d'une retenue et d'une puissance admirables et donne au père bienveillant une place discrète mais essentielle qui structure l'ensemble. Impressionnant. BR FR  

Becky Sharp (Rouben Mamoulian, 1935) **
A l'approche de Waterloo, une anglaise ambitieuse et culottée se hisse dans la haute société. Cette Madame Sans-Gêne britannique est une comédie de moeurs en costumes portée par l'abattage de Myriam Hopkins, génialement extravertie. Mais la vedette du film est le Technicolor trichrome Kalmus, dont l'irruption fit entrer le cinéma dans l'ère de la couleur. La belle mise en scène de Mamoulian est toute à son service. Un film-charnière historique. BR US 

Wild wild country (Maclan Way & Chapman Way, 2018) ***
Entre 1981 et 1985, la secte du gourou indien Bhagwan s'installe près d'un village tranquille de l'Oregon et sème le chaos. Un documentaire de 6h autour d'un projet fou amenant des conséquences démentes. La progression dramatique est stupéfiante (défiance, manipulation, crime...) et le centrage sur Sheela, l'administratrice de la communauté, permet le portrait d'une personnalité hors-norme. Un formidable thriller sociologique du réel. Netflix

Velvet Buzzsaw (Dan Gilroy, 2019) ***
Découvrant par hasard l'oeuvre secrète d'un homme mort dans son immeuble, une employée de galerie d'art déclenche une réaction en chaîne. Inspiré par l'histoire d'Henry Darger, un thriller fantastique dans un milieu peu utilisé au cinéma, le marché de l'art contemporain, qui s'en amuse et le dénonce dans une métaphore sur la revanche de l'oeuvre d'art sur la combine commerciale. C'est haletant, bien foutu et finement intelligent. Netflix 

Star time (Alexander Cassini, 1992) **
A Los Angeles, avide de gloire et poussé par un type mystérieux, le patient d'une psychiatre commet des crimes à la hache avec un masque de bébé. Un petit film fauché à 3 personnages, vraie série Z, qui file la métaphore sur l'aliénation par les médias et l'obsession de la popularité. La première partie, frappée, est mieux que la seconde, plus conforme au genre du slasher. L'acteur a le nom formidable de Michael St. Gerard. Rien que pour ça. BR US 

Chappie (Neil Bllomkamp, 2015) 0
Dans un futur proche à Johannesburg, un robot-flic abîmé récupéré par des délinquants se met à penser et communiquer comme un humain. Sur un thème de base puissant (le robot humanisé), un ratage total dû a un scénario infantile qui privilégie l'action et la boutade, un acteur nul (Dev Patel) et une musique omniprésente. Le robot existentialiste semble sympathique et bien fait mais comme je n'en ai vu que 30' éveillé, je n'en sais pas plus. BR FR 

Wonder wheel (Woody Allen, 2017) 0
A Coney Island en 1950, un surveillant de plage (Justin Timberlake, très bon) a une liaison avec une femme mariée (Kate Winslet en surjeu) dont la belle-fille l'attire. Sur un scénario, une direction d'acteurs et une mise en scène très théâtraux, un petit film sur la frustration dont on voit vite qu'il est pour Woody Allen une métaphore sur les scandales familiaux dans lesquels il est empêtré. Et de ça, franchement, on n'a pas grand chose à faire. BR FR 

Elvis Presley. The Searcher (Thom Zimny, 2018) ***
Encore un doc sur lui ? Celui-ci, en 3h15 passionnantes, s'attache à Elvis comme artiste, un garçon du Sud doté d'une intelligence de la musique populaire, d'une voix et d'un charisme hors-norme et sans doute trop attaché à sa mère et à Dieu. Le Colonel Parker est le méchant, businessman castrateur d'un génie vulnérable. Priscilla Presley et Bruce Springsteen sont les narrateurs principaux de ce portrait vraiment touchant du King. DVD Z2 UK

Sauvage (Camille Vidal-Naquet, 2018) ***
Dans une ville française, les nuits et les jours d'un garçon de la rue, gay, prostitué et en quête désespérée d'affection. En collant au plus près au visage et au corps de Félix Maritaud (qui fait une prestation incroyable), la caméra n'explique ni ne juge mais esquisse le portrait bouleversant d'un jeune humain en perdition qui est un peu le frère de galère de la vagabonde du "Sans toit ni loi" de Varda. Un film de niche sur un sujet universel. DVD Z2 FR

Amanda (Mikhaël Hers, 2018) **
Lorsque sa soeur est tuée dans un attentat à Paris, un jeune homme prend en charge sa nièce de 7 ans. La stupeur et le poids qui suivirent les tueries de 2015 sont évoqués à travers le parcours émotionnel de victimes collatérales, liées par le sang et le deuil. Tourné sous le soleil estival entre la Mairie du 11e et le Bois de Vincennes, un film sensible de remontée à la surface qui repose sur Vincent Lacoste et la petite Isaure Multrier, parfaits. DVD Z2 FR  

Paris au mois d'août (Pierre Granier-Deferre, 1966) *
A Paris à l'été 1965, un vendeur marié dont la femme et les enfants sont partis en vacances rencontre une cover girl anglaise avec qui il passe quelques jours. Je n'accepte pas que le personnage de Charles Aznavour (formidable comme toujours) puisse avoir un coup de foudre pour celui, hystériquement volubile, de Susan Hampshire. Ca m'a tout foutu en l'air même si les vues de Paris et les dernières secondes du film sont sublimes. BR FR 

The house that Jack built (Lars von Trier, 2018) ***
La confession d'un serial killer des environs de Seattle au tournant des années 80. Un autre chef-d'oeuvre de Lars von Trier, qui pousse plus loin l'introspection de l'artiste dans la civilisation occidentale qu'aucun cinéaste l'a jamais fait. La violence insoutenable des images et des idées, qui explosent de multiples tabous, convoque Dante et Hitler dans un scénario sorti de l'Enfer. Matt Dillon y trouve le rôle de sa longue carrière. Soufflant. BR FR 

7 commentaires:

  1. Effectivement très bon film que ce "The house that Jack built".

    Je ne dirais pas que c'est un chef-d'oeuvre néanmoins (un petit peu trop de longueurs dans le dernier tiers, l'acte 5, j'aurais bien aimé 15 minutes de moins, et un peu trop de caméra portée et "shaky" y compris durant les dialogues qui n'en avaient pas forcément besoin).

    Mais autrement, prodigieuse interprétation de Matt Dillon dans le rôle de sa vie, il est vraiment très impressionnant. Dommage que Cannes ne l'ai pas sélectionné en compét officielle, Damon aurait pu y gagner le prix d'interprétation.

    J'ai trouvé le film fort sur le plan de la mise en scène, mais je trouve aussi qu'il n'est pas si insupportable que cela du côté de la violence, je m'attendais honnêtement à pire et même la séquence a priori extrême des seins est plutôt hors-champ. Mais ce que j'ai surtout aimé c'est l'humour extrêmement noir dans les scènes les plus dures, sombres, ce qui apporte un second degré réellement réjouissant, on se dit non Von Trier ne va pas oser, et il ose . A ce titre la scène de la "Full Metal Jacket", de la balle est excellente de par son ironie mordante (le manque de recul pour viser).

    Il y a aussi une petit part de grotesque visuel (quand l'enfant se prend une balle dans la jambe). Bref c'est ironique, et ça propose aussi une vision de la création artistique très intéressante, notamment quand on voit à quel point Jack est un architecte raté (il batît quatre pauvres colonnes et les détruit immédiatement, il écrase aussi ses miniatures).

    La fin est aussi plastiquement très belle (Virgile descendant les Enfers et s'y perdant). Je pensais que l'affiche du Blu-ray était un peu pompeuse et qu'elle avait été créee de toutes pièces donnant un côté très mégalo. Mais en réalité je n'avais pas fait le rapprochement alors avec le tableau de Delacroix ("La Barque de Dante"). Je suis persuadé que Von Trier en connaissait l'existence. Un tableau qui rejoint la thématique de la création au coeur du film (architecture, art, meurtres) et surtout son issue inéxorable.

    Un petit mot sur le BLu-ray -> image un peu laiteuse lors de la séquence d'ouverture (noir pas assez profond à mon sens) et lors des scènes avec Jack enfant.

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    1. Oui, il y a quelques longueurs c'est vrai et des effets de caméra tremblante vu mille fois chez von Trier mais l'ensemble est vraiment de haute tenue dans ses audaces de thème et de ruptures. J'ai été très surpris par l'épilogue aux Enfers, tellement inattendu par rapport a ce qui a précédé.

      Pour l'humour, c'est ce qui m'a un peu gêné (notamment le premier incident avec Uma Thurman où son comportement à elle est digne d'une comédie absurde) et surtout, la présence d'humour noir pas loin des inserts d'actualité sur les camps de concentration. Là, c'est l'inconscience infantile et les obsessions de von Trier qui se manifestent et me dérangent.

      A propos de Delacroix, c'est justement l'affiche du film qui m'a donné envie de la voir (avec le fait que ce soir un van Trier) : la fascination du réalisateur pour l'art ancien occidental est réjouissante et les références culturelles et artistiques dont ils parsème ses films sont un de mes grands plaisirs de les regarder. Comme pour Melancholia. Il est le seul réalisateur majeur que je connaisse (Godard à part) qui intègre toujours l'art ancien dans ses films. Au contraire de ce qu'en disant beaucoup de critiques, il ne se fout pas de ses spectateurs.

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  2. Justement je trouve cela très bien amené de mettre en avant une Uma Thurman détestable alors que d'habitude elle est plutôt perçue comme une actrice joviale, séduisante (sauf chez Von Trier, mais il s'en amuse). Le dialogue est basé sur l'imagerie du serial killer et je trouve cela très bon que ça arrive en début de film alors que Jack n'a encore rien fait.

    Si cela avait été en milieu de film la question/le point de vue auraient été différents. C'est une bonne façon d'introduire le personnage de Jack qui dérape à partir d'un élément qui pourrait être anodin mais qui ne l'est pas : il tue parce qu'une phrase l'a poussé à bout (au-delà de sa reserve naturelle, car jusqu'alors il a une position tout à fait morale et conventionnelle). En fait la plus grande violence du film je la trouve dans la scène avec la mère de famille et ses deux enfants (là c'est limite supportable, surtout les gros plans sur ses yeux en larmes) et celle de la scène où il dit de celle qui pourrait être sa petite amie qu'elle est extrêmement limitée intellectuellement. Il la démonte psychologiquement en deux minutes et lui annonce même qu'elle sera sa 61ème victime.

    Je suis moins dérangé que toi vis à vis des inserts sur les camps. Evidemment c'est de l'humour très noir le film en est clairement parsemé d'un bout à l'autre y compris jusqu'au final d'ailleurs, puisqu'il choisit lui même d'escalader alors que Verge lui laisse un autre choix possible).

    Juste avant Verge parle de Goethe dans la voix off et du chêne. Le symbole de la création artistique et de la solidité (l'arbre). Et de parler alors de la destruction de l'art, et la destruction d'une humanité, d'une partie d'entre elle (les juifs avec le camp à côté du chêne). Mêler ainsi la lumière de la création (comme on aurait aussi pu évoquer le siècle des Lumières et des Encyclopédistes) à la destruction programmée, froide, inhumaine de la machine nazie. Je trouve cela très fort même si évidemment provocateur de la même manière que Jack parle des avions et du bruit horrible qu'ils font quand ils foncent vers le but à la verticale. Le rapprochement continu durant tout le film entre la création et son contraire (à la destruction,) la confrontation avec la violence physique et morale est vraiment bien sentie et vue.

    Jack est obsédé par un ideal qu'il n'atteint jamais (construire une maison parfaite) et c'est parce qu'il est un architecte raté qu'il conçoit une autre manière de créer (tuer en faisant de ses crimes une oeuvre d'art en soi- laquelle est ensuite symbolisée par les cadavres empilés formant une sorte de pyramide macabre humaine dans la chambre froide).

    Dans la logique du script je trouve que l'image des camps a sa place même si évidemment ça fait hurler (et que certains crient au scandale).

    Et je suis d'accord avec toi, il ne se fout clairement pas des spectateurs et leur demande même leur implication

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    1. Je souscris entièrement à tout ce que tu argumentes sauf pour les quelques images sur les camps. Les visions mentales qu'on a quand on prononce les mots "Enfer de Dante" incluent forcément des monceaux de cadavres ou agonisants entassés. Exactement les mêmes images, les plus fortes qu'on connaît, des camps. L'un ne va plus sans l'autre. Du coup, les associer visuellement dans le film, n'est pas seulement une redondance, c'est aussi une facilité vulgaire. C'est la seule chose que je reproche au film, par ailleurs passionnant dans les thèmes que tu évoques sur la création et la destruction. Et l'art.

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  3. Le casting de Freak Show a l'air épatant (il y a même John McEnroe).

    Merci pour ton avis sur "Girl", pas encore vu mais c'est en prévision. Les interviews que j'avais pu voir étaient très touchantes.

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  4. bonjour.je vous trouve un peu dur avec Paris au mois d'août.Ce genre d'actrice (personnage ?) ravit ou agace, c'est selon l'humeur. Moi, j'ai trouvé le film plutôt charmant et les seconds rôles amusants. Et puis, le Paris de cette époque, quand même avec la ville qui se vidait littéralement car la société obéissait à des rythmes.

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    1. Oui, voir Paris à l'été 1964 est formidable, la ville presque vide et irradiée de soleil. Mais l'écriture et le personnage de la fille m'ont été très pénibles et l'actrice n'a pas aidé. Peut-être que Françoise Dorléac...

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