1 février 2020

Films vus par moi(s): février 2020


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Sibyl (Justine Triet, 2019) *
Une psychanalyste accepte de prendre en charge une patiente au-delà de ses obligations professionnelles. Virginie Efira et Adèle Exarchopoulos jouent la manipulation mutuelle dans ce thriller psychologique au scénario à la complexité forcée du sens et de la structure. Si le sujet de base est intéressant, le portrait de cette analyste paumée part dans trop de directions pour convaincre. Et au bout, on ne sait pas trop ce que le film a voulu dire. BR FR

Prospect (Zeek Earl & Chris Caldwell, 2018) 0
Un père et sa fille astronautes vont sur une planète à la recherche de quelque chose. La planète est couverte d'une forêt dense très belle et superbement photographiée. C'est tout. Le reste est d'un ennui terrible (ils marchent en scaphandre dans la forêt), les péripéties rares et l'objet de leur quête sans aucun intérêt. J'en ai vu 40', la suite en accéléré. Le film entier semble être une démo pour une prospection de job visant Hollywood. BR DE

Judy (Rupert Goold, 2019) 0
L'onstage et le backstage du dernier tour de chant de Judy Garland à Londres en 1968/1969. Renée Zellweger est très bien dans un rôle évidemment taillé pour l'Oscar qu'elle a eu. Le reste n'a pas grand intérêt, ni au niveau de la dramaturgie linéairement monotone (on regarde la souffrance ininterrompue d'une Judy au bout d'elle-même) ni au niveau de la mise en scène, d'une affligeante platitude. Un biopic fabriqué sur formule. BR UK

Sully (Clint Eastwood, 2016) **
L'enquête officielle pour faute professionnelle qui suivit l'amerrissage dans l'Hudson par son pilote d'un Airbus en perdition en janvier 2009. Derrière la reconstitution factuelle qui évite avec soin l'outrance dramatique et le pathos, une ode au courage individuel et au civisme collectif par Eastwood l'Américain. La discrétion du scénario et de la mise en scène en renforcent la dignité, à l'image du jeu posé de Tom Hanks et Aaron Eckhart. Netflix

Bait (Mark Jenkin, 2019) *
Dans un village de pêcheurs de Cornouailles, la cohabitation compliquée des autochtones et des touristes. Un très bon sujet (l'irruption du tourisme de masse dans l'équilibre d'une communauté) est malmené par le choix du réalisateur d'avoir tourné son film en 16mm granuleux postsynchronisé. L'artifice produit des images picturales belles mais trop démonstratives. Le fil de l'histoire aussi est artificiellement alambiqué. Au final, on s'ennuie. BR UK

En chair et en os / Carne tremula (Pedro Almodovar, 1997) ***
A Madrid, un jeune homme sorti de prison déstabilise deux couples. Une fois passée la première séquence plutôt drôle d'accouchement dans un bus, le drame prend la relève dans cette adaptation de Ruth Rendell. Film de personnages pétris de culpabilité et de rancoeur, la brillante construction du récit leur donne la place d'évoluer dans des directions inattendues. Le casting est excellent, mené par Liberto Rabal, prodige d'un seul film. BR FR

Greta, la tortionnaire / Ilsa, ultimes perversions / Le pénitencier des femmes perverses / Greta, Haus ohne Männer / Ilsa, the mad butcher (Jess Franco, 1977) **
Dans un pays totalitaire d'Amérique Centrale, la directrice sadique d'une prison pour femmes sexuellement déviantes abuse de ses prisonnières. Les multiples titres de ce pur produit d'Exploitation vont droit au but : outrance et titillation en sont les deux mamelles. A ce propos, la formidable Dyanne Thorne reprend son personnage d'Ilsa, virago grimaçante de menace et de luxure. Moi j'aime ça, mais je comprends que vous ne compreniez pas. BR DE 

The dead don't die (Jim Jarmusch, 2019) **
Dans une petite ville américaine, les morts sortent de leur tombes. Le dérèglement géophysique de la planète est la raison du chaos, traité sur le mode ironique de la comédie nihiliste truffée de pop culture. On peut y voir une fable sur l'Humanité condamnée, une charge anti-Trump, une farce entre potes (le casting est sympathique) ou un hybride des trois. Ca ne révolutionne pas le film de zombies mais on ne s'ennuie pas une seconde. BR DE 

Les habitants (Raymond Depardon, 2016) *
De Calais à Nice, de Morlaix à Villeneuve Saint Georges, Depardon invite une quinzaine de couples de passants à poursuivre leur conversation de rue dans une caravane avec une caméra. La Vraie France qui se dessine est celle de gens qui s'inquiètent de leurs budgets, qui se sont séparés, qui cherchent à tirer leur coup... Bref, des anonymes à la fois touchants et sans intérêt dont l'exotisme provincial a exalté les critiques germanopratins. BR FR

Les carrefours de la ville / City streets (Rouben Mamoulian, 1931) ***
Entré dans la pègre, un jeune forain voit sa fiancée convoitée par son boss. Un excellent film de gangsters Pre-Code à la mise en scène inventive (les nombreux actes de violence sont tous évoqués hors-cadre), aux éclairages expressionnistes et dont le couple formé par Gary Cooper et Sylvia Sidney est l'un de plus physiquement séduisants du cinéma hollywoodien. D'après Hammett, une pépite matricielle des premières années du parlant. BR FR

Le dossier noir (André Cayatte, 1955) **
Un jeune juge (Jean-Marc Bory) nommé en province met à jour une affaire criminelle enterrée et déstabilise les notables de la ville. Derrière l'enquête, c'est l'état dégradé de la Justice de l'après-guerre et les compromissions de la mentalité bourgeoise qui sont les vrais thèmes de ce film de scénario et d'acteurs aux dialogues acérés. Noël Roquevert et Bernard Blier étincellent. Du cinéma de papa d'accord mais papa n'avait pas toujours tort. BR FR   

Les enfants loups, Ame et Yuki / Ookami kodomo no Ame to Yuki / Wolf children (Mamoru Hosoda, 2012) *
Une jeune veuve élève à la campagne ses deux enfants dont le père était un homme-loup. Un film d'animation japonais dont l'histoire d'altérité part d'un bon sentiment mais qui se prend les pieds dans une surexploitation de l'émotion avec des larmes (y a-t-il un animé où les personnages pleurent autant ?) et de la musique mélancolique à gogo. L'animation est splendide et la courte scène de zoophilie au début est vraiment très surprenante. BR UK 

Notre héros / Lazybones (Frank Borzage, 1925) ***
Dans l'Amérique rurale des années 1910, un bon à rien recueille et élève une petite fille abandonnée. Un mélodrame doux-amer où les liens du sang et du coeur au fil des années qui passent tiraillent les personnages. La mise en scène et la direction d'acteurs (Buck Jones est épatant) de Borzage sont d'une simplicité limpide et l'humanité qui se dégage a superbement résisté au temps. Un beau film muet sur un improbable héros du quotidien. DVD Z1 US

Propriété privée / Private property (Leslie Stevens, 1960) *
Deux vagabonds s'imposent chez une femme désoeuvrée dont le mari est en déplacement. Un thriller à petit budget qui a pour lui l'irradiation du soleil de Los Angeles et la thématique de la frustration sexuelle dont le traitement est assez direct pour l'époque. Corey Allen et Warren Oates sont très bien mais Kate Manx (qui se suicidera peu après) est très mauvaise. Un film maladroit mais intéressant dans le contexte du cinéma du tournant des 60s. BR US

Le dernier sou (André Cayatte, 1943/1946) *
La complice d'un escroc s'éprend d'une de leurs victimes, un chômeur. Le dernier film produit par la Continental est sorti en salles après la Libération et tombé aux oubliettes. Il manque quelque chose dans le scénario et la mise en scène pour tenir l'intérêt et Gilbert Gil est bien peu charismatique. Mais l'histoire de la réalisation du film est intéressante, Noël Roquevert est magnétique et Ginette Leclerc savait faire la gueule comme personne. BR FR

Une grande fille / Dylda / Beanpole (Kantemir Balagov, 2019) 0
En 1945 à Leningrad, deux jeunes femmes liées par un drame tentent de se reconstruire. Un sujet fort et deux formidables actrices sont engloutis par le narcissisme de la mise en scène maniérée, à l'image du filtrage coloré de la lumière et des dialogues en chuchotis de gravité. Une scène d'une rare puissance émotionnelle au début restera gravée dans ma mémoire. Pour le reste, heureusement que les télécommandes ont des fast forward. BR FR

6 commentaires:

  1. D'accord sur "En chair et en os", vu en janvier dernier, un très grand Almodóvar effectivement, la seconde scène, celle où l'anti-héros se fait tirer dessus est techniquement impressionnante avec une très judicieuse utilisation du ralenti. La musique est belle, le film est fiévreux, très prenant.

    Je n'ai pas vu "Greta", mais j'ai vu quelques WIP et j'aime assez le genre (mais je comprends qu'on déteste), il y a aussi Jesus Franco qui en a fait à la fin des années 60 dont "99 femmes"

    Les portraits de Depardon dans "Les habitants" m'avaient touché.

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    1. Il doit y avoir différentes façons de regarder la Sexploitation. Pour moi, c'est l'outrance camp du produit fini qui me plaît.

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  2. Si tu as aimé Lazybones, je te recommande Just pals, autre film avec Buck Jones mais réalisé par Ford. C'est dans la même veine et j'en ai un superbe souvenir.

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