1 mars 2020

Films vus par moi(s): mars 2020


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

J'accuse (Roman Polanski, 2019) ***
De 1895 à 1899, la détermination du lieutenant-colonel Picquart à faire reconnaître le scandale de la condamnation de Dreyfus. En traitant les moments clés de l'Affaire Dreyfus (mais en expédiant étrangement la réhabilitation) à travers l'enquête de Picquart, le film se suit comme un thriller, passionnant de bout en bout. La mise en scène est précise et efficace et l'interprétation sans faute, portée par un Jean Dujardin formidable. VOD

Memory Lane (Mikhaël Hers, 2010) **
Sept amis âgés de 25 ans (le casting est excellent) se retrouvent ensemble à Paris un mois d'août. La fuite inexorable du temps et les tournants de l'existence sont à l'oeuvre dans ce premier long-métrage du réalisateur qui repose entièrement sur le sentiment mélancolique. Composé pour l'essentiel de séquences des personnages qui marchent en se confiant les uns aux autres, le film a sa petite musique bien à lui qui peut toucher ou faire chier. DVD Z2 FR

Le voleur de Bagdad / Il ladro di Bagdad (Arthur Lubin, 1961) **
Un voleur redistributeur participe au défi de trouver une rose bleue pour épouser la fille du Sultan de Bagdad. Un film d'aventures très sympa destiné à un public plutôt jeune où les péripéties s'accordent à la comédie dans des décors et des couleurs criardes. Il y a un magicien, des arbres qui marchent et étranglent, une tentatrice (la sublime Edy Vessel) et Steve Reeves qui ne sait pas jouer, porte des costumes ridicules mais c'est Steve Reeves. BR DE

Masculin Féminin (Jean-Luc Godard, 1966) ***
A Paris en 1965, quelques jours dans la vie d'un jeune homme et d'une poignée d'amis. Jean-Pierre Léaud prête sa personnalité unique à ce garçon qui enquête sur les jeunes de son âge. Sur des dialogues fortement improvisés (les entretiens), le film dresse un état des 18-21 ans face aux faits politiques et sociétaux au moment de la campagne présidentielle de Gaulle/Mitterrand. C'est drôle, engagé et cruel. Et assez désabusé. BR FR

Le Navigateur: une odyssée médiévale / The Navigator: a medieval odyssey (Vincent Ward, 1988) 0
En Angleterre pendant la Peste Noire de 1348, un garçon visionnaire conduit des villageois dans un tunnel temporel. Ils arrivent à Wellington en Nouvelle-Zélande en 1988 pour dresser une croix sur une église. L'idée intrigante est mise à mal par un scénario paresseux et le jeu hurlant des acteurs. Le début, original, ne tient pas ses promesses : j'ai vite zappé jusqu'au final. "Les Visiteurs" de 1993 a du s'en inspirer, mais sur le ton de la farce. BR UK

Le Maître des Illusions / Lord of Illusions (Clive Barker, 1995) * 
A Los Angeles, un détective enquête sur un illusionniste qu'il soupçonne être un maître en magie noire. Un thriller horrifique qui enchaîne les scènes gores de violences faites aux corps dans un contexte démoniaque. Si quelques effets spéciaux sont ridicules, les maquillages sont pas mal du tout et une scène de spectacle typée Las Vegas est même excellente (dans le genre "Showgirls", sorti la même année). Pas plus que du Grand Guignol. BR UK

De bruit et de fureur (Jean-Claude Brisseau, 1988) **
Dans une cité de Bagnolet, une jeune adolescent se laisse entraîner par un copain incontrôlable. Les conditions destructrices de la vie close des cités sont dénoncées par l'absurde dans ce film qui enchaîne les images et les situations poétiquement réalistes/surréalistes sur un ton rare dans le cinéma français. La mise en garde reste efficace et le climat de menace permanent, cristallisé dans le rôle du père, un effrayant Bruno Cremer. BR FR

Le Beau Brummell / Beau Brummell (Curtis Bernhardt, 1954) **
Au tournant du 19e siècle à Londres, l'amitié tumultueuse d'un dandy flamboyant et du Prince de Galles. Les sensationnels costumes et l'Eastman Color éclatant sont deux des atouts de ce film historique MGM moins connu qu'il le mérite. Les autres sont le casting (Stewart Granger et Peter Ustinov, formidables), les dialogues qui crépitent et l'étonnante représentation de ces deux hommes obsédés de déco et de coquetterie. Un petite pépite. BR US

Phantom thread (Paul Thomas Anderson, 2017) ***
Au début des années 50, un couturier londonien maniaque vivant avec sa soeur rencontre une jeune femme qu'il fait entrer dans sa maison. Un film qui diffuse une rare violence psychologique, amplifiée par le milieu feutré dans lequel il se déroule. La splendide mise en scène et le casting (Daniel Day-Lewis dans un rôle sur mesure) s'accordent pour dresser le tableau effrayant d'une folie à trois sur laquelle planent les ombres. L'ampleur des classiques. BR DE

Confident royal / Victoria & Abdul (Stephen Frears, 2017) *
Entre 1887 et 1901, l'amitié de la reine Victoria (Judi Dench) et de son serviteur indien musulman Abdul Karim, qu'elle fait son "Munshi" (secrétaire/enseignant). Une histoire étonnante qui donne un film purement narratif dont le conflit est la question de la race et du statut et la réaction de la Cour britannique à cette intimité scandaleuse. On regarde ça par le trou de la serrure, c'est devenu la spécialité de Frears, et on oublie aussi sec. BR UK  

Sur les ailes de la danse / Swing time (George Stevens, 1936) **
Un joueur de cartes et une prof de danse se rencontrent et tombent amoureux. Après un début un peu poussif (l'humour d'il y a 80 ans a parfois mal vieilli), la musique et la danse arrivent et le film s'envole. Fred Astaire et Ginger Rogers sont drôles, d'une grâce aérienne et d'une coordination enchantée. "Let yourself go" et "Never gonna dance" font partie de leurs numéros qui provoquent un sentiment de bonheur instantané. BR UK 

Portrait de la jeune fille en feu (Céline Sciamma, 2019) ***
Dans les années 1770 en Bretagne, une jeune femme renfermée sur elle-même et la peintre venue faire son portrait sont attirées l'une par l'autre. Avec peu d'action, des dialogues écrits, des regards qui meublent le silence et un sens admirable de la composition et de la couleur, un film de femmes d'aujourd'hui sur les oppressions de celles d'hier. Les personnages ont corps et âme, portés par les interprétations des quatre actrices principales. BR FR

Pehlivan (Maurice Pialat, 1964) **
Un court-métrage de 13' où Pialat porte sa caméra sur un championnat de lutte traditionnelle en Turquie agrémenté d'un spectacle de danseuses du ventre. L'association fait du tout un diptyque sur les clichés hyperboliques de la masculinité et la féminité. Les dernières images montrant la cour d'une mosquée entrent en opposition malicieuse avec ce qui a précédé et déplacent le film du statut de documentaire à celui d'essai. YouTube 

Tire encore si tu peux /  Se vei vivo spara / Django kill... If you live, shoot! (Giulio Questi, 1967) ***
Un aventurier laissé pour mort dans un guet-apens autour d'une cargaison d'or revient se venger. Un étonnant western spaghetti qui compense son budget réduit par des personnages atypiques, des images composées, un rythme dynamique et une rare audace dans l'action (qui inclut la suggestion d'un viol collectif homosexuel). Tomas Milian incarne sa figure christique avec un charisme assuré. Un film qui joue avec les codes d'un genre codé. BR FR 

Monos (Alejandro Landes, 2019) *
Dans la nature colombienne, un groupe de guerilleros adolescents garde une prisonnière américaine. Si la première moitié dont le décor est l'austérité d'un haut-plateau est plus originale que la seconde, dans la jungle, le film dans son ensemble croule sous les références (Beau Travail, Le Seigneur des Mouches, Apocalypse Now, Aguirre...) et joue trop au film d'art pour convaincre. Certains plans et tout le travail sur le son sont magnifiques. BR UK

La statue en or massif / The Oscar (Russell Rouse, 1966) ***
A Hollywood, un arriviste est prêt à tout pour réussir à l'écran. Sur une structure proche du "All about Eve" de Mankiewicz, un formidable mélotrash où le ridicule s'accorde au sublime dans une sorte d'idéal camp. Stephen Boyd est tout en menaces et ricanements dans le rôle du séducteur ambitieux (un rôle d'habitude réservé aux femmes dans ce genre de film) et l'artifice de studio contamine toute la production. Totalement névrotique. BR US 

Arrêt d'autobus / Bus stop (Joshua Logan, 1956) 0
Pendant un tournoi de rodéo à Phoenix, un cowboy puceau tombe amoureux d'une entraîneuse. Marilyn Monroe est toujours une apparition magnétique et son numéro chanté "That old black magic" est le clou du film. Mais à part ça, le scénario infantile, la mise en scène académique et la direction d'acteurs effroyable, Marilyn compris, (Joshua Logan a-t-il jamais fait un bon film ?) en font une purge inregardable aujourd'hui. Une bien pénible révision. BR FR

Sons of Denmark / Danmarks sonner (Ulaa Salim, 2019) **
En 2025 à Copenhague, alors qu'un parti nationaliste extrême va arriver au pouvoir, un jeune arabe est recruté par des immigrés activistes qui lui adjoignent un formateur. Un thriller prenant à la réalisation assurée malgré quelques grosses ficelles dans le scénario et dans la morale. Je ne sais pas trop quoi en penser sauf qu'il parle d'un sujet d'actualité brûlant et que les acteurs sont tous excellents (Zaki Youssef est vraie découverte). Compliqué. BR UK

L'homme au masque de fer / The man in the iron mask (James Whale, 1939) *
La rivalité entre le fourbe Louis XIV et Philippe, son sympathique frère jumeau soutenu par les Mousquetaires, reflétée par celle entre Fouquet et Colbert. Librement inspirée de Dumas, une adaptation dont le dynamisme manque de moyens et qui souffre du peu de charisme de Louis Hayward en double rôle. Le meilleur est Joseph Schildkraut en Fouquet efféminé et machiavélique. Ce n'est pas nul mais James Whale a fait bien mieux. BR FR

Come to Daddy (Ant Timpson, 2019) **
Dans un chalet isolé au Canada, un hipster vient voir son père qui lui en a fait la demande. Les retrouvailles ne se passent pas comme attendu. Le très bon casting (Elijah Wood est excellent), les twists en cascade et le paysage de la baie de Vancouver rehaussent le film qui pourrait n'être qu'une petite série B ou Z comico-horrifique. Et derrière le thriller, l'absurde et le gore, on peut percevoir le sujet de fond : la complexité des rapports père-fils. BR UK

Leto (Kirill Serebrennikov, 2018) 0
Dans les années 80 à Leningrad, les débuts du groupe pop/rock russe Kino. Inexplicablement porté aux nues par la critique, un film fait de tunnels anémiques rythmés de séquences de chansons mises en scène avec inventivité mais répétitives. Si le contexte historique est intéressant (des jeunes musiciens aux textes subversifs pour la Russie soviétique), l'ensemble est bien trop sage pour marquer. Bref, ça vaut pas un kopek. BR FR

The cakemaker (Ofir Raul Grazer, 2017) *
Un pâtissier dont l'amant israélien est mort dans un accident de voiture se retrouve à travailler à Jérusalem dans le salon de thé de la veuve de celui-ci. Tout en silence et en non-dits, un mélodrame qui, en ôtant volontairement le mélo du drame, pousse sa mélancolie vers la pesanteur. Tim Kalkhof en taiseux blessé et Sarah Adler en madone de tristesse sont très bien. Je me suis demandé ce qu'Almodovar aurait fait d'une histoire comme celle-là. DVD Z2 DE

Gloria Bell (Sebastian Lelio, 2018) *
A Los Angeles, une quinquagénaire divorcée et séduisante cherche à sortir de sa solitude affective. Ce remake américain du "Gloria" (2013) chilien du même réalisateur repose entièrement sur la présence et le jeu investi de Julianne Moore, qui est de tous les plans. C'est un beau portrait de femme, héritier contemporain des Women's Pictures de jadis. Mais ça ne va pas plus loin et les facilités de la B.O. sont un peu exaspérantes. Pas mal, sans plus. BR DE  

Les Chinois à Paris (Jean Yanne, 1974) ***
Arrangements et résistance à Paris sous l'Occupation de la France par les Chinois de Mao. Férocement drôle, une comédie de politique-fiction qui actualise ce qui s'était passé dans les Années 40 dans une farce visionnaire où les Français des Années 70 en prennent pour leur grade. Vu près de cinq décennies plus tard, le film reste d'actualité évidemment. Le casting de potes, comme toujours chez Jean Yanne, est un régal. Formidable. BR FR 

Quand passent les cigognes / Letiat jouravli / The cranes are flying (Mikhaïl Kalatozov, 1958) ***
A Moscou pendant la Grande Guerre Patriotique, une jeune femme attend son fiancé parti au front. Expressionniste dans sa construction visuelle et l'exposition de ses sentiments, ce mélodrame du dégel soviétique, Palme d'Or 1958, fait se succéder les morceaux de bravoure de mise en scène. L'effet de démonstration est tempéré par la noble universalité du propos, incarné de façon inoubliable sur le beau visage de Tatiana Samoïlova. BR FR  

L'Argent (Robert Bresson, 1983) ***
Escroqué avec trois faux billets, un jeune ouvrier se retrouve pris dans un engrenage de délit et de crime. Emporté dans une dynamique destructive par sa propre rage et la duplicité des autres, l'antihéros de Bresson passe de la lumière à l'obscur en une trajectoire implacable que la mise en scène austère et précise élève au niveau de la parabole. Le jeu et la diction vidés d'affect des acteurs atteignent un point d'abstraction magnifique. BR FR

Docteur Cyclope / Dr. Cyclops (Ernest B. Schoedsack, 1940) *
A moitié aveugle et totalement fou, un savant miniaturise des scientifiques venus lui rendre visite en Amazonie. Avec ses trucages pleins de charme (back projection et mobilier surdimensionné), son docteur binoclard (Albert Dekker, inquiétant à souhait) et son Technicolor clinquant, ce film d'aventures fantastiques aurait pu être une merveille si le scénario avait été à la hauteur. Mais l'ennui pointe derrière la réussite technique, quel dommage. BR US  

Viy (Konstantin Yershov & Georgy Kropachyov, 1967) ***
Pendant trois nuits, un séminariste doit veiller une jeune morte, qui est une sorcière. Ce film fantastique soviétique est un chef-d'oeuvre d'atmosphère qui fait surgir la magie de ce qu'est un conte folklorique. Les couleurs profondes, les décors baroques et le jeu appuyé des acteurs créent un spectacle fascinant qui culmine dans un angoissant final, véritable cauchemar mis en images. Un film culte en Russie, on comprend pourquoi. BR US 

6 commentaires:

  1. Salut Tom ,

    Richard Stanley parle de "Viy" ici
    https://www.youtube.com/watch?v=L3Wit4Y62Aw

    Le film a connu un remake (américain) en 2014, et même une suite

    C'est Claude Lelouch qui a fait le making-of de "Quand passent les cigognes" et grâce auquel il a eu sa vocation en voyant les rushes en salle de montage.

    Entendu de bonnes choses au sujet de "Come here to daddy". Je trouve qu'Elijah Wood prend des risques un peu comme Daniel Radcliffe qui tenait des rôles très grand public avant de passer à des projets plus personnels et se lancer des défis.

    C'est le premier avis très négatif que je lis de "Leto", effectivement encensé un peu partout. C'est bien d'entendre un son de cloche différent aussi.

    Le Céline Sciamma a l'air splendide effectivement (et j'ai rien aimé de son cinéma jusqu'à présent mais là je sens que je pourrais accrocher)


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  2. Oui, Richard Stanley fan du film, il en parle sur les bonus du BR. A propos de Stanley, j'ai très envie de voir La Couleur tombée du Ciel...

    Je ne savais pas pour Lelouch et les Cigognes.

    Elijah Wood est excellent dans Come to Daddy mais il a planté sa carrière, son physique particulier est un peu difficile pour des rôles adultes aussi j'imagine. Radcliffe a carrément pris un virage à 180°, comme Pattinson.

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  3. "Colour out of space" a l'air bien barré, j'espère juste que ce n'est pas dans la même veine que "Mandy" que j'ai cordialement détesté (abus de filtres, narration ultra lente, Nicholas Cage en roue libre et au final très peu attachant), dont seule la toute fin parvenait à faire sortir autre chose qu'un vaste sentiment de fumisterie sur une heure vingt.

    Bon le film n'a trouvé aucun distributeur pour le moment en France alors que "Mandy" lui ^est sorti sans aucune difficulté (mais bon le nom de Cosmatos a joué)

    Après Elijah wood et Radcliffe j'ajouterais aussi Pattinson (sauf chez Cronenberg, je n'ai pas accroché à Cosmopolis)

    Y'a aussi "Bliss" de Joe Begos qui m'intrigue pas mal.

    https://www.youtube.com/watch?v=OI8fjr4Va7Q

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  4. C'est bien la première fois depuis je ne sais quand que j'ai envoie de voir un film avec Nicholas Cage...
    Le trailer de Bliss me donne pas du tout envie, grossièrement artificiel à mon avis....

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  5. Mon dieu que ça fait du bien de voir que quelqu'un est d'accord avec moi à propos de Bus Stop !
    Ce film est inepte. Comment Marilyn a-t-elle pu jouer dans ce film ? Choix vraiment étrange, certainement (trop) influencé par Milton Greene, meilleur photographe que conseiller !
    Paradise Hunter

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    1. Oui c'est vrai qu'on est peu nombreux parmi les fans de Marilyn à dire que Bus Stop n'est pas bon. Tout m'a paru insupportable et en premier lieu le jeu hurlant et agité de Don Murray (comment a-t-il bien pu être nommé aux Oscars?). Marilyn est mal dirigée aussi, c'est triste à voir. Bref, je crois que c'est son film que j'aime le moins avec Don't bother to knock, où elle est aussi très mauvaise.

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