2 décembre 2025

Films vus par moi(s): décembre 2025

**** chef-d'oeuvre / *** excellent / ** bon / * médiocre / 0 mauvais

Jurassic World : Renaissance / Jurassic World: Rebirth (Gareth Edwards, 2025) *
Payée par un labo pharmaceutique, une équipe d'aventuriers part récupérer trois échantillons de sang de dinosaures sur l'île où ils ont été regroupés. Malgré la présence d'une Scarlett Johansson mûrie qui surclasse le film et les superbes décors des paysages primitifs à la King Kong, encore un produit fabriqué pour engranger sur la machine : scénario stéréotypé et action sans fin ni fond. A un moment, quelqu'un dit que le public a marre des dinosaures et le personnage de Scarlett demande combien de 0 il y aura sur son chèque. Au moins c'est cash, tout est dit. BR FR Universal 

La Maison Bonnadieu (Carlo Rim, 1951) ****
En 1910, un fabricant de corsets cocufié par sa femme avec un jeune homme monte un stratagème pour la récupérer. Sur un scénario huilé comme une horloge, une comédie de moeurs aux airs de boulevard et à l'audace assez stupéfiante quant aux suggestions sexuelles à tout va. Les dialogues et la mise en scène sont brillants, porté par un casting formidable : Bernard Blier en cocu, Danielle Darrieux en chaudasse, Berthe Bovy impériale. Irrésistiblement amoral. DVD FR René Chateau 

2551.01 The Kid (Norbert Pfaffenbichler, 2021) ****
Ayant secouru un enfant d'une émeute, un mutant parcourt avec lui une ville souterraine menaçante. Fascinant hybride de Bosch, d'Eraserhead, de Joel-Peter Witkin, de Chaplin, de Lovecraft et de Fellini et d'autres et en même temps totalement original, un cauchemar d'images folles dans un monde glauque peuplé de personnages-créatures - des acteurs amateurs masqués - tous plus inquiétants les uns que les autres. Affreux et affreusement beau de son noir et blanc esthétique, ce premier volet d'une trilogie d'horror autrichienne ne ressemble à rien qu'à lui-même. BR US Deaf Crocodile

Partir un jour (Amélie Bonnin, 2025) **
Une candidate de Top Chef revient dans le routier de ses parents et retrouve un ancien camarade de lycée. Sur le thème de la difficile séparation d'avec le passé, un film sympathique et mélancolique - et qui recherche d'ailleurs les deux un peu trop - dont l'originalité est le fredonnement par les personnages de chansons populaires de Dalida, Stromae, Céline Dion ou 2Be3. Autrement, c'est une tranche de vie comme une autre, ni meilleure ni pire, et qui bénéficie d'un casting lui aussi sympathique : Juliette Armanet, Bastien Bouillon, Dominique Blanc... BR FR Pathé

Madame du Barry (Christian-Jaque, 1954) ****
L'accès de la roturière Jeanne Bécu à Versailles et à la chambre de Louis XV, dont elle fut la dernière favorite. Les usages et les complots de la Cour forment la trame de ce film formidablement drôle et distrayant en costumes, décors et Eastmancolor tape-à-l'oeil. La mise en scène espiègle laisse se déployer le dialogue qui étincelle de réparties aux connotations sexuelles pour lesquelles Henri Jeanson s'est surpassé. Martine Carol est parfaite en oie dévergondée, entourée d'un casting sans faute de gueules et de personnalités. Le meilleur du grand cinéma populaire. DVD FR René Chateau 

Les noces rouges (Claude Chabrol, 1973) ***
Possédés par le désir, l'épouse du maire de Valençay et l'adjoint de celui-ci baisent partout à tout va. Portrait tendu d'un couple explosif (Stéphane Audran et Claude Piéplu) et de leur jouet (Michel Piccoli), un formidable Chabrol qui dissèque cliniquement les passions et les calculs qui animent ses personnages-marionnettes. On rit de l'outrance de situations - la scène du château - avant de se tendre sous la violence d'autres. La mise en scène est subtilement ciselée et le casting parfait, y compris la jeune Eliana de Santis dans le rôle de la fille. Excellent. BR FR Tamasa

Hell's Angels (Howard Hughes & James Whale, 1930) ****
Pendant la Guerre de 14, deux frères anglais aviateurs dans la Royal Flying Corps combattent les Chleuhs tout en étant amoureux de la même femme, Jean Harlow dans son premier grand rôle. Étonnamment passé à l'arrière rang des classiques, un film stupéfiant dans sa mise en scène périlleuse des séquences aériennes - le Zeppelin et le grand combat -, son regard sur les militaires anglais et allemands, son audace pré-Code et son bal en Magicolor. Un siècle plus tard, la "folie" one-shot d'Howard Hughes reste un inaltérable chef-d'oeuvre du cinéma. Quelle redécouverte ! BR US Criterion

L'âge ingrat (Gilles Grangier, 1964) *
Leurs enfants (Marie Dubois et Franck Fernandel) devant se marier, une famille normande va faire connaissance de ses beaux à Marseille. Seule et unique collaboration de Gabin et de Fernandel, une comédie de moeurs jouant entièrement sur les différences culturelles et comportementales des gens du Nord et du Midi. Il y a bien quelques moments rigolos - tous dûs à Fernandel, qui prouve ici à quel point le vieux Gabin était monolithique - et la France de 1964 semble bien naphtalinée mais tout cela tourne vite à vide derrière ses deux stars. Une tentative ratée. DVD FR René Chateau

Le conte du Tsar Saltan / Skazka o tsare Saltane (Alexandre Ptouchko, 1967) ***
Calomniée par ses deux soeurs jalouses, une reine exilée avec son fils se désespère de revoir son époux, le Tsar Saltan. D'après le poème de Pouchkine, un conte magique pétri de culture traditionnelle russe avec boyards et cygnes, gnomes et preux, le tout dans des décors inspirés de la peinture illustrative du 19e siècle. Le dialogue en vers - que le sous-titrage maintient - ajoute à la musicalité du jeu théâtral des acteurs en Sovcolor. Quant à l'aspect efféminé du Tsar et du Prince, "né ni garçon, ni fille" selon les soeurs, il ne cesse d'intriguer. Du cinéma d'imagination pure. BR FR Artus Films

Sinners (Ryan Coogler, 2025) ***
Dans le Mississippi  ségrégé de 1932, deux frères jumeaux (Michael B. Jordan) revenus de Chicago montent un club de blues dont l'inauguration est ruinée par l'attaque d'une horde de vampires. Formidablement dynamique dans son écriture et sa mise en scène tout en croisant plusieurs thèmes forts d'histoire et de société, un film d'horror très original sur la prédation des cultures qui réussit à tenir en haleine du début à la fin, à émouvoir, à offrir de superbes moments musicaux et à donner à réfléchir symboliquement : admirable exploit pour un blockbuster. BR BE Warner

Blanche Neige / Snow White (Marc Webb, 2025) **
Blanche Neige. Alors j'ai voulu le voir ce film woko-communiste objet de la fureur réactionnaire d'ailleurs et d'ici et responsable des carrières associées à lui, de la chute de l'empire Disney et de la seconde élection de Trump. Une fois la surprise un peu calculée de la jeune hispanique Rachel Zegler en princesse née un jour de neige et en acceptant l'empowerment à la Jeanne d'Arc du personnage, le film n'est pas si mal pour le jeune public ciblé. Pour les autres, à part les chansons insipides et les gnomes digitaux, c'est une adaptation que je dirais d'intérêt. BR FR Disney

Sans un cri / O fovos (Kóstas Manoussákis, 1966) ****
Dans la plaine de Thèbes, le meurtre d'une fille de ferme par le fils du propriétaire s'impose en secret de famille. Inexplicablement inédit en France jusqu'ici, un chef-d'oeuvre du cinéma grec, conte tragique en clair obscur dont la mise en scène implacable est parsemée de morceaux de bravoure et d'accès de fièvre. Sur des dialogues rares et une bande sonore génialement créative et anxiogène, c'est toute l'idée du regard - des personnages, de la caméra et du spectateur - qui est explorée. Une formidable découverte à soixante ans de distance. BR FR Intersections

Aristote et Dante découvrent les secrets de l'Univers / Aristotle and Dante discover the secrets of the Universe (Aitch Alberto, 2023) **
Au Texas en 1987, deux garçons de seize ans se lient d'amitié et bientôt plus. Un coming of age movie gentiment touchant qui repose entièrement sur le charme tranquille de ses deux personnages et de leurs interprètes (Max Pelayo et Reese Gonzales), le contexte des familles hispaniques et la photographie attractive. Des films LGBTQ comme celui-là, il y en eu et il y en aura des pelles, ce qui fait la différence est la justesse et la sincérité de l'objectif et du propos. Rien de révolutionnaire donc mais les ados concernés peuvent s'y retrouver et c'est bien. BR FR L'Atelier d'Images 

Le Géant de la steppe / Ilya Muromets (Alexandre Ptouchko, 1956) ***
La lutte du héros russo-ukrainien Ilya Muromets contre les Mongols à la conquête de Kiev. Un superbe livre d'images en Sovscope et Sovcolor qui évacue toute réalité historique pour une approche légendaire typique des contes slaves, avec magie et dragon. Les compositions grandioses en décors naturels rehaussés de matte paintings empruntent à la peinture et à l'illustration russes et la musique symphonique porte le tout vers l'épique. Le film est aussi une charge contre l'envahisseur d'Asie et une ode aux Rus' de Kiev. Vu aujourd'hui, il peut éclairer une certaine actualité. BR FR Artus Films

Cent francs l'amour (Jacques Richard, 1985) 0
Un jeune photographe fauché qui se fait entretenir par un antiquaire homosexuel (Richard Bohringer qui cachetonne) tombe amoureux d'une strip-teaseuse de peep-show. Retrouver l'ambiance de Paris du milieu des années 80, ses voitures et ses fringues, son "réseau" téléphonique, ses peep-shows, sa rue Sainte-Anne et ses gros billets en francs... est sympathique. Pour le reste, l'histoire poussive, la réalisation amorphe et les acteurs qui semblent ne pas avoir envie du film plombent tout. Dommage pour Pierre-Loup Rajot, toujours bien. Avec Dominique Pinon. DVD FR Studio Canal

Nana (Christian-Jaque, 1955) ****
A Paris sous Napoléon III, une meneuse de revue frivole qui vit de la générosité de ses amants séduit un austère courtisan des Tuileries. Le roman de Zola est adapté de façon très opératique dans ce film d'un dynamisme fou qui passe de la comédie au drame dans un scénario et une mise en scène tourbillonants. Les costumes, les décors et l'Eastmancolor créent le spectacle des yeux, les dialogues brillants de Jeanson celui de l'esprit. Et bien sûr, Martine Carol irrésistible, Charles Boyer magistral et tous les autres à l'unisson. Une oeuvre exaltante. DVD FR René Chateau

3 commentaires:

  1. Le mois n'est pas terminé et déjà six chefs-d'oeuvre, y'a eu pire... Tant mieux évidemment

    Par contre, "Cent francs l'amour" ne t'a pas du tout convaincu. Oui la réalisation est très plate, mais y'a des moments très intéressants dans ce film, une forme de naïveté. L'acteur principal est bon (je trouve Bohringer tout autant) et le Paris des 80's (y compris l'appareil photo argentique et le laboratoire avec le développement dans le bac et pinces à linge ! ) bien retranscrit. On sent que le film ne s'aventure peut-être pas assez, qu'il reste finalement sage (même dans les scènes de strip).

    Artus Film (qui est un éditeur que j'adore) a en effet sorti quelques uns des Ptushko. Merci de m'avoir fait découvrir 'Sampo". Conte visuellement superbe. Avec des moments de merveilleux et cette croyance dans le narratif qui fait tout passer, l'idée étant que l'imaginaire n'a presque pas de limite. Il y a certaines séquences qui sont de vrais morceaux de bravoure (la Mère qui marche sur l'eau et fait ressusciter son fils avec l'aide de la Nature et du Soleil -une allusion christique- la construction du Sampo, la scène du mariage avec la danse traditionnelle). La musique, le lyrisme se confondent.

    J'ai la version d'avant Christian-Jaque de "Nana" celle de 1921 en collector de Renoir. A découvrir...

    J'en profite Tom pour te souhaiter de très belles fêtes de fin d'année. Joyeux Noël entouré de tes proches et bientôt...couvert de cadeaux sous le sapin : )

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    1. Merci Jordan et Joyeux Noël et bon Réveillon à toi aussi !

      Oui, décembre a été généreux en découvertes mémorables au hasard des sorties ou de galettes d'occasion, un très bon mois et la reconsidération des Martine Carol de Christian-Jaque auxquels je ne croyais pas vraiment.

      Super que ça t'ait plu pour Ptuschko, les quelques films que j'ai vu grâce à Artus (excellent éditeur en effet) m'ont tous ravi par leur imaginaire et leur naiveté rassurante. Ca fait du bien.



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    2. Pour Cent Francs l'amour, oui le retour aux années 80 a fait que j'ai regardé le film jusqu'au bout parce que j'ai vraiment trouvé le reste faiblard. Tu as raison, ils auraient du aller plus loin, c'est trop retenu.

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