8 mai 2011

Heroes of mine : Louise


C'est grâce à la sublime adaptation de "Madame de..." par Ophuls que je me suis un jour intéressé à Louise de Vilmorin (1902-1969), qui est vite devenue, par son excentricité, son aventureuse histoire personnelle, sa beauté et son charme irrésistibles, l'une des personnalités du siècle dernier pour lesquelles j'ai le plus de tendresse. Son talent d'écrivain, dans la nouvelle, la poésie ou les jeux de mots, je ne peux pas en juger, n'ayant lu que "Madame de..." justement, dont j'ai en tous cas un excellent souvenir.

Pendant une décennie (du début des années 50 à celui des années 60), celle qui fut l'épouse d'un héritier américain (avec qui elle vécut à Las Vegas dans les années 20), d'un comte hongrois qui l'installa dans un château des Carpathes dans les années 30 et la compagne ou maîtresse de grands noms du siècle, de Saint-Exupery à Malraux, qui lui ferma les yeux (elle se surnommait elle-même "Marilyn Malraux"), en passant par Welles et Duff et Diana Cooper (l'ambassadeur britannique en France et sa femme), reçevait le Tout-Paris - et même le Monde entier quand il était de passage - dans sa propriété de Verrières-le-Buisson autour d'un pot-au-feu du dimanche soir.


Louise de Vilmorin fut la représentante archétypique d'une certaine idée - la plus sympathique - de la "vieille France", bourgeoise et distinguée, éduquée et spirituelle. Ses rares interviews enregistrées sont des bijoux d'esprit et de légéreté. Il faut la voir et l'écouter donner son avis sur la littérature, l'amour, le bonheur et tant d'autres petites choses. Son choix de vocabulaire et son utilisation de métaphores, ses modulations de voix et sa façon d'infléchir la fin d'un mot dans une délicieuse tonalité teintée de snobisme (elle qui n'était pas snob pour un sou) font qu'on a envie de s'asseoir à côté d'elle en lui demandant de nous raconter quelque chose, n'importe quoi, autour d'une tasse de thé. Je l'aurais écoutée parler pendant des heures.

Sa devise était "Au secours !". Une femme merveilleuse, je vous dis.

Louise de Vilmorin vers 1930 : une jeune femme qui fit tourner bien des têtes

Le 7 mars 1964, la TSR (Télévision suisse romande) diffusait une récente interview de Louise de Vilmorin réalisé dans son manoir de Verrières. L'émission de 15 minutes est visible sur leur site internet. C'est, avec la courte et très amusante interview qui figure sur le DVD Criterion de "Madame de...", l'un des rares témoignages subsistants de son charme irrésistible. Je ne m'en lasse pas. Ecoutez-la répondre aux questions - souvent assez stupides ("Vous n'aimez pas ce qui est profond ?") - de son interlocuteur, laissez-vous porter par ses intonations et la gestuelle de ses mains.

Et on comprend à la vision de ce document qu'il y a, dans "Madame de...", beaucoup, mais beaucoup, de Louise de...

Vous pouvez y accéder en cliquant ici. (Louise de Vilmorin commence à parler à partir de 3'10)

6 mai 2011

Films vus par moi(s) : mai 2011


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Tarzan's greatest adventure / La plus grande aventure de Tarzan (John Guillermin, 1959) ***
Scott, charismatique dans le genre "big hunk next door", incarne un Tarzan éduqué et réfléchi dans cette excellente modernisation du mythe. C'est un thriller Fifties dans la jungle (une poursuite avec quatre méchants européens chercheurs de diamants), en couleur et filmé en partie en Afrique. Un des meilleurs Tarzan assurément. Warner Archive

Crazy heart (Scott Cooper, 2009) **
Entièrement porté par la magnifique prestation de Bridges, ce film sur un chanteur de country déchu est on ne peut plus américain dans son fond et sa forme. Il se laisse regarder (et écouter) mais avec le sentiment d'être en terrain connu. Si Gyllenhaal abuse un peu de ses yeux de chien battu, Farrell m'a épaté dans un très beau rôle. DVD Z2 Fr

The unholy three / Les club des trois (Tod Browning, 1925) ***
Un ventriloque travesti, un lilliputien, un hercule de foire et une belle des Twenties forment un gang de malfaiteurs en voie d'implosion. Ce film muet est d'une originalité stupéfiante, dans son scénario, ses personnages surréalistes et ses formidables scènes de suspense. Chaney y montre son immense talent. Browning aussi, évidemment. Warner Archive

Le congrès des belles-mères (Emile Couzinet, 1954) 0 ou *** (?)
Le film (un triomphe à sa sortie) est exactement ce que le titre laisse imaginer : d'une bêtise et franchouillardise abyssales. Mais la bonne humeur, la satire bon-enfant, les chansons idiotes et l'entrain des participants ont leur charme. Et comment ne pas aimer un film qui donne le premier rôle à Fusier-Gir, déchaînée ? Indescriptible. DVD Z2 Fr

Secret of the Incas / Les secret des Incas (Jerry Hopper, 1954) *
Le genre de film d'aventures qu'on chérit pour la vie quand on le découvre à 10 ans. Heston y est un précurseur direct d'Indiana Jones (costume compris) sur les traces d'un trésor inca. Tourné en décors à Hollywood et sur site à Machu Picchu, ça manque d'action mais bon... Les deux scènes chantées par Yma Sumac valent de l'or. YouTube

I'll never forget you / The house in the square (Roy Ward Baker, 1951) ***
Ce voyage dans le temps - un scientifique de 1950 se retrouve à Londres en 1784 - doublé d'une histoire d'amour impossible entre Power et Blyth fut invisible pendant 50 ans pour des problèmes de droits. Sa réédition en DVD a permis d'en redécouvrir le formidable romantisme. Un chef-d'oeuvre du genre en N&B et Technicolor. DVD Z1

Girls' dormitory (Irving Cummings, 1936) *
La Fox essaya de lancer la carrière de Simone Simon à Hollywood avec ce "vehicle" où l'élève d'un pensionnat alpin tombe amoureuse de son directeur. La conclusion peut surprendre. Simon m'exaspère comme presque toujours mais je voulais voir le film pour la première et courte apparition (à la fin du film) de Tyrone Power, rayonnant. DVD Z1

La nuit est mon royaume (Georges Lacombe, 1951) **
Un film social/moral atypique qui donne à Gabin, très étonnant, le rôle d'un cheminot devenu aveugle après un accident et qui évite les péripéties au profit d'une leçon de vie sur le thème "les aveugles sont des gens comme les autres". On y frôle sans cesse la mièvrerie (la romance, les enfants aveugles) mais sans jamais y tomber. DVD Z2 Fr

Paranormal activity (Oren Peli, 2007) **
Un bruit sourd, une porte s'ouvre, un drap glisse sur un couple endormi dans une maison que filme une caméra vidéo : la peur du noir et la vulnérabilité du dormeur sont bien exploitées dans ce film d'horror à mini budget où rode un démon invisible. Un pur produit marketing mais qui fait se ronger les ongles : mission accomplie. DVD Z2 Fr

La maison Bonnadieu (Carlo Rim, 1951) **
Une petite ville en 1910 : tous les hommes sont cocus car les dames en corset ont le feu au derrière. Un conte amusant et leste sur le désir féminin et les faux-semblants de la vie de province. Darrieux est merveilleuse et Blier (en cocu, évidemment) excellent. Une comédie petite-bourgeoise 100% et délicieusement française. DVD Z2 Fr

La vida loca (Christian Poveda, 2009) **
Un constat glaçant du cercle infernal d'honneur perverti, de violence et de mort dans lequel sont enlisés les gangs salvadoriens, à travers le parcours de quelques membres du Mara 18, l'un des plus durs. On a presque envie de pleurer devant tant de vies gâchées (dont celle du réalisateur lui-même, assassiné par le gang qu'il avait filmé). DVD Z2 Fr

Homme au bain (Christophe Honoré, 2010) *
Un couple de types se sépare. L'un part à New-York, l'autre reste dans sa cité près de Paris. La caméra filme leurs errances (surtout sexuelles). Un petit film psycho-érotique centré sur le corps et les fesses musclées de Sagat, l'ex-pornstar gay, qui joue plutôt pas mal. Mastroianni (Chiara) est la caution artistique, inutile. DVD Z2 Fr

Monsters (Gareth Edwards, 2010) ***
Un photoreporter et la fille de son patron traversent une zone interdite du Mexique, qui abrite des créatures extraterrestres, pour rejoindre les USA. Ce film très original, presque dépouvu d'action, est une fable existentielle dans un contexte de SF. Tout est dans l'atmosphère et le regard intimiste sur un monde qui a perdu ses repères. DVD Z2 GB

The Viking (Varick Frissell & George Melford, 1931) **
Les scènes mélo et mal jouées du début font craindre le pire mais l'action commence (une chasse au phoque au Canada) et on est emporté par les incroyables images des hommes sur la banquise. Le titre de gloire du film est terrible : 27 membres de l'équipe (dont le réalisateur) ont été tués dans l'explosion du navire lors de retakes. DVD Z2 Fr

Macao, l'enfer du jeu (Jean Delannoy, 1939) *
La rare sobriété de Von Stroheim et la classe de Hayakawa sont deux belles surprises de cet histoire d'expats dans un Macao restitué entre La Victorine et Villefranche-sur-Mer. Mais le scénario est trop languissant et la réalisation trop plate (à part quelques beaux travelings). Balin, elle, est sublime, comme toujours. DVD Z2 Fr

Hud / Le plus sauvage d'entre tous (Martin Ritt, 1963) ***
Dans un ranch du Texas où la fièvre aptheuse oblige un vieux fermier à abattre tout son bétail, son fils (Newman) détruit ce qui reste de la cellule familiale par son comportement égocentrique. Un puissant drame psychologique qui illustre les mutations du cinéma hollywoodien du début des 60's. Douglas, Neal et de Wilde y sont excellents. DVD Z2 GB

La main du Diable (Maurice Tourneur, 1943) **
Cette incursion du cinéma français dans le fantastique (d'après Nerval) transpose le mythe de Faust dans le monde de l'art des années d'Occupation. Les étranges décors et la photo N&B contrastée créent une ambiance proche de l'expressionisme dans laquelle s'intègre bien le jeu halluciné de Fresnais. DVD Z2 Fr

La maison du maltais (Pierre Chenal, 1938) ***
Romance, Renoir, Holt, Jouvet et Fréhel sont formidables dans ce mélodrame en deux temps qui se passe en Tunisie (de studio) puis à Paris mais c'est Dalio, bouleversant dans un de ses rares rôles principaux, qui impressionne le plus. Et si l'histoire est assez outrancière, la réalisation lui apporte une remarquable dignité. VHS

Gli invasori / La ruée des Vikings (Mario Bava, 1961) ***
Le sens de l'image et surtout les couleurs délirantes, marques de fabrique de Bava, atteignent dans cet ersatz éhonté des "Vikings" de Fleischer (1958) une sorte d'apogée. C'est un merveilleux film d'aventures, plein d'action violente et d'invraisemblances, sexy en diable et qui procure un plaisir visuel de chaque instant. DVD Z2 Ger

1 mai 2011

L'Encinéclopédie de Paul Vecchiali


Je suis en train de lire en ce moment - ou de m'y promener plutôt car ce n'est pas le genre d'ouvrage qu'on lit du début à la fin mais dont on parcours les entrées au gré du hasard, d'un nom, d'un titre ou d'une association libre - la formidable "Encinéclopédie" en deux tomes de Paul Vecchiali, publiée en décembre 2010 par Les Editions de l'Oeil.

Paul Vecchiali (né en 1930), le réalisateur - entre autres de plus de 40 titres - des splendides "L'étrangleur" (1972), "Femmes, Femmes" (1974), "Corps à coeur" (1979), "En haut des marches" (1983), "Rosa la rose, fille publique" (1986) et plus récemment de films en numérique sur des thèmes liés à l'homosexualité et/ou au sida, s'est lancé il y a une dizaine d'années, l'argent lui manquant pour continuer à réaliser des films comme il l'aurait voulu, dans une redécouverte en tant que spectateur du patrimoine cinématographique de fiction français des années 30, sa décennie de naissance.


L'idée de Vecchiali n'était pas de revoir les chefs-d'oeuvre indiscutés de la période 1930-1939 mais d'aborder de façon encyclopédique l'entière production française des années 30, âge d'or de films sublimes et de navets insondables. La tâche était colossale et je ne sais pas comment il a réussi à mettre la main et l'oeil sur tous les films dont il parle dans son livre mais il l'a menée à bout (dans la mesure du possible et de la survie physique des films de l'époque) : "L'Encinéclopédie", qui rouvre un chapitre essentiel de l'histoire du cinéma français, est un ouvrage désormais incontournable (horrible poncif d'adjectif !) sur le sujet et un enthousiasmant voyage proposé au lecteur cinéphile.

"L'Encinéclopédie" est sous-titrée "Cinéastes "français" des années 1930 et leur oeuvre" : "français" (entre guillemets) ne signifie pas que les cinéastes sont de nationalité française uniquement - quelques uns sont étrangers comme Dreyer, Genina, Lang, Siodmak, Wilder et d'autres - mais qu'ils ont travaillé à un moment donné, les années 30, dans le cinéma français. L'ouvrage est donc un panorama quasi-exhaustif de la production française des années 30. Comme il estimait - à juste titre - que stopper l'étude des films des cinéastes mentionnés à cette décennie aurait limité la portée de l'ouvrage, Vecchiali a décidé de prolonger l'étude de leurs carrières à leurs productions ultérieures, des années 40, 50, 60, 70, voire 80 pour certains (ainsi la section consacrée à Jean Delannoy commence avec "Paris-Deauville" de 1933 pour s'arrêter avec "La passion de Bernadette" de 1989).


Le jeu de mot "Encinéclopédie" indique en outre que l'ouvrage n'est pas d'obédience universitaire mais littéraire et que Vecchiali s'autorise à dire ce qu'il veut sur ce qu'il veut : il s'agit du regard totalement subjectif d'un cinéaste-cinéphile sur une armée de réalisateurs et une myriade de films. Et les caresses de l'auteur sont souvent aussi surprenantes que ses griffures. C'est aussi ce qui fait l'intérêt de "L'Encinéclopédie" : le lecteur n'y trouvera pas de langue de bois ni de contorsions diplomatiques et même si l'on n'est pas d'accord avec lui, sa passion à défendre ou descendre tel réalisateur ou tel film est communicative mais sans être contagieuse. C'est pourquoi j'aime lire Vecchiali quand il déboulonne Clouzot (que personnellement j'adore), un peu comme j'aime lire Lourcelles quand il dézingue Rohmer (Lourcelles à qui Vecchiali me fait d'ailleurs plus d'une fois penser à la lecture).


Vecchiali aime plus tous autres Grémillon, Ophuls et Duvivier - là je le rejoins - et n'aime pas du tout Renoir, Guitry ni Clouzot, qu'il taxe de truqueurs et de démagogues. C'est bien son droit de le penser et de l'écrire même si La Cinémathèque Française et Actes Sud ne sont pas de cet avis (mais, à 80 ans, Vecchiali s'en fout) : dans une très intéressante interview qu'on peut trouver sur YouTube, il dit clairement qu'Actes Sud devait au départ éditer l'ouvrage mais que, ayant écrit à la fin de celui-ci qu'il "déteste cordialement... presque tout Kubrick et notamment 2001, l'odyssée de l'espace", il a reçu un coup de fil de Tavernier qui lui a dit "qu'on ne peut pas critiquer Kubrick" et que, Vecchiali campant sur sa position et son droit à la libre parole, Actes Sud s'est retiré du projet, qui est ensuite retombé dans les mains d'un petit éditeur, Les Editions de l'Oeil.

"L'Encinéclopédie" est d'une lecture qui ne cesse d'enthousiasmer : qu'on soit d'accord ou pas avec Vecchiali, ses avis argumentés sur les centaines de films qu'il mentionne donnent une envie irrésistible de découvrir ou de revoir tout un patrimoine qui n'est pas encore vraiment sorti du Purgatoire, pour une grande partie tout au moins : le cinéma français des années 30 (et parfois des décennies suivantes), dans ce qu'il a de meilleur et de pire. Je commence personnellement par le meilleur : grâce à Vecchiali pour ses indications éclairées et grâce à René Château, Studio Canal ou SNC pour leurs précieuses éditions DVD, j'ai récemment eu envie de revoir et j'ai revu avec un immense plaisir "Pépé le Moko" (Duvivier, 1936) et surtout "Gueule d'amour" (Grémillon, 1937) - "un des plus beaux films du monde et un des plus importants, le doute n'est pas permis" dixit Vecchiali - et j'ai découvert le merveilleux "Le rosier de Mme Husson" (Bernard-Deschamps, 1932), que je n'aurais jamais eu l'idée ni l'envie de voir sans la notice que Vecchiali lui a consacrée dans son ouvrage. Et ce n'est qu'un début. Combien d'autres chefs-d'oeuvre (pour reprendre un terme que Vecchiali affectionne) vais-je maintenant (re)découvrir ? Je m'en lèche par avance les babines.


"L'Encinéclopédie" est constituée de deux tomes : le tome I va de Marcel Achard à Alexander Korda (880 pages), le tome II va de Harry Lachman à Friedrich Zelnick (738 pages) + 1 Addendum (125 pages, cf. les commentaires ci-dessous). Il n'y a aucune illustration, il s'agit de texte seul. A 40 Euros le tome, le prix total (80 Euros) rebute mais les heures de lecture que l'ouvrage offre (et le travail impressionnant qu'il a de toute évidence exigé) peuvent le justifier et en font une acquisition à mon avis indispensable pour les cinéphiles qui ont un faible ou une curiosité pour "les cinéastes "français" des années 1930 et leur oeuvre".

Chapeau et bravo, M. Vecchiali ! Et merci.

29 avril 2011

Kate and Will... and Harry


Merdre aux grincheux et à tous ceux qui trouvent qu'il y a des choses plus gravement importantes qui se passent en ce moment sur notre petite planète. Les voir tous les deux aujourd'hui à Westminster, dans les rues pavoisées de Londres et au balcon du palais de la grand-mère m'a enchanté. Pour une fois que le blockbuster n'est pas hollywoodien et que la réalité ressemble à une royal romantic comedy, de quoi se plaint-on ? To your good luck and a long life, Catherine and William.

Quant à Harry (lui, c'est mon prince préféré), qu'il reste encore quelque temps célibataire : les bad boys ne peuvent plus vraiment en être quand ils ont convolé en carrosse.

13 avril 2011

Heroes of mine : les trois Jean

Ces trois acteurs ne sont pas à proprement parler de mes "héros" - je n'ai pour eux aucune admiration forcenée - mais j'ai cependant un attachement particulier pour chacun d'entre eux, non pas tant liée à leur personnalité (quoique pour Tissier...) qu'au timbre de leur voix et à leur phrasé inimitable.

N'importe quel navet et à fortiori n'importe quel chef-d'oeuvre dans lesquels ils font une apparition ou un rôle plus conséquent me réjouit d'avance. Elle est longue la liste des films dans lesquels on a pu les voir mais la plupart de ces films sont aujourd'hui inaccessibles. C'étaient des acteurs de caractère (l'un plus sérieux que les deux autres) qui volaient la vedette à leurs partenaires dans chacune des scènes qui leur étaient attribuées, parfois par leur gestuelle - leur "body language" - mais surtout, évidemment, par leurs intonations.

Ils s'appellaient tous les trois Jean. J'avais juste envie de leur rendre un petit hommage. A eux et à leurs voix.

Jean Tissier (1896-1973)
Souvent très excité, il n'est jamais meilleur que quand la panique le submerge ou la méchanceté le prend : sa voix mielleuse monte alors dans les aigus et on ne lui ferait pas confiance pour un sou. Il est le roi de l'embrouille et du faux-cul et son débit accéléré cache des abîmes de faiblesse ou de fourberie. Il a tendance à parler en se frottant les mains (comme Temerson), ce dont il faut toujours se méfier. Le fakir enturbanné de "L'assassin habite au 21", c'est lui.


Jean Temerson (1898-1956)
Il a la voix la plus chouineuse-chuintante du cinéma français et ses paroles ont toujours l'air d'être prononcées avec une papate chaude dans la bouche. Ses rondeurs et ses bajoues en font l'incarnation idéale et définitive de l'homme de robe (j'entends d'Eglise), du père jésuite. Habitué aux rôles de subordonnés, il impose sa corpulence et son visage poupin aux lèvres charnues à tous les films qu'il traverse et excelle dans l'indignation, comme Tissier d'ailleurs. C'est le notaire de "Volpone".


Jean Servais (1910-1976)
Lui a beaucoup plus d'élégance : c'est un gentleman. Mais qui ne serait pas spécialement remarquable - pas plus qu'un autre - s'il n'y avait cette voix, la voix de Jean Servais, qui vient d'on ne sait où, chaude, pleine, d'une masculinité distinguée. La comédie lui sied peu et c'est dans le drame bourgeois qu'on le retrouve le plus souvent. C'est l'homme de la Quatrième République. Ophuls lui a confié les derniers mots du "Plaisir", qu'il dit avec une modulation de voix inoubliable : "Mais mon cher, le bonheur n'est pas gai". L'entendez-vous ?


A propos de Jean Tissier : Passant il n'y a pas longtemps à Saint-Ouen, à quelques centaines du mètres au nord de la Porte de Clignancourt, j'ai voulu aller voir sa tombe que je savais être au cimetière de la ville. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir sur place que Jean Tissier y partageait sa dernière demeure avec Mireille Balin. Ruinés, seuls et oubliés de tous à la fin de leurs vies, ils ont été inhumés côte à côte à quelques années de distance, au frais d'une association d'entraide aux anciennes gloires de la scène et de l'écran.

9 avril 2011

Melancholia (2011), trailer

Le trailer du nouveau film de Lars von Trier, Melancholia, vient de faire surface sur YouTube.

Je n'en avais pas entendu parler jusqu'ici mais le sujet annonce encore un de ces mélodrames outranciers et controversés dont le réalisateur - sans doute mon préféré de ces deux dernières décennies - a le secret : une jeune femme (Kirsten Dunst), découvrant le jour de son mariage qu'un astre inconnu va prochainement heurter la Terre, remet tout en question en attendant l'Apocalypse. Lars von Trier ayant annoncé que ses films n'auraient désormais plus de happy-end (sic), ça promet.

3 avril 2011

Films vus par moi(s) : avril 2011


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Harlow / Harlow, la blonde platine (Gordon Douglas, 1965) 0
Un bien mauvais biopic (avec pourtant un splendide générique de début), anémié et très loin des faits, où Baker n'arrive pas à faire croire un instant qu'elle pourrait être Jean Harlow. La direction artistique est luxueuse mais hésite étrangement entre les 20's et les 60's, comme la musique jazz-pop. Et le film n'est même pas camp... DVD Z1

Le rosier de Mme Husson (Bernard-Deschamps, 1932) ***
On sourit du début à la fin et on rit souvent dans cette adaptation de Maupassant où un puceau (un jeune et formidable Fernandel) est élu rosier d'un village avant de se retrouver pour une nuit dans un bordel. Il y a du slapstick, des chansons, de la poésie et une délicieuse grivoiserie. Et cette fraîcheur, irrésistible. "Honneur à la vertu !" DVD Z2 Fr

La mémoire courte (Henri Torrent, 1963) *
De passionnants documentaires postérieurs sur l'Occupation ont réduit l'intérêt de celui-ci, affublé d'une musique pimpante et d'un commentaire ironique sur le comportement des Français de l'époque. Si certaines images d'archives sont rares, le film se perd vite dans un sujet plus général sur la guerre. Brouillon et dispensable. DVD Z2 Fr

Pépé le Moko (Julien Duvivier, 1936) **
Un film que je n'avais pas vu en entier depuis des années et que j'ai trouvé un peu trop bavard pour atteindre l'excellence. Gabin et Balin n'y montent pas aux sommets de "Gueule d'amour" (1937). Mais je me repasse souvent l'immense Fréhel chantant "Où sont-ils donc?" à côté de son grammophone. Cette scène-là touche au sublime. DVD Z2 Fr

Marwencol (Jeff Malmberg, 2010) ***
Agressé et laissé pour mort, l'américain Mark Hogancamp, la mémoire perdue, se reconstruit en créant dans son jardin un monde personnel, Marwencol, un village belge fictif de la Seconde Guerre Mondiale qu'il peuple de poupées Barbie et Ken en situation et qu'il photographie. Un documentaire très étonnant sur l'art brut comme thérapie. DVD Z1

Kynodontas / Canine (Giorgios Lanthimos, 2009) ***
Une fable subversive et réellement dérangeante (mais qui ne manque pas d'humour) sur l'éducation, le totalitarisme et la psychose où un couple isole et éduque ses trois adolescents dans leur propriété en leur refusant tout contact avec l'extérieur. On les observe, fascinés puis inquiets jusqu'au malaise. Très original dans le fond et la forme. DVD Z2 Fr

Napoléon (Sacha Guitry, 1955) *
Des trois extravagantes fresques historiques de la fin de carrière de Guitry, celle-ci manque de bons mots et d'ampleur (elle est moins bonne que "Si Versailles" mais meilleure que "Si Paris"). Evidemment, on a plaisir à reconnaître une célébrité après l'autre mais on s'ennuie poliment. Loin de l'efficacité du "Diable boîteux" (1948). DV2 Z2 Fr

The Mafu cage (Karen Arthur, 1978) **
L'hystérie atteint un sommet dans ce film-culte 70's tiré de la pièce française "Toi et tes nuages" sur deux soeurs dont l'une, folle à lier (la fascinante Kane), a transformé sa maison en jungle et adopté un ourang-outang qu'elle brutalise dans une cage. Cris, inceste, zoophilie et meurtre sur fond de musique africaine. Vraiment bizarre. DVD Z1

Dreamland (Jason Matzner, 2006) *
Un premier film assez maladroit sur les regrets, les désirs et la peur de faire des choix de vie autour de quelques personnages dans un petit trailer park du Nouveau-Mexique. Sur fond de rivalité amoureuse, l'histoire patine mais le charisme des trois jeunes personnages principaux arrive à faire passer l'artifice de l'ensemble. DVD Z2 Fr

Gueule d'amour (Jean Grémillon, 1937) ***
Je ne me rappelais plus à quel point "Gueule d'amour" est excellent, passant doucement de l'humour à la tragédie par une réalisation d'un classicisme intemporel. Balin en vamp et Gabin en homme-objet sont magnétiques et Lefèvre très touchant dans son rôle ambigu d'amoureux transi. Un très grand film, toujours moderne. DVD Z2 Fr

Christopher and his kind (Geoffrey Sax, 2010) **
Une adaptation de l'autobiographie de Christopher Isherwood sur ses années à Berlin entre 1931 et 1933, de sa découverte du milieu homosexuel de l'époque à l'arrivée d'Hitler au pouvoir en passant par ses relations avec ses amants et les personnages qui lui ont inspiré "Cabaret". Encore un très bon téléfilm de la BBC. DVD Z2 UK

The walking dead, saison 1 (AMC, 2010) *
L'équipe du formidable "The mist" s'attaque au feuilleton d'un groupe de survivants d'une apocalypse biologique confronté à un monde (Atlanta) infesté de zombies. Les acteurs sont assez moyens et le scénario, poussif et tenté par la psychologie, tourne souvent à vide entre deux bonnes scènes. La copie est à corriger pour la suite. DVD Z1

Un amore a Roma / L'inassouvie (Dino Risi, 1960) *
Un héritier italien (Baldwin, aux faux airs de Clift) s'éprend d'une nymphomane (Demongeot, dans un rare rôle de premier plan). Le scénario répétitif n'arrive malheureusement pas à décoller malgré l'audace du sujet pour l'époque. C'est un Risi mineur, sérieux et incertain, dont on retiendra surtout la belle photo de Rome en N&B. DVD Z2 Fr

Mildred Pierce / Le roman de Mildred Pierce (Michael Curtiz, 1945) ***
Au moment où Todd Haynes dévoile son adaptation de "Mildred Pierce" (avec Winslet) sur HBO, j'ai eu envie de revoir ce triomphe de Crawford. C'est la machine Warner dans ce qu'elle a de meilleur : quels acteurs (Blyth, tout sourire carnassier), quels décors, quelle photo et un commentaire social enrobé de mélo. Magnifique ! DVD Z1

Entrée des artistes (Marc Allégret, 1938) *
Quel dommage que le beau sujet de départ, la vie du Conservatoire, laisse vite la place à un drame sentimental sans grand intérêt entre deux élèves (Joyeux et Dauphin). Heureusement, quand Jouvet apparaît, le film reprend des couleurs mais on n'en regrette que plus que le scénario ait dévié des possibilités qui s'ouvrait à lui. DVD Z2 Fr

Mesa of lost women (Herbert Tevos & Ron Ormond, 1953) 0
Rien à tirer de cette épouvantable série Z où tout est raté, du scénario incompréhensible (un savant fou crée des femmes-araignées) à la réalisation amateur, des acteurs nuls à la guitare incessante. Mais pour la curiosité, ça se pose là, entre autres parce que Coogan (le "Kid" de Chaplin) y joue, à 40 ans, le docteur Aranya. DVD Z2 Esp

The yards (James Gray, 1999) **
Une tragédie familiale assez convenue dans le milieu corrompu des concessionnaires du métro du Queens qui réserve de beaux moments de tension et d'émotion mais qui souffre d'un ton et d'un style sentencieux qui finissent par agacer. Le personnage joué (bien) par Wahlberg est très intéressant dans sa touchante mélancolie. DVD Z2 Fr

Jagdszenen aus Niederbayern / Scènes de chasse en Bavière (Peter Fleischmann, 1969) ***
Dans un village isolé de Bavière, un jeune homme revenu de la ville est soupçonné d'homosexualité et harcelé par les habitants. Un chef-d'oeuvre du "nouveau cinéma allemand" qui présente le visage terrifiant d'une société fermée sur elle-même où le pire est révélé en chacun. Un film d'une lucidité et d'une cruauté impitoyables. DVD Z2 Fr

Assassins et voleurs (Sacha Gutry, 1957) **
La morale est dynamitée dans ce dernier film de Guitry, d'un cynisme extrême, qui fait le lit du mensonge, de l'adultère, du vol et du meurtre. Poiret et Serrault ne sont pas vraiment à la hauteur de leurs personnages mais Cowl fait une apparition hilarante. Un film dont les parts (la scène d'asile !) sont meilleures que le tout. DVD Z2 Fr

Terje Vigen (Victor Sjöström, 1917) ***
D'après Ibsen, un drame sur un pêcheur danois des années 1810 qui, emprisonné par les anglais, perd sa famille et, libéré, a l'occasion de se venger. Pas de pathos, des images spectaculaires en décor maritime naturel et une réalisation inspirée font de ce film de et avec Sjöström un bel exemple de la vitalité du cinéma muet suédois. DVD Z1

Le mot de Cambronne (Sacha Guitry, 1936) ***
Une pièce en vers et en 1 acte : 35 minutes époustouflantes d'esprit et de drôlerie où Guitry, Moreno, Carton se revoient des dialogues d'une précision d'horlogerie. Delubac, elle, "n'a qu'un mot à dire". C'est du théâtre filmé, entièrement porté par le flot verbal. Un tout petit film mais un des plus grands Guitry qui se regarde et regarde encore. DVD Z2 Fr

Un grand patron (Yves Ciampi, 1951) **
Fresnay en impose en brillant chirurgien de Bichat convoitant un fauteuil académique. Immense succès d'après-guerre, ce prototype bourgeois des films (et séries TV) hospitaliers a pris un coup de vieux dans son style mais reste passionnant par ses péripéties et son importance historique. Il y a une étonnante scène de salle de garde. DVD Z2 Fr

L'arbre (Julie Bertuccelli, 2010) **
Dans la campagne australienne, une petite fille pense que son père, brutalement décédé, s'est réincarné dans un grand arbre. Sensible sans être mélodramatique, un beau film sur le deuil à la lisière du réalisme poétique. Gainsbourg est fidèle à elle-même (c'est-à-dire très bonne) et la petite fille (Davies) fait une prestation impressionnante. DVD Z2 Fr

Jean-Michel Basquiat, the radiant child (Tamra Davis, 2010) **
A partir de témoignages récents et de passionnantes images d'archives (dont un long interview inédit de Basquiat en 1986), ce documentaire de 90' dresse un portrait sans doute très juste du jeune peintre hyperdoué et autodestructeur. J'aurais toutefois aimé que son oeuvre soit un peu plus analysée, mais ce n'est pas le propos du film. DVD Z2 Fr