Sorti aux Etats-Unis le 2 février 1934, Search for Beauty (L'Ecole de la Beauté) fit partie de la toute dernière vague de films présentés au public avant la mise en place effective du Production Code au 1er juillet de la même année. Le Code (de moralité cinématographique) avait été rédigé sous la direction de William H. Hays à la fin des années 1920, entériné par les studios et distributeurs le 31 mars 1930 mais seulement activé quatre ans plus tard, le 13 juin 1934 (pour les films sortants à partir du 1er juillet 1934). Entre le 31 mars 1930 et le 1er juillet 1934, toute une série de films, aujourd’hui connue sous le nom générique de « Pre-Code Films », put donc déferler dans les salles obscures américaines en se jouant allégrement de thématiques pointées du doigt par le Code. Le crime, la drogue, la profanation, le sexe, l’obscénité, la nudité, les attaques contre la religion… toutes ces bêtes noires des articles du Code connurent alors leurs derniers feux, avant l’autocensure – parfois très créative - qui allait frapper le cinéma américain jusqu’au milieu des années 1960 (le Code fut officiellement aboli quand il fut remplacé par le système de notation du MPAA en 1968). Voilà pour le rappel historique.
Baby Face avec Barbara Stanwyck ou I’m no Angel avec May West, deux célèbres films Pre-Code sortis en 1933, poussèrent un peu loin le bouchon de ce qui pouvait être montré ou suggéré à l’écran : dans leur cas, le sexe comme moyen d’élévation sociale ou comme instrument féministe. Search for Beauty, le film qui nous intéresse ici, est beaucoup moins connu que les deux titres précédents mais a pu récemment être redécouvert (pour la première fois depuis 1934) grâce à sa sortie dans le sympathique coffret Z1 Universal : "Pre-Code Hollywood Collection". Et pour une redécouverte, c’en est une ! De tous les films Pre-Code, c'est peut-être le plus (ou le moins selon qu'on l'entende au sens figuré ou propre) culotté. Il n’est pas difficile d’imaginer que c’est précisément à cause de tels films, et peut-être même de celui-là en particulier, que le Code de 1930 fut activé sans délai à l’été 1934, quatre mois après la sortie de Search for Beauty en salles.
Et, chose admirable, la portée sulfureuse de Search for Beauty, soixante-quinze ans après, reste toujours intacte. Jugez-en donc :
En 1932, deux escrocs tout juste sortis de prison (Robert Armstrong et Gertrude Michael) s’acoquinent avec un financier véreux (James Gleason) afin de racheter pour une bouchée de pain un magazine de culture physique en perte de vitesse et son centre de remise en forme associé. Ils veulent relancer le titre en orientant son contenu vers l'érotisme et le centre en le transformant en club de rencontre. Pour en assurer la publicité, ils engagent deux nageurs aux physiques irréprochables (interprétés par Buster Crabbe et Ida Lupino) qui viennent de participer aux Jeux Olympiques de Los Angeles. Evidemment, ils cachent à leurs recrues le genre de business qu’ils souhaitent développer : les deux athlètes s’investissent dans leur job, pensant travailler à la relance d’un magazine et d’un club de bien-être alors qu’ils font à leur insu la promotion d’un magazine porno et d’un bordel de luxe. Sur l'idée de Crabbe, un concours de beauté est organisé afin de trouver les plus belles filles et les plus beaux garçons du monde anglo-saxon : Crabbe et Lupino, propulsés membres du jury avec les trois compères, pensent recruter les jeunes beautés à des fins publicitaires, mais sont en fait en train d’aider à choisir sur le physique les futurs modèles dénudés du magazine et les pouliches et étalons de la maison de passe. Quand Ida Lupino commence à se douter que quelque chose de louche se trame, elle en fait part à Buster Crabbe, que Gertrude Michael se met à séduire afin de le faire passer dans son camp. Les tensions et les rivalités s’exacerbent alors que les jeunes beautés féminines et masculines arrivent pour participer au concours de perfection physique…
Et il s’agit, je vous le rappelle, d’un film de 1934 ! L’audace de ce scénario, même quand sait ce dont il parle avant de voir le film pour la première fois, ne cesse de surprendre tout au long des 80 minutes de projection : des athlètes recrutés sur concours par un trio d’escrocs pour poser nus et se prostituer, ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre une telle histoire pendant l’âge d’or du cinéma hollywoodien. Evidemment, rien n’est vraiment montré (et encore !) mais c’est plutôt dans la suggestion salace que Search for Beauty excelle. Comme dans cette scène où le trio infernal regarde des photos érotiques avec la caméra placée de telle manière qu’on ne peut qu’imaginer ce qu’ils regardent… et comme on l’imagine ! Cependant, au début du film, une scène dans les vestiaires olympiques présente brièvement mais franchement les athlètes aller aux douches dans leur plus simple appareil (je ne me souviens pas d’une autre scène avec autant de paires de fesses d'hommes dans un film d’avant les années… 1960 ? 1970 ?). Les femmes, elles, sont régulièrement filmées en maillots de bain et soutiens-gorge et dans des moments de déshabillage et de rhabillage. La préparation au concours est le prétexte à de multiples passages dans les salles de gym et piscines où les compétiteurs s’entraînent en shorts ou bikinis deux-pièces. Et tout cela, sous l’œil égrillard de Robert Armstrong, de Gertrude Michael et de James Gleason qui n’en perdent pas une miette… comme le spectateur d’ailleurs.
Il faut dire que le casting-director du film a su choisir ses figurants car les filles et les garçons correspondent bien à l’idéal de beauté physique du milieu des années 30 (un vrai concours de beauté avait même été organisé pour le casting des trente figurants principaux). C’est d’ailleurs amusant de voir comme celui-ci est éloigné de celui en vigueur de nos jours, soixante-quinze ans plus tard : les hommes y sont moins musclés et les femmes ont les hanches plus lourdes et les épaules plus étroites. Les coiffures, elles, sont évidemment d’un autre monde. Le seul comédien du film dont l’attrait physique semble avoir traversé les décennies sans aucune perte de sex-appeal est Buster Crabbe (1907-1983). L’acteur américain, âgé de 26 ans à l’époque du tournage et qui avait été champion olympique de natation en 1932, reste un splendide exemple de masculinité, en maillot de bain comme en costume-cravate. Deux ans après Search for Beauty, il allait s’engager dans le sérial Flash Gordon, qui devait lui assurer la célébrité universelle. La britannique Ida Lupino (1914-1995), 19 ans lors du tournage, est également très sexy mais sa jeunesse, sa coiffure blonde et ses nombreuses scènes déshabillées la rendent pratiquement méconnaissable (je dois avouer que je ne l’ai pas reconnue tout de suite même si je savais qu’elle jouait dans le film) : c’est très sympathique et émouvant de voir cette formidable actrice-réalisatrice débuter dans ce film olé-olé qui fut aussi son premier film américain. Une autre révélation est l’épatante Toby Wing (1915-2001), dans le rôle de la sœur d’Ida Lupino : si son nom est tombé aux oubliettes car elle a vite abandonné sa carrière au cinéma pour celle plus paisible de femme au foyer, le minois et le sourire espiègle de cette cover-girl des années 30 ne sont pas inconnus aux amateurs des films de Busby Berkeley, dont c’était la chorus-girl préférée. En contrepoint à toute cette insolente jeunesse qui s’exhibe plus qu’elle ne joue, Robert Armstrong (tout juste sorti du rôle qui fit sa gloire : celui de Carl Denham, le producteur de King-Kong), Gertrude Michael et James Gleason sont excellents en vieux rusés qui s’en mettent plein les yeux en attendant de s’en mettre plein les poches. Gertrude Michael, elle, espère sans doute aussi s’en mettre plein autre chose puisque dans une scène stupéfiante d’audace au début du film, elle examine aux jumelles le maillot de bain bien moulé de Buster Crabbe en lançant une réplique d’une grivoiserie inédite dans un film en noir et blanc.
Search for Beauty propose aussi une longue séquence musicale dans l’avant-dernière partie du film : la centaine de vainqueurs du concours de beauté, filles et garçons, se lancent dans un numéro tout à la gloire de leurs corps, un numéro qui copie sans complexe les chorégraphies de Busby Berkeley (42nd Street venait de triompher l’année précédente) sans leur arriver, bien évidemment, à la cheville. En revanche, là-aussi, pour se rincer l’œil, et quelque soit son orientation sexuelle, on est servi ! Tous les figurants se retrouvent en maillot de bain sur scène à faire une sorte de panaché de danse et de gym qui permet aux caméras de les saisir sous toutes leurs coutures naturelles. Ce morceau, qui commence comme une scène de musical et semble donc plutôt inoffensif, se révèle plutôt subversif à la fin quand on se rend compte que le numéro est en fait un prétexte imaginé par nos trois entrepreneurs véreux pour présenter leur écurie à leurs clients rassemblés dans l’auditoire : chacun y choisit sa chacune (les vieux messieurs y repèrent leurs girls) et chacune y choisit son chacun (les veuves font leur choix de boys) avant de leur donner rendez-vous pour la soirée dans l’établissement de rencontre. Là encore, le culot de la scène est inouïe : il s’agit ni plus ni moins que d’un marché aux escorts (pour rester dans un vocabulaire décent). D’ailleurs, dans la scène qui suit et qui franchit un cran de plus dans l’audace, l’innocente Toby Wing se retrouve à danser en nuisette sur la table d’un salon privé au milieu d’une dizaine de types d’un certain âge qui n’en peuvent plus. L’esprit du spectateur s’échauffe en imaginant la suite… avant qu’Ida Lupino et Buster Crabbe, aidés de quelques athlètes, ne viennent voler au secours de l’ingénue.
Toutes ces scènes font l'originalité absolue de Search for Beauty. Mais le film tout entier n’est bien sûr pas uniquement composé de ces grands moments : une partie est consacrée aux dialogues des trois escrocs entre eux quand ils sont en train de monter leur plan, de Lupino et de Crabbe qui s’interrogent sur la galère dans laquelle ils se sont embarqués, des confrontations entre les personnages... Ces scènes-là, qui se passent principalement dans le bureau de Robert Armstrong, souffrent d’une mise en scène assez statique qui distille un léger ennui (encore que la scène où des vieilles filles engagées au comité de rédaction en tant que garantie morale se mettent à se pâmer devant la verdeur des articles soit hilarante et qu’on peut passer un bon moment à simplement regarder Buster Crabbe !). On sent bien que le réalisateur Erle C. Kenton, dont c’était presque le 100ème film et qui venait de réaliser le formidable Island of Lost Souls / L’Ile du Dr Moreau (1932) – à quand ce chef-d’oeuvre en DVD d’ailleurs ? – ne s’est pas trop cassé la tête pour elles et a préféré mettre le paquet sur les scènes épicées. Allez, on ne lui reprochera pas…
Tout rentrera dans l’ordre à la fin du film : Lupino et Crabbe jureront, mais un peu tard, qu’on ne les y prendra plus et le trio sans scrupule se retrouvera derrière les barreaux jusqu’à la prochaine fois. Il fallait bien que la morale fut sauve, après ce que les scénaristes lui avaient fait subir tout au long du film. Et on pouvait respirer ! Enfin, les ligues de vertus américaines ne durent pas facilement retrouver leur souffle après avoir vu Search for Beauty : la fameuse "Legion of Decency" (Dieu, comme j’aime le nom de cette organisation !), fondée en 1933, grimpa aux rideaux et exigea des multiples coupes sur les croupes et les dialogues à double-sens. Mais comme si on coupait quelque chose, il fallait pratiquement tout couper, le film fut rapidement retiré de l’affiche et les bobines rangées dans leurs boîtes jusqu’à leur résurrection récente par l’intermédiaire du DVD. Quelques semaines plus tard, le Code entrait en vigueur, implacable cette fois, et ce pour une durée de près de 35 ans...
De la nudité, du sexe, de la prostitution, du proxénétisme, de la pornographie et des sous-entendus en cascade : Search for Beauty offre un florilège de thématiques scabreuses qui réussissent encore à nous surprendre après plus de sept décennies. A la fois amusant, excitant et historiquement passionnant, le film est une sorte de catalogue de ce qu’un film Pre-Code pouvait oser. Ne manquent à l’appel que l’adultère (et encore, les clients du club de rencontre ne sont pas que des célibataires), le meurtre, la drogue et le blasphème : aucun film, comme personne, n’est parfait !
Baby Face avec Barbara Stanwyck ou I’m no Angel avec May West, deux célèbres films Pre-Code sortis en 1933, poussèrent un peu loin le bouchon de ce qui pouvait être montré ou suggéré à l’écran : dans leur cas, le sexe comme moyen d’élévation sociale ou comme instrument féministe. Search for Beauty, le film qui nous intéresse ici, est beaucoup moins connu que les deux titres précédents mais a pu récemment être redécouvert (pour la première fois depuis 1934) grâce à sa sortie dans le sympathique coffret Z1 Universal : "Pre-Code Hollywood Collection". Et pour une redécouverte, c’en est une ! De tous les films Pre-Code, c'est peut-être le plus (ou le moins selon qu'on l'entende au sens figuré ou propre) culotté. Il n’est pas difficile d’imaginer que c’est précisément à cause de tels films, et peut-être même de celui-là en particulier, que le Code de 1930 fut activé sans délai à l’été 1934, quatre mois après la sortie de Search for Beauty en salles.
Et, chose admirable, la portée sulfureuse de Search for Beauty, soixante-quinze ans après, reste toujours intacte. Jugez-en donc :
En 1932, deux escrocs tout juste sortis de prison (Robert Armstrong et Gertrude Michael) s’acoquinent avec un financier véreux (James Gleason) afin de racheter pour une bouchée de pain un magazine de culture physique en perte de vitesse et son centre de remise en forme associé. Ils veulent relancer le titre en orientant son contenu vers l'érotisme et le centre en le transformant en club de rencontre. Pour en assurer la publicité, ils engagent deux nageurs aux physiques irréprochables (interprétés par Buster Crabbe et Ida Lupino) qui viennent de participer aux Jeux Olympiques de Los Angeles. Evidemment, ils cachent à leurs recrues le genre de business qu’ils souhaitent développer : les deux athlètes s’investissent dans leur job, pensant travailler à la relance d’un magazine et d’un club de bien-être alors qu’ils font à leur insu la promotion d’un magazine porno et d’un bordel de luxe. Sur l'idée de Crabbe, un concours de beauté est organisé afin de trouver les plus belles filles et les plus beaux garçons du monde anglo-saxon : Crabbe et Lupino, propulsés membres du jury avec les trois compères, pensent recruter les jeunes beautés à des fins publicitaires, mais sont en fait en train d’aider à choisir sur le physique les futurs modèles dénudés du magazine et les pouliches et étalons de la maison de passe. Quand Ida Lupino commence à se douter que quelque chose de louche se trame, elle en fait part à Buster Crabbe, que Gertrude Michael se met à séduire afin de le faire passer dans son camp. Les tensions et les rivalités s’exacerbent alors que les jeunes beautés féminines et masculines arrivent pour participer au concours de perfection physique…
Et il s’agit, je vous le rappelle, d’un film de 1934 ! L’audace de ce scénario, même quand sait ce dont il parle avant de voir le film pour la première fois, ne cesse de surprendre tout au long des 80 minutes de projection : des athlètes recrutés sur concours par un trio d’escrocs pour poser nus et se prostituer, ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre une telle histoire pendant l’âge d’or du cinéma hollywoodien. Evidemment, rien n’est vraiment montré (et encore !) mais c’est plutôt dans la suggestion salace que Search for Beauty excelle. Comme dans cette scène où le trio infernal regarde des photos érotiques avec la caméra placée de telle manière qu’on ne peut qu’imaginer ce qu’ils regardent… et comme on l’imagine ! Cependant, au début du film, une scène dans les vestiaires olympiques présente brièvement mais franchement les athlètes aller aux douches dans leur plus simple appareil (je ne me souviens pas d’une autre scène avec autant de paires de fesses d'hommes dans un film d’avant les années… 1960 ? 1970 ?). Les femmes, elles, sont régulièrement filmées en maillots de bain et soutiens-gorge et dans des moments de déshabillage et de rhabillage. La préparation au concours est le prétexte à de multiples passages dans les salles de gym et piscines où les compétiteurs s’entraînent en shorts ou bikinis deux-pièces. Et tout cela, sous l’œil égrillard de Robert Armstrong, de Gertrude Michael et de James Gleason qui n’en perdent pas une miette… comme le spectateur d’ailleurs.
Il faut dire que le casting-director du film a su choisir ses figurants car les filles et les garçons correspondent bien à l’idéal de beauté physique du milieu des années 30 (un vrai concours de beauté avait même été organisé pour le casting des trente figurants principaux). C’est d’ailleurs amusant de voir comme celui-ci est éloigné de celui en vigueur de nos jours, soixante-quinze ans plus tard : les hommes y sont moins musclés et les femmes ont les hanches plus lourdes et les épaules plus étroites. Les coiffures, elles, sont évidemment d’un autre monde. Le seul comédien du film dont l’attrait physique semble avoir traversé les décennies sans aucune perte de sex-appeal est Buster Crabbe (1907-1983). L’acteur américain, âgé de 26 ans à l’époque du tournage et qui avait été champion olympique de natation en 1932, reste un splendide exemple de masculinité, en maillot de bain comme en costume-cravate. Deux ans après Search for Beauty, il allait s’engager dans le sérial Flash Gordon, qui devait lui assurer la célébrité universelle. La britannique Ida Lupino (1914-1995), 19 ans lors du tournage, est également très sexy mais sa jeunesse, sa coiffure blonde et ses nombreuses scènes déshabillées la rendent pratiquement méconnaissable (je dois avouer que je ne l’ai pas reconnue tout de suite même si je savais qu’elle jouait dans le film) : c’est très sympathique et émouvant de voir cette formidable actrice-réalisatrice débuter dans ce film olé-olé qui fut aussi son premier film américain. Une autre révélation est l’épatante Toby Wing (1915-2001), dans le rôle de la sœur d’Ida Lupino : si son nom est tombé aux oubliettes car elle a vite abandonné sa carrière au cinéma pour celle plus paisible de femme au foyer, le minois et le sourire espiègle de cette cover-girl des années 30 ne sont pas inconnus aux amateurs des films de Busby Berkeley, dont c’était la chorus-girl préférée. En contrepoint à toute cette insolente jeunesse qui s’exhibe plus qu’elle ne joue, Robert Armstrong (tout juste sorti du rôle qui fit sa gloire : celui de Carl Denham, le producteur de King-Kong), Gertrude Michael et James Gleason sont excellents en vieux rusés qui s’en mettent plein les yeux en attendant de s’en mettre plein les poches. Gertrude Michael, elle, espère sans doute aussi s’en mettre plein autre chose puisque dans une scène stupéfiante d’audace au début du film, elle examine aux jumelles le maillot de bain bien moulé de Buster Crabbe en lançant une réplique d’une grivoiserie inédite dans un film en noir et blanc.
Search for Beauty propose aussi une longue séquence musicale dans l’avant-dernière partie du film : la centaine de vainqueurs du concours de beauté, filles et garçons, se lancent dans un numéro tout à la gloire de leurs corps, un numéro qui copie sans complexe les chorégraphies de Busby Berkeley (42nd Street venait de triompher l’année précédente) sans leur arriver, bien évidemment, à la cheville. En revanche, là-aussi, pour se rincer l’œil, et quelque soit son orientation sexuelle, on est servi ! Tous les figurants se retrouvent en maillot de bain sur scène à faire une sorte de panaché de danse et de gym qui permet aux caméras de les saisir sous toutes leurs coutures naturelles. Ce morceau, qui commence comme une scène de musical et semble donc plutôt inoffensif, se révèle plutôt subversif à la fin quand on se rend compte que le numéro est en fait un prétexte imaginé par nos trois entrepreneurs véreux pour présenter leur écurie à leurs clients rassemblés dans l’auditoire : chacun y choisit sa chacune (les vieux messieurs y repèrent leurs girls) et chacune y choisit son chacun (les veuves font leur choix de boys) avant de leur donner rendez-vous pour la soirée dans l’établissement de rencontre. Là encore, le culot de la scène est inouïe : il s’agit ni plus ni moins que d’un marché aux escorts (pour rester dans un vocabulaire décent). D’ailleurs, dans la scène qui suit et qui franchit un cran de plus dans l’audace, l’innocente Toby Wing se retrouve à danser en nuisette sur la table d’un salon privé au milieu d’une dizaine de types d’un certain âge qui n’en peuvent plus. L’esprit du spectateur s’échauffe en imaginant la suite… avant qu’Ida Lupino et Buster Crabbe, aidés de quelques athlètes, ne viennent voler au secours de l’ingénue.
Toutes ces scènes font l'originalité absolue de Search for Beauty. Mais le film tout entier n’est bien sûr pas uniquement composé de ces grands moments : une partie est consacrée aux dialogues des trois escrocs entre eux quand ils sont en train de monter leur plan, de Lupino et de Crabbe qui s’interrogent sur la galère dans laquelle ils se sont embarqués, des confrontations entre les personnages... Ces scènes-là, qui se passent principalement dans le bureau de Robert Armstrong, souffrent d’une mise en scène assez statique qui distille un léger ennui (encore que la scène où des vieilles filles engagées au comité de rédaction en tant que garantie morale se mettent à se pâmer devant la verdeur des articles soit hilarante et qu’on peut passer un bon moment à simplement regarder Buster Crabbe !). On sent bien que le réalisateur Erle C. Kenton, dont c’était presque le 100ème film et qui venait de réaliser le formidable Island of Lost Souls / L’Ile du Dr Moreau (1932) – à quand ce chef-d’oeuvre en DVD d’ailleurs ? – ne s’est pas trop cassé la tête pour elles et a préféré mettre le paquet sur les scènes épicées. Allez, on ne lui reprochera pas…
Tout rentrera dans l’ordre à la fin du film : Lupino et Crabbe jureront, mais un peu tard, qu’on ne les y prendra plus et le trio sans scrupule se retrouvera derrière les barreaux jusqu’à la prochaine fois. Il fallait bien que la morale fut sauve, après ce que les scénaristes lui avaient fait subir tout au long du film. Et on pouvait respirer ! Enfin, les ligues de vertus américaines ne durent pas facilement retrouver leur souffle après avoir vu Search for Beauty : la fameuse "Legion of Decency" (Dieu, comme j’aime le nom de cette organisation !), fondée en 1933, grimpa aux rideaux et exigea des multiples coupes sur les croupes et les dialogues à double-sens. Mais comme si on coupait quelque chose, il fallait pratiquement tout couper, le film fut rapidement retiré de l’affiche et les bobines rangées dans leurs boîtes jusqu’à leur résurrection récente par l’intermédiaire du DVD. Quelques semaines plus tard, le Code entrait en vigueur, implacable cette fois, et ce pour une durée de près de 35 ans...
De la nudité, du sexe, de la prostitution, du proxénétisme, de la pornographie et des sous-entendus en cascade : Search for Beauty offre un florilège de thématiques scabreuses qui réussissent encore à nous surprendre après plus de sept décennies. A la fois amusant, excitant et historiquement passionnant, le film est une sorte de catalogue de ce qu’un film Pre-Code pouvait oser. Ne manquent à l’appel que l’adultère (et encore, les clients du club de rencontre ne sont pas que des célibataires), le meurtre, la drogue et le blasphème : aucun film, comme personne, n’est parfait !
Search for Beauty est disponible dans le coffret Z1 Universal : « Pre-Code Hollywood Collection ». La qualité de l’image et du sons sont très bons pour un film des années 30 et il y a des sous-titres français optionnels. Qu'on se le dise !
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