Qui était vraiment Albert Capellani ? Les notices biographies éditées jusqu'ici, les rares textes qui parlaient de lui, repris d'éléments fragmentaires et confus, fourmillaient d'erreurs dont les moindres n'étaient pas de faire de lui un ex-membre de la troupe de théâtre d'André Antoine ou de fusionner les moments de sa vie et de sa carrière avec ceux de son propre frère, l'acteur Paul Capellani (1877-1960).
Le livre de Christine Leteux, "Albert Capellani, cinéaste du romanesque", est une addition bienvenue à la courte bibliographie d'Albert Capellani. C'en est même désormais, à la lecture de son ouvrage, basé sur les informations et documents qu'elle a pu retrouver au fil de ses recherches sur l'homme et le cinéaste, la pierre angulaire. L'ouvrage est préfacé par Kevin Brownlow.
Elle y fait revivre Albert Cappelani depuis sa naissance boulevard Beaumarchais à Paris en 1874 jusqu'à sa mort boulevard Péreire en 1931. En racontant (brièvement, les documents sont très fragmentaires sur cette première partie de sa vie) les jeunes années du futur cinéaste, ses débuts professionnels comme employé de banque puis administrateur du Théâtre de l'Alhambra puis, et c'est bien sûr le coeur et la raison d'être du livre, sa carrière cinématographique en France et aux Etats-Unis (où il passa sept années entre 1915 et 1922).
Albert Capellani (1874-1931)
Présenté de façon chronologique, s'attardant ici sur les péripéties familiales de l'homme et de ses proches (dont son frère Paul, qui tourna souvent pour lui), là sur les films qui jalonnèrent sa carrière ("Notre-Dame-de-Paris" en 1911, "Les Misérables" en 1912, "Germinal" et "La Glu" en 1913, "La Vie de Bohème" en 1916, "The House of Mirth" en 1918, "Quatre-vingt-treize" en 1914-1921, "The Red Lantern" en 1919), là encore sur l'organisation et l'économie des sociétés de production avec lesquelles le réalisateur travailla des deux côtés de l'Atlantique (Pathé, SACGL, World Film Corporation, Metro, Albert Capellani Productions Inc...), l'ouvrage décrit avec une clarté remarquable le parcours de cet homme et de la nouvelle industrie artistique dont il fut sans aucun doute - on le réalise après avoir terminé le livre - l'un des personnages majeurs.
"Quatre-vingt-treize" (1914-1921)
La somme d'information contenue dans "Albert Capellani, cinéaste du romanesque" est impressionnante mais sa lecture n'est pas indigeste, tout au contraire. En mêlant habilement des documents d'archives, des éléments d'Etat-Civil, des coupures de presse, billets critiques et courriers de spectateurs de l'époque, des témoignages du petit-fils du réalisateur (qu'elle a rencontré) et des extraits de livres de souvenirs de certains de ses collaborateurs, des lettres inédites retrouvées à la Maison de Victor Hugo et à la BNF, Christine Leteux dresse un portrait en kaléidoscope d'Albert Capellani, de son oeuvre et de son temps. La solide connaissance du cinéma muet de l'auteur forme le liant de la narration : Christine Leteux sait que les intertitres les moins ampoulés sont les meilleurs et son style ne s'encombre pas d'effets, même si l'humour fait régulièrement une discrète percée : le livre se lit comme un roman d'aventures, avec ses héros, ses personnages secondaires, ses caractères de l'ombre. On se souviendra des lignes consacrées à Maurice Tourneur (contemporain et collègue de Capellani), à Clara Kimball Young ou à Alla Nazimova.
"Les Misérables" (1912)
"Albert Capellani, cinéaste du romanesque" de Christine Leteux redonne au réalisateur, après une longue éclipse, la place qui est la sienne dans l'histoire du cinéma : celle d'un des plus grands réalisateurs de son temps. Et donne une furieuse envie, après sa lecture, de découvrir les chefs-d'oeuvre préservés de ce créateur visionnaire. Un livre passionnant de bout en bout.
"Albert Capellani, cinéaste du romanesque" (La Tour Verte, 2013)
Le livre comprend une filmographie complète d'Albert Capellani (qui indique les films disponilbles en DVD ou visibles sur Internet).
Christine Leteux travaille dans la recherche en histoire du cinéma. Elle a récemment traduit en français deux ouvrages majeurs de Kevin Brownlow : "La Parade est passée..." (Institut Lumière Actes Sud, 2011) et "Napoléon, le grand classique d'Abel Gance" (Armand Colin, 2012). "Albert Capellani, cinéaste du romanesque" est son premier ouvrage personnel.
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