2 avril 2020

Films vus par moi(s): avril 2020


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

La couleur tombée du ciel / Color out of space (Richard Stanley, 2019) **
Une météorite tombée dans une propriété isolée ravage la famille qui l'habite. D'après Lovecraft, un film d'horror maîtrisé dans son rythme, sa production et ses effets qui évoque bien l'atmosphère d'angoisse métaphysique des romans de l'auteur. Nicolas Cage reste en retenue jusqu'à un certain point puis se lâche. On pense à "The Thing" et "The Mist" et si le film n'atteint pas leur niveau, il s'en approche. Du bon fantastique classique. BR US

Le voyageur de la Toussaint (Louis Daquin, 1943) *
Un jeune homme arrivé à La Rochelle pour hériter de son oncle fortuné récemment décédé doit affronter les notables de la ville. Une adaptation de Simenon assez ennuyeuse par manque de vision dans la mise en scène plate et le jeu monocorde de tristesse de Jean Desailly. Mais, tourné sous l'Occupation, les conditions ne devaient pas être idéales. Reste à savourer la présence autoritaire de Gabrielle Dorziat et de Jules Berry, magnifiques. BR FR

Théorème / Teorema (Pier Paolo Pasolini, 1968) ***
A Milan, un visiteur anonyme (Terence Stamp) est reçu dans une famille bourgeoise dont il séduit tous les membres, parents, enfants et bonne. Le sexe est le catalyseur de la vérité révélée de chaque être dans cette fable où les symboles et les métaphores autorisent de multiples interprétations. Brûlot anti-bourgeois ou parabole chrétienne (ou les deux à la fois), le film est radical dans le fond et esthétique dans la forme. Le casting est parfait. BR FR

Green Book (Peter Farrelly, 2018) **
En 1962, un italo-américain du Bronx est engagé comme chauffeur par un pianiste noir (Mahershala Ali, formidable) qui descend en tournée dans le Sud des USA. Après un début calamiteux et le doute d'un Viggo Mortensen à l'accent rital, le film décolle dès que les deux hommes dépareillés montent dans la voiture. Le road-movie qui suit raconte l'absurdité révoltante de la Ségrégation et la naissance d'une improbable amitié. Feel-bad et feel-good. BR BE

Au revoir là-haut (Albert Dupontel, 2017) *
Au début des Années 20, deux ex-soldats montent une arnaque aux Monuments aux Morts. Le jeu des acteurs (notamment Nahuel Pérez Biscayart et Niels Arestrup), les merveilleux masques qui cachent la gueule cassée du jeune artiste-escroc et une scène bouleversante entre un père et son fils auraient pu me faire aimer ce film. Mais la chichiterie de la mise en scène basée sur des plongées et contreplongées m'a insupporté. BR FR

Black Panther (Ryan Coogler, 2018) NS
J'ai arrêté le film au bout de 10' après avoir subi une hideuse séquence d'intro grisâtre en CGI, le logogénérique Marvel après la première séquence narrative (un procédé pour moi rédhibitoire) et les personnages qui utilisent les arts martiaux pour la première scène de baston. Du cinéma que je déteste. Je le regrette parce que je voulais voir ce que ce film avait à dire du point de vue sociétal et politique. Peut-être que je retenterai un jour. BR FR

Le colocataire / Un rubio / The blonde one (Marco Berger, 2019) **
Dans un appartement de Buenos Aires, deux colocataires sont attirés l'un par l'autre. Evacuant les péripéties pour se concentrer sur les silences, les regards et les gestes, le film affiche un intimisme forcené mais captivant par la mise en scène en chorégraphie exploratoire du désir. Le tension psychologique et sexuelle générée est à couper au couteau, portée par l'interprétation sensible de Gaston Re et Alfonso Baron. La fin est superbe. DVD Z2 UK

La Sorcellerie à travers les âges / Häxan (Benjamin Christensen, 1922) ***
Un docufiction muet sur les sorcières à la fin du Moyen Age. Etonnant dans sa forme (une conférence à partir de gravures qui se transforme en film à acteurs puis passe à l'époque contemporaine), ce brûlot progressiste et anticlérical sur les outrages faits aux femmes accumule les idées de mise en scène et les images marquantes de personnages, de créatures et de décors en clair-obscur. Baroque et politique, c'est une oeuvre complètement unique. BR US

Okja (Bong Joon-Ho, 2017) **
Une adolescente qui s'est liée d'amitié avec un cochon hybride géant (une étonnante créature CGI, très réussie) qu'elle élève dans la montagne coréenne le suit à New York quand il est enlevé par une multinationale agroalimentaire. Derrière le film à sentiment du début apparaît vite une charge virulente sur la violence de l'élevage industriel et du capitalisme fou. Sur une structure proche de King Kong, une fable militante très efficace. Netflix

All my life (Bruce Baillie, 1966) ***
Un panoramique ininterrompu sur une clôture de jardin entre terre et ciel sur la chanson "All my life" par Ella Fitzgerald. Ce très court-métrage expérimental d'une extrême simplicité réussit à procurer en 2'50 un exaltant sentiment du bonheur de l'été et du miracle de la Nature, l'essence de la Vie. Le vert et le jaune des herbes, le rouge des roses, le bleu azur, la brise dans les feuillages et la voix berçante d'Ella s'accordent et rendent heureux.  YouTube

Le glaive et la balance (André Cayatte, 1963) **
L'enfant d'une riche résidente du Cap d'Antibes est enlevé et tué par deux hommes anonymes que la police poursuit mais arrête en compagnie d'un troisième. Lequel est innocent ? Sur cette intrigue astucieuse, un film à message sur la complexité morale d'un procès d'assises. Le point de vue sur la jeunesse de 1962 a vieilli mais les questions soulevées, l'étonnante galerie de personnages dévoyés et le casting sont assez prenants. BR FR

La Nuit Américaine (François Truffaut, 1973) ***
Aux Studios de la Victorine de Nice, un réalisateur (Truffaut lui-même) qui tourne un film doit composer avec les aspects techniques et artistiques et la vie privée de son équipe. Ponctué des envolées lyriques de la musique Georges Delerue, une oeuvre généreuse qui évoque avec tendresse le travail de fabrication d'un film et dresse un autoportrait de Truffaut, créateur et sujet. Pédagogique, dynamique et humain, un film vraiment attachant. BR FR

Heureux comme Lazzaro / Lazzaro felice (Alice Rohrwacher, 2018) *** 
Alors qu'il travaille en quasi esclavage avec sa communauté paysanne sur une propriété décrépite, un jeune homme pur, bon et naïf (un bouleversant Adriano Tardiolo) se retrouve propulsé chez les zonards de Turin. Le film est bien plus que ce résumé, une parabole élégiaque filmée (mais pas du tout construite) de façon néo-réaliste. L'influence de Pasolini est évidente mais n'enlève rien au ton profondément original. Et quel beau final ! DVD Z2 UK

Léon Morin, prêtre (Jean-Pierre Melville, 1961) ***
Pendant l'Occupation, une veuve libre penseuse entreprend un chemin de conscience avec un jeune prêtre beau et brillant qui la déstabilise. La raison et la Grâce, le désir et la Foi sont les sujets ambitieux de ce film étonnant à tout point de vue dans ses personnages, ses dialogues, sa mise en scène, son humour subtil et son message final. Emmanuelle Riva et Jean-Paul Belmondo sont incroyables. Un chef-d'oeuvre subversivement chrétien. BR US

Swinging Safari (Stephan Elliott, 2018) 0
L'été 1975 de trois familles voisines d'une station balnéaire australienne alors qu'une baleine morte s'est échouée sur la plage. Une comédie qui a des moments amusants dans les rapports entre les personnages mais qui essaye trop consciencieusement de faire cool, régressif et décalé. Le scénario ne semble qu'une ébauche, bâti sur les accessoires, les tenues et les couleurs d'époque. Les parodies des 70s sont vraiment casse-gueule. BR DE

Polyester (John Waters, 1981) ***
Dans la banlieue pavillonnaire de Baltimore, une femme au foyer obèse est submergée des problèmes causés par son mari, ses enfants et sa mère. Le passage de John Waters au grand public reste une formidable comédie qui ose les tabous en manoeuvrant entre subversion, rigolade et outrance. Le casting de poids lourds est d'enfer : Divine en Elizabeth Taylor sous Valium, Tab Hunter en vieux beau, Edith Massey qui vole la vedette à tous... BR UK

The man in the glass booth (Arthur Hiller, 1975) **
Arthur Goldman, un riche juif de New York, est enlevé par le Mossad pour être jugé en Israël, qui l'accuse d'être Adolf Dorf, un ancien commandant nazi du camp de Mauthausen. Sur ce sujet plutôt délirant tiré d'un pièce de Robert Shaw (l'acteur de Jaws), un film théâtral mais dynamique sur le complexe de culpabilité porté par l'interprétation outrancièrement extravertie (c'en est amusant) de Maximilian Schell. A prendre avec des pincettes. BR US

Les aventures du Prince Ahmed / Die Abenteuer des Prinzen Achmed (Lotte Reiniger, 1926) ***
Un méchant mage donne un cheval volant à un prince arabe qui se retrouve emporté vers des aventures dans des pays lointains. Réalisé en ombres chinoises à partir de silhouettes et de décors animés, ce chef-d'oeuvre de l'animation (peut-être le premier) est une merveille visuelle dont la délicatesse, la beauté et l'expressivité sont de chaque plan. Un film pionnier, une histoire en conte exotique et un graphisme à la grâce toute Art Déco. BR DE  

Grâce à Dieu (François Ozon, 2019) ***
De 2014 à 2016 à Lyon, quelques hommes adultes se mobilisent et portent plainte contre le prêtre pédophile qui les a abusés enfants. Le début des Affaires Preynat et Barbarin est raconté, entièrement du point de vue des victimes, dans ce film puissant d'émotions qui évite tout sensationnalisme pour s'attacher aux personnalités des protagonistes et à leurs dynamiques de résilience, de justice ou de déni. Rien n'est assené et ça, c'est fort. BR FR

Padmaavat (Sanjay Leela Bhansali, 2018) ***
Au Rajahstan en 1303, un sultan attaque la forteresse d'un maharadjah pour conquérir l'épouse de celui-ci. Le lyrique et l'épique atteignent des sommets dans cette superproduction bollywoodienne adaptée d'un poème traditionnel indien. Le dynamisme de la mise en scène, les décors grandioses, les costumes chatoyants, le charisme des acteurs et les archétypes portés à ébullition s'accordent pour créer un spectacle pur. J'en redemande. BR FR   

Mes Provinciales (Jean-Paul Civeyrac, 2018) ***
Monté à Paris faire une fac de cinéma, un Lyonnais fait des rencontres qui mettent à l'épreuve sa mélancolie profonde. D'esprit vraiment littéraire et revendiqué comme tel, un drame intimiste sur les déterminations et les désillusions de la jeunesse qui peut sembler poseur au début mais dont l'humanité sincère se révèle peu à peu, portée par un attachant casting. Le ton si particulier en fait une oeuvre d'un original anachronisme. Touché. DVD Z2 FR

Blue jeans / Blue denim (Philip Dunne, 1959) *
Un lycéen met enceinte sa petite amie et ils paniquent face au probable scandale. Tiré d'une pièce, bavard et mis en scène platement, ce film à thème reste un précurseur sur le sujet tabou du sexe avant-mariage des adolescents et de l'avortement (le mot n'est pas prononcé), au cinéma et dans la société américaine de la fin des Fifties. Brandon de Wilde et Carol Lynley se sortent assez bien de leurs rôles de jeunes amoureux empêtrés. BR US

Sam Whisky le dur / Sam Whiskey (Arnold Laven, 1969) **
Manipulé par une veuve aguicheuse (Angie Dickinson), un baroudeur (Burt Reynolds) aidé de deux acolytes (Ossie Davis et Clint Walker) courent après des lingots d'or. Ce petit western de comédie et d'aventures futile et léger comme tout ne repose que sur ses acteurs, leur capital de sympathie et leur charisme physique. Ils ont l'air de prendre du bon temps et le communiquent au spectateur. Un film mineur qui est une sorte de définition du cool. BR DE

4 commentaires:

  1. Ravi de voir que tu aimes le Melville, on ne retient souvent que ces polars et pour de bonnes raisons mais il a signé nombre de grands films qui n'ont rien à voir avec le genre.

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    1. C'est vrai, d'ailleurs ses films en dehors du polar (que j'adore aussi) sont mes préférés.

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