5 octobre 2023

Films vus par moi(s): octobre 2023


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

Gothic (Ken Russell, 1987) **
En 1816 dans une villa du Lac Léman, la nuit mouvementée au cours de laquelle Mary Shelley à l'idée de son "Frankenstein". Seuls le décor et les costumes sont historiques, tout le reste est du Ken Russell craché : de hystérie généralisée, du tabou et de mémorables compositions visuelles inspirées du Romantisme noir comme du Surréalisme. Le tout en étant immanquablement Eighties. Avec Natasha Richardson, Gabriel Byrne en Lord Byron et Julian Sands en Percy Shelley. BR FR

Bardot (Danièle Thompson & Christopher Thompson, 2023) *
Mini-série en 6 épisodes sur la vie de Brigitte Bardot de ses 15 ans à ses 26 ans. Soit son ascension professionnelle jusqu'à "La Vérité" en 1960. Ça, c'est l'alibi parce que l'ensemble n'aborde que son rapport avec ses hommes (Vadim, Trintignant, Bécaud, Charrier, Frey...) en dressant le portrait monolithique d'une jeune femme instable et totalement auto-centrée. Le casting est bon mais comme la réalisation est passe-partout, le sentiment de répétition finit par lasser. Netflix  

The Great Buster (Peter Bogdanovich, 2018) **
Documentaire sur la vie et l'oeuvre de Buster Keaton. Ce sont les images d'archives rares - notamment l'enfance sur les planches et l'après-gloire - et le plaisir de revoir les extraits des moments les plus mémorables des courts et des longs métrages de Keaton qui font la valeur du film, plutôt que les témoignages des quelques personnalités (dont Tarantino et Knoxville...) qui n'ont pas grand chose à dire. Le portrait d'un génie qui a aussi du être un homme bien. BR FR

La conférence / Die Wannseekonferenz (Matti Geschonneck, 2021) ***
Le matin du 20 janvier 1942 dans une villa bourgeoise du lac de Wannsee, Reinhard Heydrich convoque quatorze administrateurs nazis pour officialiser la mise en place de la Solution Finale. D'après le procès-verbal retrouvé de la réunion, cette reconstitution en temps réel de l'événement est un violent rappel d'histoire et un film à la tension éprouvante dont les dialogues glaçants sont portés par une réalisation et une interprétation sans faille. Du monstre de l'idéologie. BR FR

Un homme est mort (Jacques Deray, 1972) ***
Venu à L.A. tuer sur contrat un milliardaire mafieux, un Français est lui-même chassé par un tueur à gages. Dans un rôle d'introverti plongé en terrain inconnu, Jean-Louis Trintignant parle peu et mal anglais face à Roy Scheider, Ann-Margret et Angie Dickinson et c'est assez fascinant. La violence sèche du thriller est tempérée par des respirations bien françaises qui permettent d'observer la ville au début des 70s : un Los Angeles disparu qui se révèle être la véritable vedette du film. BR FR  

L'oiseau bleu / The blue bird (Maurice Tourneur, 1918) ***
Deux enfants partis à la recherche de l'oiseau bleu du bonheur font des rencontres improbables. D'après Maeterlinck, une féérie morale où on croise le feu, l'eau, le sucre et le pain personnifiés, des enfants morts et d'autres pas encore nés, des ombres chinoises et des émules d'Isadora Duncan. Les images superbes comme la charge poétique qui se dégage doivent beaucoup au Symbolisme et l'adresse au spectateur finale est aussi inattendue qu'efficace. Un film muet particulièrement original. Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, Paris   

Les amours enchantées / The wonderful world of the Brothers Grimm (Henry Levin & George Pal, 1962) **
Vers 1810 en Allemagne, alors que Jacob Grimm (Karl Boehm) travaille sur des ouvrages linguistiques, son frère Wilhelm (Lawrence Harvey) s'intéresse aux contes populaires de la région. Très romancée, la vie des deux frères est parsemée de trois contes - avec une princesse danseuse, des pantins vivants et un dragon - et rien n'a vraiment d'intérêt. Mais le film a été tourné en Cinerama et en Technicolor et la  restauration récente en fait une expérience visuelle extraordinaire. BR US / vu en format  Smilebox   

Broadway Melody / The Broadway Melody (Harry Beaumont, 1929) **
Deux soeurs artistes - Anita Page et Bessie Love, formidables - engagées à Broadway réagissent différemment au contact de son microcosme. Le premier vrai Musical du cinéma américain semble parfois déjà vu parce qu'il est précisément à la source du style et des clichés qui définissent le genre. Le backstage, les répétitions, la compétition, la romance, les numéros musicaux... tout y est. L'histoire est un peu légère mais le film se tient bien et reste un jalon historique indéniable. BR  US

Vie privée (Louis Malle, 1962) **
Une star de cinéma fait un break dans sa carrière qui lui est devenue insupportable. Dans une mise en abyme incroyable pour l'époque, Brigitte Bardot joue Bardot dans ce drame à la réalisation assurée - découpage sec, fondus enchaînés et voix synchronisées - qui scrute de l'intérieur les tourments de l'actrice harcelée par les paparazzis. Malgré quelques longueurs, le résultat est fascinant. Brigitte Bardot, au sens propre du terme, est fidèle à elle-même : forcément sublime. BR FR

La sorcière / The mystic (Tod Browning, 1925) **
Repérée dans une fête foraine par un escroc mondain, une voyante le suit à New York pour plumer une riche héritière. Centré autour d'une spectaculaire séance dans la haute société, un rare Browning d'arnaque et de sentiment qui passe du monde des roulottes à celui des hôtels de luxe et ose une fin sans jugement. Les personnages sont bien construits et interprétés et le film, muet, bénéficie d'un nouvel accompagnement musico-bruité vraiment excellent. BR US 

The Green Knight (David Lowery, 2021) 0
Un chevalier de la Table Ronde fait un voyage périlleux pour retrouver un géant végétal qui lui a donné rendez-vous un an après s'être fait décapiter par lui au cours d'un défi. D'après un épisode Arthurien, un assoupissant navet d'une prétention de chaque instant où les personnages inclusif.ve.s chuchotent des sentences sur une B.O. de chants grégoriens. Fabriqué et sans aucune âme, une sorte du pire du cinéma d'auteur auto-proclamé. BR DE

Beau is afraid (Ari Aster, 2023) **
Paralysé par ses angoisses, un quinquagénaire tente de rendre visite à sa mère et rencontre de multiples obstacles. Le pitch est réducteur, le film étant une plongée dans les névroses de son personnage et des situations et visions, réelles et imaginaires, qui l'assaillent. C'est original et boursouflé et, sur trois heures, bien trop long mais on peut y trouver matière à réflexion et Joaquin Phoenix assure encore une performance dérangeante d'intensité. BR FR  

La cible / Targets (Peter Bogdanovich, 1968) **
A Los Angeles, alors qu'une ancienne gloire de l'horror des 30s - Boris Karloff formidable dans son dernier film - envisage de mettre un terme à sa carrière, un jeune homme s'arme et tire sur des inconnus. Sec et laissé ouvert, un passionnant film de transition entre le Hollywood ancien et nouveau autant niveau de la forme - la mise en scène moderne - que du fond - le fait divers comme horror réelle. Vu à distance, l'aspect prémonitoire en renforce le propos. BR FR

Mad God (Phil Tippett, 2021) **
Un para-militaire masqué descend dans un abysse apocalyptique grouillant de monstres et de mutants. L'histoire confuse n'a pas grande importance, l'intérêt du film reposant sur ses images de cauchemar et son univers imaginaire dégoulinant. Et surtout sur son usage sensationnel de la technique obsolète du stop-motion, dont Tippett est un maître depuis RoboCop. Au final, on ne sait pas très bien ce qu'on a vu mais on sait qu'on n'a rien vu de pareil. Un exercice de style étonnant. BR FR

La fureur de l'or noir / High, wide and handsome (Rouben Mamoulian, 1937) **
En 1859, des fermiers de Pennsylvanie qui ont trouvé du pétrole sont harcelés par un homme d'affaires qui veut s'en emparer. Irene Dunne trille en soprano dans ce musical oublié de Kern et Hammerstein qui est bien plus intéressant pour le sujet de fond - le capitalisme galopant - que pour l'opérette, assez fade. Mais on ne s'ennuie pas et il y un message.  De plus les décors, la mise en scène dynamique, la photographie et Randolph Scott sont superbes. BR US

Gens de Dublin / The dead (John Huston, 1987) ***
En 1904 à Dublin, deux vieilles soeurs invitent chez elles quelques convives habituels à leur dîner de l'Epiphanie. Très vite, on se prend à aimer chacun de ces personnages - inoubliables - avec leurs manières et leurs fêlures et on est avec eux pour cette soirée qui, comme le jeune homme évoqué à la fin, s'estompera dans la neige de temps qui passe. D'après James Joyce, le dernier film de John Huston est d'une beauté mélancolique touchée par la grâce. BR FR

Saratoga (Jack Conway, 1937) **
Un bookmaker tombe amoureux de l'héritière d'un élevage de chevaux de courses fiancée à un trader de New York. Dans le contexte - rare au cinéma - du milieu hippique, une comédie romantique assez bavarde qui étincelle par le casting, dont Hattie McDaniel, Una Merkel et bien sûr Clark Gable, charismatique en diable. Mais le film est poignant à cause de Jean Harlow, visiblement fatiguée, qui est morte pendant le tournage, à 26 ans. Une doublure de dos la remplace pour quelques scènes. BR US

Le livre de la jungle / The jungle book (Wolfgang Reitherman, 1967) ***
Aux Indes, les jours d'un garçon adopté par une panthère et un ours. Oui, la séquence des éléphants est un peu longue et l'histoire un peu plate mais quelle merveille ce Disney. Des splendides images du générique au beau final près du village, des personnalisations vocales aux immortels morceaux musicaux ("The bare necessities", "I wanna be like you"...), la magie opère à chaque fois, tous les dix ans environ. Un film qui m'est très cher : mon premier vu au cinéma. BR UK

6 commentaires:

  1. Salut Tom,

    Pour info et après confirmation pour y être passé hier après-midi (même si je le pressentais), la librairie Gilda, 36 rue des Bourdonnais Paris 1er, ferme définitivement ses portes aujourd'hui, le 31/10.
    L'ensemble de la boutique affiche une réduction de -50% sur la totalité des articles (livres, disques, magazines, dvd, VHS, etc). Après avoir échangé quelques mots avec le patron celui-ci précisait qu'aucune personne n'avait été intéressée par la reprise du bail et du local. Il n'y a donc jamais eu de proposition depuis 3 ans au moment où le bail était affiché "à céder".

    Un mélange de soulagement et de tristesse l'animait : celle de remercier les fidèles clients et celle de tirer un trait sur cette activité, tout du moins dans cette boutique, car il semblerait qu'il ne parte pas complètement à la retraite même si Gilda ferme.

    Bon, c'est une nouvelle page qui se tourne et l'idée d'une chronique qui vient. La première fois que j'y suis allé c'était en 2001 je crois, et la dernière, 22 ans plus tard. De belles, voire très belles occasions, des VHS parfois rares, des bacs en cascades, des trucs sortis de nulle part, une trouvaille parfois incroyable qui arrive comme ça, des choses plus banales aussi.

    Un petit pincement, définitivement, car c'était un endroit où l'on pouvait acheter du support physique, ce qui à mes yeux est essentiel. Je n'imagine pas Gilda en dématérialisé par exemple. Si tu comptes y faire un tour, c'est la dernière occasion avant 19h ce soir.

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    1. Salut Jordan,
      Je ne savais pas que Gilda allait fermer finalement, après quelques années de ralentissement. Oui c'est une page qui se tourne, j'ai du y aller pour la première fois dans les années 90. C'est vrai qu'on y trouvait des trucs super, notamment des VHS, des CD de musiques de film, des BD et des livres de cinéma et d'art. J'en ai acheté des dizaines et des dizaines. Ca sera sans doute remplacé par un bar qui sera un temps à la mode... Merci pour l'info.

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  2. Je suis très étonnée parce que j'avais énormément aimé "The Green Knight", c'était un de mes gros coup de cœur de l'an dernier, pour : la beauté incroyable des images, la fidélité à l'étrangeté des légendes arthuriennes avec leurs symboles omniprésents, l'interprétation de Dev Patel.... Je n'ai pas remarqué de problèmes de chuchotements, en plus, tu l'as vu en VF ? Quant à l'aspect inclusif.ve, je ne vois pas à quoi tu fais allusion (mais je l'ai vu il y a plus d'un an, je pense).

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    1. C'est l'artificialité calculée de l'ensemble qui m'a vraiment déplu dans The Green Knight avec chaque plan composé en tableau, les dialogues en sentences, etc... Bref, l'affectation du scénario et de la mise en image. Et les acteurs parlent à voix basse et caverneuse la plupart du temps, comme s'ils avaient des secrets à révéler, sans doute pour amplifier l'aspect légendaire du récit. L'inclusivité, c'est de mettre des personnages de tous types à la cour du Roi Arthur pour cocher les cases du PC, ce qui n'a pas de sens dans le contexte historique du film. Pour tout ca, j'ai trouvé le film terriblement calculateur et putassier. Mon avis perso bien sûr.

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    2. Ah ok. Moi, je me suis habituée à voir des acteurs d'origines diverses grâce à la BBC (The Hollow Crown, par exemple). Dommage que ça t'énerve tellement. Après j'ai cru comprendre que ta spécialité, et ce que tu apprécies, c'est plutôt les films anciens. Merci de tes avis !

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    3. Pour les sujets historiques révisionnés, oui ça m'énerve. Vieux jeu, sans doute. Quant aux films anciens, c'est vrai que j'en regarde plus et suis moins souvent déçu qu'avec les récents peut-être parce que le tri a déjà été fait avec le temps... PS : je ne connaissais pas The Hollow Crown mais ca m'a l'air pas mal du tout ! ;)

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