*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas
La coupe à 10 francs (Philippe Condroyer, 1974) ***
Dans un village de l'Oise, cinq copains employés en ébénisterie sont menacés de renvoi par leur patron s'ils ne se coupent pas les cheveux, trop longs à son idée. Assez proche de Bresson, un film social d'une colère froide sur les humiliations de classe et de statut à travers le portrait d'un jeune homme épris de liberté que son milieu lui refuse. Didier Sauvegrain est bouleversant dans ce rôle fondamentalement romantique sur décor d'une France ouvrière qui courbe l'échine en criant. BR FR
La vie de château (Modi Barry & Cédric Ido, 2017) **
Au métro "Château d'Eau" à Paris, deux clans de rabatteurs de salons de coiffure africains s'affrontent en business. Sape, tchatche et embrouilles dans ce petit film tendre et sympathique comme tout qui, entièrement tourné dans le quartier du boulevard de Strasbourg, plonge le spectateur dans un univers multiculturel pétulant peu exploré au cinéma. Le scénario limité permet aux acteurs - tous formidables, Jacky Ido en tête - de laisser leur présence à l'écran éclater. Très chouette. DVD Z2 FR
La zone d'intérêt / The zone of interest (Jonathan Glazer, 2023) NSP
Séparée d'Auschwitz I par un mur, une propriété avec jardin et piscine est la résidence de fonction de Rudolf Höss - le commandant du camp - et de sa famille. Restant quasiment toujours dans ce décor bourgeois, la vie quotidienne des Höss et de leur personnel est scrutée avec une froideur de médecin- légiste sous une bande sonore qui évoque l'horreur derrière le mur. Malgré le thème excellent et les acteurs impeccables, j'ai trop senti l'exercice de style de la mise en scène pour être vraiment convaincu. BR FR
Du côté de Robinson (Jean Eustache, 1963) **
Deux marlous rencontrent une jeune femme à Pigalle. Ils décident ensemble d'aller au bal. Un court-métrage de 40' tourné dans les cafés, rues et boîtes de Place Clichy, Pigalle et Montmartre autour de trois personnages pas vraiment sympathiques - ils en sont plus intéressants - dont deux veulent baiser et une danser. Vu aujourd'hui, c'est le Paris de 1963 qui est la plus-value mais la goujaterie des deux types est mémorable aussi. Dans quelques plans, la caméra à l'épaule écoeure. BR FR
Sailor & Lula / Wild at heart (David Lynch, 1990) **
Un gibier de prison et sa copine délurée (Nicolas Cage et Laura Dern, parfaits) qui vivent une passion amoureuse et sexuelle filent en voiture vers la Californie, poursuivis par deux tueurs engagés par la mère de la fille. Ils rencontrent sur le chemin des individus bien plus frappés qu'eux. Le casting de personnalités et de gueules (William Dafoe...) et le regard surréaliste de Lynch sur une Amérique paumée mais mythique font tout le sel de ce road movie plus tendre et "classique" que ses classiques. BR FR
La lettre / The letter (William Wyler, 1940) ***
Dans la moiteur du Singapour britannique, une expatriée tue un ami au revolver. Son mari et leur avocat l'accompagnent jusqu'au procès. D'après Somerset Maugham, un mélo noir magistral, tourné dans l'artifice d'un studio de la Warner. Époque oblige, les stéréotypes pullulent, intégrés à l'histoire comme le jeune clerc fourbe asiatique et Gale Sondergaard, inoubliable en veuve métissée. Dans son incarnation d'une manipulatrice aux prises avec ses mensonges, Bette Davis est magnétique. BR US
À la recherche de Mr. Goodbar / Looking for Mr. Goodbar (Richard Brooks, 1977) ***
Bridée par sa famille catholique, une institutrice d'enfants sourds-muets fréquente les bars new-yorkais à la recherche de sexe et d'un éventuel compagnon. Choc à sa sortie et quasiment invisible depuis, un film radical sur le désir féminin et la limite sexe/amour qui semble hésiter entre respect et condamnation, pendant une épée de Damoclès au dessus du personnage de Diane Keaton, formidablement complexe. La séquence finale reste un morceau de bravoure et d'ambiguïté des 70s. DVD Z2 ES
Les chambres rouges (Pascal Plante, 2023) ***
A Montréal, deux jeunes femmes obsédées par un tueur en série vont chaque jour à son procès aux assises. Porté par le jeu glacial de Juliette Gariépy, un film hanté qui explore le sujet - inédit ? - des fans des monstres criminels sans porter de jugement mais en tournant autour de leur psyché. Au-delà de ce premier thème, un second apparaît, aussi glaçant : les abysses du Darknet. Tout cela sans aucune violence montrée, la suggestion ouvrant la porte à l'imaginaire. C'est difficile à refermer. BR FR
Sans jamais nous connaître / All of us strangers (Andrew Haigh, 2023) ***
Dans une tour d'habitation londonienne, deux voisins solitaires (Andrew Scott et Paul Mescal) attirés l'un par l'autre s'essayent à une relation. Un drame sur le ravage des traumas non traités où, comme à son habitude, Haigh excelle dans la peinture des possibles refoulés. Le fantastique des rencontres avec les fantômes des années 80 - et la B.O. d'époque - peut parler à tout le monde, gays bien sûr mais pas que. L'un des films les plus sensibles, tristes et désespérés de récente mémoire. BR FR
Je suis : Céline Dion / I am : Céline Dion (Irene Taylor Brodsky, 2024) ***
Depuis sa maison de Las Vegas, Céline Dion montre à ses fans et aux autres que ça peut intéresser ou toucher son quotidien de malade du Stiff Person Syndrome (SPS), qui a réorienté sa vie vers l'isolement et les soins, loin des studios et des stades. La détermination et le courage qu'il a fallu à la superstar pour se lancer dans ce projet intime - dont je ne vois pas d'équivalent à l'écran - ne peuvent être que salués. Avec des larmes mais sans complainte, l'histoire d'un corps et d'une voix qui flanchent. Amazon Prime
La chevauchée de la mort / The Johnstown Flood (Irving Cummings, 1926) **
En 1889, un industriel du bois refuse de consolider un barrage menacé par des pluies torrentielles. D'après la tragédie de Johnstown en Pennsylvanie, un film catastrophe de la fin du muet qui porte un regard sévère sur le capitalisme et met en valeur ses trois stars (George O'Brien, Florence Gilbert et Janet Gaynor dans son premier grand rôle) dans un conflit sentimental, avant de lâcher les vannes avec l'inondation. Ses effets spéciaux ont marqué une date et restent impressionnants. BR US
Boom! (Joseph Losey, 1968) ***
Recluse sur son île italienne, une multiveuve milliardaire hystérique accueille un type mystérieux surnommé L'Ange de la Mort. Une incroyable folie de scénariste (Tennessee Williams), de réalisateur et d'acteurs qui mise tout sur le couple scandaleux Elizabeth Taylor-Richard Burton (et leurs diamants) lâché dans l'extravagance et l'outrance du jeu, du décor et des costumes. Tout est too much et interloquant : Boom! est peut-être, tout bien considéré, le film camp par excellence. J'ai adoré. BR US
A la limite du cauchemar / Butcher, baker, nightmare maker / Night warning (William Asher, 1981) **
Elevé seul par sa tante depuis la mort accidentelle de ses parents, un lycéen de 17 ans déclenche la folie meurtrière de celle-ci quand il lui annonce qu'il part en campus universitaire. Un film d'horror à la fois typique et atypique des 80s : typique par le style visuel et le gore carmin mais atypique par les thèmes explorés d'Oedipe, de l'inceste et de l'homophobie. Il en résulte un classique du genre, trop méconnu. Dans un rôle de psychotique qui lui va comme un gant, Susan Tyrrell est géniale. BR ES
Ivanhoé / Ivanhoe (Richard Thorpe, 1952) ***
Le fils (Robert Taylor) d'un Saxon ennemi des Normands veut rétablir sur le trône anglais Richard Coeur de Lion, dont le frère Jean Sans Terre occupe la place. D'après Walter Scott, un exaltant film d'aventures dont la composition des plans et le Technicolor sublime rendent hommage aux enluminures, comme rendues vivantes. Pas de temps mort, des séquences d'action formidables et un duo amical entre deux femmes - la Saxonne et la Juive - très touchant. Et quel casting ! BR ES
Casa Susanna (Sébastien Lifshitz, 2022) ***
Entre 1955 et 1965, Marie Valenti et son époux Tito/Susanna font de leurs propriétés Chevalier d'Eon puis Casa Susanna un havre paisible et amical pour des hommes hétérosexuels qui aiment se travestir en femme. Autour de photos trouvées dans une brocante, l'étonnante histoire de cette communauté - illégale à l'époque - des Catskills où la non-binarité n'était pas questionnée mais vécue. Des décennies plus tard, deux habitué.e.s des lieux se souviennent. Un documentaire fier et bouleversant. ARTE
La venue de Céline Dion pour la Cérémonie de Clôture des JO avait été cachée jusqu'à la dernière minute, en tout cas il y avait des rumeurs de venue ou non venue de possibilité d'annulation à la dernière minute, bref on ne savait pas très bien. Et ça été l'enclencheur d'une Olympiade exceptionnelle à tous points de vue, avec des athlètes sublimes, des records, des médailles, une liesse populaire incroyable.
RépondreSupprimerEt la voir sur scène interpréter du Piaf a été un grand moment d'émotion, un moment de résilience pour celle qui ne devait peut-être plus chanter du tout. Sait-on jamais si cela lui a permis d'avoir un déclic et peut-être de revenir. Un moment suspendu.
"Les chambres Rouges" effectivement en ai entendu beaucoup de bien. Le dispositif et le sujet sont originaux.
"Sailor et Lula". Pure Dynamite. Une des Palme les plus hallucinantes de ces quarante dernières années. Bertolucci a fait très fort, comme Eastwood le fera quatre ans plus tard. Mon film préféré de Lynch avec "Lost Highway". Cage n'a jamais été aussi bon, Dern et Dafoe non plus. Et surtout, quel ton, quelle liberté, quelle beauté formelle ! Un film totalement rock'n'roll.
Je dois avoir "Looking for Mr Goodbar" quelque part, il faudrait que je fouille, une VHS je crois.
"La zone d'intérêt" je verrai à l'occasion. Sinon c'est difficile de se faire son avis sans l'avoir vu quand il y a un tel tapage médiatique et le Grand Prix à Cannes.
Bon manifestement, encore sous le coup de l'émotion... ? Je voulais dire la Cérémonie d'Ouverture des JO pas celle de clôture. Les JOP ont aussi été fabuleux avec le dernier point d'orgue hier sur les Champs-Elysées et la Concorde.
SupprimerEt il n'y a donc pas que Joan Crawford pour jouer les personnages totalement ambigus et wtf ? : ) (au sujet d'Elizabeth Taylor)
C'est vrai, Céline Dion a été le grand moment de la cérémonie d'ouverture des JO, une belle idée de la conclure avec une grandeur indiscutable après les autres tableaux, que j'ai globalement beaucoup aimés alors qu'ils étaient tous discutables justement.
SupprimerSailor et Lula n'est pas dans mes préférés de Lynch, sans doute parce qu'il est trop classique dans son récit et sa mise en scène. Mais ça reste du Lynch, donc excellent quand même.