**** chef-d'oeuvre / *** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais
Blackout (Larry Fessenden, 2024) ***
Dans une petite ville forestière, un artiste dépressif qui se transforme en loup-garou aux pleines lunes cherche à se supprimer. Ce film indépendant d'un spécialiste du fantastique revisite formidablement le mythe de l'homme-loup en une métaphore des peurs et des divisions des USA trumpiens et du sentiment d'impuissance des opposants. Introspectif mais avec quelques belles scènes d'horror, son petit budget est surclassé par la mise en scène, la photo et les acteurs, notamment Alex Hurt - le fils de John - en type condamné au regard perdu. Excellent. (Inédit en France) BR US Dark Sky Selects
L'étranger (François Ozon, 2025) **
À Alger en 1938, un jeune français nihiliste tue un arabe. L'adaptation de Camus par Ozon met en images la narration unipersonnelle du roman dans un style classique hérité du cinéma français des années 30. La beauté sensuelle de la photographie N&B et des acteurs - Benjamin Voisin est par ailleurs excellent dans le rôle casse-gueule - en font une sorte de roman-photo existentialiste, solution ingénieuse pour toucher le grand public avec un thème grave : le refus morbide d'espérance. Un film qui appelle à la discussion et c'est très bien. Cinéma AP
Vivre et aimer / Sadie McKee (Clarence Brown, 1934) ***
Une jeune femme modeste épouse un richissime alcoolique en étant tiraillée entre deux autres hommes. Un mélodrame pre-Code avec des morceaux musicaux dans l'action et un intéressant arc narratif dans le statut social et la qualité morale de l'héroïne, une femme dans la Grande Dépression. Elle est interprétée par Joan Crawford, au sommet de son Star impact dans les Thirties. Habillée par Adrian, superbement photographiée, ses gros plans parsèment le film, offrant à l'adoration du public son visage d'angles et de clairs-obscurs. Et ça marche encore. BR US Warner Archive
Mort un dimanche de pluie (Joël Santoni, 1986) ***
Dans leur maison isolée, un architecte, sa femme et leur fille sont menacés par un couple dont le mari a un passif avec lui. Injustement méconnu, un rare exemple de thriller horrifique français dont le suspense monte crescendo sans lâcher prise, avec quelques scènes vraiment choquantes avec la fillette. Nicole Garcia est en tête d'affiche mais c'est Jean-Pierre Bacri, formidable, qui porte le film avec son personnage en apnée et Dominique Lavanant qui étincelle en psychopathe gratinée. Un bémol : la chanson Eighties pourrie en habillage musical. BR FR Le Chat qui Fume
La victime désignée / La vittima designata (Maurizio Lucidi, 1971) ***
Un homme en conflit d'argent avec sa femme rencontre un étrange excentrique qui lui propose de la tuer si lui tue son frère ennemi. Tomás Milián en mari paumé et Pierre Clémenti en ange damné se frôlent et s'affrontent dans ce thriller psychologique - qui n'est pas du tout un giallo comme il est vendu - à la Highsmith dans brumes morbides de Milan et de Venise. Bien plus riche qu'un giallo, le film aborde les sujets de la tentation homosexuelle et de l'emprise et, selon la clé de lecture qu'on choisit, de la dissociation schizophrène. Et là, c'est passionnant. DVD FR Frenezy Editions
February / The Black Coat's Daughter (Osgood Perkins, 2015) *
Coincées dans leur pension quand leurs parents ne sont pas venus les chercher pour les vacances de Noël, deux jeunes filles subissent une force surnaturelle alors qu'une troisième tente de les rejoindre en voiture. Avec sa lenteur et ses mystères calculés, ce film d'horror est trop consciemment cryptique pour l'emporter. On comprend que c'est une histoire de possession démoniaque et de schizophrénie en deux temps associés mais la circonvolution du scénario lasse et fatigue. Reste une belle atmosphère et trois jeunes actrices impliquées. Mouais... DVD FR TF1 Video
Une femme est passée / Nunca pasa nada (Juan Antonio Bardem, 1963) ***
Suite à une appendicite, une danseuse parisienne en tournée doit séjourner une semaine dans une petite ville d'Espagne où elle bouscule les corps et la morale. En gardant le look et la persona de "Cléo de 5 à 7" (Agnès Varda, 1961), Corinne Marchand illumine de sa liberté cet excellent mélodrame provincial qui se révèle une charge - très audacieuse à l'époque - contre l'enfermement du Franquisme. L'idée visuelle de ses apparitions blondes dans cette société sombre est formidablement cinématographique. Avec un score superbe de Georges Delerue. BR FR Tamasa
Tygra, la glace et le feu / Fire and Ice (Ralph Bakshi, 1982) **
Dans un monde primordial, le Prince des glaciers fait enlever la fille du Roi des volcans. L'échec du film est son histoire : entre poursuites et bastons, elle est si basique qu'il n'y en a pas et quel dommage. Le triomphe du film est sa sensualité folle et son animation, sans cesse exaltante. Les personnages ont été animés par rotoscopie - des acteurs filmés puis dessinés - et bougent avec une étonnante présence physique, sublimée par les décors grandioses. Un mémorable morceau d'Heroic Fantasy porté par la vision de Frank Frazetta, co-auteur du film. BR FR AB Video
Panics / Bad dreams (Andrew Fleming, 1988) *
Seule survivante d'une secte consumée, une jeune femme en PTSD rejoint en hôpital un groupe de patients bordeline. L'un après l'autre, ceux-ci se suicident. Détruit à sa sortie par Roger Ebert pour irresponsabilité et appel au suicide des ados - faut pas exagérer ! - un slasher Eighties qui a pour originalité et intérêt de s'attaquer au terrain commun de leur monstres, jamais vraiment abordé : la pathologie psychiatrique. Pour le reste, c'est correct. Le bonus : la traumatisée est Jennifer Rubin, la plus belle et photogénique de scream queens de l'époque. BR UK 88Films
Whisky à gogo / Whisky galore (Alexander Mackendrick, 1948) **
En 1943, déprimés suite à une rupture de whisky, les habitants d'une petite île des Hébrides veulent s'emparer des milliers de bouteilles en cale d'un cargo échoué. Un douanier les surveille... Immense succès du studio Ealing, un film qui célèbre l'esprit de corps et de résilience d'une communauté qui incarne toutes celles qui font le Royaume-Uni. Sur un ton léger et des personnages bon enfant, l'histoire suit son chemin de conte immoral - vol et recel - jusqu'à la fin en pirouette. Tout en ayant assez vieilli, le film conserve une portée subversive très attachante. BR FR StudioCanal