8 novembre 2025

Films vus par moi(s): novembre 2025


**** chef-d'oeuvre / *** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Danger planétaire / The Blob (Irvin S. Yeaworth Jr, 1958) 0
Des étudiants luttent contre une masse gélatineuse extra-terrestre qui dévore et grossit. Le sujet inouï et son formidable titre américain promettent : hélas, ce film-culte est un navet irrécupérable, fauché par ses dialogues et sa mise-en-scène amorphe et le jeu exécrable - même pas drôle - de ses acteurs, Steve(n) McQueen nul et empoté en premier lieu. Reste une idée de départ, un look et des couleurs Fifties plutôt chouettes et une métaphore aux forceps du danger "rouge" communiste. Pas grand chose à en tirer donc. Son remake de 1988 est bien mieux. BR UK Fabulous 

Le masque d'or / The mask of Fu Manchu (Charles Brabin, 1932) ***
Un archéologue du British Museum ayant trouvé la tombe inviolée de Genghis Kahn avec son masque légendaire est capturé par le cruel Fu Manchu - Boris Karloff, grimé en chinois - qui veut éradiquer la race blanche. Ce film MGM aux péripéties et à la direction artistique délirantes est le sommet du politiquement incorrect pré-Code avec ses asiatiques sadiques, ses tortures subtiles et sa peur du jaune enracinée dans les stéréotypes. Vu aujourd'hui, l'outrance est fascinante et avec un peu d'esprit critique, on se régale. Rien que pour ses gongs ! BR US Warner Archive

Late Night with the Devil (Cameron Cairnes & Colin Cairnes, 2023) **
En 1977, un présentateur TV en panne d'audience a l'idée d'inviter des professionnels du paranormal à son late show. Un sympathique petit film d'horror pas tout a fait maîtrisé dans son scénario - la résolution pèche un peu - mais qui réserve de bons moments autour des démonstrations, de la gamine possédée et d'une reconstitution bien vue des shows télé et du style mode et déco des Seventies. Les références/hommages, notamment à L'Exorciste et à Carrie, passent sans encombre et font du tout un vrai plaisir cinéphile. Aussi malin qu'original. BR FR Wild Side 

Frankenstein (Guillermo del Toro, 2025) 0
Un chirurgien donne vie à une créature assemblée de cadavres. Célébrée à l'avance, cette n-ième adaptation du chef-d'oeuvre de Mary Shelley est une merde (malgré Mia Goth), une de plus dans la filmographie du réalisateur le plus inexplicablement adulé du siècle. Je n'en ai vu que 10', désespéré par la laideur des images boursouflées et du monstre grognant et invincible. Le reste en FF avec des arrêts aléatoires dont aucun ne rattrape l'autre : tout - lumière, décors, mise en scène - est ignoble du baroquisme de pacotille de del Toro. Quelle misère quel malheur. Netflix 

3 octobre 2025

Films vus par moi(s): octobre 2025


**** chef-d'oeuvre / *** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Depraved (Larry Fessenden, 2019) ** 
Revenu traumatisé de son activité militaire au Proche-Orient, un chirurgien de New York créé un être humain à partir de morceaux de corps. L'histoire de Frankenstein mais du point de vue d'un jeune homme tué pour son cerveau, recyclé dans la créature à qui revient peu à peu la mémoire. L'idée, associée à celle d'un startuper qui finance les travaux, renouvelle le sujet ingénieusement et le petit budget habituel du réalisateur l'oblige à se concentrer sur les affects, celui du monstre surtout et du garçon mort implanté en lui. Du très bon fantastique indie. BR US IFC/Scream Factory

La fleur écarlate / Álenkiy tsvetóchek (Lev Atamanov, 1952) **
Isolée sur l'île d'une créature difforme, une jeune femme est autorisée à revenir chez elle le temps que la fleur qu'elle a cueillie se fane. La version soviétique de La Belle et la Bête s'inspire de Walt Disney dans la personnalisation et l'animation tout en restant très russe dans la façon de conter, les accessoires et les couleurs. Pas effrayante pour un sou mais sourdant une abyssale tristesse, la créature semble annoncer les monstres de Miyazaki, un fan convaincu d'Atamanov. Un beau dessin animé de 45' dans la veine classique, la plus universelle. BR US Deaf Crocodile 

L'esprit sacré / Espíritu sagrado (Chema García Ibarra, 2021) ***
À Elche, alors que sa jumelle a disparu, une petite fille est observée par son oncle, barman membre d'un groupe d'ufologues. Un film des plus étranges, entre drame et fantastique, qui dénonce les dérives capitalistes du complotisme avec une acuité à l'air de rien implacable. Réel, le malaise engendré est dû au contexte naturaliste de l'histoire, du décor et des personnages, des espagnols lamba paumés dans un monde de désinformation qui leur a lavé le cerveau. Et de la vulnérabilité de la gamine en proie du système. Un premier film magistral. BR UK Arrow Video   

Larmes de clown / He who gets slapped (Victor Sjöström, 1924) ****
S'étant fait humilier et voler son invention, un scientifique perd pied et se retrouve clown à baffes dans un cirque. Une fable existentielle où les coups dans la gueule ne sont pas que symboliques pour le clown tragique incarné par Lon Chaney - formidable - dont les expressions faciales et le body language expriment tout. La mise en scène de Sjöström est une merveille d'intelligence rythmée d'images métaphoriques sur le destin, la haine de soi, la rédemption. Un inaltérable chef-d'oeuvre du muet. Avec Norma Shearer, John Gilbert et le lion de la MGM. BR US Flicker Alley

Enzo (Laurent Cantet & Robin Campillo, 2025) ***
À La Ciotat, un garçon de 16 ans (Eloy Pohu) en révolte sociale et familiale qui fait un stage de maçonnerie est attiré par un collègue ouvrier venu d'Ukraine (Maksym Slivinskyi). Imaginé par Cantet et tourné par Campillo après son décès, un beau film sur l'adolescence et ses désirs d'émancipation porté par une mise en scène limpide et un casting sans faute. Avec la guerre en filigrane, la confusion des sentiments et la sensualité retenue sont sur le fil du drame mais n'y tombent pas et l'émotion reste digne. Un peu un "Call me by your name" version chantier. BR FR Ad Vitam  

A house of dynamite (Kathryn Bigelow, 2025) ***
Alors qu'un missile nucléaire de provenance incertaine se dirige vers les Etats-Unis, la défense doit informer le Président pour qu'il prenne une décision capitale : répondre par la pareille ou pas. Prenant du début à la fin ouverte, le film déroule de plusieurs points de vue ces minutes qui peuvent faire basculer l'humanité. La dynamique générale, sans doute très documentée dans ses ressorts et ses décors, évoque notre impuissance face à la toute-puissance de quelques-uns : dans le contexte actuel, c'est terrifiant. Mise en scène frénétique, habituelle à la réalisatrice. Netflix   

The creeping garden (Tim Grabham & Jasper Sharp, 2014) *
Documentaire sur l'un des organismes les plus mystérieux de la nature : les myxomycètes ou champignons amiboïdes ou slime molds ou en plus pop, le blob. Des structures unicellulaires ni végétales ni animales qui se développent en réseau et possèdent la capacité de se mouvoir stratégiquement pour chercher leur nourriture. Le film donne la parole aux scientifiques, et c'est passionnant et aux artistes, et ça l'est moins. Reste la découverte d'un étrange état du vivant, une "chose" comme issue de la science-fiction qui nous entoure en silence et catimini. BR UK Arrow Video  

The perfect neighbor (Geeta Gandbhir, 2025) * 
En 2023 en Floride, des enfants noirs qui jouent dehors exaspèrent une voisine blanche : elle tue l'une des mères venue la confronter. D'un fait divers banal aux USA, un documentaire banal qui explore à la fois le phénomène des "Karen", la tension raciale et la question de l'invasion de propriété. Le gros joker est que tout est vu à travers les bodycams de la police, des caméras de surveillance et des smartphones. C'est aussi accrocheur que salopard : qui peut vraiment liker de voir en direct deux petits garçons à qui ont annonce que leur maman est morte ? Netflix

Les géants et les jouets / Kyojin to Gangu / Giants and toys (Yasuzô Masumura, 1958) ****
A Tokyo, une entreprise de bonbons transforme une jeune fille écervelée - et aux dents pourries - en icône de la marque. La marketisation à l'américaine de la société japonaise et l'affaissement des codes moraux du pays dans l'après-guerre est décortiquée avec malice dans cette satire amusante mais ravageuse du capitalisme et de la publicité conquérants. Très Pop dans son esprit et sa plastique, ce film de 1958 reste d'une étonnante actualité dans son propos prémonitoire. Une pépite du "Nouveau cinéma" japonais qui réserve plus d'un étonnement. BR UK Arrow Video 

Sampo, le jour où la Terre gela / Sampo (Alexandr Ptushko, 1959) ***
La sorcière du domaine des glaces ayant enlevé la jeune promise d'un bûcheron du pays des forêts accepte de la libérer en échange du Sampo, le moulin des abondances. D'après le récit finlandais du Kalevala, un film de fantasy sovietico-finlandais dont les péripéties un peu répétitives - des allers-retours entre les deux contrées - et le jeu outrancier du casting sont balayés par la splendeur picturale des compositions, des décors naturels et de studio, des matte paintings et du Sovcolor flamboyant : la puissance visuelle de chaque plan emporte tout sur son passage. BR FR Artus Films  

Blackout (Larry Fessenden, 2024) ***
Dans une petite ville forestière, un artiste dépressif qui se transforme en loup-garou aux pleines lunes cherche à se supprimer. Ce film indépendant d'un spécialiste du fantastique revisite formidablement le mythe de l'homme-loup en une métaphore des peurs et des divisions des USA trumpiens et du sentiment d'impuissance des opposants. Introspectif mais avec quelques belles scènes d'horror, son petit budget est surclassé par la mise en scène, la photo et les acteurs, notamment Alex Hurt - le fils de John - en type condamné au regard perdu. Excellent. (Inédit en France) BR US Dark Sky Selects   

L'étranger (François Ozon, 2025) **
À Alger en 1938, un jeune français nihiliste tue un arabe. L'adaptation de Camus par Ozon met en images la narration unipersonnelle du roman dans un style classique hérité du cinéma français des années 30. La beauté sensuelle de la photographie N&B et des acteurs - Benjamin Voisin est par ailleurs excellent dans le rôle casse-gueule - en font une sorte de roman-photo existentialiste, solution ingénieuse pour toucher le grand public avec un thème grave : le refus morbide d'espérance. Un film qui appelle à la discussion et c'est très bien. Cinéma AP 

Vivre et aimer / Sadie McKee (Clarence Brown, 1934) ***
Une jeune femme modeste épouse un richissime alcoolique en étant tiraillée entre deux autres hommes. Un mélodrame pre-Code avec des morceaux musicaux dans l'action et un intéressant arc narratif dans le statut social et la qualité morale de l'héroïne, une femme dans la Grande Dépression. Elle est interprétée par Joan Crawford, au sommet de son Star impact dans les Thirties. Habillée par Adrian, superbement photographiée, ses gros plans parsèment le film, offrant à l'adoration du public son visage d'angles et de clairs-obscurs. Et ça marche encore. BR US Warner Archive     

Mort un dimanche de pluie (Joël Santoni, 1986) ***
Dans leur maison isolée, un architecte, sa femme et leur fille sont menacés par un couple dont le mari a un passif avec lui. Injustement méconnu, un rare exemple de thriller horrifique français dont le suspense monte crescendo sans lâcher prise, avec quelques scènes vraiment choquantes avec la fillette. Nicole Garcia est en tête d'affiche mais c'est Jean-Pierre Bacri, formidable, qui porte le film avec son personnage en apnée et Dominique Lavanant qui étincelle en psychopathe gratinée. Un bémol : la chanson Eighties pourrie en habillage musical. BR FR Le Chat qui Fume  

La victime désignée / La vittima designata (Maurizio Lucidi, 1971) ***
Un homme en conflit d'argent avec sa femme rencontre un étrange excentrique qui lui propose de la tuer si lui tue son frère ennemi. Tomás Milián en mari paumé et Pierre Clémenti en ange damné se frôlent et s'affrontent dans ce thriller psychologique - qui n'est pas du tout un giallo comme il est vendu - à la Highsmith dans brumes morbides de Milan et de Venise. Bien plus riche qu'un giallo, le film aborde les sujets de la tentation homosexuelle et de l'emprise et, selon la clé de lecture qu'on choisit, de la dissociation schizophrène. Et là, c'est passionnant. DVD FR Frenezy Editions 

February / The Black Coat's Daughter (Osgood Perkins, 2015) *
Coincées dans leur pension quand leurs parents ne sont pas venus les chercher pour les vacances de Noël, deux jeunes filles subissent une force surnaturelle alors qu'une troisième tente de les rejoindre en voiture. Avec sa lenteur et ses mystères calculés, ce film d'horror est trop consciemment cryptique pour l'emporter. On comprend que c'est une histoire de possession démoniaque et de schizophrénie en deux temps associés mais la circonvolution du scénario lasse et fatigue. Reste une belle atmosphère et trois jeunes actrices impliquées. Mouais... DVD FR TF1 Video

Une femme est passée / Nunca pasa nada (Juan Antonio Bardem, 1963) ***
Suite à une appendicite, une danseuse parisienne en tournée doit séjourner une semaine dans une petite ville d'Espagne où elle bouscule les corps et la morale. En gardant le look et la persona de "Cléo de 5 à 7" (Agnès Varda, 1961), Corinne Marchand illumine de sa liberté cet excellent mélodrame provincial qui se révèle une charge - très audacieuse à l'époque - contre l'enfermement du Franquisme. L'idée visuelle de ses apparitions blondes dans cette société sombre est formidablement cinématographique. Avec un score superbe de Georges Delerue. BR FR Tamasa    

Tygra, la glace et le feu / Fire and Ice (Ralph Bakshi, 1982) **
Dans un monde primordial, le Prince des glaciers fait enlever la fille du Roi des volcans. L'échec du film est son histoire : entre poursuites et bastons, elle est si basique qu'il n'y en a pas et quel dommage. Le triomphe du film est sa sensualité folle et son animation, sans cesse exaltante. Les personnages ont été animés par rotoscopie - des acteurs filmés puis dessinés - et bougent avec une étonnante présence physique, sublimée par les décors grandioses. Un mémorable morceau d'Heroic Fantasy porté par la vision de Frank Frazetta, co-auteur du film. BR FR AB Video

Panics / Bad dreams (Andrew Fleming, 1988) *
Seule survivante d'une secte consumée, une jeune femme en PTSD rejoint en hôpital un groupe de patients bordeline. L'un après l'autre, ceux-ci se suicident. Détruit à sa sortie par Roger Ebert pour irresponsabilité et appel au suicide des ados - faut pas exagérer ! - un slasher Eighties qui a pour originalité et intérêt de s'attaquer au terrain commun de leur monstres, jamais vraiment abordé : la pathologie psychiatrique. Pour le reste, c'est correct. Le bonus : la traumatisée est Jennifer Rubin, la plus belle et photogénique de scream queens de l'époque. BR UK 88Films

Whisky à gogo / Whisky galore (Alexander Mackendrick, 1948) **
En 1943, déprimés suite à une rupture de whisky, les habitants d'une petite île des Hébrides veulent s'emparer des milliers de bouteilles en cale d'un cargo échoué. Un douanier les surveille... Immense succès du studio Ealing, un film qui célèbre l'esprit de corps et de résilience d'une communauté qui incarne toutes celles qui font le Royaume-Uni. Sur un ton léger et des personnages bon enfant, l'histoire suit son chemin de conte immoral - vol et recel - jusqu'à la fin en pirouette. Tout en ayant assez vieilli, le film conserve une portée subversive très attachante. BR FR StudioCanal

3 septembre 2025

Films vus par moi(s): septembre 2025


**** chef-d'oeuvre / *** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Frontière chinoise / 7 women (John Ford, 1966) **
En Chine en 1935, une mission de femmes occidentales est envahie par un groupe de bandits mongols. Centré sur le personnage d'une femme médecin indépendante (Anne Bancroft), le dernier film de Ford est un étrange hybride de western en Asie, de drame historique et de brûlot moral qui réussit à contenir - entre autres - en 85' hystérie religieuse et ménopause, regard sur le genre et hyperviolence, lesbianisme et choléra. Le tout joué sur un ton histrionique par un casting épatant. Derrière sa forme classique, le film ose beaucoup et c'est très surprenant. BR US Warner Archive 

Sarabande / Saraband for dead lovers (Basil Dearden, 1948) ****
Dans les années 1690 à Hanovre, la liaison condamnée entre Sophie Dorothea promise au Prince George et le mercenaire suédois Konigsmark. Une grande production en costumes britannique dotée d'un casting en or (Stewart Granger, Joan Greenwood, Flora Robson, Françoise Rosay...) et, c'est rare, d'un point de vue entièrement féminin. Mais ce sont les accès de fièvre de la mise en scène portés par l'hallucinant Technicolor Kalmus qui subliment le film en une sorte de folie visuelle qui semble annoncer le fantastique de la Hammer. Au sens propre : extraordinaire. BR UK StudioCanal 

Sirāt (Oliver Laxe, 2025) ****
Avec son jeune fils, un père (Sergi Lopez) part dans le désert marocain à la recherche de sa fille qu'il pense avoir rejoint une rave. Ils se lient à un groupe de drifters. C'est le fil tenu de ce film que j'aurais dit nihiliste il y a quelque temps et que j'ai vu aujourd'hui comme le plus désespérément lucide sur notre époque. Ça commence comme The Grid de MTV, passe par Mad Max et Le Salaire de la peur en plusieurs chocs émotionnels rares au cinéma, portés par une image somptueuse, un casting parfait et une bande son, au sens propre, d'Enfer. On en est là ? Cinéma 

Smith le taciturne / Whispering Smith (Leslie Fenton, 1948) ***
Le détective d'une compagnie de chemin de fer comprend que son meilleur ami s'est laissé entraîner dans le vol de marchandises. Un magnifique western sur les carrefours de la vie, les directions qu'on prend ou qu'on rejette. Dans un Technicolor Kalmus crépusculaire, les personnages retiennent leurs émotions jusqu'à la rupture. Robert Preston en ami perdu et Brenda Marshall en femme éprise de l'autre sont magnifiques mais le film appartient à Alan Ladd, le plus mélancolique, tragique et oublié des immenses acteurs de l'après-guerre. BR FR Sidonis Calysta

Poop Cruise (James Ross, 2025) **
Documentaire sur l'épreuve du Carnaval Triumph en février 2013. Après un incendie du circuit électrique, le paquebot s'arrête au milieu du Golfe d'Amérique, sans aération et les chasses d'eau en panne. Pendant plusieurs jours, les déjections des 5000 passagers et membres d'équipage s'accumulent, transformant la croisière en enfer fécal et social. Traité sur un ton respectueux qui ne cède qu'à l'outrance drolatique des scènes racontées par les témoins encore traumatisés, une histoire de fou qui mériterait ô combien son propre film-catastrophe. En Odorama ? Netflix   

Hercule à la conquête de l'Atlantide / Ercole alla conquista di Atlantide / Hercules and the captive women (Vittorio Cottafavi, 1961) ***
Naufragés en Atlantide, Hercule, son fils Hyllos, Androclès et leur nain affrontent Antinea, la terrible reine prête à sacrifier sa propre fille pour régner sans fin. Avec le musculeux Reg Park en jupette filmé sous tous les angles imaginables, la fatale Fay Spain aux yeux de chatte, le vieux nain hystérique et l'étrange garde rapprochée de clones blonds, un peplum italien qui réserve de belles surprises à chaque méandre de son distrayant scénario. Avec le Technicolor et le talentueux Cottafavi à la barre, on tient là un des meilleurs films de ce genre impayable. BR US Shout Factory

L'oiseau au plumage de cristal / L'uccello dalle piume di cristallo (Dario Argento, 1970) ***
Témoin d'une tentative de meurtre, un écrivain américain à Rome enquête sur un probable serial killer pour aider la police. A part Mario Bava un peu avant, voici donc le film fondateur du giallo, un genre que d'habitude je n'aime pas à cause de ses stridences artificielles systématiques. Or celui-ci m'a surpris et plu, sans doute parce qu'il reste ancré dans la tradition du thriller à suspense, évite les outrances ultérieures et bénéficie de la présence de Toni Musante qui n'en rajoute pas. Et c'est stylé pop italien début 70s avec un score entêtant de Morricone. DVD UK Arrow Video

Venez donc prendre le café... chez nous ! / Venga a predere il caffè da noi ! (Alberto Lattuada, 1970) ****
Sur le Lac Majeur, un arriviste séduit trois soeurs vieilles filles pour la fortune que leur père leur a laissée. Une féroce satire de la cupidité mais surtout de la frustration sexuelle féminine avec une trivialité et un humour dévastateurs qui passeraient mal dans notre contemporain réduit au premier degré. Dans le décor bourgeois et brumeux de Luino, Ugo Tognazzi est magistral en queutard stratège mais ce sont les trois actrices (Francesca Romana Coluzzi, Milena Vokotic et Angela Gooodwin) qui m'ont fait grimper aux rideaux. Du lucre et du stupre : génial ! DVD FR Tamasa 

Le Lion de Saint Marc / Il Leone di San Marco (Luigi Capuano, 1963) **
A Venise au XVIe siècle, le fils du Doge s'éprend d'une femme pirate dont la bande attaque régulièrement la ville. Un chouette film d'aventures en couleurs et costumes tourné dans Venise avec ce qu'il faut de bals, de masques, de duels et de traitrises. Le casting est très bon, avec un séduisant Gordon Scott et une splendide Gianna Maria Canale en chemise, pantalon et indépendance. La mise en scène est sage mais les décors naturels et le spectacle font qu'on passe un moment distrayant, ce qui était recherché avant tout par la production. DVD FR Artus Films 

La forteresse noire / The keep (Michael Mann, 1983) 0
Dans une gorge des Carpathes en 1941, des nazis et un savant juif sont piégés par une forteresse ancienne qui abrite une entité maléfique. Même si le film envisagé a été charcuté par la Paramount et n'a plus aucun sens, la laideur Eighties de l'ensemble et la bêtise abyssale du scénario et des dialogues ampoulés qui tentent une explication ancestrale du Nazisme sont atterrants, précipitant ce soi-disant "film culte" dans la poubelle des navets irrécupérables. Il y a juste le décor hammérien du village et le monstre qui retiennent un peu l'attention. Nul. BR US Vinegar Syndrome 

Possession meurtrière / The possession of Joel Delaney (Waris Hussein, 1972) **
Une divorcée de Manhattan essaye de comprendre pourquoi son frère a des accès de folie furieuse. Un film de possession assez dérangeant, par l'atmosphère d'inquiétude Seventies qu'il dégage, la suggestion incestueuse et le final avec les enfants en péril. Ajouté au décor du New York crado de l'époque, à l'imbrication entre l'aspect documentaire en ville et le vaudou porto-ricain et au jeu solide de Shirley MacLaine et de Perry King, le film maintient la tension. En donnant l'impression d'être un chainon manquant entre Rosemary's baby et L'Exorciste. BR US Vinegar Syndrome 

Winter kept us warm (David Secter, 1965) ****
Sur le campus de l'Université de Toronto, un étudiant s'attache à un autre. Canadien, le tout premier film gay - faut-il dire forcément dire "queer" ? - présenté à Cannes est le travail d'un passionné de cinéma de 22 ans qui y racontait un peu son histoire, qui est aussi celle de tout homo qui a eu un jour le coeur qui bat pour un camarade de cours. Avec un budget de rien le scénario, les dialogues et la réalisation font des merveilles, portés par un casting amateur très sympathique. La révélation d'un film pionnier d'un temps où l'homosexualité, au Canada, était un crime. BR US Canadian International Pictures

Un si joli village... (Etienne Périer, 1978) ***
Un village près d'Angoulême prend la défense d'un potentat, le propriétaire de l'usine locale soupçonné par un juge d'avoir tué sa femme. Une formidable étude de caractères, individuels - les personnages - et collectifs - le village, la justice - qui sous les apparences d'une enquête à la "Columbo", aborde des thèmes à la fois fixés dans leur temps et dans l'intemporel, notamment l'emprise des pourvoyeurs d'emplois sur les municipalités et leurs liens troubles avec les institutions. Avec Victor Lanoux, Valérie Mairesse et surtout Jean Carmet, dans son meilleur rôle ? BR FR StudioCanal 

La brigade du suicide / T-Men (Anthony Mann, 1947) ***
Deux agents du Département du Trésor américain - les T-Men - infiltrent un gang mafieux de faux-monnayeurs en se faisant passer pour deux caïds. Un étonnant hybride de Film Noir et de documentaire panégyrique sur la police financière US, qui utilise des effets communs aux deux - la voix-off et le tournage en extérieurs - tout en travaillant la grammaire du premier avec une sublime photographie N&B contrastée et des cadrages extrêmes et la pédagogie du second. Avec en plus une violence crue et des émotions froides qui donnent au film une férocité singulière. BR FR Rimini Editions 

Sambizanga (Sarah Maldoror, 1972) ***
En Angola en 1961, une jeune femme de la campagne part avec son bébé à Luanda à la recherche de son mari capturé et torturé par la police coloniale portugaise. Joué par des non-professionnels - le couple sera critiqué d'être trop "beau" - et traité sur un ton mi-documentaire, mi-élégiaque, le premier film africain réalisé par une femme - une française noire - évoque les prémices de la guerre décoloniale angolaise (1961-1975) d'un point de vue féminin hautement personnel. Du cinéma politique engagé avec un véritable supplément d'art et d'âme. BR FR Carlotta

Les proies / The beguiled (Sofia Coppola, 2017) *
Pendant la Guerre de Sécession, un soldat nordiste blessé est recueilli par le six occupantes d'une pension privée de Virginie. Un remake du film avec Clint Eastwood (Don Siegel, 1971) qui bénéficie d'une production et d'une photographie léchées - un peu  trop - et d'un casting épatant - Colin Farrell, Nicole Kidman, Kirsten Dunst, Elle Fanning - mais dont le scénario répétitif bifurque vers une fin trop expédiée. Surtout, le message est brouillé : si le pauvre type est en chaleur, c'est parce que les pubères ont toutes le feu où je pense. Pour le féminisme annoncé, on repassera... BR UK

Le fruit défendu (Henri Verneuil, 1952) **
Notable d'Arles, un docteur marié se prend de passion pour une jeune aventurière venue de Paris. Le démon de midi n'est plus un sujet au cinéma et quel dommage : outre les outrances de scénario et les leçons de morale, ça donne aussi des numéros d'acteurs et d'actrices formidables. C'est le cas ici, avec Fernandel dans un role dramatique qui s'avilit pour Françoise Arnoul, super en imper et béret ou en négligé affriolant. Un drame bourgeois de papa comme je les aime et en prime, Sylvie en mère abusive et Claude Nollier en grande cocue. DVD FR René Chateau

Fils de (Carlos Abascal Peiró, 2025) **
Dans l'effervescence de la nomination d'un premier ministre, un attaché parlementaire (Jean Chevalier) pousse son père, politicien retiré (François Cluzet), à être candidat. Une comédie-thriller qui est surtout une charge contre la classe politique autocentrée et ses magouilles. On rit souvent de l'outrance des situations et du casting remonté (Karin Viard, Alex Lutz...) et la satire semble savoir de quoi elle parle mais le rythme et le montage trépidants fatiguent et on s'interroge sur la pertinence d'en rajouter une couche au moment où la chose politique est tellement défiée. Cinéma

2 août 2025

Films vus par moi(s): août 2025


**** chef-d'oeuvre / *** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

Marché de brutes / Raw deal (Anthony Mann, 1948) ***
Un gangster évadé de prison avec la complicité de sa compagne doit prendre en otage sa jeune avocate, qui n'est pas insensible à lui. Un Film Noir archétypique dans sa forme - avec des clairs-obscurs magnifiques, une urgence dans la narration, des roles assignés et une utilisation de la voix off - mais qui repose sur un conflit sentimental inattendu autour de ces deux femmes éprises du même homme, lui-même déstabilisé et fragilisé par la situation. Dennis O'Keefe, Claire Trevor et Marsha Hunt sont parfaits dans leur touchante vulnérabilité. BR FR Rimini Editions

Un Américain bien tranquille / The quiet American (Joseph L. Mankiewicz, 1958) **
A Saïgon en 1952, un journaliste anglais (Michael Redgrave) se rappelle sa concurrence pour une femme vietnamienne avec un jeune Américain retrouvé assassiné (Audie Murphy). D'après Graham Greene qui désavouera l'adaptation, un film à deux têtes - entre politique et mélodrame - qui intrigue par son classicisme de mise en scène dans le décor réel de Saïgon au moment de la Guerre d'Indochine, son croisement des langues - anglais, français, vietnamien - et son histoire confuse autour de ce jeune homme ressuscité en flash-back. Un bien étrange hybride. BR FR Rimini Editions  

A real pain (Jesse Eisenberg, 2024) ***
Deux cousins juifs font un voyage de groupe mémoriel en Pologne en souvenir de leur grand-mère, récemment décédée aux USA. Portrait de deux hommes encore jeunes aux personnalités opposées - Jesse Eisenberg en introverti et Kirean Culkin en extraverti - aux prises avec l'héritage de l'Holocauste et leurs propres ombres, un film plein d'émotion et d'humour inspiré de l'histoire familiale d'Eisenberg, l'auteur, acteur et réalisateur. Il y a du Woody Allen dans le style mais on est loin de sa cérébralité et de son nombrilisme : ici, c'est l'universel qui rayonne. BR FR Searchlight

Unknown world (Terry O. Morse, 1951) 0
Face au péril atomique, un savant emmène une équipe scientifique voir si le centre de la Terre pourrait abriter un havre de sécurité pour l'Humanité. Une série Z indépendante, fauchée et amorphe qui suit les personnages dans la cabine de leur engin d'exploration et les couloirs d'une grotte. Les seuls maigres intérêts : les matte-paintings et incrustations, le sujet bien de son temps de la Guerre Froide et l'orientation plutôt à gauche des créateurs du film, exclus de Hollywood. Un éclaireur de la SF des Fifties très loin des futurs classiques du genre. BR US Severin Films

Scarecrow in a garden of cucumbers (Robert J. Kaplan, 1972) **
Une provinciale débarquée à Manhattan pour devenir actrice rencontre des personnages excentriques en cherchant une coloc. La faune du cinema underground US se retrouve autour de l'icône transgenre - et Superstar warholienne - Holly Woodland dans ce film musical sans véritable fil conducteur mais avec une bonne humeur potache de tous les instants. Ça surjoue, ça s'agite, c'est sympathique comme tout mais c'est d'abord un témoignage précieux sur le dynamisme de la scène queer et camp du temps béni de tous les possibles. YouTube 

Saturday night at the Baths (David Buckley, 1975) ***
Un pianiste hétéro du Montana se fait embaucher au club gay des Continental Baths de Manhattan au risque de se faire transformer en pédé. Blague à part, derrière le petit film indépendant limité par son budget, une formidable time capsule de la grande période du Gay Lib et une fenêtre de première main sur le culture des bathhouses des 70s. Le pianiste a une copine bienveillante, ce qui ouvre le sujet sur la bisexualité, traitée naturellement. Un film étonnamment sincère et un document important sur le monde gay d'avant le Sida. BR US Anus Films 

The last days on Mars (Ruari Robinson, 2013) 0
Alors qu'ils terminent une mission sur Mars, une petite équipe de chercheurs découvre une bactérie qui les contamine un à un et les transforme en zombies féroces. Du vu et du revu dans ce film de SF-horror qui recycle la structure et les péripéties de bien meilleurs autres avant lui, avec Alien évidemment à la source. Le début annonçait peut-être quelque chose de pas mal mais dès la première contamination, le survival en course-poursuite épileptique se déclenche pour ne plus cesser jusqu'au final nihiliste ouvert attendu. Casting sans éclat. BR US Magnet

Le destin se joue la nuit / History is made at night (Frank Borzage, 1937) *
Partie pour divorcer et ayant rencontré un homme qu'elle aime, une femme est poursuivie par son riche mari jaloux. Même pas sauvée par les nombreux gros plans des visages superbement éclairés de Jean Arthur et de Charles Boyer, une comédie mélodramatique qui ne fonctionne pas, la faute à un scénario décousu dans ses péripéties et ses ambiances - on passe de Ratatouille à Titanic - et au certain ennui qui enrobe le tout. Borzage avait le génie du sentiment et de l'effet romantiques, mais pas ici : ce film brouillon mérite son relatif oubli. BR US Criterion

Winter break / The Holdovers (Alexander Payne, 2023) ***
Retenus dans un collège privé fermé pendant le Noël 1970, un professeur d'histoire gréco-romaine, un étudiant solitaire et une cantinière apprennent à se connaître. L'humanité d'Alexander Payne brille une fois encore dans cette chronique douce-amère qui touche avec justesse les sujets de la réussite, de la solitude, de la classe sociale, du lien humain... Les carapaces craquent, les sourires s'embuent et le spectateur se prend à s'attacher comme pas possible à ces trois personnages lambda d'exception (Paul Giamatti, Dominic Sessa et Da'Vine Joy Randolph). BR FR ESCD        

Evanouis / Weapons (Zach Cregger, 2025) ***
Lorsque tous les enfants d'une classe d'école sauf un disparaissent mystérieusement une nuit, leur jeune maîtresse, qui est soupçonnée par les parents, essaye de savoir ce qui s'est passé. Couronné de laudes justifiées, un film d'horror rondement mené qui privilégie la construction et l'atmosphère plutôt que le sursaut gratuit qui pollue tant d'autres produits du genre. Surtout, il remet en scène le personnage de la sorcière, trop oubliée dans le cinéma contemporain. Et, sans message évident, il laisse le champ libre à toutes les interprétations. J'ai la mienne. Cinéma 

Portrait d'un assassin (Bernard Roland, 1948) ***
Un cascadeur de cirque est entrainé dans un numéro à haut risque par une impresario croqueuse d'hommes. Sur un scénario aux dialogues épatants de Charles Spaak et François Chalais, un mélodrame circassien aux faux airs de Film Noir dûs au personnage vénéneux de Maria Montez, rare salope. Mais c'est tout le casting qui étincelle et rend le film si enthousiasmant : Pierre Brasseur en pauvre type, Arletty, Jules Berry toujours génial, Dalio et Erich von Stroheim en énigmatique éclopé. Quelle galerie de portraits, quel plaisir de cinéma ! BR FR Editions Montparnasse  

Le Messie du Mal / Messiah of Evil (Willard Huyck & Gloria Katz, 1973) ***
Recherchant son père disparu dans une petite ville côtière, une jeune femme tombe sur une communauté de goules cannibales. Un étonnant film d'horror et d'essai où ce n'est pas l'histoire basique qui compte mais son traitement par la mise en scène et surtout par la composition des images, qui accumulent les morceaux de bravoure. Si la dynamique erratique suit celle d'un cauchemar à la "Carnival of Souls", la plastique furieusement tournant des 60's-70's est un enchantement. Entre Romero et Antonioni, une pépite du film de genre à prétention artistique. BR FR Le Chat qui Fume

Arthur, or the Gigolo (Thomas Carter, 1985) *
Pressé par un mafieux, un gigolo veut mettre la main sur les diamants de la riche excentrique qu'il a épousée. Episode 10 de la saison 1 du nouvel Alfred Hitchcock Presents, un téléfilm court-métrage qui a l'originalité d'associer Brad Davis à Sandy Dennis, deux acteurs que j'aime particulièrement. Tous deux cabotinent au cachet sur une histoire cent fois vue, si ce n'est les péripéties autour de la tribu de chats que la dame possède. Cela ne mériterait pas de notice mais rien que pour voir Sandy en hystérique et Brad en latin lover à stache, on y va quand même. YouTube

Maria (Pablo Larraín, 2024) ***
En septembre 1977 à Paris, la dernière semaine de Maria Callas. Après Natalie Portman dans Jackie (2017) et Kristen Stewart dans Spencer (2021), c'est à Angelina Jolie d'affronter une icône tragique dans ce biopic bien plus réussi que les deux autres. La production est luxueuse comme une pub Hermès, la psyché fissurée de la Callas finie intelligemment mise en images et la musique là où il faut, le tout sur un ton crépusculaire non dénué de sourires. Mais avant tout, comme véhicule pour Angelina Jolie c'est un triomphe. Diva par nature, elle y est captivante. BR FR ESCD   

2 juillet 2025

Films vus par moi(s): juillet 2025


**** chef-d'oeuvre / *** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais

The Substance (Coralie Fargeat, 2024) ****
Virée de son show à cause de son âge, une TV host quinquagénaire s'injecte un produit qui créé un double jeune d'elle mais qui exige des conditions d'utilisation strictes. Sorte d'hybride de "La Mort vous va si bien" et de "La Mouche" version Cronenberg, un captivant film de body horror sur le vieillissement au temps du jeunisme. C'est superbement écrit et mis en scène, plein de citations bienvenue de classiques du genre et porté par l'implication totale de Demi Moore et de Margaret Qualley. Un conte d'anti-fées entre esthétisme et Grand Guignol. BR FR Metropolitan Film & Video

Smile 2 (Parker Finn, 2024) ***
Une star de la pop harcelée par des visions de cauchemar pète les plombs à l'aube d'une tournée. La suite du très bon "Smile" (2022) s'aventure dans la métaphore de la maladie mentale - le trouble borderline plutôt que la schizophrénie en l'occurence -, un sous-texte qui donne au film une profondeur et une gravité inattendues. Le gore est gratiné mais dans ce contexte, pas gratuit. Dans un rôle très demandeur enchaînant les gros plans de son visage, Noami Scott est impressionnante. Du cinéma de multiplexe avec un truc en plus vraiment. BR FR Paramount 

La Baronne de minuit / Midnight (Mitchell Leisen, 1939) ****
A Paris, une aventurière américaine se retrouve à jouer la Baronne à la demande d'un aristocrate et au dépit du chauffeur de taxi qui s'est épris d'elle. Une screwball comedy géniale écrite par le duo Billy Wilder/Charles Brackett sur - comme à leur habitude - la confusion d'identité. La construction de l'histoire est brillante, les dialogues d'un esprit irrésistible, la mise en scène un modèle d'élégance dynamique et le casting, mené par Claudette Colbert épatante, un vrai bonheur : Don Ameche, John Barrymore, Mary Astor... Un film enivrant. BR US The Criterion Collection

Mademoiselle (Tony Richardson, 1966) ***
La jeune institutrice respectée de l'école d'un village de Corrèze qui incendie les fermes et empoisonne les bêtes sans se faire choper s'entiche d'un viril ouvrier immigré italien. Un film perturbant aux images en N&B splendides et aux bruits de la nature qui offre à Jeanne Moreau un personnage de sociopathe glaçant qui lui va comme un gant. Truffé de symboles sexuels et de relations perverses imaginés par Jean Genet et Marguerite Duras à l'écriture, l'ensemble a des allures de cauchemar, jusqu'au doublage anglais qui déstabilise et renforce l'étrangeté. BR UK BFI     

Brigade des moeurs (Max Pécas, 1985) ***
A Paris, un jeune inspecteur de la Brigade de moeurs (Thierry de Carbonnières) relevé d'une sale affaire par son supérieur continue l'enquête de son côté. Après les soft-erotics et entre deux navets de plage, Pécas réalise ce polar situé dans le milieu nocturne du sexe et de la drogue et marqué par son extrême violence et incorrection. Phobe et anti en tout, la plupart de situations et des dialogues seraient aujourd'hui impensables : c'est ce qui fait son attrait. Quant au jeu maladroit de certains acteurs, il renforce l'originalité fascinante de l'ensemble. BR FR Le Chat qui Fume 

Tam Lin / The Ballad of Tam Lin (Roddy McDowall, 1970) **
Une richissime quinquagénaire qui s'entoure de jeunes gens pour ignorer le temps qui passe s'emporte et se venge quand son amant tombe amoureux d'une fille de son âge. Le seul film de Roddy McDowall est un étonnant produit de son temps, entre British psyché-pop et Folk horror gothique qui transpose une vieille légende écossaise à la fin des Sixties. Plein d'idées dans sa réalisation, superbement photographié dans la campagne verdoyante, il met surtout en valeur Ava Gardner sur le retour, toujours star jusqu'au bout des griffes. Une vraie curiosité. BR UK BFI 

Tout ce qui respire / All that breathes (Shaunak Sen, 2022) ***
A Dehli, deux frères recueillent et soignent des milans noirs qui tombent du ciel empoisonné par la pollution. Les images superbement composées et la portée symboliste de ce documentaire le poussent vers le film d'art et d'essai, au sens le plus noble du terme. Derrière la tâche insurmontable des deux hommes, c'est l'irresponsabilité écologique du monde contemporain et l'impact de ses assauts sur tout ce qui respire. Traité sur un ton élégiaque, l'inéluctabilité du processus de corruption globalisée du vivant fait froid dans le dos et désespère. BR US The Criterion Collection  

Les Charnelles (Claude Mulot, 1974) *
Un fils de famille révolté et impuissant embarque avec lui deux jeunes paumés, un garçon et une fille, pour quelques jours de glandouille. Etonnant film érotique Seventies - les décors, costumes, pilosités et musiques - qui distille quelques pénibles scènes de violences, notamment faites aux femmes en un mélange qui ne passe plus aujourd'hui. Malgré la qualité esthétique de l'ensemble, on tique un peu sur l'ambivalence crasse du produit final, indéniable. A voir comme une curiosité et une tentative sans suite de cinéma érotique à sujet. BR FR Le Chat qui Fume 

Quatre nuits d'un rêveur (Robert Bresson, 1971) ***
Pendant quatre nuits successives, une jeune homme et une jeune femme se retrouvent sur le Pont-Neuf, là où ils s'étaient rencontrés alors qu'elle allait se jeter dans la Seine. Plastiquement beau à tomber, d'un artifice bressonien toujours fascinant, illuminé par le présence étherée d'Isabelle Weingarten et avec son traitement tordu du thème des raisons du coeur, je me suis pourtant assez fait chier après le premier quart-d'heure. Le film terminé, ce qu'il en reste et sa petite musique qui résonne me touchent plus que je l'aurais pensé. Magie de Bresson. BR FR Potemkine MK2 

Cœur de pierre / Das kalte Herz (Paul Verhoeven, 1950) ***
En Forêt-Noire, un sympathique charbonnier sans le sou échange son coeur contre de l'or et devient imbuvable. L'adaptation est-allemande par la DEFA du célèbre conte allemand pousse les valeurs du travail contre celles du capital en message moral et politique tout en créant un superbe livre d'images qui oscille entre le folklore et fantastique, le romantisme et la cruauté. La production est luxueuse et le pictorialisme de l'Agfacolor en met plein la vue : rien que pour cela, mais pas que pour cela, le film est un enchantement. Ce fut un immense succès. BR FR Artus Films  

Constance aux Enfers (François Villiers, 1963) **
Un été à Paris, une veuve a une liaison dangereuse avec un jeune voisin qu'elle a surpris en train de tuer sa copine. Entièrement construit sur les tourments de Michèle Morgan en bourgeoise en chaleur, un mélo-thriller du genre académique qui se laisse voir pour la romance automne-printemps, le décor à la "Fenêtre sur cour" et le choc générationnel  entre Morgan et la jeune garde Simón Andreu - pas mal - et Dany Saval, starlette insipide. Et aussi pour le twist du milieu, qui rebat les cartes et relance l'histoire quand il le fallait. Du bon ciné de papa. DVD René Château  

La nuit des morts-vivants / Night of the living dead (Tom Savini, 1990) ***
Un petit groupe de gens terrifiés se barricade dans une maison de la campagne de Pennsylvanie contre une horde de cadavres revenus à la vie. L'excellent remake officiel du chef-d'oeuvre de Romero en reprend précisément le scénario et le découpage, les personnages et les situations aussi, mais en couleur et avec Barbara - la fille catatonique de 1968 - en figure dynamique centrale, contrat des années 80-90. Patricia Tallman est d'ailleurs formidable, comme Tony Todd dans le rôle de Ben et les zombies, vraiment effrayants. Une actualisation en réussite totale. BR DE Sony

Let's scare Jessica to death (John Hancock, 1971) **
Juste sortie de dépression, une jeune femme se met au vert dans le Connecticut accompagnée de son mari et d'un ami, mais la maison qu'ils ont louée est occupée par une étrange squatteuse. Tout en atmosphère, un film d'horror typique du début des 70s où la suggestion est préférée à l'action et où le spectateur est appelé à entrer dans l'esprit - ici passablement névrosé - du personnage, superbement incarné par Zohra Lampert. On pense à l'art et essai ou à l'horror européenne et on apprécie les subtiles références cinéphiles. Du modeste classieux. BR US Shout Factory

La pie voleuse (Robert Guédiguian, 2024) ***
A Marseille, une assistante de vie dévouée à ses clients leur subtilise chèques et billets pour aider sa famille. Un chouette conte moral et humaniste dans une Marseille de carte postale où les fidèles de Guédiguian et quelques nouveaux tournent sur le manège des petits conflits et des grands sentiments. En délinquante de charité prête à recoudre les difficultés des autres, on pardonnerait tout à Ariane Ascaride, toujours lumineuse. Il y a des films comme ça qui sont confortables et réconfortants au meilleur sens du terme : celui-ci en fait partie. BR FR Diaphana

Les Granges Brulées (Jean Chapot, 1973) **
Dans le Doubs en hiver, un juge parisien (Alain Delon) enquête dans une ferme près de laquelle un meurtre sauvage a été commis. Un film de gens et de lieux entièrement centré sur ses personnages taiseux dominés par la matriarche de la tribu paysanne, Simone Signoret impériale. Avec son décor ouaté de neige et son dénouement en non-événement, il n'y a aucune péripétie, juste une ambiance de fin d'un monde autour de deux stars magnétiques. Paralysé par leur présence, le réalisateur abandonna le tournage, repris par l'assistant aidé de Delon. BR FR Coin de Mire