Dear Zachary est un documentaire exceptionnel qui a bouleversé le public de tous les festivals dans lesquels il est passé. C'est aussi une nouvelle démonstration qu’en matière d’histoires, la vie réelle est plus inventive et imprévisible que les talents réunis de tous les scénaristes d’ici et d’ailleurs.
Le 5 novembre 2001, Andrew Bagby fut assassiné à l’âge de 28 ans sur un parking rural de Pennsylvanie par une de ses ex-petites amies, Shirley Turner, âgée de 40 ans. Celle-ci s’enfuit peu après en Terre-Neuve (Canada) pour échapper à la justice américaine. Depuis le Canada, Shirley Turner fit savoir aux parents d’Andrew qu’elle était enceinte de leur fils décédé. Rattrapée par la justice et placée en détention, elle fut rapidement libérée sous caution en attente de son procès et accoucha d’un petit Zachary. Les parents d’Andrew Bagby (et donc les grands-parents de Zachary) vendirent tous leurs biens aux Etats-Unis pour venir s’installer en Terre-Neuve afin de se rapprocher de leur petit-fils et d’essayer d’en obtenir la garde alternée, si ce n'est complète. Pour cela, ils durent accepter les rencontres au quotidien avec la mère de leur seul petit-enfant qui était aussi la meurtrière de leur fils unique…
Le réalisateur du documentaire, Kurt Kuenne, décida de consacrer un film à Andrew Bagby quelques jours seulement après la mort de celui-ci : meilleurs amis depuis l'enfance, ils avaient grandi ensemble, été au même collège et partagé les bons comme les moins bons moments de la vie. Cinéaste amateur, Kurt Kuenne avait chez lui des dizaines de petits films familiaux et de fiction que lui et Andrew Bagby avaient faits depuis qu’ils étaient adolescents. La première idée de Kurt était de faire un film en mémoire d’Andrew, pour sa famille, ses amis et ses collègues de travail. Un film hommage doublé d'un travail de deuil. Au cours de la fabrication de ce premier projet, la fuite de Shirley Turner, l’annonce de sa grossesse et le déménagement des parents d’Andrew firent évoluer le film vers d’autres buts : il devenait une enquête à charge sur Shirley Turner et un témoignage sur le courage et la volonté exemplaires des futurs grands-parents de récupérer le bébé à venir. A la naissance du petit garçon, Kurt décida de construire son film comme une lettre à l’enfant pour lui raconter qui avait été son père et ce que ses grands-parents avaient fait pour lui. D’où le titre final du film: Dear Zachary, a Letter to a Son about his Father. Les événements qui devaient suivre allaient cependant orienter le film vers une autre dimension, totalement impensable au début du projet.
Première réalisation de Kurt Kuenne, Dear Zachary est perçu sous des angles multiples par le spectateur qui ne connaît à priori pas les détails de l’histoire : c’est le portrait en kaléidoscope d’un homme jeune, brillant et sympathique, aimé de tous ceux qui l’avaient rencontré ; c’est une ode à l’amitié partagée entre deux copains du même âge (dont l’un n’est plus là) ; c’est un cri de révolte contre une meurtrière et contre le système judiciaire canadien qui la laisse en liberté ; c’est une déclaration d’amour à un enfant et à ses grands-parents ; c’est un film-somme qui est le dernier de ceux que Kurt et Andrew réalisaient depuis des années pour s’amuser et par passion pour le cinéma. Réalisé dans l’urgence et le besoin d’exprimer une émotion écrasante, Dear Zachary est construit comme un drame humain (qui s’approche parfois du mélodrame tant les tournants de l’histoire sont spectaculaires) avec tous les moyens du cinéma de témoignage : les interviews des amis et collègues d’Andrew, les photos et films de famille, les extraits de news télévisées, les coupures de presse, les enregistrements audio de répondeurs téléphoniques… Le montage image et son est très rapide, avec des superpositions des prises de parole, des allers-retours entre le passé (les films de famille et les courts-métrages amateurs) et le présent (les voyages du réalisateur sur les traces de son ami et l’évolution au jour le jour des événements) et des moments de tension surprenants, comme ces cris de colère du grand-père qui reviennent à intervalles réguliers lors de ses interventions.
Petit-à-petit, le portrait des principaux protagonistes de l’histoire se précise : Andrew Bagby était un meneur jovial et un jeune médecin plein de promesses ; Shirley Turner une femme profondément perturbée, sans doute psychotique ; les parents d’Andrew des modèles de courage et de volonté ; le petit Zachary un enfant comme les autres doté d’une ressemblance frappante avec son père. Les autres protagonistes sont esquissés de quelques traits mais ouvrent des abîmes de perplexité dans l’esprit des spectateurs, comme ce juge canadien qui accepte de remettre Shirley Turner en liberté sous caution « compte-tenu qu’elle est soupçonnée d'avoir tué la seule personne qu’elle voulait tuer et qu’à ce titre, elle ne constitue en aucun cas un danger pour la société au sens général » ou encore ce psychiatre qui a versé la caution nécessaire à la sortie de prison de sa patiente. Et derrière la caméra, c'est le portrait d'un réalisateur qui fait un film qui lui est absolument nécessaire et qui voit le sol s’ouvrir sous ses pieds au fur et à mesure des tournants imprévisibles que prend l’histoire qu’il voulait raconter.
Je ne dévoilerai pas la fin du film (il est important de découvrir Dear Zachary en en sachant le moins possible pour que sa charge émotionnelle dégage toute sa puissance), mais je peux dire que lorsque le générique final apparaît, tout spectateur normalement constitué ne peut qu’être lessivé par l’histoire qui lui a été racontée en 95 minutes. Dear Zachary n’est pas Fatal Attraction : c’est un documentaire extraordinaire, dans son fond et dans sa forme. C’est aussi une tragédie, au sens antique du terme, et l’un des plus forts témoignages d’amour, d’amitié et de colère que j’aie pu voir sur un écran. Voyez-le dès que vous le pouvez.
Dear Zachary vient de sortir en DVD aux USA chez Oscilloscope. C’est un Z0 à la qualité irréprochable (sous-titres anglais optionnels).
Le 5 novembre 2001, Andrew Bagby fut assassiné à l’âge de 28 ans sur un parking rural de Pennsylvanie par une de ses ex-petites amies, Shirley Turner, âgée de 40 ans. Celle-ci s’enfuit peu après en Terre-Neuve (Canada) pour échapper à la justice américaine. Depuis le Canada, Shirley Turner fit savoir aux parents d’Andrew qu’elle était enceinte de leur fils décédé. Rattrapée par la justice et placée en détention, elle fut rapidement libérée sous caution en attente de son procès et accoucha d’un petit Zachary. Les parents d’Andrew Bagby (et donc les grands-parents de Zachary) vendirent tous leurs biens aux Etats-Unis pour venir s’installer en Terre-Neuve afin de se rapprocher de leur petit-fils et d’essayer d’en obtenir la garde alternée, si ce n'est complète. Pour cela, ils durent accepter les rencontres au quotidien avec la mère de leur seul petit-enfant qui était aussi la meurtrière de leur fils unique…
Le réalisateur du documentaire, Kurt Kuenne, décida de consacrer un film à Andrew Bagby quelques jours seulement après la mort de celui-ci : meilleurs amis depuis l'enfance, ils avaient grandi ensemble, été au même collège et partagé les bons comme les moins bons moments de la vie. Cinéaste amateur, Kurt Kuenne avait chez lui des dizaines de petits films familiaux et de fiction que lui et Andrew Bagby avaient faits depuis qu’ils étaient adolescents. La première idée de Kurt était de faire un film en mémoire d’Andrew, pour sa famille, ses amis et ses collègues de travail. Un film hommage doublé d'un travail de deuil. Au cours de la fabrication de ce premier projet, la fuite de Shirley Turner, l’annonce de sa grossesse et le déménagement des parents d’Andrew firent évoluer le film vers d’autres buts : il devenait une enquête à charge sur Shirley Turner et un témoignage sur le courage et la volonté exemplaires des futurs grands-parents de récupérer le bébé à venir. A la naissance du petit garçon, Kurt décida de construire son film comme une lettre à l’enfant pour lui raconter qui avait été son père et ce que ses grands-parents avaient fait pour lui. D’où le titre final du film: Dear Zachary, a Letter to a Son about his Father. Les événements qui devaient suivre allaient cependant orienter le film vers une autre dimension, totalement impensable au début du projet.
Première réalisation de Kurt Kuenne, Dear Zachary est perçu sous des angles multiples par le spectateur qui ne connaît à priori pas les détails de l’histoire : c’est le portrait en kaléidoscope d’un homme jeune, brillant et sympathique, aimé de tous ceux qui l’avaient rencontré ; c’est une ode à l’amitié partagée entre deux copains du même âge (dont l’un n’est plus là) ; c’est un cri de révolte contre une meurtrière et contre le système judiciaire canadien qui la laisse en liberté ; c’est une déclaration d’amour à un enfant et à ses grands-parents ; c’est un film-somme qui est le dernier de ceux que Kurt et Andrew réalisaient depuis des années pour s’amuser et par passion pour le cinéma. Réalisé dans l’urgence et le besoin d’exprimer une émotion écrasante, Dear Zachary est construit comme un drame humain (qui s’approche parfois du mélodrame tant les tournants de l’histoire sont spectaculaires) avec tous les moyens du cinéma de témoignage : les interviews des amis et collègues d’Andrew, les photos et films de famille, les extraits de news télévisées, les coupures de presse, les enregistrements audio de répondeurs téléphoniques… Le montage image et son est très rapide, avec des superpositions des prises de parole, des allers-retours entre le passé (les films de famille et les courts-métrages amateurs) et le présent (les voyages du réalisateur sur les traces de son ami et l’évolution au jour le jour des événements) et des moments de tension surprenants, comme ces cris de colère du grand-père qui reviennent à intervalles réguliers lors de ses interventions.
Petit-à-petit, le portrait des principaux protagonistes de l’histoire se précise : Andrew Bagby était un meneur jovial et un jeune médecin plein de promesses ; Shirley Turner une femme profondément perturbée, sans doute psychotique ; les parents d’Andrew des modèles de courage et de volonté ; le petit Zachary un enfant comme les autres doté d’une ressemblance frappante avec son père. Les autres protagonistes sont esquissés de quelques traits mais ouvrent des abîmes de perplexité dans l’esprit des spectateurs, comme ce juge canadien qui accepte de remettre Shirley Turner en liberté sous caution « compte-tenu qu’elle est soupçonnée d'avoir tué la seule personne qu’elle voulait tuer et qu’à ce titre, elle ne constitue en aucun cas un danger pour la société au sens général » ou encore ce psychiatre qui a versé la caution nécessaire à la sortie de prison de sa patiente. Et derrière la caméra, c'est le portrait d'un réalisateur qui fait un film qui lui est absolument nécessaire et qui voit le sol s’ouvrir sous ses pieds au fur et à mesure des tournants imprévisibles que prend l’histoire qu’il voulait raconter.
Je ne dévoilerai pas la fin du film (il est important de découvrir Dear Zachary en en sachant le moins possible pour que sa charge émotionnelle dégage toute sa puissance), mais je peux dire que lorsque le générique final apparaît, tout spectateur normalement constitué ne peut qu’être lessivé par l’histoire qui lui a été racontée en 95 minutes. Dear Zachary n’est pas Fatal Attraction : c’est un documentaire extraordinaire, dans son fond et dans sa forme. C’est aussi une tragédie, au sens antique du terme, et l’un des plus forts témoignages d’amour, d’amitié et de colère que j’aie pu voir sur un écran. Voyez-le dès que vous le pouvez.
Dear Zachary vient de sortir en DVD aux USA chez Oscilloscope. C’est un Z0 à la qualité irréprochable (sous-titres anglais optionnels).
Me voilà impatient de voir ce film. Merci pour l'info !!
RépondreSupprimerJe ne sais pas si le film sortira un jour en salles en France, mais sur une chaîne comme Arte, j'imagine que oui, et il reste la solution DVD.
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