A l'occasion de la sortie universelle et de ma délectation individuelle pour
2012, voici dans l’ordre alphabétique une liste subjective de mes 10 (et quelques) films-catastrophe préférés. Si le film-catastrophe est par définition un film de distraction (« entertainment movie » ou « popcorn movie »), quelques-uns de ses chefs-d’oeuvre, comme on le voit ci-dessous, repoussent ce qualificatif jusqu’à son opposé extrême (« depression movie ») et peuvent vous foutre le bourdon pour des jours. Moi, j’aime les uns comme les autres…
The day after tomorrow / Le jour d’après (Roland Emmerich, 2004)
Le changement climatique y plonge la Terre (et New-York) dans un chaos indescriptible mais très cinématographique. Le message écologique donne au film un petit supplément de responsabilité qui n’est pas commun dans les films-catastrophe hollywoodiens mais ce n’est bien sûr pas pour ça qu’on a vu le film : c’est pour le savoir-faire d’Emmerich dans la composition de scènes de désastres naturels, qui reste inégalé (sauf par lui-même dans
2012). De la banquise qui se fissure au gel subit de la planète, en passant par le raz-de-marée sur Manhattan, les tableaux grandioses se succèdent avec enthousiasme. Et si les clichés scénaristiques sur la famille, les élus et les damnés abondent, c’est dans la nature-même du genre. On regrettera quand même quelques loups en CGI vraiment trop voyants, mais c'est chipoter.
The day the Earth caught fire / Le jour où la Terre prit feu (Val Guest, 1961)
Un excellent film britannique en noir et blanc avec un scénario assez original : à la suite d’une série d’explosions nucléaires, la Terre se rapproche du Soleil, chauffe et menace de se consumer. Avec une économie de moyens qui bénéficie au réalisateur, obligé de se concentrer sur le drame humain vécu par quelques personnages (notamment un journaliste qui couvre la catastrophe pour un journal londonien), le film possède une tournure documentaire qui continue à impressionner aujourd’hui. Les vues des rues et des parcs de Londres, devenus fournaises, se vidant peu à peu de la population font – paradoxalement - froid dans le dos. Une grande réussite du film-catastrophe (sur le mode sérieux), malheureusement trop méconnu, et qui rappelle évidemment les inquiétudes des années 1960 concernant la prolifération nucléaire.
A night to remember / Atlantique, latitude 41 (Roy Ward Baker, 1958) &
Titanic (James Cameron, 1997)
Film de tous les superlatifs,
Titanic de Cameron, malgré ses nombreux défauts et mièvreries, reste un exaltant moment de cinéma-catastrophe (et d’effets spéciaux) dès lors que le paquebot approche de l’iceberg. Mais c’est
A night to remember, que Cameron a pillé sans scrupule, qui demeure le meilleur film jamais réalisé sur le Titanic. Tourné dans un noir et blanc qui lui assure son aspect documentaire et écrit avec l’assistance de Walter Lord, l’historien spécialiste de la tragédie, ce film britannique raconte sans négliger aucun détail l’avant, le pendant et l’après du naufrage. Baker met en scène avec beaucoup de subtilité le drame individuel et collectif des passagers tout en offrant des images saisissantes et élégiaques de l’intérieur du navire qui coule. C’est l’un de mes films préférés, tous genres confondus.
The Poseidon adventure / L'Aventure du Poséidon (Ronald Neame, 1972) &
Poseidon (Wolfgang Petersen, 2006)
L’aventure du Poséidon a donné au film-catastrophe ses lettres de noblesse en 1972 (après
Airport, qui était plus un mélodrame) et reste encore, près que quarante ans plus tard, l’un des meilleurs. Le suspense de l’histoire, les effets spéciaux mécaniques, les décors saisissants du paquebot retourné et les acteurs chevronnés qui réussissent à apporter une émouvante épaisseur à leurs personnages stéréotypés permettent au film d’atteindre un équilibre entre frisson et émotion que le genre semble aujourd’hui avoir perdu. Enfant, l’affiche du film a longtemps orné un mur de ma chambre : c’est aussi peut-être pour cela qu’il me tient particulièrement à cœur. En 2006, le remake de Petersen, sans égaler l’original, a privilégié l’action pure et a rempli sa mission avec panache, malgré les critiques assassines qui l’ont accueilli.
On the beach / Le dernier rivage (Stanley Kramer, 1959)
Comme d’habitude chez Kramer, le meilleur côtoie le pire dans ce film d’un rare pessimisme où quelques personnages attendent l’arrivée d’un nuage radioactif mortel sur l’Australie. Le meilleur, c’est la science du cadre large et du noir et blanc. Le pire, c’est la lourdeur démonstrative et de jeu de certains acteurs (Astaire, Perkins). Mais le sentiment désespéré qui imprègne tout le film reste impressionnant après un-demi siècle et certains moments sont de splendides moments de mise en scène : la marche d’Ava Gardner sur le quai devant les marins, l’arrivée du sous-marin dans le port presque désert de San Francisco, la recherche de l’émetteur du signal morse, le dernier profil d'Ava Gardner (à mon avis, elle n'a jamais été plus belle que dans ce film), les toutes dernières images. Et l’utilisation du magnifique "Waltzing Matilda" comme illustration musicale provoque, à chacun de ses passages, un réel pincement au cœur.
San Francisco (W.S. Van Dyke, 1936)
Seule la dernière demi-heure appartient proprement au genre du film-catastrophe, mais quelle demi-heure ! Le tremblement de terre et l’incendie de San Francisco (1906) sont reconstitués de façon très spectaculaire sur les immenses plateaux de la MGM et exaltés par une formidable science du montage, évidemment influencée par le cinéma soviétique. Les trois premiers quarts du film mêlent mélodrame, musical et opéra (quel panachage !) mais contiennent une tension palpable due au fait que le spectateur qui découvre le film attend les premières secousses sans savoir quand elles vont arriver. Certains détestent l’outrance lyrico-mystique de la dernière séquence mais je trouve pour ma part qu’elle obéit bien à la loi du film-catastrophe et de l’époque et qu’elle conclut parfaitement ce film étonnamment hybride, l’une des premières grandes réussites du genre.
Testament / Le dernier testament (Lynne Littman, 1984)
Ce film est sans doute le plus sombre et déprimant jamais réalisé dans ce sous-genre du film-catastrophe : le film d’extinction. C’est ce qui doit expliquer la négligence avec lequel il est traité dans les papiers sur le sujet et l’oubli public dans lequel il est tombé. Réalisé par une femme (c’est important : le ton a une sensibilité toute féminine), il raconte sans aucun recours aux effets spéciaux les conséquences d’une attaque nucléaire distante sur une famille d’une banlieue bourgeoise californienne. Le père, parti travailler en ville le matin, est sans doute mort le premier. A la suite des retombées radioactives, ses enfants puis sa femme (bouleversante Jane Alexander) s’éteignent les uns après les autres, dans leur décor quotidien inchangé. Un film désespéré et inoubliable qui choisit d’analyser la désintégration psychologique et physique d’une famille confrontée à sa disparition certaine.
The towering inferno / La tour infernale (John Guillermin, 1974)
Avec
L’Aventure du Poséidon, le second pilier historique du genre. Je me rappelle l’avoir vu sur très grand écran au cinéma, lors d’une ressortie d’été, et d’avoir physiquement ressenti des vagues de chaleur ! C’est à mon avis (malgré mon attachement pour le Poséidon), le modèle insurpassable du film-catastrophe pré-CGI, avec son scénario codifié et efficace, son casting royal, ses décors rutilants puis ravagés et ses effets spéciaux à la fois artisanaux et démesurés. Personne ayant vu le film n’a pu oublier la scène des amants pris au piège des flammes, de l’ascenseur extérieur ou du sauvetage en nacelle entre les deux tours. Je crois même me souvenir que le film avait provoqué à sa sortie l’introduction de modifications dans les règles de sécurité sur les bâtiments de grande hauteur. Son titre lui-même est entré dans la mémoire collective et le prononcer réussit toujours à provoquer un délicieux petit frisson.
United 93 (Paul Greengrass, 2006)
Je classe ce film dans le genre du film-catastrophe même si il y est bien trop à l’étroit. L’éprouvant réalisme du film, dû à l’intelligence du scénario, à la justesse des acteurs et à la maîtrise de la réalisation, dépasse de loin les normes du genre auquel il est pourtant rattaché par de nombreux points : microcosme en péril, univers clos, tension croissante. Le film s’arrête au moment précis de l’impact au sol de l’avion détourné, nous laissant avec nos images mentales des images réelles et obsédantes du 11 septembre. Un film cathartique et passionnel qui est aussi une expérience sensorielle insupportable pour beaucoup. Si
United 93 est bien du cinéma, les terribles images du 11 septembre ne sont-elles pas les images définitives (au moins jusqu’à aujourd’hui) du plus grand film-catastrophe qu’on puisse imaginer ?
When the wind blows (Jimmy Murakami, 1986)
J’ai récemment découvert ce bouleversant long-métrage d’animation britannique qu’on peut rapprocher de
Testament, cité plus haut. Ici aussi, des anonymes subissent les effets des retombées d’une attaque nucléaire. C’est un couple de petits retraités dans la campagne anglaise. Ils se préparent à des moments difficiles en suivant à la lettre les instructions que leur donne la BBC. Puis l’électricité est coupée, l’isolement devient total, ils tombent malades et meurent. La transition progressive entre la combativité au début, leur incompréhension au milieu et leur résignation à la fin rythme les trois sections du film. La catastrophe, lointaine, est seulement suggérée, mais ses effets sur ces deux charmants petits vieux lui donne une résonance universelle. Un film qui commence avec pas mal d'humour pour finir dans une infinie tristesse.
When worlds collide / Le choc des mondes (Rudolph Maté, 1951) &
2012 (Roland Emmerich, 2009)
Produit par le génial George Pal,
Le choc des mondes m’impressionna dans mon enfance quand je l’ai découvert à la télé, au point d'aller parfois scruter le ciel d’été pour essayer d'apercevoir Bellus et Zira s’approchant de la Terre. Sa naïveté me fait aujourd’hui sourire mais j’ai gardé une grande tendresse pour lui. Son remake inavoué, le superlatif
2012 d’Emmerich (encore lui) pousse le film-catastrophe vers des outrances jamais vues jusqu'ici. Les effets spéciaux digitaux actuels permettent tous les excès, péché mignon du réalisateur. De la Californie détachée qui plonge en cinq minutes dans le Pacifique à l’Himalaya balayé par un tsunami, tout est désormais possible et montré, pour notre plus grand plaisir. Peu importe l’idiotie de l’ensemble, on s’accroche au fauteuil pendant 2h40... et on en redemande. Les américains ont inventé un nouveau qualificatif spécialement pour le film : « Disaster Porn ». De la sensation pure sans aucune émotion : on est loin du Poséidon et c’est assez bien vu.