3 février 2023

Films vus par moi(s): février 2023


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Frère et soeur (Arnaud Desplechin, 2022) **
Approchant de la cinquantaine, un frère et une soeur qui se haïssent de loin depuis vingt ans se revoient quand leurs parents ont un accident de voiture. Sans contexte ni explication - c'est une excellente idée - les sentiments destructeurs intra-familiaux étouffent la vie dans ce drame/mélodrame porté par Marion Cotillard et Melvil Poupaud métamorphosés en boules de nerfs. Si on s'y retrouve, le film peut-être aussi sauvage qu'apaisant.  BR FR

Elvis (Baz Luhrmann, 2022) *
Le destin d'Elvis Presley, centré sur son lien avec son agent, le Colonel Parker. Un nième biopic sur Elvis, qui, de son adolescence à sa mort, expédie tout si vite malgré ses 2h30 qu'on a l'impression d'une synthèse "...pour les Nuls". Austin Butler est bon - sur la voix du King pour les chansons -, comme Tom Hanks dont le personnage est de loin le plus intéressant du film. Une série eut sans doute été plus satisfaisante. BR UK 

Bros (Nicholas Stoller, 2022) *
A New York, le rapprochement hésitant entre le directeur d'un futur musée LGBTQ+ et un avocat rencontré en boîte. Une rom com gay sympathique où les clichés éculés sont contrebalancés par le regard plutôt juste sur les insécurités identitaires et les bouleversements d'une relation naissante. Tout cela se passe dans un milieu privilégié mille fois vu mais les deux personnages sont attachants, une qualité essentielle dans le genre. BR UK

Gunda (Viktor Kossakovsky, 2020) ***
Dans une ferme danoise, les jours d'une truie et de ses porcelets. Dans un noir et blanc contrasté magnifique et sur une bande son constituée uniquement des bruits de la nature, la famille cochonne, quelques poules et un troupeau de vaches sont filmés à leur hauteur. Toute action est une aventure et sans aucun anthropomorphisme, les attitudes des animaux nous parlent, les émotions surgissent, jusqu'à la fin déchirante. Superbe. DVD Z2 DE

Équation à un inconnu (Dietrich de Velsa, 1980) **
Un jeune motard doté fantasme de rencontres sur sa route. Réalisé sous pseudo par le peintre Francis Savel, ce porno gay sorti de l'oubli il y a quelques années est un film d'art bien plus de sexe. Sur une bande sonore étonnante mêlant classique, électronique et bruits incongrus - des rires féminins sur une scène d'orgie -, les images et les attitudes des garçons très fin 70s poussent le film vers une certaine mélancolie, juste avant l'arrivée du sida. BR US

Et j'aime à la fureur (André Bonzel, 2021) **
A partir de petits films familiaux personnels ou d'amateurs anonymes de 1900 à 1990, le réalisateur de 60 ans se raconte, nous raconte. Dans tous ses états, c'est le flux des existences qui s'écoule sur des images dont le montage ingénieux célèbre l'émerveillement d'être ou d'avoir été vivant. Si la voix off du cinéaste, trop présente, débite parfois des banalités (d'où le **), le film est sincèrement beau et émouvant. Et les deux dernières minutes miraculeuses. BR FR

L'invasion vient de Mars / Invaders from Mars (Tobe Hooper, 1986) 0 ou NS
Un garçon de dix ans (le fils de Karen Black) qui a vu un vaisseau spatial se poser près de chez lui trouve ses parents changés et s'en confie à une infirmière (Karen Black). Ils enquêtent. Remake d'un classique de SF de 1953, ce film d'horreur pour enfants bénéficie d'une belle photo et de créatures grotesques mais se révèle un navet de première... ou un pastiche malicieux car le casting entier a un jeu trop épouvantable pour être vrai. BR UK

La classe américaine (Michel Hazanavicius & Dominique Mézerette, 1993) ***
Une prouesse de malice, de montage et de doublage qui utilise des dizaines d'extraits de films Warner en les détournant pour composer un absurde et hilarant pastiche du cinéma hollywoodien classique et moderne. Hoffman et Redford y enquêtent sur la mort de Wayne (Georges Abitbol, "l'homme le plus classe du Monde") et croisent Stewart, Gable, Welles, Presley, Lancaster, Dickinson, Bacall et plein d'autres. Un flim culte, absolument. Internet

Long, long time / The last  of us, saison 1, épisode 3 (Peter Hoar, 2023) ***
Des critiques sur cet épisode m'ont intrigué alors j'ai repris The Last of us. Autant je continue à trouver les péripéties avec les zombies à tête de chou emmerdantes, autant l'épisode 3 m'a cueilli. Détour inattendu et audacieux de la série, l'histoire d'amour sur vingt ans entre deux gays survivants de l'Apocalypse est l'une des plus belles et émouvantes choses que j'ai vues sur un écran depuis longtemps. Quand les yeux se brouillent... Amazon Prime

As bestas (Rodrigo Sorogoyen, 2022) ***
Installé dans un hameau des montagnes de Galice, un couple de Français venu faire du bio fait l'objet de la haine de deux voisins. Si le sujet peu sembler déjà vu, c'est la mise en scène du film qui emporte le spectateur dans sa spirale étouffante de violence psychologique, dans un paysage pluvieux de champs et de forêts qu'on ressent physiquement. Avec des acteurs tous excellents, dont Denis Ménochet, Marina Foïs et Luis Zahera. BR FR

Black phone / The black phone (Scott Derrickson & C. Robert Cargill, 2022) **
En 1977, un adolescent enlevé par un psychopathe masqué essaye de s'échapper de la cave où il est séquestré, aidé par les voix des garçons tués avant lui. De l'horror assez vieille école - la meilleure - qui joue sur l'atmosphère poisseuse et le jeu inquiétant à visage caché d'Ethan Hawke. Le regard sur l'Amérique déclassée et le choix de ne rien expliquer renforce l'originalité du film, sorte de teenage movie pour une fois cérébré. BR FR

2 janvier 2023

Films vus par moi(s): janvier 2023


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Everything everywhere all at once (Daniels, 2022) NS ou 0
Une sino-américaine (Michelle Yeoh) débordée a accès au multiverse et expérimente d'autres vies d'aventures. Ça doit être un peu ça car j'ai stoppé au bout de 30', assommé par la mise en scène racoleuse, l'hyperactivité gesticulante des acteurs et l'artifice imbuvable de l'ensemble. Jamie Lee Curtis semble pas mal en contrôleuse des impôts mais je suis trop vieux pour ces conneries industrielles construites sur l'esbrouffe. BR FR 

Gorge profonde / Deep throat (Gerard Damiano, 1972) **
Après que son gynécologue lui eut annoncé en se rhabillant que son clitoris se trouvait au fond de sa gorge, une femme au foyer frigide se rattrape en orgasmes. Avec son humour lourdaud, son attitude décontractée par rapport au sexe - l'excitation est bon enfant - et ses moustaches et entrejambes aux pilosités luxuriantes, le film séminal du porno reste une réjouissante time capsule du tournant des Seventies. Linda Lovelace dégage une tristesse infinie. DVD Z1 US

Hitler... connais pas (Bertrand Blier, 1963) **
En 1962, une douzaine de jeunes autour de vingt ans se racontent, seuls face à la caméra. Le titre putassier au possible - l'idée même d'Hitler est absente du film - cache un documentaire superbement éclairé en N&B et au montage créatif où le langage facial et corporel complète la parole, bravache ou désabusée. Rien n'annonce 1968 sauf, peut-être, une franchise nouvelle par rapport au sexe. C'est le premier film de Blier, qui avait 23 ans. Amazon Prime

Dr. Jekyll et Mr. Hyde / Dr. Jekyll and Mr. Hyde (Rouben Mamoulian, 1931) ***
A Londres, un jeune psychiatre teste sur lui une potion qui permet de séparer l'homme cultivé et l'homme primitif enfoui en lui. Commençant par une longue séquence en caméra subjective, la première au cinéma, une adaptation Pre Code de Stevenson qui insiste sur la frustration sexuelle comme moteur d'action. Fredric March est excellent en dandy et en Néandertalien, transformé à l'écran par un effet visuel impressionnant. BR US

The last of us - saison 1, épisode 1 (Neil Druckmann & Craig Mazin, 2023) NS
Dans un Boston post-apocalyptique, le monde vaincu par le fugus - si j'ai compris -, le combat pour la survie d'un petit groupe de durs-à-cuire. Je n'en saurai pas plus car il n'y aura pas d'épisode 2 pour moi. Après une première demi-heure excellente, c'est reparti avec les zombies qui courent partout et l'ado de service et je me suis demandé comment les gens n'ont pas marre de ces histoires et de ces images-là. Amazon Prime

La Californie (Jacques Fieschi, 2005) 0
Sur les hauteurs de Cannes, une quinquagénaire (Nathalie Baye) seule et fortunée entretient tout un petit monde, gigolo, dame de compagnie et coiffeur. Sur un sujet très camp dont Fassbinder ou John Waters auraient fait tout autre chose, un drame empesé dont les péripéties sont trop artificielles pour intéresser ou convaincre. Mais Roschdy Zem en frappe yougoslave et surtout Mylène Demongeot en amie souffre-douleur valent le coup d'oeil. DVD Z2 FR

Un jour à New York / On the town (Gene Kelly & Stanley Donen, 1949) *
Trois marins (dont Gene Kelly et Frank Sinatra) en permission de 24 heures à New York visitent la ville et rencontrent trois filles. Novateur dans son utilisation - partielle - des rues de Manhattan, un Musical très sympathique mais dont le scénario trop léger, les chansons peu mémorables et le choix de chorégraphies démonstratives font qu'on s'ennuie un peu, péché cardinal du genre. Les allusions sexuelles qui parsèment l'ensemble sont étonnantes. BR FR 

Jalouse (David & Stéphane Foenkinos, 2017) 0 
Une prof de littérature quinquagénaire dépressive jalouse et tente de détruire les bonheurs de ses proches. Le thème du film, vraiment intéressant, est gâché par le grand écart entre sa noirceur et son traitement teinté de comédie, amplifié par le surjouage - malheureusement habituel - de Karin Viard qui ôte toute crédibilité à son personnage. Résultat : on ne voit que les ficelles, comme celle de cette réplique finale indigne. Netflix

Les Olympiades (Jacques Audiard, 2021) ***
A Paris 13e, dans les tours des Olympiades, quatre jeunes adultes un peu perdus dans leur vie cherchent chacun un lien affectif. Dans un noir et blanc qui magnifique le quartier de béton et de verre et une mise une scène d'une fluidité exaltante, ces jeux de l'amour, du hasard et des réseaux sociaux sont portés par des acteurs radieux dont les personnages sont tous sincèrement touchants. Un film dont on sort heureux, c'est rare. BR FR

Cinq pièces faciles / Five easy pieces (Bob Rafelson, 1970) ***
Son père malade, un ouvrier du pétrole californien, ex pianiste, rejoint sa famille bourgeoise près de Vancouver. Jack Nicholson est au sommet en trentenaire en rupture de ban aliéné par lui-même et la société entière. Sur les chansons de Tammy Wynette, dans des scènes tragi-comiques inoubliables et illuminé par Karen Black et Lois Smith, le grand film existentiel américain du début des 70s reste intemporel, désespérément. BR US

Les crimes du futur / Crimes of the future (David Cronenberg, 2022) 0
Un artiste (Viggo Mortensen) fait pousser de nouveaux organes dans son corps que sa partenaire (Léa Seydoux) extrait lors de performances publiques. Après le début intrigant et prometteur, le film - très prétentieux - retombe vite dans la reprise des obsessions corporelles de Cronenberg, qu'il a bien mieux explorées il y a longtemps. Je me suis ennuyé, endormi et réveillé juste avant le générique de fin, en ayant vu assez pour la note. BR FR  

Chacun cherche son chat (Cédric Klapisch, 1996) **
Pendant quelques jours d'été à Paris, une jeune femme cherche son chat, perdu par la voisine qui le gardait. L'histoire est le prétexte à une chronique tendre autour de personnages attachants, notamment les vieilles du Faubourg Saint-Antoine, le quartier alors en mutation qui est le véritable héros du film. Tout cela reste très sympathique, comme une capsule temporelle qu'on peut rapprocher, sur un ton différent, du "Rayon vert" (Eric Rohmer, 1986). BR FR

2 décembre 2022

Films vus par moi(s): décembre 2022

*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Monsieur Joe / Mighty Joe Young (Ernest B. Schoedsack, 1949) **
Ramené d'Afrique avec sa propriétaire pour se produire dans un cabaret de Hollywood, un gorille géant sème le chaos avant de se racheter. Seize ans après "King Kong", la même production remet ça, ciblant cette fois le public juvénile. Le film n'a en rien la portée mythique du premier mais fonctionne, une fois les limites des acteurs acceptées, grâce à son rythme et le spectacle des trucages, les premiers de Ray Harryhausen. BR DE

Le chant du Missouri / Meet me in Saint Louis (Vincente Minnelli, 1944) ***
En 1903 à Saint Louis, la famille Smith coule des jours tranquilles jusqu'au moment où le père annonce qu'ils vont s'installer à New York. Au rythme des saisons en Technicolor, les bonheurs et les peines de la jeunesse tissent le fil ténu de ce classique du Musical qui enchaîne les morceaux de bravoure intimistes, portés par le charisme fou de Judy Garland et la justesse du personnage de la petite Margaret O'Brien. BR FR  

Je suis un aventurier / The far country (Anthony Mann, 1954) ***
Ayant récupéré le bétail qu'un shérif lui avait confisqué, un convoyeur part chercher de l'or dans une communauté minière d'Alaska pour s'y retrouver à nouveau face au shérif corrompu. James Stewart excelle dans le rôle atypique pour lui d'un homme égocentrique qui se voit obligé de s'impliquer pour la communauté. Dans de magnifiques paysages naturels, un western admirable sur lequel flotte l'identité profonde de l'Amérique. BR FR

West Side Story (Steven Spielberg, 2021) *
Dans la zone de Manhattan en 1957, Tony et Maria tombent amoureux alors que leurs bandes, les Jets et les Sharks, s'affrontent. Bien sûr, la musique, la chorégraphie et l'histoire sont formidables et c'est toujours un plaisir mais je n'ai pas vu la plus-value de refaire à l'écran ce qui avait été fait si bien par Robert Wise en 1961, sans y avoir apporté une actualisation du cadre contemporaine. On n'a donc qu'un remake, bon mais assez vain. BR FR  

Vortex (Gaspar Noé, 2021) ***
Dans un appartement parisien, les derniers jours d'un couple d'octogénaires, un ancien critique de cinéma cardiaque et une ancienne psychiatre frappée de démence. Reposant entièrement sur les exceptionnelles performances en improvisation de Dario Argento et de Françoise Lebrun - et d'Alex Lutz, jouant leur fils - et une minutieuse mise en scène en split screen, un film éprouvant mais magnifique sur la boucle toujours bouclée des existences. BR FR  

Sans famille (Marc Allégret, 1934) ***
Devenu adolescent, un petit aristocrate anglais volé bébé mène en France une vie vagabonde jalonnée de rencontres généreuses et funestes. Cette adaptation du roman d'Hector Malot accumule les coïncidences mélodramatiques à un rythme effréné qui en font un modèle de narration feuilleton et de cinéma populaire. Et ça fonctionne, porté par le pathos, l'humour et un formidable casting autour du jeune et tragique Robert Lynen. VHS 

La vie criminelle d'Archibald de la Cruz / Ensayo de un crimen (Luis Buñuel, 1955) **
A Mexico, un homme a des pulsions de mort envers des femmes de son entourage. La faute morale d'envisager le crime ou de le réaliser est-elle la même ? Au-delà de cette question qui borde le film, Buñuel dessine un cas psychanalytique de type freudien dont les méandres et le symbolisme, paradoxalement, s'accordent mieux au concept jungien de complexe mère. Le tout sur un fond de mélodrame académiquement surréaliste. BR FR  

Le Prince et la danseuse / The Prince and the Showgirl (Laurence Olivier, 1957) ***
A Londres pour le couronnement de George V en 1911, le roi de Carpathia invite une showgirl du West End à dîner à l'ambassade. Je l'avais déjà revu il y a quelques mois et dit tout le bien que je pense du jeu irrésistible de Marilyn Monroe face à l'inconfort de Laurence Olivier. Quelque chose de plus m'a frappé cette fois : la dénonciation subtile, menée avec humour mais courage, de la prédation masculine. Un film vraiment étonnant. Cinémathèque Française 

Fanfare d'amour (Richard Pottier, 1935) **
Travestis pour l'occasion, deux musiciens sans le sou se font embaucher dans un orchestre féminin. Quiproquos à la pelle pour cette comédie dont Billy Wilder a fait un inégalable remake en 1959 : Some like it hot. Ici, les péripéties, la dynamique et la mise en scène appartiennent au théâtre de boulevard, sublimées par un joyeux casting - Fernand Gravey et Julien Carette sont formidables - qui semble s'amuser de l'absurdité générale. TV  

Orfeu Negro (Marcel Camus, 1959) **
Sur les hauteurs de Rio, un guitariste tombe amoureux d'une nouvelle voisine qui se sent suivie par un personnage sinistre. L'histoire d'Orphée et Eurydice est transposée au Brésil dans ce Musical tonitruant qui ouvrit au monde la bossa-nova, le carnaval et la liberté des corps. Malgré un coup de mou au milieu, l'entrain des acteurs, le rythme endiablé des percussions et des danses et la couleur vibrante en font un film total qui est resté unique. BR FR

Les Desperados / The Desperadoes (Charles Vidor, 1943) **
Des notables du Wyoming font passer le cambriolage meurtrier qu'ils ont commis de leur banque pour le méfait d'un jeune homme (Glenn Ford) dont la tête est mise à prix. Les superbes paysages naturels en Technicolor illuminent ce western qui fonce à bride abattue dans ses péripéties incessantes avec action, humour et sentiment. Les clichés du genre sont bien présents, mais dynamisés par la générosité enthousiasmante du film. BR FR

Les hommes préfèrent les blondes / Gentlemen prefer blondes (Howard Hawks, 1953) ***
A destination de Paris, une croqueuse de diamants et une croqueuse d'hommes font une traversée atlantique en paquebot. Constamment drôle, coloré, malin et culotté, un Musical dont la fraîcheur reste intacte à chaque révision. Les chansons inoubliables et l'énergie heureuse de Marilyn Monroe et de Jane Russell s'accordent à la mise en scène dynamique pour créer une sorte de bonbon pétillant irrésistible. Cinémathèque Française

Notre-Dame brûle (Jean-Jacques Annaud, 2022) *
Le combat des pompiers de Paris lors de l'incendie du 15 avril 2019. En décors grandeur nature et un peu de CGI, en séquences de fiction et images d'archives, les événements sont racontés à grands traits d'une écriture et d'une mise en scène académiques qui ne lésinent pas sur les symboles et le pathos. Les scènes de feu sont impressionnantes mais le tout, paradoxalement, manque d'âme. Anne Hidalgo joue la maire de Paris. BR FR

Moonfall (Roland Emmerich, 2022) *
La Lune, décrochée de son orbite, menace de s'écraser sur Terre. Un ex-astronaute, la directrice de la NASA et un geek astronome partent tenter de rétablir l'équilibre et découvrent les dessous de notre satellite. Encore un film catastrophe d'Emmerich, resucée de ses autres avec surenchère dans la débilité scénaristique et l'hyperbole visuelle. Bizarrement, on s'ennuie sans s'ennuyer et l'idée de l'AI conquérante est intrigante. BR FR

Sous le ciel bleu d'Hawaï / Blue Hawaii (Norman Taurog, 1961) **
Revenu du service militaire, un garçon qui vit à Honolulu avec ses parents y devient guide touristique. Son premier client :  quatre jeunes filles et leur chaperon. Un des films les plus légers d'Elvis - c'est peu dire - est aussi l'un des plus sucrés grâce au décor d'Hawaï en 1960, du Technicolor et des chansons à refrain - Are you lonsemone tonight? - qui s'enchaînent. Angela Lansbury a dit que c'était le niveau zéro de sa carrière. Moi, j'aime bien... BR UK

1 novembre 2022

Films vus par moi(s): novembre 2022


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Vaudou / I walked with a Zombie (Jacques Tourneur, 1943) ***
Chez des colons d'une île caraïbe, une infirmière réalise que la jeune femme cataleptique dont elle s'occupe est frappée d'un sort vaudou. Chef-d'oeuvre d'horror atmosphérique, l'un de joyaux désespérés des productions Val Lewton fait s'affronter les cultures des occupants et des insulaires, de la raison et de l'irrationnel. Les images aussi inquiétantes que lyriques culminent dans la sublime séquence nocturne dans la sucrière au son des tambours. BR DE  

La machine à explorer le temps / The time machine (George Pal, 1960) ***
Le 31 décembre 1899, un inventeur londonien se propulse dans sa machine à explorer le temps jusqu'en 802 701. Une fois par décennie, je revois ce film qui m'avait tant impressionné enfant. Les Morlocks dans la lueur des allumettes, le sirènes du Sphinx, Weena qui sourit, la Machine Art Nouveau, la virilité de Rod Taylor et les trois livres qu'il a emportés continuent à me transporter. Mais le temps a passé et le sentiment a pris en gravité. BR US

Les sept femmes de Barbe-Rousse / Seven brides for seven brothers (Stanley Donen, 1954) ***
Dans l'Oregon, six frères célibataires s'emparent de six jeunes femmes du village de l'épouse de leur aîné. Inspiré par l'enlèvement des Sabines, un Musical rural dont le propos, dans le contexte contemporain, peut faire grincer des dents. Mais le dynamisme des chansons et des chorégraphies - l'athlétique séquence de la grange est exaltante - emporte tout, comme le Technicolor des décors peints et le casting mené par Howard Keel et Jane Powell. BR US

Licorice pizza (Paul Thomas Anderson, 2021) **
En 1973 à L.A., un collégien de quinze et une stagiaire de vingt-cinq ans sympathisent et s'associent en affaires. Un chronique californienne tendre et généreuse qui déroule comme ça, entre la rencontre et le baiser, des péripéties plutôt absurdes et amusantes à l'intérêt entièrement construit sur la mise en scène - cf. la première séquence, formidable - et la présence à l'écran de ses deux jeunes acteurs, Alana Haim et Cooper Hoffman. BR FR

Alice et le maire (Nicolas Pariser, 2018) **
Las et hésitant à se présenter à l'investiture socialiste à la présidentielle, le maire de Lyon embauche une jeune philosophe pour l'aider à remettre ses idées en place. Sur un sujet qui pourrait être du 17e siècle, l'étude bien contemporaine de la pensée devenue communication en politique. Le film est intelligent et touchant, par sa mise en scène épurée et la justesse de Fabrice Luchini - en retenue - et d'Anaïs Demoustier, toujours parfaite. BR FR

The Crown, Season 5 (Peter Morgan, 2022) **
De l'incendie de Windsor au divorce de Charles et Diana, la decas horribila de la famille royale. Portée par une musique funèbre, la 5e saison est plus sombre que les autres, concentrée sur les conflits intimes de ses quelques personnages choisis. Mais l'idée géniale de panacher moments connus de tous et confidences de trou de serrure fonctionne à plein, même si Imelda Staunton ressemble moins à la Reine d'Angleterre qu'à l'Impératrice de Chine. Netflix

L'équipée sauvage / The wild one (Laslo Benedek, 1953) *
Menée par un séduisant taiseux, une bande de motards en blouson noir chahute une petite ville américaine tranquille. L'importance historique sociétale du film est indéniable, Marlon Brando est vraiment charismatique et certaines images et attitudes sont passées à la postérité. Mais les rebelles à la moto et à la Bud d'hier semblent de bons garçons et leurs méfaits bien désuets 70 ans plus tard. La force d'origine est perdue. BR UK  

Les voyages de Gulliver / The 3 worlds of Gulliver (Jack Sher, 1960) 0
Un médecin naufragé échoue sur une île peuplée de lilliputiens puis une autre de géants. Cette adaptation du roman satirique de Swift, bien trop bavarde pour les enfants et bien trop infantile pour les adultes, ennuiera tout le monde. Les trucages des tailles sont bons mais les effets répétitifs - caméra en plongée ou contre-plongée - et Ray Harryhausen n'anime qu'un malheureux crocodile. Reste la partition de Bernard Herrmann. BR UK

Guy (Alex Lutz, 2018) ***
Un jeune documentariste suit au quotidien un ancien chanteur populaire des années 70-90 qui s'est retiré dans le Var mais tourne encore un peu. Pas du tout un film de nostalgie pop mais une chronique mélancolique sur le temps qui passe, les souvenirs qu'il laisse et les chemins qu'il referme. Alex Lutz est assez incroyable dans le rôle de l'artiste désabusé qui parle à son interlocuteur face caméra. Une élégie qui fait du bien et du mal. DVD Z2 FR

Cherchez la femme (Sou Abadi, 2017) **
Devenu islamiste, le frère d'une étudiante de Sciences-Po refuse qu'elle voie son copain. Celui-ci a l'idée de se cacher sous un niqab pour la retrouver, sans imaginer qu'il va séduire le frère. Il y a du "Some like it hot" chez les intégristes musulmans dans cette comédie vraiment drôle sur les idéologies et les apparences. Et par l'humour des situations, l'audace d'un regard léger sur un sujet sérieux. Félix Moati est excellent sous son voile. DVD Z2 FR

Qui tire le premier ? / A time for dying (Budd Boetticher, 1969) **
Un jeune homme et une jeune fille qu'il a sauvée d'un bordel partent à cheval vers le ranch du père du garçon. Le dernier film de Boetticher, produit par Audie Murphy - qui fait une apparition dans une belle scène -, est un western à tout petit budget dont le scénario est incertain et l'acteur principal - Richard Lapp - épouvantable. Et pourtant, il se dégage du film un charme indicible, par son humour maladroit et sa mélancolie. BR UK

Section d'assaut sur le Sittang / Yesterday's enemy (Val Guest, 1959) **
En Birmanie en 1942, le capitaine - Stanley Baker, solide - d'une patrouille britannique qui s'est emparée d'un village expérimente à ses dépends l'amoralité de la guerre. Un film de la Hammer qui ose mettre en miroir et à froid les exactions anglaises et japonaises. Dans le décor d'une jungle de studio luxuriante et dans une cinématographie théâtrale, l'humanité se désagrège, ouvrant sur un nihilisme étonnant pour son temps. BR UK

Chocolat (Roschdy Zem, 2016) *
Au tournant des années 1900 à Paris, l'histoire du duo de cirque Footit et Chocolat, qui créa le couple clown blanc/auguste. Le premier artiste de scène noir en France revient dans la lumière avec ce film qui bénéficie de la présence d'Omar Sy et de James Thierrée, tous deux formidables. Mais qui pâtit d'un d'un scénario et d'une réalisation académiques qui transforment le destin tragique de Chocolat/Rafael en support pédagogique. BR FR

Vampyr (Carl Th. Dreyer, 1932) ***
Descendu dans une auberge campagnarde, un jeune homme fait des rencontres et des expériences morbides. C'est l'atmosphère d'extrême inquiétude et les images génialement évocatrices - la dernière est sublime - qui frappent dans ce film d'horreur autant que d'art et de poésie noire. Tout y est somnanbulique et il faut se laisser porter par les séquences à la dynamique de cauchemar. Aussi, comme tout Dreyer, c'est parfois un peu chiant. BR UK

Les passagers de la nuit (Mikhaël Hers, 2021) **
De 1983 à 1988 à Paris, quelques jours et nuits d'une femme quittée par son époux, de ses deux ados et d'une jeune SDF qu'ils ont accueillie. Les liens d'intimité affective entre les personnages, révélés en une suite de moments impressionnistes, structurent l'histoire dont les péripéties et l'époque pourraient être toutes autres que ça serait la même chose. Charlotte Gainsbourg est parfaite et le décor du quartier Beaugrenelle insolite. BR FR 

Coach to Vienna / Kočár do Vídne (Karel Kachyna, 1966) ***
A la fin de de la Seconde guerre mondiale, une jeune fermière tchèque dont le mari a été exécuté par les allemands doit accompagner dans sa carriole deux soldats de la Wehrmacht jusqu'à la frontière autrichienne. Entièrement situé dans la brume d'une forêt sublimée par des travelings somptueux, un huis-clos à trois personnages sur les complexités morales de la vengeance. Peu est dit, peu se passe et c'est tristement magnifique. BR UK

Les reines du music-hall / Ladies of the chorus (Phil Karlson, 1949) **
Une jeune showgirl courtisée par un riche prétendant fait face à sa mère, showgirl elle aussi, qui craint pour le bonheur de sa fille. Une courte - 58' - comédie musicale qui offre à Marilyn Monroe, 22 ans et radieuse, son premier grand rôle et deux chansons. Elle s'en sort à merveille, laissant même parfois paraître l'aura de la star qu'elle deviendra quelques années plus tard. Une série B à la fois historique et sympathique comme tout. DVD Z2 FR 

Il buco (Michelangelo Frammartino, 2021) **
En 1961 en Calabre, un groupe de spéléologues explore le gouffre du Bifurto, qui se révèlera l'un des plus profonds du monde. Au-dessus, un vieux berger fait paître ses vaches et la nature suit son cours imperturbable. Filmé in situ, le film nous plonge avec les explorateurs dans l'abysse vertical et les pâturages, sans un mot, sans une musique. Les images sont magnifiques et l'expérience, si on la goûte, presque métaphysique. BR UK

The amusement park (George A. Romero, 1973) **
Espérant trouver de la distraction et de la compagnie dans un parc d'attraction, un septuagénaire déchante. Commandé par les services sociaux luthériens pour alerter sur l'invisibilité et la discrimination indigne des personnes âgées, ce moyen métrage de 52' a vite été mis de côté avant sa redécouverte cinquante ans plus tard. C'est du Romero pur jus : mise en scène claustrophobique, horreur sociale, tristesse infinie. Percutant. BR UK

2 octobre 2022

Films vus par moi(s): octobre 2022


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

À la recherche de Garbo / Garbo talks (Sidney Lumet) **
Alors que sa mère (Anne Bancroft) meurt d'un cancer, un comptable décide de réaliser son dernier souhait : rencontrer son idole, Greta Garbo. L'histoire est le prétexte à une succession de séquences autour de rencontres de solitudes dans la mégapole de New York. Toutes sont attachantes, notamment celle d'Harvey Feinstein en gay en demande de contact. Un petit film de Lumet riche d'une simplicité et d'un humanisme sincères. BR FR

À mort l'arbitre ! (Jean-Pierre Mocky, 1983) **
Furieux d'un pénalty qu'ils contestent, quelques supporters d'une équipe de foot excités par leur meneur décident de s'en prendre à l'arbitre. Michel Serrault, dans un rôle cousu main pour lui, en fait des tonnes en beauf frustré, suivi d'une bande de gueules plus bestiales que la sienne. La satire tourne à un survival bien mené dans les décors claustrophobes d'un centre commercial, d'une usine et d'immeubles de Bofill. Et en gilets jaunes. BR FR 

Zeros and ones (Abel Ferrara, 2021) 0
Dans une Rome désertée, un militaire américain (Ethan Hawke, toujours bien) est aux prises avec le FBI, des oligarques russes et des terroristes qui ciblent le Vatican. Enfin, je crois car le scénario opaque et décousu ne paraît qu'être le prétexte à avoir tourné léger, de nuit, pendant le premier confinement avec infrarouges et drones. Ethan Hawke apparait en personne au début et à la fin du film pour dire que le film est bon... BR FR

Le fils du requin (Agnès Merlet, 1993) ***
Au Tréport, deux frères d'une dizaine d'années déscolarisés sèment le chaos. Les quelques moments de grâce qui tournent autour d'une poésie de Lautréamont élèvent au niveau du conte ce drame de la délinquance juvénile à la fois irrespirable et touchant. Les deux jeunes acteurs non professionnels sont sensationnels dans leurs rôles aussi antipathiques que rudes, physiquement et psychologiquement, d'enfants en perdition. BR FR

Les étrangleurs de Bombay / The stranglers of Bombay (Terence Fisher, 1959) ***
Aux Indes à la fin du 19e siècle, un officier britannique enquête sur une secte d'assassins dévoués à Kâlî, les Thugs. Exotique et sadique, un excellent film de la Hammer qui ne recule pas devant le gore des cruautés des adorateurs de la déesse ni la subtile critique de la corruption coloniale. Les décors évoquent superbement la moiteur de l'atmosphère et la musique de James Bernard les effluves orientales et le suspense. BR UK

Lady Lou / She done him wrong (Lowell Sherman, 1933) **
A New York dans les Gay Nineties, la vedette d'un saloon se retrouve impliquée dans des embrouilles. Mae West se déplace en long en large et en travers de sa démarche inimitable et distribue ses oeillades et réparties pleines de sous-entendus dans cette comédie Pre Code qui repose entièrement sur l'outrance assurée de sa star aussi scandaleuse que sympathique. Face et grâce à elle, Cary Grant y lançait sa carrière. BR UK

Albatros (Xavier Beauvois, 2021) **
À Etretat, un gendarme qui a tué sans intention un agriculteur endetté sombre dans la dépression. L'approche naturaliste du quotidien des gendarmes au début du film cède la place à l'observation d'un type sans histoire rongé par la culpabilité puis, comme souvent chez le réalisateur, à sa confrontation à la Grâce. Jérémie Renier fait admirablement passer la confusion du personnage que l'eau du ciel et de la mer trempe et relève. DVD Z2 FR  

L'aîné des Ferchaux (Jean-Pierre Melville, 1963) ***
Un homme d'affaires poursuivi par la justice fuit aux Etats-Unis accompagné d'un jeune boxeur recruté comme secrétaire. Librement adapté de Simenon, le film mal-aimé de Melville réunit Charles Vanel et Jean-Paul Belmondo - tous deux formidables - dans une sorte de road-movie théâtral porté par la musique de Georges Delerue. La relation homosexuelle suggérée donne à l'histoire et au film une force décuplée. DVD Z2 FR

Une heure près de toi / One hour with you (Ernst Lubitsch, 1932) ***
Venue lui rendre visite, la meilleure amie d'une femme du beau monde s'amuse à séduire le mari de celle-ci. La suggestion sexuelle crépite dans ce vaudeville conjugal Pre Code qui se joue de la censure et de l'académisme avec un panache d'une légèreté irrésistible. Maurice Chevalier et Jeanette MacDonald forment un couple formidablement sympathique et poussent les chansonnettes pleines de sous-entendus avec le sourire. Radieux. BR FR

Blonde (Andrew Dominik, 2022) 0
La Passion de Norma Jeane. L'adaptation du roman-fleuve de Joyce Carol Oates - que j'avais adoré - est l'interminable et complaisant supplice d'un personnage de cinéma qui se trouve être Marilyn Monroe, et de son vagin. Obscène visuellement et pire, moralement, c'est une vraie saloperie déguisée sous les artifices démonstratifs du film d'art. Ana de Armas essaye de faire ce qu'elle peut mais elle aussi est victime. Révoltant. Netflix

3 septembre 2022

Films vus par moi(s): septembre 2022


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Athena (Romain Gavras, 2022) *
Suite à la mort d'un adolescent par ce qui est soupçonné être une bavure policière, une cité s'embrase. Convoquant les poèmes épiques grecs, les plans-séquences à la de Palma et la pyrotechnie du Puy du Fou, ce film assez putassier offre un spectacle époustouflant d'une grandeur antique sur un sujet d'actualité brûlant. Mais la fin montre qu'en plus de l'esthétisme de la violence, il a une chose à dire. Est-ce responsable ? Netflix

La fille du bois maudit / The trail of the Lonesome Pine (Henry Hathaway, 1936) **
Dans les forêts du Kentucky, un ingénieur venu de la ville pour installer un chemin de fer séduit une jeune femme dont la famille voue une haine ancestrale à un autre clan. Fred MacMurray, Sylvia Sidney et Henry Fonda sont pris dans le conflit et un scénario assez poussif et bavard. Mais le film, le second tourné en Technicolor trichrome, est porté par ses couleurs qui magnifient les décors et les paysages. Pour la prouesse technique. BR FR 

Une femme est une femme (Jean-Luc Godard, 1961) *
À la Porte Saint-Denis à Paris, une jeune strip-teaseuse dont le copain ne veut pas d'enfant cherche à le provoquer en tentant un de ses amis. La potacherie, la désinvolture et la créativité brillantes du film, stupéfiantes à sa sortie, m'ont fatigué comme les jeux de mots par leur systématisme satisfait. Anna Karina, Jean-Claude Brialy et Jean-Paul Belmondo sont parfaits et Paris en 1961 est coloré comme tout mais tout cela ne m'a pas parlé. BR UK

Le fanfaron / Il sorpasso (Dino Risi, 1962) ***
S'étant rencontrés dans la Rome désertée du 15 août, un type extraverti entraîne un étudiant en droit introverti à faire une virée en décapotable jusqu'au bord de la mer. L'humour et la mélancolie, l'action et l'introspection, la désinvolture et la gravité : ce chef-d'oeuvre accorde les opposés et les deux personnages - Vittorio Gassman et Jean-Louis Trintignant, inoubliables - en un équilibre miraculeux et terrassant. BR FR

Madres paralelas (Pedro Almodóvar, 2021) **
Voisines d'accouchement dans une clinique de Madrid, une quadragénaire et une adolescente seules - Penélope Cruz et Milena Smit, bouleversantes - se retrouvent plus tard et tissent une relation complexe. La réassurance de la filiation et la mémoire des morts sont au coeur de ce Woman's Picture d'Almodóvar qui mêle mélodrame pur et activisme politique - la Guerre d'Espagne - dans un équilibre incertain mais néanmoins prenant. BR FR

2 août 2022

Films vus par moi(s): août 2022

*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NS ne sait

Nope (Jordan Peele, 2022) *
Un phénomème mystérieux de type OVNI intrigue le propriétaire d'un ranch isolé du désert californien. Il y a des idées formidables, des images fortes et quelques séquences à suspense efficaces dans ce film fantastique et pourtant rien ne s'inscrit, la faute à un scénario qui privilégie le symbolisme abscons à la narration régulière et un monstre franchement ridicule. A quoi s'ajoute le personnage de la soeur, insupportable. Nope. Ciné

Adieu Philippine (Jacques Rozier, 1962) **
L'été 1960, un technicien de l'ORTF en attente d'Algérie sympathise avec deux filles avec lesquelles il sort à Paris puis en escapade corse. La liberté de la caméra portée et de l'improvisation relative des acteurs tranche avec les dialogues réenregistrés en studio et donne à ce film d'une fraîcheur insouciante une hybridité originale qui ouvrait la voie à La Nouvelle Vague. Une courte scène de danse face caméra est un moment sublime. DVD Z2 FR

Bruno Reidal (Vincent Le Fort, 2019) ***
En 1905, un jeune paysan séminariste du Cantal qui a tué un petit garçon est entendu par trois médecins. A partir de leur rapport et des mémoires de l'assassin - dites en voix off -, le film s'attache à entrer dans la psyché de celui-ci pour contextualiser la pulsion et le geste. Les paysages de la campagne sont le décor ensoleillé d'une détresse humaine d'une rare noirceur, rendue palpable par le jeu impressionnant de Dimitri Doré. BR FR 

Le charlatan / Nightmare Alley (Edmund Goulding, 1947) ***
Un opportuniste embauché dans une foire conquiert le succès en perfectionnant un numéro de mentaliste auprès d'un public aisé. Tyrone Power casse son image de play-boy sympathique dans ce film mi-noir mi-gothique sur la chute d'un homme attiré par l'abysse. Entièrement construit sur des séquences nocturnes et impliquant à la fois cartomancie, psychologie et psychanalyse, un extraordinaire hybride incompris à sa sortie. BR US

La minute de vérité (Jean Delannoy, 1952) **
Au chevet d'un jeune suicidé, un médecin découvre que celui-ci était l'amant de sa femme. Classicisme à la française pour ce drame de la bourgeoisie aux superbes scènes de confrontation entre Michèle Morgan et Jean Gabin dans les affres de l'adultère. Le choix de placer le point de vue entièrement du côté de l'épouse est excellent, apportant au propos une orientation clairement féministe très audacieuse pour l'époque. BR FR

Pour moi et ma mie / For me and my gal (Busby Berkeley, 1942) ***
En 1917, deux artistes de vaudeville forment un duo scénique au moment de l'entrée en guerre des Etats-Unis. Judy Garland dans son premier rôle adulte et Gene Kelly dans son premier rôle tout court crèvent l'écran de leur charisme et de leur talent dans cet épatant musical par Berkeley qui ne présente aucune de ses chorégraphies délirantes mais rend hommage au music-hall 1900 tout en poussant l'effort de guerre, la Seconde. BR US

Maigret (Patrice Leconte, 2022) ***
Le commissaire Maigret s'investit entièrement dans l'enquête sur la mort et l'identité d'une jeune femme anonyme retrouvée lardée de coups de couteaux. Comme souvent chez Simenon - et c'est superbement traduit par le film - le mystère criminel est prétexte à l'étude des personnalités et des atmosphères. Ici, c'est Maigret lui-même - Depardieu idéal tout en lassitude rentrée - qui est le sujet, bouleversé par des filles de vingt ans. BR FR

Le monstre sans visage / Ladron de cadaveres (Fernando Mendez, 1957) *
À Mexico, un détective et son acolyte pistent un savant fou qui greffe des cerveaux de gorilles à des catcheurs pour les rendre plus forts. L'horror mexicaine hybride les clichés hollywoodiens du genre dans un contexte hispano-kitsch à nul autre pareil. Dans ce film fondateur, Frankenstein et King Kong sont les références, redirigées dans le monde du catch, dont des matchs parsèment l'histoire. Du n'importe quoi cheap et amusant. BR US 

Pink flamingos (John Waters, 1972) ***
Dans la banlieue de Baltimore, une famille White Trailer Trash est défiée par un couple pervers. Stupéfiant d'anarchie, l'un des chefs-d'oeuvre de la période sacrée de Waters profane la morale, la censure et le bon bon goût en offrant à toute l'équipe des Dreamlanders - menée par Divine, fabuleuse - des dialogues et des actions franchissant toutes les limites. Hilarant et absolument culte, c'est l'un des grands films des 70s. BR UK 

La taverne de la Nouvelle-Orléans / Adventures of Captain Fabian (William Marshall, 1951) *
Vers 1860, une servante métisse manigance son maître à l'épouser. Une vraie curiosité que ce mélodrame en costumes que le titre fait passer pour un film d'aventures - le capitaine Fabian, c'est Errol Flynn en second rôle - car l'histoire est toute centrée autour de Micheline Presle  - Prelle en anglais - et de Vincent Price. Tout le monde surjoue, dont Agnès Moorehead en blackface, sans y croire. L'outrance est plutôt marrante. BR US

La nuée (Just Philippot, 2020) ***
En Auvergne, une aide-soignante reconvertie survit difficilement avec ses deux enfants de l'élevage de criquets comestibles jusqu'au jour où elle découvre l'efficacité du sang dans le développement des insectes. Ce qui pourrait n'être qu'un film horrifique de bestioles se révèle, grâce aux acteurs, à la réalisation et au scénario, un puissant suspense et une métaphore efficace sur la détresse contemporaine du monde agricole. BR FR