Attention : post rébarbatif !
That's all, Folks !
Entre 1981 et 1988, le critique de cinéma américain Danny Peary (né en 1949) a publié trois livres fondamentaux : Cult Movies, Cult Movies 2 et Cult Movies 3 (avec les sous-titres : "The Classics, the Sleepers, the Weird and the Wonderful") qui dressaient sa liste des titres de films qui pouvaient prétendre au titre de films-cultes. C'est lui, par l'intermédiaire de ces trois livres (et notamment du premier de la série en 1981) qui a définitivement popularisé ce terme de "Cult Movie" que tout le monde emploie depuis n'importe comment et en dépit du bon sens, le plus souvent dans une optique marketing. Ce n'est cependant pas lui qui en a forgé le terme, ce privilège revenant (et c'est toujours une source de grandes controverses) à Pauline Kael ou à Susan Sontag.
Pour remettre les choses en place, c'est dans son introduction de Cult Movies de 1981 que Danny Peary a donné ses pistes de définition d'un film-culte, puisque de définition magistrale, il n'y a point... par définition (c'est moi qui traduis ces lignes) :
Un "Cult Movie" est un film qui fait l'objet d'une adoration durable de la part d'un cercle réduit de spectateurs longtemps après sa première sortie et dont les images et les sons s'installent de façon permanente dans la vie quotidienne de ses fanatiques... Un "Cult Movie" se prête chez ses adorateurs à des interpétations multiples et contradictoires, inépuisables... Un "Cult Movie" implique le débat et la controverse, la discussion orale plus qu'écrite sur sa qualité artistique, sa thématique, son équipe créatrice... Un "Cult Movie" se revoit régulièrement... Un "Cult Movie" cessse de l'être dès qu'il connait un succès différé massif... 
Il faut se replacer dans le contexte : Danny Peary a écrit son premier bouquin Cult Movies à la fin des années 1970. La K7 vidéo vient alors de faire son apparition et est accessible à une frange aisée de la population, les vidéo-clubs sont très peu nombreux, la TV cablée est marginale, les vieux films ne repassent qu'à la télé, dans les ciné-clubs ou lors des ressorties de l'été, les livres sur le cinéma sont rares : l'accessibilité à l'histoire du cinéma est encore très réduite. La charge affective que ces films-cultes provoquent chez leurs admirateurs inconditionnels est relativement bien plus forte qu'aujourd'hui, où notre accès aux films anciens est très facile par le DVD, le câble, Internet... C'est donc surtout historiquement que ces listes sont intéressantes. Elles montrent aussi et justement à quel point le terme "culte" est versatile et quasi indéfinissable, les films couvrant les genres les plus divers et les valeurs les plus opposées du spectre critique "raisonnable". Il y a évidemment quelques intrus dans cette liste : je ne crois pas que Peary y ferait figurer aujourd'hui "La Cage aux Folles"... Et encore, peut être qu'il y a toujours des vrais dingues de ce film-là (c'était le cas à sa sortie et dans les quelques années qui la suivirent).
Danny Peary n'a malheureusement jamais continué sur les films des années 1990-2000 malgré la pression de ses lecteurs. Il l'a justifié en disant que les années 1990 ont fait du "Cult Movie" un objet de consommation grand public, souvent même produit en tant que tel, et que le concept original n'existe donc plus, qu'il a tout bonnement disparu. A ce jour, Danny Peary continue à écrire, mais des chroniques sportives...
Une faiblesse de ces listes est l'ignorance quasi totale des films non-américains. Mais une fois de plus, il faut se replacer dans le contexte et penser à l'accessibilité des films internationaux à l'époque. Et ne pas oublier que l'intérêt collectif pour les "Cult Movies" est apparu sur les campus des universités américaines, lors des projections du soir dans les ciné-clubs... En France, le concept de "film-culte" existe depuis encore plus longtemps mais n'avait jamais été défini à l'époque. Il suffit de se souvenir des délires des Cahiers du Cinéma et des habitués du Mac Mahon sur un film comme "Les Aventures de Hadji" en 1954, pour se rendre compte qu'ils avaient eu l'intuition d'être devant un Cult Movie, mais sans pouvoir l'expliquer formellement. 
Dans les trois bouquins de Danny Peary, chaque film est analysé d'une façon vraiment passionnée et éclairée. Ses notices font trois à quatre pages et étudient le film sous l'angle, après lecture, le plus pertinent, le plus évident. Quleques photos (noir et blanc) illustrent le propos. Cette trilogie est un must absolu pour les cinéphiles. Ceux qui les connaissent en ont tous, sans exception, fait des sortes de livres de chevet : depuis une vingtaine d'années, lorsque j'ai découvert Cult Movies 1 à la librairie W.H. Smith de la rue de Rivoli (je m'en souviens comme si c'était hier), je ne crois pas qu'il se soit passé une semaine sans que je relise une ou deux notices, par pur plaisir, par "délectation" comme on disait dans un autre temps. J'en connais, comme tous les fans des livres, les listes par coeur, dans l'ordre et à rebours et je m'étais donné à l'époque l'ambition de voir tous les films : c'est chose (presque) faite... 
Malheureusement et inexplicablement, la trilogie des Cult Movies n'est pas traduite en français. Mais je vous jure que sa lecture justifierait presque de se mettre sérieusement à l'anglais pour ceux qui y sont réfractaires. Oui, ces trois livres sont à ce point d'excellence. A titre d'info, à ce jour les livres sont épuisés mais on peut les trouver pour une bouchée de pain sur les sites de vente d'occasions du style eBay ou Marketplace... Pour les cinéphiles anglophones, surtout, n'hésitez pas : vous ne savez pas ce que vous manquez si vous ne connaissez pas la Cult Movies Trilogy.
Pour être complet sur le sujet, il faut aussi signaler qu'en 1986, Danny Peary a publié un autre livre de critiques de films, tout aussi indispensable : Guide for the Film Fanatic. Dans celui-là, ce sont 1.600 mini-essais (sur 1.600 films donc, du muet à 1986) qui reprennent le style d'analyse critique de sa trilogie des trois volumes de Cult Movies. La reliure de mon exemplaire de Guide for the Film Fanatic est morte depuis longtemps et les pages volent au vent mais il n'est pas semaine non plus où je ne le reprenne pas. Il a aussi écrit le fabuleux Alternate Oscars (sur les films et acteurs qui d'après lui, auraient dû recevoir les Oscars) et le fascinant Close-Ups (des portraits de movie stars). Que des livres-cultes, en somme...
Pour ceux que ça intéresse, voici les trois listes originales des 200 Cult Movies de Danny Peary. Désolé pour la longueur : it's for the record... 
Cult Movies (Danny Peary, 1981) : les 100 premiers titres
Aguirre, the Wrath of God - 1972 Herzog 
All about Eve - 1950 Mankiewicz 
Andy Warhol’s Bad – 1977 Johnson 
Badlands – 1974 Malick 
Beauty and the Beast (Belle et la Bête, La) – 1946 Cocteau 
Bedtime for Bonzo – 1951 de Cordova 
Behind the Green Door – 1972 Mitchell 
Beyond the Valley of the Dolls – 1970 Meyer 
Billy Jack – 1971 Franck 
Black Sunday (Masque du Démon, Le) – 1960 Bava 
Brood, The – 1979 Cronenberg 
Burn ! – 1970 Pontecorvo 
Caged Heat – 1974 Demme 
Casablanca – 1942 Curtiz 
Citizen Kane – 1941 Welles 
Conqueror Worm, The – 1968 Reeves 
Dance, Girl, Dance – 1940 Arzner 
Deep End – 1971 Skolimowski 
Detour – 1946 Ulmer 
Duck Soup – 1933 McCarey 
El Topo – 1971 Jodorowsky 
Emmanuelle – 1974 Jaeckin 
Enter the Dragon – 1973 Clouse
Eraserhead – 1978 Lynch
Eraserhead – 1978 Lynch
Fantasia – 1940 Disney 
Forbidden Planet – 1956 Wilcox 
Force of Evil – 1948 Polonsky 
42nd Street – 1933 Bacon 
Freaks – 1932 Browning 
Girl Can’t Help It, The – 1956 Tashlin 
Greetings – 1968 de Palma 
Gun Crazy – 1949 Lewis 
Halloween – 1978 Carpenter 
Hard Day’s Night, A – 1964 Lester 
Harder they Come, The – 1973 Henzell 
Harold and Maud – 1971 Ashby 
Honeymoon Killers, The – 1970 Kastle 
House of Wax – 1953 de Toth 
I Married a Monster from Outer Space – 1958 Fowler Jr 
I Walked with a Zombie – 1943 Tourneur 
Invasion of the Body Snatchers – 1956 Siegel 
It’s a Gift – 1934 McLeod 
It’s a Wonderful Life – 1946 Capra 
Jason and the Argonauts – 1963 Chaffey 
Johnny Guitar – 1954 Ray 
Killing, The – 1956 Kubrick 
King Kong – 1933 Cooper & Schoedsack 
King of Hearts (Roi de Coeur, Le) – 1967 de Broca 
Kiss me Deadly – 1955 Aldrich 
Cage aux Folles, La – 1979 Molinaro 
Land of the Pharaohs – 1955 Hawks 
Laura – 1944 Preminger 
Little Shop of Horrors, The – 1960 Corman 
Lola Montes – 1955 Ophuls 
Long Goodbye, The – 1973 Altman 
Mad Max – 1979 Miller 
Maltese Falcon, The – 1941 Huston 
Man of the West – 1958 Mann 
Night of the Living Dead – 1968 Romero 
Nutty Professor, The – 1963 Lewis 
Once upon a Time in the West – 1968 Leone 
Out of the Past – 1947 Tourneur 
Outrageous ! – 1977 Benner 
Pandora’s Box – 1929 Pabst 
Peeping Tom – 1960 Powell 
Performance – 1970 Roeg 
Petulia – 1968 Lester 
Pink Flamingos – 1973 Waters 
Plan 9 from Outer Space – 1956 Wood Jr 
Pretty Poison – 1968 Black 
Producers, The – 1968 Brooks 
Rain People, The – 1969 Coppola 
Rebel without a Cause – 1955 Ray 
Red Shoes, The – 1948 Powell & Pressburger 
Reefer Madness – 1936 Gasnier 
Rio Bravo – 1959 Hawks 
Rock’n’Roll High School – 1979 Arkush 
Rocky Horror Picture Show, The – 1975 Sharman 
Scarlet Empress, The – 1934 Von Sternberg 
Searchers, The – 1956 Ford 
Shock Corridor – 1963 Fuller 
Shooting, The – 1967 Hellman 
Singin’ in the Rain - 1952 Kelly & Donen 
Sunset Boulevard – 1950 Wilder 
Sylvia Scarlett – 1935 Cukor 
Tall T, The – 1957 Boetticher 
Targets – 1968 Bogdanovich 
Tarzan and his Mate – 1934 Gibbons 
Texas Chain Saw Massacre, The – 1974 Hooper 
Top Hat – 1935 Sandrich 
Trash – 1970 Morrissey 
Two for the Road – 1967 Donen 
Two-Lane Blacktop – 1971 Hellman 
2001 : A Space Odyssey – 1968 Kubrick 
Up in Smoke – 1978 Adler 
Vertigo – 1985 Hitchcock 
Warriors, The – 1979 Hill 
Cult Movies 2 (Danny Peary, 1983) : les 50 titres suivants
Altered States – 1980 Russell 
American Friend, The – 1977 Wenders 
Barbarella – 1968 Vadim 
Basket Case – 1982 Henenlotter 
Beat the Devil – 1954 Huston 
Bedazzled – 1967 Donen 
Big Heat, The – 1953 Lang 
Blood Feast – 1963 Lewis 
Blood Money – 1933 Brown 
Boy and his Dog, A – 1975 Jones 
Breathless (A Bout de Souffle) – 1959 Godard 
Bride of Frankenstein, The – 1935 - Whale 
Children of Paradise (Enfants du Paradis, Les) – 1945 Carné 
Clockwork Orange, A – 1971 Kubrick 
Cutter’s Way – 1981 Passer 
Dark Star – 1975 Carpenter 
Daughters of Darkness – 1971 Kumel 
First Nudie Musical, The – 1976 Haggard 
Godzilla – 1954 Honda 
Great Texas Dynamite Chase, The – 1977 Pressman 
High School Confidential – 1958 Arnold 
His Girl Friday – 1940 Hawks 
Last Tango in Paris – 1973 Bertolucci 
Man who Fell to Earth, The – 1976 Roeg 
Marnie – 1964 Hitchcock 
Massacre at Central High – 1976 Daalder 
Mommie Dearest – 1981 Perry 
Monthy Python and the Holy Grail – 1974 Gilliam 
Morgan ! – 1966 Reisz 
Ms. 45 – 1981 Ferrara 
My Darling Clementine – 1946 Ford 
Night of the Demon – 1957 Tourneur 
Nightmare Alley – 1947 Goulding 
Parallax View, The – 1974 Pakula 
Phantom of the Paradise – 1974 de Palma 
Picnic at Hanging Rock – 1975 Weir 
Pretty Baby – 1978 Malle 
Quadrophenia – 1979 Roddam 
Salt of the Earth – 1954 Biberman 
Seventh Seal, The – 1956 Bergman 
Some Like it Hot – 1959 Wilder 
Sullivan’s Travels – 1941 Sturges 
Taxi Driver – 1976 Scorsese 
To Be or Not To Be – 1942 Lubitsch
Vanishing Point - 1971 Sarafian
White Heat - 1949 Walsh
Wicker Man, The - 1973 Hardy
Willy Wonka and the Chocolate Factory - 1971 Stuart
Wuthering Heights - 1939 Wyler
Zardoz - 1974 Boorman
Cult Movies 3 (Danny Peary, 1988) : les 50 derniers titres
An American Werewolf in London - 1981 Landis 
Annie Hall - 1977 Allen 
Black Cat, The - 1934 Ulmer 
Blade Runner - 1982 Scott
Blue Velvet - 1986 Lynch
Blue Velvet - 1986 Lynch
Body Heat - 1981 Kasdan 
Cabinet of Dr. Caligari, The - 1919 Wiene 
Cafe Flesh - 1982 Dream 
Chilly Scenes of Winter - 1982 Silver 
Choose Me - 1984 Rudolph 
Diva - 1982 Beinex 
Dr. Strangelove - 1964 Kubrick
Easy Rider - 1969 Hopper 
Faster, Pussycat ! Kill ! Kill ! - 1966 Meyer 
Five Million Years to Earth - 1968 Baker 
Gentlemen Prefer Blondes - 1953 Hawks 
Glen or Glenda ? - 1952 Wood, Jr. 
Gods Must Be Crazy, The - 1980 Uys 
Imitation of Life - 1959 Sirk 
In a Lonely Place - 1950 Ray 
It's a Mad, Mad, Mad, Mad World - 1963 Kramer 
Liquid Sky - 1983 Tsukerman 
Martin - 1978 Romero 
Miracle on 34th Street - 1947 Seaton 
Monsieur Verdoux - 1947 Chaplin 
Naked Kiss, The - 1964 Fuller 
Napoleon - 1927 Gance 
New York, New York - 1977 Scorsese 
Night of the Hunter, The - 1955 Laughton 
Now, Voyager - 1942 Rapper 
Los Olvidados - 1950 Bunuel 
On Her Majesty's Secret Service - 1969 Hunt 
One-Eyed Jacks - 1961 Brando 
Over the Edge - 1979 Kaplan 
Psycho - 1960 Hitchcock 
Quiet Man, The - 1952 Ford 
Ride the High Country - 1962 Peckinpah 
Road Warrior, The - 1981 Miller
Seconds - 1966 Frankenheimer 
Sons of the Desert - 1933 Seiter 
Star is Born, A - 1954 Cukor 
Stunt Man, The - 1980 Rush 
Terminator, The - 1984 Cameron 
That Hamilton Woman - 1941 Korda
Thief of Bagdad, The - 1940 Berger/Powell/Whelan 
Thing from Another World, The - 1951 Nyby 
Touch of Evil - 1958 Welles 
Walkabout - 1971 Roeg 
Wanderers, The - 1979 Kaufman 
Where the Boys Are - 1960 Levin 
That's all, Folks !
 
 
 


 

J'ai commandé le premier volume aujourd'hui... merci pour l'info !!
RépondreSupprimerJe suis certain que tu ne seras pas déçu !
RépondreSupprimerEt Danny Peary a aussi écrit un Cult Movie Stars, seul titre que je possède de cet auteur... Je mets les autres sur ma wishlist !
RépondreSupprimerC'est vrai : j'ai oublié Cult Movie Stars qui est très agréable à parcourir mais dont les notices sont beaucoup plus legères que celles de ses autres livres. De toutes façons, tout ce que Danny Peary a écrit sur le ciné est bon à lire.
RépondreSupprimerExcellent article qui suscite de ma part une ou deux observations.En validant l'iconolatrie, Les cult movies relèvent d'archétypes qui précèdent largement l'invention des frères Lumière.Culte des images, adorateurs etc, voila bien le champ lexical du religieux.Parce qu'au delà d'une nécessaire légitimité, le cinéma éprouvait le besoin d'une théologie intrinsèque pour justifier une existence autonome.En consultant la liste de Danny Peary,on trouve pourtant des films litteralement iconoclastes comme Beyond the valley of the Dolls ou Glen or Glenda, ce qui ne constitue pas pour autant une contradiction,toute religion supposant son inévitable transgression.A la reflexion,je crois qu'une lecture du cinéma sous le prisme de Mircea Eliade donnerait des choses passionnantes.
RépondreSupprimerTu as raison François, la terminologie des Cult Movies et les rites de leurs fidèles montrent que le sens du sacré en est indissociable. Maintenant, pour les films que tu mentionnes et quelques autres, ce sont précisément ceux qui font partie de la crème de la crème des Cult Movies. Pour reprendre le mot de je ne sais plus qui : "Ce sont les plus grandes putains qui font les plus grandes saintes".
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