Un merveilleux conte pour enfants à la poésie duquel les adultes ne sauraient rester insensibles, Un jour, un chat (Az prijde kocour), film tchèque réalisé par Vojtech Jasny en 1963, est un parfait exemple de la liberté créatrice à laquelle certains réalisateurs pouvaient prétendre lors du court dégel qui survint derrière le Rideau de Fer au cours des années 1960. Je ne connaissais pas l’existence de ce film jusqu’à il y a quelque jours (encore une découverte dûe au hasard du Net) et mon envie de le voir m’a poussé à commander le DVD sur un site tchèque. Sans regret : c’est un film d’une légèreté qui confine à la grâce.
Au début des années 1960, dans une petite ville tchécoslovaque, un vieil homme regarde avec des jumelles les habitants vaquer à leurs occupations depuis la tour d’une église. Il en commente tout seul les faits et actes, les générosités et les bassesses. Dans la salle de classe primaire de l'école, un maître idéaliste demande à ses jeunes élèves de dessiner ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas dans le monde qui les entoure. Comme ils aiment bien le vieil homme, qui est une figure de la petite ville, celui-ci vient poser pour eux et se met à leur raconter une drôle d’histoire. Autrefois, une troupe itinérante était passée dans la ville, composée notamment d’un magicien, de sa belle assistante et d’un chat portant des lunettes magiques. Quand l’assistante retirait les lunettes du chat, les gens apparaissaient colorés selon leur personnalité (gris pour les voleurs, jaunes pour les infidèles, violet pour les menteurs, rouge pour les amoureux). Cela avait provoqué une belle pagaille dans la ville car personne n’était prêt à être ainsi dévoilé devant tout le monde. Puis la troupe était partie comme elle était venue. Quelque temps plus tard, une musique foraine se fait entendre à l’entrée de la ville : c’est la troupe itinérante qui est de retour avec le chat à lunettes. Après un spectacle public au cours duquel la jolie assistante retire les lunettes du chat, les personnages se colorent comme par magie, selon leurs qualités et leurs travers, pour le plus grand bonheur des enfants qui eux ne changent pas de couleur. Démasqués, plusieurs notables de la ville veulent alors faire la peau du chat pour l’empailler et le mettre au musée. Et la pagaille de recommencer…
Un jour, un chat est donc un conte (et une fable) avec des personnages qui sont des archétypes, comme dans tous les contes : le rêveur, le fourbe, la médisante, la gentille… Et l’univers des adultes est bien distinct de celui des enfants : seuls le maître d'école et le vieil homme font le lien entre les deux. Mais l’histoire n’a pas très grande importance, c’est surtout son esprit qui compte. La morale de la fable est qu'il est difficile de garder adulte les préceptes moraux qu'on nous enseigne lorsqu'on est enfant. Quant à l'esprit poétique de tous les instants, c'est lui qui permet de dire par métaphore des choses sans doute très parlantes aux spectateurs qui ont vu le film à sa sortie. Les lunettes semblent bien être la visière que le communisme impose aux individus, dans son idéalisation pervertie de la société. Une fois les lunettes retirées, l’Homme revenu à lui-même apparaît dans toute sa complexité identitaire. Les enfants, promesse de la nouvelle génération du dégel, sont les premiers à vouloir protéger le chat magique qui leur donne à voir le Monde tel qu’il est lorsqu’il est libéré de la contrainte et des faux-semblants importés de Moscou. Le réalisateur du film, Vojtech Jasny, aura évidemment des démêlés avec la censure soviétique une fois le rideau de fer retombé et partira alors travailler en Allemagne et en Autriche. L’originalité et l’intelligente insolence d’Un jour, un chat lui ont permis de recevoir le Prix Spécial du Jury et le Prix de la Commission Supérieure Technique au Festival de Cannes 1963.
Aujourd’hui, le film peut être vu comme un passionnant témoignage historique de la libération du cinéma tchèque des années 60 et donc de la chose politique de l’époque. Mais c’est l’inventivité visuelle du film qui continue d’étonner : l’utilisation magistrale du format large (1:2.35) qui rend justice à la splendide place publique de la ville (le film a été tourné à Telc, une ville de Bohême classée au patrimoine mondial de l’Unesco) et à sa campagne environnante, le montage qui mélange les longs plans-séquences et les effets psychédéliques, l’irruption de la longue scène de mimes et de marionnettes lors de séquence du spectacle et bien sûr et avant tout, le travail très surprenant sur la couleur (toutes les scènes avec les personnages colorés en gris, jaune, violet ou rouge qui évoluent parmi d’autres en couleurs naturelles). Je ne crois pas avoir jamais vu un film en couleurs l'utilisant de cette façon. La musique du film par Svatopluk Havelka ( ?) est formidable, entre jazz, classique et pop sixties.
Les acteurs, dont je ne connaissais aucun visage, sont tous très bons quand on garde à l’esprit qu’ils jouent dans un conte, ce qui n’implique pas un jeu naturaliste de leur part. Jan Werich (qui incarne à la fois le vieil homme et le magicien) semble avoir été une personnalité du cinéma tchèque et Jiri Sovak (le maître d'école) et Emilie Vasaryova (Diana, l’assistante du magicien) semblent être devenus des stars nationales suite à la sortie du film en 1963. Quant aux enfants, ils sont simplement eux-mêmes et apportent une fraîcheur supplémentaire à cette histoire qui en avait déjà beaucoup. Et le chat, malicieux comme tout, avec ou sans lunettes, est une révélation (les gros plans de ses yeux inquisiteurs qui scrutent les personnages sont géniaux).
Bref, Un jour, un chat (connu en anglais sous les titres When the cat comes ou Cassandra Cat) est une excellente surprise, un film d’une rare originalité, constamment créatif, léger, drôle et enrichi par ses différents niveaux de lecture. Je le recommande sans réserve pour les aventuriers et les curieux.
Le DVD tchèque (Filmexport Home Video) présente le film dans un excellent transfert anamorphique à l’image, couleur et son impeccables. Le film est en tchèque avec sous-titres anglais amovibles. Le DVD est truffé de bonus (le film semble être un classique du cinéma tchèque) mais sans sous-titres, je n’ai donc aucune idée de ce qui est dit dans les divers documentaires et interviews.
Au début des années 1960, dans une petite ville tchécoslovaque, un vieil homme regarde avec des jumelles les habitants vaquer à leurs occupations depuis la tour d’une église. Il en commente tout seul les faits et actes, les générosités et les bassesses. Dans la salle de classe primaire de l'école, un maître idéaliste demande à ses jeunes élèves de dessiner ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas dans le monde qui les entoure. Comme ils aiment bien le vieil homme, qui est une figure de la petite ville, celui-ci vient poser pour eux et se met à leur raconter une drôle d’histoire. Autrefois, une troupe itinérante était passée dans la ville, composée notamment d’un magicien, de sa belle assistante et d’un chat portant des lunettes magiques. Quand l’assistante retirait les lunettes du chat, les gens apparaissaient colorés selon leur personnalité (gris pour les voleurs, jaunes pour les infidèles, violet pour les menteurs, rouge pour les amoureux). Cela avait provoqué une belle pagaille dans la ville car personne n’était prêt à être ainsi dévoilé devant tout le monde. Puis la troupe était partie comme elle était venue. Quelque temps plus tard, une musique foraine se fait entendre à l’entrée de la ville : c’est la troupe itinérante qui est de retour avec le chat à lunettes. Après un spectacle public au cours duquel la jolie assistante retire les lunettes du chat, les personnages se colorent comme par magie, selon leurs qualités et leurs travers, pour le plus grand bonheur des enfants qui eux ne changent pas de couleur. Démasqués, plusieurs notables de la ville veulent alors faire la peau du chat pour l’empailler et le mettre au musée. Et la pagaille de recommencer…
Un jour, un chat est donc un conte (et une fable) avec des personnages qui sont des archétypes, comme dans tous les contes : le rêveur, le fourbe, la médisante, la gentille… Et l’univers des adultes est bien distinct de celui des enfants : seuls le maître d'école et le vieil homme font le lien entre les deux. Mais l’histoire n’a pas très grande importance, c’est surtout son esprit qui compte. La morale de la fable est qu'il est difficile de garder adulte les préceptes moraux qu'on nous enseigne lorsqu'on est enfant. Quant à l'esprit poétique de tous les instants, c'est lui qui permet de dire par métaphore des choses sans doute très parlantes aux spectateurs qui ont vu le film à sa sortie. Les lunettes semblent bien être la visière que le communisme impose aux individus, dans son idéalisation pervertie de la société. Une fois les lunettes retirées, l’Homme revenu à lui-même apparaît dans toute sa complexité identitaire. Les enfants, promesse de la nouvelle génération du dégel, sont les premiers à vouloir protéger le chat magique qui leur donne à voir le Monde tel qu’il est lorsqu’il est libéré de la contrainte et des faux-semblants importés de Moscou. Le réalisateur du film, Vojtech Jasny, aura évidemment des démêlés avec la censure soviétique une fois le rideau de fer retombé et partira alors travailler en Allemagne et en Autriche. L’originalité et l’intelligente insolence d’Un jour, un chat lui ont permis de recevoir le Prix Spécial du Jury et le Prix de la Commission Supérieure Technique au Festival de Cannes 1963.
Aujourd’hui, le film peut être vu comme un passionnant témoignage historique de la libération du cinéma tchèque des années 60 et donc de la chose politique de l’époque. Mais c’est l’inventivité visuelle du film qui continue d’étonner : l’utilisation magistrale du format large (1:2.35) qui rend justice à la splendide place publique de la ville (le film a été tourné à Telc, une ville de Bohême classée au patrimoine mondial de l’Unesco) et à sa campagne environnante, le montage qui mélange les longs plans-séquences et les effets psychédéliques, l’irruption de la longue scène de mimes et de marionnettes lors de séquence du spectacle et bien sûr et avant tout, le travail très surprenant sur la couleur (toutes les scènes avec les personnages colorés en gris, jaune, violet ou rouge qui évoluent parmi d’autres en couleurs naturelles). Je ne crois pas avoir jamais vu un film en couleurs l'utilisant de cette façon. La musique du film par Svatopluk Havelka ( ?) est formidable, entre jazz, classique et pop sixties.
Les acteurs, dont je ne connaissais aucun visage, sont tous très bons quand on garde à l’esprit qu’ils jouent dans un conte, ce qui n’implique pas un jeu naturaliste de leur part. Jan Werich (qui incarne à la fois le vieil homme et le magicien) semble avoir été une personnalité du cinéma tchèque et Jiri Sovak (le maître d'école) et Emilie Vasaryova (Diana, l’assistante du magicien) semblent être devenus des stars nationales suite à la sortie du film en 1963. Quant aux enfants, ils sont simplement eux-mêmes et apportent une fraîcheur supplémentaire à cette histoire qui en avait déjà beaucoup. Et le chat, malicieux comme tout, avec ou sans lunettes, est une révélation (les gros plans de ses yeux inquisiteurs qui scrutent les personnages sont géniaux).
Bref, Un jour, un chat (connu en anglais sous les titres When the cat comes ou Cassandra Cat) est une excellente surprise, un film d’une rare originalité, constamment créatif, léger, drôle et enrichi par ses différents niveaux de lecture. Je le recommande sans réserve pour les aventuriers et les curieux.
Le DVD tchèque (Filmexport Home Video) présente le film dans un excellent transfert anamorphique à l’image, couleur et son impeccables. Le film est en tchèque avec sous-titres anglais amovibles. Le DVD est truffé de bonus (le film semble être un classique du cinéma tchèque) mais sans sous-titres, je n’ai donc aucune idée de ce qui est dit dans les divers documentaires et interviews.
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