Allez, un post en hommage aux créateurs/animateurs d'une émission TV qui a totalement changé le rapport des spectateurs au cinéma aux Etats-Unis, et par voie de conséquence, dans le monde entier : Rogert Ebert (né en 1942), Gene Siskel (1946-1999) et Richard Roeper (né en 1959).
Le 21 juillet 2008, Ebert et Roeper annoncaient que le format de leur émission At the Movies s'arrêterait en août 2008 après, sous divers avatars, 33 ans d'existence (la plus longue émission de cinéma de l'histoire de la télévison). ABC/Disney, producteur et propriétaire de l'émission, voulait lui donner une autre orientation à partir de septembre 2008 et les deux animateurs avaient décidé, bon gré mal gré, de quitter la boutique.
L'émission, enregistrée depuis toujours à Chicago, a commencé en 1975 sous le titre Sneak Previews : le critique de cinéma Roger Ebert y faisait des critiques argumentées et illustrées d'extraits des films à l'affiche. En 1986, il embarque un autre critique, Richard Siskel. Le format de l'émission, rebaptisée Siskel & Ebert at the Movies change : Ebert & Siskel, assis dans une salle de ciné, discutent à bâtons rompus des films à l'affiche et de certains films anciens. Comme ils ont des goûts plutôt différents sur le cinéma, cela créé assez souvent des discussions enflammées pour le plus grand plaisir des spectateurs. Siskel meurt d'un cancer en 1999 et est remplacé en 2000 par Richard Roeper dans une émission identique au titre modifié : Ebert & Roeper at the Movies. C'est cette émission qui s'arrête en août 2008. En septembre 2008, elle est reprise sous le titre At the Movies avec une nouvelle formule et une toute autre équipe, très rajeunie, des jeunes loups formatés aux écoles de journalisme.
Ebert, Siskel et Roeper ont à leur crédit d'avoir ouvert les yeux des téléspectacteurs américains sur les possibilités de lecture d'un film et essayé de leur faire comprendre que le cinéma était un diverstissement, une industrie mais aussi un art. La critique de cinéma écrite, qui seule faisait référence jusque-là, était doublée par le critique télévisuelle, ce qui lui a donné une visibilité beaucoup plus grande. Leurs analyses courtes mais pertinentes et passionnées d'un film par rapport à son histoire, ses acteurs, son réalisateur, sa technique, ses références, ses significations historiques, sociales et économiques... ont ouvert une porte auprès du public américain et donné naissance à plusieurs générations de critiques en herbe qui, pour certains, ont depuis volé de leurs propres ailes dans la presse, la TV, le web ou la blogosphère.
Ils ont aussi osé intégrer la part de sensibilté personnelle et d'émotion de spectateur que peut avoir le critique de cinéma dans ses avis, des paramètres essentiels que la critique européenne a toujours eu tendance à mettre de côté au profit de l'analyse purement technique ou intellectuelle. Leur système imparable de jugement d'un film depuis 1981 (qui pollue il faut bien l'avouer les jaquettes de DVD Z1) est basé sur les fameux "Thumbs Up" ou "Thumbs Down", qui ont le mérite de la lisibilité immédiate.
Roger Ebert publie depuis 1967 dans le "Chicago Sunday Times" ses critiques de films. Il a aussi publié pas mal de livres sur le cinéma, écrit des scénarios (notamment Beyond de Valley of the Dolls de Russ Meyer...) et a remporté le Pulitzer Prize en 1975 dans la section "Critique de Films". Il est le premier et l'un des trois seuls critiques ciné à l'avoir eu avec Stephen Hunter du "Washington Post" en 2003 et Joe Morgenstern du "Wall Street Journal" en 2005. Cette récompense prestigieuse reconnaissait sa contribution à avoir fait de la critique de cinéma un genre littéraire à part entière.
Souffrant d'un cancer depuis quelques années et incapable de parler suite à ses diverses chirurgies de la mâchoire, Roger Ebert (âgé de 67 ans en 2009) ne participait plus physiquement depuis déjà quelques temps son émission TV mais reste très présent sur son site internet et son blog qui sont d'une lecture qui, personnellement, m'enthousiasme toujours autant, qu'il y parle de "The Dark Knight", de "L'Avventura", de "La Vie des Autres", des "Enfants du Paradis" ou de "Benjamin Button".
Tout cela pour dire que Ebert, Siskel et Roeper, qu'on supporte ou pas leurs gimmicks (et surtout leurs "Thumbs"), sont des grands bonshommes avec formidable culture de l'histoire du cinéma et dont les avis, qu'on les partage ou pas - et pour ma part, je les partage à près de 90 % je pense - sont le type de critiques qui ont mis leur savoir et leur curiosité, leur opinions et leur personnalités au service du grand public auquel ils ont donné les clés pour regarder les films d'une façon plus enrichissante. Ils ont aussi contribué au développement de l'intérêt des américains pour les cinémas d'autres pays, même si il reste encore du beaucoup de travail à faire. Werner Herzog, qui n'est pas le plus commercial des réalisateurs, vient d'ailleurs de dédicacer son dernier film/documentaire (Encounters at the End of the World, 2008) "à son ami Roger Ebert".
En 33 ans, Ebert, Siskel et Roeper ont fait un boulot vraiment remarquable, aux Etats-Unis et dans les pays anglophones mais aussi, par ricochet, partout ailleurs où on va au cinéma ou on regarde des DVD : ils n'en seront jamais assez remerciés et la page qui s'est tournée en août 2008 avec leur départ d'ABC a bien marqué la fin d'une époque.
Salut Tom, ravi de voir que tu as fait du rangement et repris un rythme plus soutenu de tes chroniques. Je vais continuer à faire des dédouvertes et cela est un vrai plaisir...
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