Le dernier volet de la trilogie de Joe après Flesh (1968) et Trash (1970), Heat (1972) déplace le décor des aventures de son antihéros de New-York à Los Angeles et trouve dans la cité du cinéma une inspiration classicisante qu’ignoraient totalement les deux premiers opus. L’esprit d’improvisation de la Factory d’Andy Warhol n’est plus qu’un souvenir presque effacé alors que les règles du cinéma traditionnel semblent reprendre les rênes. Si Heat n’est pas le plus novateur des trois films, c’est celui qui a le plus de structure, de références et d’humour et finalement, c’est, au sens propre, le plus réjouissant.
Joey (Joe Dallessandro), 24 ans, acteur de sitcom au chômage, revient à Los Angeles pour essayer de trouver du travail. Il s’installe dans un motel de seconde zone tenu par l’imposante Lydia (Pat Ast) dont les clients sont tous des losers en quête inactive de succès sous les spotlights mais qui passent leur temps autour de la piscine. Parmi eux, la jeune droguée Jessica (Andrea Feldman), son enfant dont elle est incapable de s’occuper et une amie lesbienne. Un jour, Sally (Sylvia Miles), la mère de Jessica et ex-petite célébrité du cinéma vient voir sa fille au motel et tombe sur Joey qu’elle a croisé naguère sur un tournage. L’actrice sur le retour s’amourache du beau gosse et ce faisant, déclenche des péripéties mélodramatico-comiques qui secouent ce panier d’outsiders…
Bénéficiant de toute évidence d’un budget et d’un temps de tournage plus confortables que ceux des films précédents, Heat reste quand même très libre et indépendant dans sa construction, son montage, sa direction d’acteurs et conclue la grande période des films réalisés ou supervisés par Andy Warhol. Réalisé la même année que Pink Flamingos de John Waters avec lequel il partage de nombreux points (notamment l’impression – fausse – d’improvisation des dialogues), il ouvre la voie au cinéma indépendant californien, dont il semble creuser le nid en plein cœur du territoire du cinéma classique.
Heat est porté par les numéros d’acteurs, qui frisent parfois l’amateurisme et qui conviennent parfaitement à l’histoire racontée. Joe Dallessandro n’a pratiquement rien à faire que montrer son corps dénudé sous toutes les coutures et coucher avec chacun des autres personnages (mais sans nudité frontale comme dans Flesh et Trash), les clients du motel font tous leur numéro qui ne doit pas être bien éloigné de ce qu’ils sont dans la réalité. Andrea Feldman, notamment, est criante de vérité dans son rôle de junkie/nymphomane/mère indigne. L’impressionnante Pat Hast, odieuse tenancière, vole la vedette à tous ses partenaires lorsqu’elle apparaît dans une scène : sa présence physique, son visage bouffi et son verbe méprisant sont sans doute les souvenirs les plus forts qu’on garde du film. La seule actrice professionnelle du film est justement celle qui joue l’ex-célébrité et qui a l’âge d’être la mère de tous les autres acteurs : Sylvia Miles reprend à son compte le type de personnage créé par Gloria Swanson dans Sunset Boulevard (film auquel Heat rend d’ailleurs souvent hommage, notamment avec la grande demeure néo-gothique habitée par Sally). Sylvia Miles (près de 50 ans au moment du tournage), comme Dallessandro, Feldman et Ast, faisait partie à l’époque de la « bande à Warhol » et espérait avec Heat relancer une carrière qui ne décollait pas vraiment. Elle est étonnante par ce qu’elle ose faire dans le film : jouer avec son âge dans des scènes de nudité et des actes de ridicule extrême.
Le personnage de Joey (c’était Joe dans Flesh et Trash, signe clair que dans Heat, il ne joue plus son propre rôle mais un personnage de fiction, quelqu’un d’un peu différent à une lettre près) est l’une des créatures les plus passives jamais rencontrée dans un film américain : objet du désir de celles et ceux qui croisent son chemin, beaux et laids, jeunes et vieux, il leur prête son corps avec un détachement impérial, espérant sans doute recevoir un jour en échange la promesse d’un rôle auquel il ne croit plus. Ses scènes avec ses partenaires sont toutes excellentes par leur « cool attitude », notamment celles avec la vorace Sylvia Miles. La dernière scène de l’actrice, qui ferme brillamment le film sur un mot de quatre lettres, est inoubliable de drôlerie pathétique.
Heat est un film qui pourrait donner la définition du mot « camp » et l’on ne peut s’empêcher de sourire ou de rire franchement aux cris et gesticulations outrancières de ses personnages hauts-en-couleurs. Mais c’est aussi une date-charnière dans le cinéma du début des années 70 : les films indépendants réalisés jusqu’alors sur la côte Est des USA allaient, dans son sillage, commencer à s’implanter à Hollywood même. Paul Morrissey réalisait ainsi le rêve d’Andy Warhol : se faire une place sur les lieux de l’Histoire des stars de cinéma que le Pape du Pop adorait follement.
C’est du fait-divers, mais le symbole n’est pas négligeable (la date marque en fait la vraie mort de la grande ère de la Factory, quatre ans après l’assassinat raté de Warhol en 1968) : le 8 août 1972, deux mois avant la sortie de Heat dans lequel elle avait été formidable, Andrea Feldman, 24 ans, sauta dans le vide d’une fenêtre de son appartement new-yorkais et s’écrasa sur le trottoir au pied de plusieurs de ses ex-boyfriends qu’elle avait invités à l’heure et lieu du happening. Elle tenait dans une main un rosaire et dans l’autre une bouteille de Coca-Cola. Warholienne jusqu’au bout…
Joey (Joe Dallessandro), 24 ans, acteur de sitcom au chômage, revient à Los Angeles pour essayer de trouver du travail. Il s’installe dans un motel de seconde zone tenu par l’imposante Lydia (Pat Ast) dont les clients sont tous des losers en quête inactive de succès sous les spotlights mais qui passent leur temps autour de la piscine. Parmi eux, la jeune droguée Jessica (Andrea Feldman), son enfant dont elle est incapable de s’occuper et une amie lesbienne. Un jour, Sally (Sylvia Miles), la mère de Jessica et ex-petite célébrité du cinéma vient voir sa fille au motel et tombe sur Joey qu’elle a croisé naguère sur un tournage. L’actrice sur le retour s’amourache du beau gosse et ce faisant, déclenche des péripéties mélodramatico-comiques qui secouent ce panier d’outsiders…
Bénéficiant de toute évidence d’un budget et d’un temps de tournage plus confortables que ceux des films précédents, Heat reste quand même très libre et indépendant dans sa construction, son montage, sa direction d’acteurs et conclue la grande période des films réalisés ou supervisés par Andy Warhol. Réalisé la même année que Pink Flamingos de John Waters avec lequel il partage de nombreux points (notamment l’impression – fausse – d’improvisation des dialogues), il ouvre la voie au cinéma indépendant californien, dont il semble creuser le nid en plein cœur du territoire du cinéma classique.
Heat est porté par les numéros d’acteurs, qui frisent parfois l’amateurisme et qui conviennent parfaitement à l’histoire racontée. Joe Dallessandro n’a pratiquement rien à faire que montrer son corps dénudé sous toutes les coutures et coucher avec chacun des autres personnages (mais sans nudité frontale comme dans Flesh et Trash), les clients du motel font tous leur numéro qui ne doit pas être bien éloigné de ce qu’ils sont dans la réalité. Andrea Feldman, notamment, est criante de vérité dans son rôle de junkie/nymphomane/mère indigne. L’impressionnante Pat Hast, odieuse tenancière, vole la vedette à tous ses partenaires lorsqu’elle apparaît dans une scène : sa présence physique, son visage bouffi et son verbe méprisant sont sans doute les souvenirs les plus forts qu’on garde du film. La seule actrice professionnelle du film est justement celle qui joue l’ex-célébrité et qui a l’âge d’être la mère de tous les autres acteurs : Sylvia Miles reprend à son compte le type de personnage créé par Gloria Swanson dans Sunset Boulevard (film auquel Heat rend d’ailleurs souvent hommage, notamment avec la grande demeure néo-gothique habitée par Sally). Sylvia Miles (près de 50 ans au moment du tournage), comme Dallessandro, Feldman et Ast, faisait partie à l’époque de la « bande à Warhol » et espérait avec Heat relancer une carrière qui ne décollait pas vraiment. Elle est étonnante par ce qu’elle ose faire dans le film : jouer avec son âge dans des scènes de nudité et des actes de ridicule extrême.
Le personnage de Joey (c’était Joe dans Flesh et Trash, signe clair que dans Heat, il ne joue plus son propre rôle mais un personnage de fiction, quelqu’un d’un peu différent à une lettre près) est l’une des créatures les plus passives jamais rencontrée dans un film américain : objet du désir de celles et ceux qui croisent son chemin, beaux et laids, jeunes et vieux, il leur prête son corps avec un détachement impérial, espérant sans doute recevoir un jour en échange la promesse d’un rôle auquel il ne croit plus. Ses scènes avec ses partenaires sont toutes excellentes par leur « cool attitude », notamment celles avec la vorace Sylvia Miles. La dernière scène de l’actrice, qui ferme brillamment le film sur un mot de quatre lettres, est inoubliable de drôlerie pathétique.
Heat est un film qui pourrait donner la définition du mot « camp » et l’on ne peut s’empêcher de sourire ou de rire franchement aux cris et gesticulations outrancières de ses personnages hauts-en-couleurs. Mais c’est aussi une date-charnière dans le cinéma du début des années 70 : les films indépendants réalisés jusqu’alors sur la côte Est des USA allaient, dans son sillage, commencer à s’implanter à Hollywood même. Paul Morrissey réalisait ainsi le rêve d’Andy Warhol : se faire une place sur les lieux de l’Histoire des stars de cinéma que le Pape du Pop adorait follement.
C’est du fait-divers, mais le symbole n’est pas négligeable (la date marque en fait la vraie mort de la grande ère de la Factory, quatre ans après l’assassinat raté de Warhol en 1968) : le 8 août 1972, deux mois avant la sortie de Heat dans lequel elle avait été formidable, Andrea Feldman, 24 ans, sauta dans le vide d’une fenêtre de son appartement new-yorkais et s’écrasa sur le trottoir au pied de plusieurs de ses ex-boyfriends qu’elle avait invités à l’heure et lieu du happening. Elle tenait dans une main un rosaire et dans l’autre une bouteille de Coca-Cola. Warholienne jusqu’au bout…